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M. Levasseur rend ensuite compte de la première session de l'Institut international de statistique qui s'est tenue à Rome, dans la semaine de Pâques. Cette session a répondu aux espérances que l'on avait pu fonder sur elle. Le nombre des assistants a été considérable. Il y avait 55 membres présents, sans compter les nombreux invités italiens.

L'ordre du jour appelle la discussion sur les conclusions du Rapport de M. Claude (des Vosges), relatif à l'Alcoolisme.

M. Hartmann critique le Rapport de M. Claude à deux points de vue principaux ia méthode employée pour établir la consommation moyenne de l'alcool, et l'influence du nombre des débits sur la propagation de l'alcoolisme. M. Hartmann termine en exprimant le vœu que la statistique des débits de boissons soit complétée et améliorée, car le nombre des licences, tel que M. Claude l'a relevé, ne donne qu'une faible idée du nombre exact des débits proprement dits.

M. Fournier de Flaix appelle l'attention sur quelques points parmi les plus saisissants de la question :

1° Loi du climat. J'ai établi, dit-il, après bien d'autres, il est vrai, que la consommation de l'alcool dépendait du climat.

Ouvrez les graphiques de l'atlas de nos confrères relatifs à la consommation des alcools, des cidres, des bières et des vins, l'évidence se manifeste immédiatement.

Mais cette évidence est double et elle contient elle-même sa justification.

En effet, les teintes les plus fortes de la consommation de l'alcool sont au nord de la Loire, tandis que les teintes les plus foncées de la consommation des vins se trouvent au sud.

Le fait est tellement constant que si, dans un tableau spécial du Rapport sur la consommation des alcools et des vins de France en 1885, vous relevez les départements dans lesquels on consomme le plus d'alcool, vous constatez immédiatement que ce [sont les départements dans lesquels on consomme le moins de vin.

Le besoin est donc la base de la consommation de l'alcool.

2o Moyenne alcoolique. — Ces réflexions conduisent à une constatation non moins importante et qui peut-être surprendra, c'est que la moyenne alcoolique de la France est en immense diminution. On forme cette moyenne en ajoutant à la consommation d'alcool pur la quantité d'alcool contenu dans les vins (le dixième), dans les bières et dans les liqueurs. D'après cette méthode, la consommation moyenne de l'alcool du département de l'Ain est évaluée à 7 litres 63 par tête.

Grâce aux nombreux tableaux contenus dans l'Atlas graphique de

M. Claude, il est facile de montrer que de 1873 à 1885 la moyenne alcoolique de la France s'est affaiblie. En effet, on a, à douze ans de distance :

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On voit combien est grande la diminution et comme cette diminution porte sur le vin et pourquoi la consommation de l'alcool a augmenté; aussi ces deux faits, augmentation de la consommation de l'alcool et diminution de celle des vins, sont-ils parallèles.

On en a la preuve dans les graphiques. La consommation de l'alcool aurait dû être plus considérable. Mais il y a été suppléé par l'acroissement de la consommation des bières et des cidres.

3° Alcoolisme. Par suite, les faits d'alcoolisme (aliénation mentale, criminalité, natalité, suicides) ne doivent pas avoir l'importance qu'on leur avait attribuée.

a) Ivresse : 1873, 52,613 cas; 1884, 54,943 cas.

b) Criminalité: Nord de la France: coefficient alcoolique, 6; coeffi

Nord-Est :

Sud-Est :

cient criminel, 14;

coefficient alcoolique, 6; coeffi

cient criminel, 3;

coefficient alcoolique, 2; coeffi

cient criminel, 10.

c) Suicides Alcoolisme. L'augmentation des suicides de 1871 à 1885 a été de 11 p. 100, moyenne. Eh bien, de 1866 à 1870 elle a été de 14 p. 100, moyenne alcoolique inférieure.

d) Aliénation mentale Moyenne, aliénés alcooliques :

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On le voit, les chiffres sont en opposition complète avec les théories

préconçues.

4° Fraudes. Reste un chiffre que les précédents orateurs ont accepté sans l'examiner c'est celui des fraudes, qu'ils évaluent à 1,073,000 hectolitres. Ils en ont conclu que les bouilleurs de cru pri

vaient le Trésor de 1,073,000 hectolitres, lesquels, multipliés par 153 fr.. font 164 millions.

M. Leroy-Beaulieu s'étant inscrit en faux contre cette assertion qu'il a purement et simplement qualifiée d'extravagante. M. Fournier de Flaix croit, lui aussi, qu'elle n'est justifiée en aucune manière.

Quel est l'esprit sérieux qui admettra un seul instant qu'en France 1,073,000 hectolitres d'alcool pur échappent à toutes les vérifications du fisc?.

Si l'on divise 164 millions entre les 243,000 bouilleurs qui ont opéré en 1885, on trouve qu'il y aurait à payer pour chacun 674 fr. d'impôt ; ce qui est une véritable chimère fiscale, comme l'affirme encore M. LeroyBeaulieu.

M. Turquan se propose de contester, sur plusieurs points, les affirmations de MM. Hartmann et Fournier de Flaix : mais vu l'heure avancée, il demande que la suite de la discussion soit renvoyée à la prochaine séance.

M. Cheysson ajoute qu'il aura, lui aussi, quelques nouvelles observations à présenter, notamment en ce qui concerne les alcools d'in-, dustrie.

