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t-il entendre à plusieurs reprises. Il est obligé de reconnaître cependant que le principe de faire payer la valeur du service rendu, de demander au trafic ce qu'il peut payer, a été une cause de progrès.

Nous croyons que le livre de M. Jeans aura un succès mérité. Dans ce gros volume de 600 pages, on trouve une masse énorme de renseignements et d'indications. En sa qualité de statisticien enthousiaste, l'auteur a accumulé les chiffres. Les gens du métier, les spécialistes auront peutêtre à en contester quelques-uns, bien que M. Jeans se soit donné toutes les peines imaginables pour les contrôler.

Nous ne savons si cet important ouvrage sera traduit en français; s'il en est ainsi, nous avons un vœu à exprimer que le traducteur courageux, qui ne craindra pas d'affronter cette besogne, rende son œuvre vraiment utile au public français en convertissant le plus possible les mesures de monnaie et de distance en francs et en kilomètres, qu'il le fasse au moins en une certaine mesure.

A. RAFFALOVICH.

BOSNIEN UNTER STERREICHISCH UNGARISCHER VERVALTUNG; chez Duncker et Humblot. Leipzig, 1886.

L'administration de la Bosnie par l'Autriche-Hongrie a certainement constitué un progrès sur le régime turc, bien que cependant les habitants, peu accoutumés à la régularité et à la fiscalité d'un État européen, aient témoigné vivement la difficulté qu'ils rencontraient à s'y plier. Les hommes d'État qui ont pris en main l'organisation des provinces données à l'Autriche par le traité de Berlin, en compensation posthume de la Lombardie et de la Vénétie, ont été exposés à des attaques de la part de leurs adversaires politiques, et l'auteur anonyme d'une brochure intitulée: Bosnien unter, œsterr. ungar. Vervaltung, s'attache à montrer que ces attaques ne sont pas méritées. A côté de la polémique qui intéresse les Autrichiens seuls, on trouve quelques renseignements sur la distribution de la propriété rurale, sur les relations des propriétaires et des fermiers, qui sont assez peu connus.

A. R.

LE DROIT ANGLAIS CODIFIÉ, par A. PAVITT. - In-8. Paris, Chevalier-Marescq.

Le titre de ce volume est ambitieux. Codifier la législation d'un peuple moderne et particulièrement celle de l'Angleterre, composée, comme elle l'est, de coutumes, de jurisprudence et de lois proprement dites, n'est pas chose facile, même pour un homme qui, ainsi que M. Pavitt, a étudié et pratiqué. Telle était la pensée qui nous préoccupait lorsque nous avons ouvert ce livre, elle ne s'est point effacée à la lecture,

Le livre de M. Pavitt n'est point un code dans le sens que nous donnons à ce mot, mais il est loin de manquer de mérite. Ce sont, à proprement parler, des notes étendues prises par un homme instruit et d'un esprit lucide sur les diverses parties du droit anglais, particulièremen sur les matières civiles et commerciales, aussi peu séparées chez nos voisins que chez les Romains. Si la réunion de ces notes ne constitue pas ce que nous appellons un code, elle nous offre une lecture intéressante, très instructive et qui peut être fort utile.

L'ordre adopté par M. Pavitt n'est ni bien rigoureux ni bien clair. C'est à peu près celui de notre Code civil, qui laisse fort à désirer pour un Code, mais auquel l'auteur ne s'est pas trop astreint; il n'y a pas d'ailleurs à faire plus attention qu'il ne faut à l'ordre des matières dans une publication dont l'auteur s'est efforcé d'offrir à son lecteur la plus grande somme possible de renseignements et y a bien réussi.

