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Enfin, comme résidence, 18 habitent la rive droite, 21 la rive gauche (le duc d'Aumale est en exil, comme Victor Hugo le fut sous l'Empire); tous sont éparpillés sur les points les plus divers du vaste Paris ; ce qui représente une large dépense de courses à pied ou en voiture pour les postulants au 40° fauteuil. Coutume absurde, soit dit en passant, car le règlement en 17 articles de l'Académie française, délibéré par elle en juin 1816, interdit au contraire ces visites que l'on croit imposées '. Voici le texte formel de l'art. 14 : « Les prétendants aux places vacantes seront invités à se dispenser de faire aucune visite aux académiciens pour solliciter leurs suffrages. Il suffira qu'il fassent connaître leur vou, soit en le communiquant de vive voix ou par écrit à un académicien, soit en se faisant inscrire au secrétariat. »

EDMOND RENAUDIN.

Croyance, il est vrai, qui nous a valu le bien joli conte d'Andrieux :

Pour entrer à l'Académie,

Un candidat allait trottant
En habit de cérémonie,

De porte en porte visitant,
Sollicitant et récitant
Une banale litanie, etc.

Sans compter quelques boutades ou ripostes provoquées par ces corvées saugrenues. Voit-on Victor Hugo, par exemple, deux fois évincé, quémander la voix de Flourens et du comte Molé, que les classiques purs lui avaient jetés entre les jambes?

SOCIÉTÉ D'ÉCONOMIE POLITIQUE

RÉUNION DU 5 JUILLET 1887

NECROLOGIE: M. A. Batbie.

ADMISSION DE NOUVEAUX MEMBRES.

DISCUSSION L'économie politique et le socialisme sont-ils contradictoires? OUVRAGES PRÉSENTÉS.

La séance est présidée par M. F. Passy, député.

Il rappelle à la Société la perte qu'elle a faite, depuis la dernière réunion, dans la personne de M. A. Batbie, qui en était membre depuis 1861.

En dépit de dissidences politiques qui pouvaient le séparer de beaucoup d'entre nous, dit M. le président, M. Batbie avait la sympathie de tous. Il faut dire, d'ailleurs, que les allures un peu batailleuses de son parti juraient avec la douceur de ses manières et la tolerance de son caractère tout bienveillant. Ses travaux juridiques sont hautement estimés des jurisconsultes, mais c'est surtout comme économiste que nous avons à l'apprécier ici.

A ce titre il a produit des œuvres remarquables qui font regretter qu'il ait négligé la science pour la politique. En 1864, il publiait un livre composé dès 1861, le Crédit populaire, avec une préface de Horn. Dans ce volume il donnait sur les banques populaires des renseignements précieux et nouveaux à cette époque, accompagnés de conseils qui ont été malheureusement peu écoutés. En 1866, il publia quatre volumes, deux destinés à la reproduction du cours d'économie politique qu'il professait à la Faculté de droit de Paris, un, sous le titre de Mélanges, contenant un mémoire sur le prêt à intérêt et un autre sur l'Impôt en France avant et après 1789, enfin une étude sur Turgot, économiste et administrateur, couronnée par l'Institut, Académie des sciences morales et politiques, prix Léon Faucher, décerné à cette occasion pour la première fois.

Son Crédit populaire avait été également couronné par l'Institut. Intelligence élevée, esprit honnête, il eût rendu de sérieux services à la science s'il avait persévéré dans sa première voie. Il venait rarement à nos réunions, mais lorsqu'il y assistait, il ne manquait pas de rendre la discussion instructive et agréable par ses aperçus à la fois profonds et élégamment formulés.

Son souvenir vivra chez tous ceux d'entre nous qui l'ont connu. Dans sa séance du 2 juillet, le Bureau de la Société d'économie politique a voté l'admission d'un certain nombre de nouveaux membres dont les noms suivent :

Membres titulaires :

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MM. le chevalier Charles DE COCQUIEL, professeur d'économie politique à Anvers; Léon DoNNAT, membre du Conseil municipal de Paris; Louis DUCRET, président de la Chambre syndicale des industries diverses; C. LAPIERRE, vice-président honoraire du Syndicat des minotiers de Marseille; Joseph REINACH, directeur de la République française; - Maurice ROUVIER, député.

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Membres correspondants :

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MM. D'AULNIS DE BOUROUILL, professeur d'économie politique à l'Université d'Utrecht; P. BOURDIL, rédacteur à l'Économiste français;- N. GUITTON, professeur agrégé de philosophie; - Henry DUNNING MACLEOD; Léon PERMEZEL, membre de la Chambre de

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Statistique officielle, à Washington.

A la séance assiste, comme invité du Bureau, M. Lemoine, directeur de l'Agence du Crédit lyonnais à Constantinople.

Le président annonce que le secrétaire perpétuel lira, à la séance du 5 août prochain, une notice sur Rossi, à l'occasion du centenaire de la naissance de ce maître. Le secrétaire perpétuel énumère ensuite les ouvrages et brochures parvenus à la Société depuis la précédente réunion. (Voir ci-après la liste de ces publications.)

La réunion adopte pour sujet de discussion la question suivante, proposée par MM. Ch.-M. Limousin et Alph. Courtois.

L'ÉCONOMIE POLITIQUE ET LE SOCIALISME SONT-ILS CONTRADICTOIRES ?

M. Limousin, l'un des promoteurs de la question, a la parole pour en faire l'exposé. Il ne s'agit pas là, dit-il, d'une discussion de doctrines, mais d'une simple question de définition. Pour savoir si l'économie politique et le socialisme sont contradictoires, il est nécessaire, tout d'abord, de se rendre compte de ce qu'il faut entendre par ces deux appellations. L'orateur déclare du reste, ne point vouloir, dans son exposé, formuler d'opinion sur le bien ou mal fondé du socialisme.