M. le Président annonce que, selon l'usage, la Société prendra ses vacances pendant les mois d'août et de septembre.

La séance de rentrée aura lieu le 19 octobre prochain.

COMPTES RENDUS

Le régime des cHEMINS DE FER FRANÇAIS DEVANT le Parlement (1871-1887), par M. VÉRON-DUVERGER, ancien conseiller d'Etat, ancien directeur général des Chemins de fer, inspecteur général des Ponts-et-Chaussées en retraite. Un vol. in-8. Guillaumin et C2, 1887.

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« Les livres, les brochures, les écrits de toute sorte sur les questions de chemins de fer ne se comptent plus, s'écrie l'auteur, à la première page du substantiel résumé historique qu'il a entrepris. Et cependant combien d'erreurs subsistent encore en cette matière ! On s'explique difficilement que la vérité ait tant de peine à pénétrer dans les milieux qui devraient être le plus éclairés ». Mais non ! Etant donné le funeste don d'amplification superficielle qui caractérise le Français, c'est-à-dire sa faculté de discourir avec incontinence sur toute espèce de sujet, même imparfaitement connu; étant donné son peu de goût pour approfondir les questions d'économie industrielle, pour en aborder bravement l'étude laborieuse par le commencement et autrement que par l'intermédiaire de journaux qui se trompent ou le trompent, en flattant ses préférences politiques, en partageant ses préjugés économiques, — quoi de plus naturel que l'erreur persiste, ici comme en tant d'autres matières, à usurper la place de la vérité! Il n'y a pas, pour l'homme compétent, d'autre moyen d'essayer de remettre les choses dans l'ordre que d'augmenter encore la bibliographie innombrable des chemins de fer, de procéder ainsi que viennent de le faire deux anciens directeurs généraux au ministère des travaux publics : l'un, M. Alfred Picard, dans dix volumes considérables, s'attaque à l'universalité du sujet, dans le temps et dans l'espace, et le traite à tous les points de vue (législatif, financier, administratif, économique, juridique); les six premiers volumes consacrés à une « étude historique sur la constitution et le régime du réseau des chemins de fer français », ont été appréciés ici même par notre regretté Paul Boiteau. L'autre, M. Véron-Duverger, se borne à considérer les discussions parlementaires de la période républicaine, qu est en somme particulièrement intéressante pour les génération actuelles, dans un instructif volume d'une lecture attachante et facile.

1 Livraison d'août 1884, p. 278.

Ces ouvrages d'auteurs expérimentés, — qui viennent remettre sous les yeux du public, avec une parfaite bonne foi, un passé auquel sans doute il avait assisté, mais sans pouvoir en embrasser bien nettement l'ensemble, – sont extrêmement utiles en ce qu'ils montrent alors tout le chemin parcouru, trop souvent dans une voie regrettable où il n'est même pas possible de s'arrêter.

M. Véron-Duverger résume naturellement les débats de l'Assemblée nationale, du Sénat et de la Chambre des députés, avec cette impartialité, cette précision, cette méthode rigoureuse, cette exactitude rassurante, dont il avait fait preuve, en 1885, dans le Journal des Economistes, lorsqu'il y a publié ses deux piquantes études sur l'histoire des chemins de fer de l'Etat belge, d'après les documents parlementaires, et sur la réforme de l'administration des chemins de fer de l'Etat français ; cette seconde étude constitue, bien entendu, une annexe terminale du volume dont nous entretenons le lecteur. Le système de l'auteur, qui pousse jusqu'au scrupule les indications du Journal officiel auxquelles il se réfère, consiste à condenser aussi complètement que possible une discussion, en conservant à chacun des discours sa physionomie essentielle, mais sans omettre d'insister sur les points où il se trouve en communauté d'idées avec les orateurs et de rectifier instantanément, le plus souvent dans des notes topiques, les erreurs qu'il rencontre chez ses adversaires. De la sorte, bien que discrètement exprimée, l'opinion de M. VéronDuverger se détache nettement sur le fond de son analyse chronologique, tout en indiquant au lecteur la manière de voir de chacun des législateurs qui ont pris part à la mêlée. Ce n'est point un mince mérite quand il s'agit, par exemple, d'une discussion comme celle qui a duré du 22 février au 27 mars 1886, avec des interruptions il est vrai, mais qui n'en a pas moins duré neuf séances et fait descendre dans l'arène 21 orateurs, des quels «< 2 seulement se sont principalement attachés à réfuter les idées fausses que l'on ne cesse de propager, celles-ci trouvant des interprètes qu'ont accueillis de chaleureux et parfois de frénétiques applaudissements ».

Peut-être M. Véron-Duverger eût-il bien fait, tout en adoptant son plan rationnel d'un exposé chronologique, de séparer les deux grandes divisions naturelles du sujet. L'établissement et la tarification, qui donnent également lieu à des controverses ardentes et sans cesse renaissantes, sont deux domaines bien distincts; ils demandent à être examinés isolément et dans des ordres d'idées tout à fait différents.

Ainsi, absolument d'accord avec lui sur les considérations générales qu'il présente à propos des tarifs de l'exploitation commerciale de nos chemins de fer, je me permets timidement d'être non moins absolument en désaccord au sujet de la pleine approbation qu'il donne à la solution française du 4 SÉRIE, T. XXXIX. 15 août 1887.

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