On s'aperçoit en lisant ce livre que depuis cent ans le droit anglais a subi bien des modifications et a changé en réalité plus que le nôtre. La réforme de la haute organisation judiciaire s'est fait attendre longtemps, puisqu'elle n'a été accomplie qu'en 1873, mais elle a été faite; quant à la codification, elle est encore contestée et n'a pas été entreprise. Notre auteur en est un partisan résolu. Il est utile, en effet, que le droit soit aussi connu et même aussi vulgarisé que possible; c'est un point sur lequel il ne peut exister aucun doute. Mais on craint que s'il se vulgarise, il ne devienne mobile et ne périsse par innovation. Il y a là un danger, qui nous semble réel et sérieux, mais qu'il n'est pas impossible de surmonter et sur lequel il faut passer. Seulement il ne faut pas oublier l'opposition que la majorité des gens de loi élèveront toujours devant toute tentative de codification, dans un intérêt professionnel. Un code bien fait ne multiplierait pas les procès autant qu'ils le disent, mais il les rendrait plus nombreux en les rendant moins coûteux. Le public y gagnerait sans aucun doute; il n'est pas certain que les gens de loi y gagnassent autant que le suppose M. Pavitt.

Cette question, si controversée en Angleterre, de la codification, peut être réduite à des termes très clairs. Dans l'état actuel des choses, le public anglais paye des sommes énormes aux gens de loi pour obtenir

justice, et les procès sont si chers qu'un grand nombre de personnes sont trop pauvres pour en entreprendre ou en soutenir un. De là la rareté des procès. Un code les rendrait moins dispendieux et en augmenterait le nombre, comme une invention qui abaisse le prix d'une mar. chandise en augmente le débit. L'abaissement du prix d'un service comme celui d'une marchandise est toujours un progrès désirable; si les producteurs selon l'ancienne méthode y peuvent perdre quelque chose par l'effet de l'invention, le public ne peut qu'y gagner, lors même qu'il y gagnerait seulement la faculté d'user ou de n'user pas des facilités qui lui sont offertes.

La justice criminelle, qui est bien certainement ce qu'il y a de mieux en Angleterre, laisse pourtant beaucoup à désirer, au dire de notre auteur. Il se plaint surtout de l'absence de ministère public.

Et la procédure? La partie de notre livre qui touche à cette partie du droit si importante dans la pratique nous semble insuffisante. Nous n'en accuserons pas l'auteur, qui aurait dû, pour nous satisfaire, écrire sur cette matière un volume double au moins de celui que nous examinons. Nous doutons même qu'il eût pu y réussir puisque «< en dehors des Cours d'appel et de la Haute Cour de justice, chacun des tribunaux a une procédure particulière Le sujet est décidément trop vaste.

On peut appliquer la même observation au livre tout entier et trouver excessif son titre. On ne codifie pas en 230 pages le droit civil et criminel, la procédure civile et criminelle d'un peuple en y ajoutant encore les dispositions fiscales, surtout lorsqu'on se trouve en présence d'un ensemble formé « de coutumes tellement anciennes qu'on ne connait plus exactement leur origine et leur étendue primitive..., d'usages féodaux absolument antipathiques aux idées modernes et insuffisants pour répondre aux nécessités de notre temps, de lois innombrables promulguées depuis l'an 1200, une grande partie ayant été abolie partiellement par des lois subséquentes, ou servant à expliquer des lois antérieures; enfin de milliers de décisions de juges remontant aussi à plusieurs siècles ». On peut, en présence de cet ensemble trop imposant, prendre des notes abondantes sur les parties principales, rédiger ces notes avec intelligence, les classer, fût-ce par à peu près, et les présenter au lecteur auquel elles peuvent être fort utiles. C'est ce qu'a fait M. Pavitt et, dans l'état actuel, il était difficile de faire davantage,

COURCELLE SENEUIL.

DE LA CIENCIA POLITICA EN CHILI I DE LA NECESITAD DE SU ENSENANZA (De la science politique au Chili et de la nécessité de son enseignement), par VALENTIN Letellier. Brochure in-8°, Santiago, imprimerie Guttemberg.

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Cet opuscule a été écrit à l'occasion d'un concours ouvert par un particulier sur la question énoncée dans le titre, et l'auteur, ancien professeur, a remporté le prix. Son mémoire n'est pas banal et c'est pour cela que nous le signalons à nos lecteurs.

M. Letellier, prenant le rôle modeste de rapporteur, a exposé avec beaucoup de soin les arguments de ceux qui nient l'existence d'une science politique ou même sa possibilité, et ceux des personnes qui soutiennent la thèse contraire, sans conclure pour son compte personnnel. La conclusion, du reste, était impliquée par les termes du concours et ressort du chapitre sur la nécessité d'enseigner la science politique.

