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les planteurs cherchent, pour couvrir ces premiers frais, à améliorer autant que possible la production, multipliant leurs efforts pour donner à leurs produits le plus possible de valeur intrinsèque; mais à Haïti il n'en est pas de même. D'ailleurs, on ne plante plus de caféiers dans l'ile; on se borne à exploiter les vieux plants dont les colons français ont couvert le pays au siècle dernier. Le sol de Saint-Domingue est tellement fécond que ses habitants continuent, depuis bientôt près d'un siècle, à récolter le café, sans avoir eu à créer une seule plantation nouvelle, sans avoir songé un seul instant à améliorer leurs champs, tandis qu'à la Martinique les plauteurs sont obligés de rompre tous les quinze ou vingt ans la culture des plantations, de modifier les assolements des caféiers, pour remeubler la terre et la remettre de son épuisement. Cependant, chose étrange, la production ne paraît pas avoir diminué. D'après les statistiques elle ne ferait même que croître. Pour l'exercice 1885, il a été exporté plus de 75 millions de livres de café, plus que jamais l'ensemble des habitations françaises n'en produisit au temps de sa plus grande prospérité.

AD.-F. DE FONTPERTUIS.

La France et lE CANADA, Rapport au syndicat maritime et fluvial de France, par M. AGOSTINI. In-8, 1886.

« En allant au Canada, lit-on dans la très intéressante et très substantielle brochure que vient de publier M. Agostini, il ne faut pas s'attendre à trouver l'Eldorado, ou la source de l'immortalité et les merveilleuses chimères que les fables populaires plaçaient jadis dans les profondeurs inconnues du nouveau-monde. Il ne faut pas non plus y chercher les jardins anglais, les routes macadamisées, les parterres émaillés de fleurs, les charmilles et les frais cottages, en un mot l'art moderne qui décore notre continent et ces atours dont notre civilisation a su l'agrémenter. En effet, sur la plus grande partie de la Confédération, la nature a conservé son aspect abrupt et sauvage et sur les montagnes de la province de Québec, dans les plaines du nord-ouest, sur les rives du Saint-Laurent, aux chutes du Niagara ou dans les montagnes Rocheuses, le progrès n'a pas encore transformé le pays ». Du reste, il existait des besoins plus pressants. C'était, au lieu de paver des routes, de construire des chemins de fer, de tailler des pierres pour construire les maisons, de couper du bois pour bâtir des fermes.

Généralement on croit que la rigueur du climat canadien est un obstacle à la culture des céréales, des plantes fourragères, des racines et des fruits. M. Agostini nous dit que c'est une grave erreur, car, au

contraire, le Canada est d'une fertilité exceptionnelle et la neige qui recouvre son sol pendant cinq mois de l'année garantit les arbres de la gelée.

Les provinces orientales, Nouveau-Brunswick, Nouvelle-Ecosse, Québec, Ontario, qui offrent tant d'avantages aux Européens, présentent dans leurs parties incultes un grand inconvénient à l'immigrant fraîchement débarqué. La plupart du temps il lui faut conquérir la terre arable sur les forêts ou les terrains caillouteux. La difficulté de ce défrichement n'est pas un obstacle pour le Canadien, pour le Canadien français surtout, ce pionnier de l'Amérique du Nord; mais il ne faudrait pas songer à y faire travailler l'Européen débarquant sur les rives du SaintLaurent. Il trouve là,du reste, assez de terres défrichées pour s'y établir sans risque d'être vite découragé par un labeur pénible, auquel il est indispensable d'être accoutumé dès l'enfance.

Quant à la culture de la vigne, elle n'a encore donné aucun résultat satisfaisant, si ce n'est dans le comté d'Essex qui forme une presqu'île ayant une ceinture d'eau suffisante pour tempérer les plus fortes gelées de mai. Depuis environ une cinquantaine d'années, les fermiers du comté d'Essex essayaient d'y acclimater la vigne, mais il n'y a guère qu'une quinzaine d'années que le pays a vu cette culture se développer sur une certaine échelle. Mais il faut avoir soin de choisir des plants rustiques appropriés à l'âpreté du climat, donnant un vin qui sans être de première qualité, se rapproche en vieillissant des petits crus bordelais.