L'économie politique est une science, tous les économistes sont d'accord sur ce point: la science de la production, de l'échange et de la répartition des richesses. Le socialisme, lui, est une théorie

d'après laquelle il est nécessaire que l'autorité sociale, c'est-à-dire le pouvoir législatif et le gouvernement, intervienne dans les phénomènes de cette production et de cette répartition, pour que la production donne le maximum de rendement avec le minimum d'efforts, et que la distribution soit aussi conforme que possible à la justice.

Ces deux définitions indiquées, peut-on dire que le socialisme soit en contradiction avec la science économique? Pour qu'on pût le dire, il faudrait que l'intervention de l'autorité sociale dans les phénomènes économiques fùt impossible. Une science, en effet, enregistre tous les phénomènes naturels d'un ordre particulier, déduit la loi de leur accomplissement, de l'observation des conditions de cet accomplissement. Or, peut-on dire que l'intervention de l'autorité sociale. dans les phénomènes économiques soit impossible? Non, on ne peut pas le dire, car cette intervention, on la retrouve dans tous les temps historiques, chez les peuples de toute civilisation, comme à l'époque présente, comme dans nos civilisations industrielles.

Le socialisme n'est donc pas contradictoire avec l'économie politique considérée comme une science; il est contradictoire avec une école d'économistes qui soutient que la meilleure manière d'obtenir que les phénomènes de la production et de la répartition des richesses donnent de bons résultats, c'est de les laisser se produire spontanément, sans faire, en aucune façon, intervenir l'autorité sociale dans leur accomplissement. C'est là une opinion contradictoire de celle des socialistes, aussi respectable que celle des socialistes, mais ce n'est qu'une opinion.

Sans doute, tous les socialistes ne procèdent pas par la méthode scientifique, sans doute, il en est et de très nombreux, qui ne sont que des empiriques ou de purs utopistes, qui croient possible de provoquer par l'action de l'autorité sociale, des phénomènes contraires aux lois naturelles. Mais de ce que ces socialistes existent, on n'est pas autorisé à contester le double titre d'économiste et de socialiste aux hommes qui ne demandent à l'autorité sociale que la provocation de certains phénomènes économiques qu'elle peut provoquer ou l'empêchement de certains autres, qu'elle peut empêcher, c'est-à-dire seulement le possible. Pour cette raison, M. Limousin conclut que l'économie politique et le socialisme ne sont pas contradictoires, et que le socialisme est ou du moins peut et doit être une forme de l'économie politique appliquée.

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Socialisme, Économie politique. Voilà deux expressions qu'il importe de définir, dit M. Alphonse Courtois.

Qu'est-ce que l'économie politique? C'est un ensemble de lois con

nues ou inconnues qui toutes ont l'homme pour objectif, mais sous un point de vue spécial: l'utile.

<«< Lois connues ou inconnues. » La science en effet est immuable; ce qui varie, c'est l'ensemble des connaissances humaines eu égard à la science qui nous occupe. Cet ensemble progresse, mais inégalement. Souvent même il est arrivé aux esprits qui s'en occupent de s'engager dans une fausse route, puis d'être obligés de revenir sur leurs pas, l'erreur étant reconnue. Que peut être, en ceci, le socialisme, si ce n'est l'antipode, l'opposé de l'économie politique, l'erreur? Il n'y a pas place pour lui parmi les sciences, car il ne pourrait y prendre que celle déjà occupée par l'économie politique.

Mais, dira-t-on, puisque vous reconnaissez que les connaissances humaines varient, que même des erreurs ont pu se glisser parmi elles, sauf à être rectifiées ensuite, pourquoi le socialisme, taxé d'erreur aujourd'hui, ne pourrait-il être reconnu vérité demain?

Cela ne se peut, parce que le socialisme n'a ni méthode, ni ancêtres. L'économie politique procède à la fois de l'expérimentation et du raisonnement, de l'analyse et de la synthèse. Le socialisme n'est qu'un fait de l'imagination, un enfant de l'hypothèse. Sans ordre dans ses travaux, le socialisme mêle tout dans ses exposés : sciences physiques, mathématiques, morale, belles-lettres, beauxarts, il fait flèche de tout bois, sans doctrine, sans contrôle.

En outre, chaque école socialiste date d'elle-même. Elle fait table rase des travaux antérieurs des autres écoles, aussi bien que de ceux des économistes. D'ailleurs, les socialistes s'épargnent peu entre eux. Ce n'est pas de la critique telle qu'on la pratique dans le monde. scientifique, plus ou moins acerbe du reste (l'homme n'est pas parfait, même le savant); c'est par voie d'injures, d'insultes même que la discussion se fait entre écoles. Les Saint-Simoniens, si dédaigneux pour les travaux philosophiques ou historiques de ceux qui les ont précédés, sont vilipendés par les Fouriéristes, qui le sont à leur tour par les communistes, ces derniers par Pierre Leroux, tous par Proudhon. Les chefs d'école et leurs disciples, du reste, sont d'un orgueil intraitable et bien éloigné de la méthode propre à arriver au vrai. Fourier taxe d'imbécillité les vingt siècles qui l'ont précédé; Proudhon dit que depuis mille ans il ne s'est pas dit un mot comme celui qui l'a rendu si tristement célèbre. Karl Marx traite sans discontinuer non pas seulement de naïf, mais d'homme qui n'a pas le sens commun, quand il ne l'accuse pas d'être un vendu ou un corrompu, quiconque ne partage pas ses opinions. L'éloquent Ferdinand Lassalle consacre son beau talent oratoire à injurier l'homme auquel non seulement l'Allemagne mais le monde entier devrait élever une

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