Le mémoire présente d'ailleurs une grande lacune. Il ne nous dit pas ce qu'est la «< Science politique», ni si, dans son état actuel, elle fournit la solution de quelques problèmes d'un grand intérêt. Là était la question principale et l'auteur ne l'a pas touchée. Il a constaté toutefois que l'économie politique « qui est une partie de la science politique » devait fournir des solutions de la plus haute importance en établissant que les intérêts des peuples et des individus concordaient, au lieu d'être exclusifs les uns des autres, comme on l'avait cru pendant bien des siècles.

M. Letellier, suivant à la lettre l'énoncé du concours, appelle science politique, ce que nous avons appelé science sociale ou sociologie. Il constate qu'elle est inconnue au Chili, non seulement dans les masses populaires, mais dans la classe lettrée qui fournit les législateurs. Nous pouvons en dire tout autant de la population des pays où l'on se pique le plus d'être en tête de la civilisation. Toutefois les Etats-Unis sont, à cet égard, en avance sur les autres pays. La science sociale y est enseignée, sans qu'on en ait, dans la pratique, profité beaucoup plus qu'ailleurs.

Il est utile, il est nécessaire, il est urgent d'enseigner cette science, nous dit M. Letellier et nous sommes bien de son avis. Non pas que nous demandions des créations de chaires et des nominations de professeurs. Nous savons trop qu'on pourrait avoir des professeurs nombreux, sans que la science fût enseignée, et que ces professeurs pourraient même enseigner justement le contraire de la science. C'est un accident qui peut arriver dans les pays où les professeurs et ceux qui les nomment ignorent également la science qu'il s'agit d'enseigner et

de vulgariser. Nous croyons que sur ce point important M. Letellier n'est pas d'un autre avis que nous.

Nous avons dit que ce mémoire n'était pas vulgaire et voici pourquoi. Il est écrit simplement avec clarté et précision. L'auteur s'est tenu constamment au point de vue scientifique, dans la région sereine d'où l'on peut considérer sans agitation le mouvement des choses humaines. Si son œil n'embrasse pas autant d'espace que nous le désirerions, il voit nettement. Enfin, M. Letellier pense pour son propre compte, même lorsqu'il répète la pensée d'autrui. Voilà pourquoi nous avons cru devoir signaler ce mémoire, malgré l'énorme lacune que nous y avons constatée. Il est si rare de rencontrer un écrivain qui parle pertinemment des choses sociales!

COURCELLE SENEUIL.

SYSTEM DER

FINANZ WISSENSCHAFT, Von WILHELM ROSCHER. 2e édition.
Stuttgart, 1886.

Nos lecteurs savent que M. Roscher, dans ses Principes d'économie politique, ouvrage toujours classique, n'a pas abordé les questions si nombreuses et si importantes qui se rattachent à l'impôt et à l'admiministration financière des États. On le regrettait vivement à raison de la précision que l'éminent économiste apporte dans tous ses travaux et de sa vaste érudition, propre à éclairer ce qui touche à l'impôt et aux finances. M. Roscher vient de répondre au plus vif désir de ceux qui apprécient ses ouvrages en publiant un traité complet de la science des finances, dans lequel une très large part est faite à tous les problèmes de l'impôt. M. Roscher n'a point changé de méthode. Et, selon nous, il a bien raison; son livre, comme tous ceux qu'il a écrits, se compose d'un texte où sont rapidement étudiées, analysées les questions elles-mêmes et de notes historiques, géographiques, statistiques à l'appui du texte. Si cette méthode a présenté des avantages, même dans un ouvrage théorique comme les Principes, a fortiori est-elle excellente pour les matières financières et fiscales. Ce livre comprend trois parties. Dans la première, M. Roscher examine les sources générales des revenus des Etats. · Dans la seconde, il traite de tout ce qui concerne les impôts, qu'il partage en deux groupes: les impôts directs sur les choses et les impôts indirects sur les particuliers. La troisième est consacrée aux dépenses des États. Et comme la règle générale veut que les États dépensent plus qu'ils ne reçoivent, M. Roscher est conduit à examiner les moyens que les divers États ont employés pour combler le déficit; ces moyens se résument dans un seul, le crédit.

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