La partie du Canada qui s'étend entre la ville de Winnipeg et les montagnes Rocheuses constitue la région des prairies que traverse actuellement le chemin de fer du Pacifique canadien, reliant Québec à Vancouver, sur la côte du Pacifique. Ces prairies fournissent une abondante nourriture au bétail, soit à l'état de foin, soit comme pâturage. Les rivières, les lacs et les étangs, nombreux dans cette région, sont d'une grande utilité, la fertilité du sol varie considérablement; mais le Manitoba et toute la région de la Saskatchewan, forment une véritable terre promise. C'est au Manitoba, dans la vallée de la rivière Rouge qu'on trouve ces fameuses terres noires, qui sont peut-être les plus riches terres à blé du monde. Le rendement moyen est d'environ 32 minots à l'acre, soit 28 hectolitres à l'hectare, tandis que, d'après les calculs de M. Agostini, il n'est dans les pays suivants que de :

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On trouve, dans l'enquête faite en 1884 par un comité spécial délégué de la Chambre des communes, des données intéressantes sur les lacunes de l'agriculture canadienne et ses faux errements. En effet, les cultivateurs canadiens, d'après notre auteur, n'obtiendraient que la moitié des produits qu'ils pourraient tirer du sol. On peut attribuer cet état de choses au manque de connaissances requises dans cette profession et à l'ignorance des besoins du marché domestique et du marché étranger. Il n'y a pas de témérité à évaluer à 200 millions de dollars, soit à 1 milliard de francs, la perte annuelle que cet état de choses fait subir aux cultivateurs canadiens.

Les principales ressources forestières de la Confédération peuvent être ainsi classées. A peine entamées, les forêts de la Colombie anglaise renferment des arbres d'une grosseur extraordinaire. Cette région forestière s'étend presque d'un bout à l'autre de la province. S'avançant à l'est des montagnes Rocheuses, vers la province d'Ontario, on rencontre dispersées çà et là des régions de terres bien boisées. Dans les vieilles provinces, les terres à bois sont situées au nord des lacs Supérieur et Huron, sur les terres de la baie Georgienne, de la région du Nipissing et du Muskolea dans la région qu'arrosent les rivières Ottawa, Saint-Maurice, Saguenay et leurs tributaires, dans les municipalités à l'est de Québec et les terres s'étendant du Saint-Laurent au golfe du même nom, y compris Gaspé, enfin la région située au nord du Saint-Laurent, depuis le Saguenay jusqu'à Betsiamis et même plus bas jusqu'à Migan et dans la contrée que traversent les rivières Saint-Jean, Miramichi, Ristigouche. Le défrichement s'avance chaque année.

Lorsque Champlain remonta le Saint-Laurent et vint fonder Québec, le Canada était couvert de forêts séculaires. La chasse était le grand moyen d'existence du sauvage. Des peuplades entières marchaient en famille à ces expéditions, les hommes pour tuer le gibier, les femmes pour le préparer et le porter. Ce fut la traite des pelleteries qui devint la base des rapports entre les Européens et les indigènes et le premier objet du commerce au Canada. Les peaux d'ours, de castor, de marte, de lion, de renard, de chevreuil, de loup marin, etc., étaient apportées sur les marchés, d'abord à Tadousac, puis à Trois-Rivières. Avec le temps Montréal attira seul toutes les pelleteries. Elles arrivaient au mois de juin sur des canots d'écorce. C'est ainsi qu'on vit se former une espèce de foire où les Indiens affluaient. Au temps le plus prospère de la colonie, ses exportations en pelleteries s'élevèrent à 1.200.000 livres, dont 8.000 en castor; les exportations en bois de toute espèce montaient à 150.000 livres, celles en huile de loup marin à 250.000 et celles en farines à une pareille somme. Ces objets réunis formaient déjà un total de 2.150.000 livres. Ce chiffre était loin encore de ceux de nos

jours les exportations canadiennes ont atteint un total de plus de 102 millions de dollars en 1882, - mais si la production et le commerce général du Canada ont augmenté d'une façon si prodigieuse, par contre les produits de la chasse ont diminué en raison de l'accroissement de la population, de son empiètement sur les forêts; nonobstant, la chasse peut encore s'exercer sur d'immenses étendues.

La pêche compte au premier rang parmi les industries canadiennes. Les pêcheries du Dominion sont les plus considérables du monde. Le développement des côtes maritimes des provinces de Québec, du Nouveau Brunswick, de la Nouvelle-Ecosse, la surface des grands lacs et de ceux du nord-ouest, l'immense nappe d'eau salée enclavée dans le territoire de la Confédération, sous les noms de golfe Saint-Laurent, des baies de Chaleur et de Fundy forment ensemble ces vastes champs de pêche, dont la superficie totale de près de 145.000 milles carrés est sillonnée par plus de 52.000 pêcheurs. Déjà vers 1533 la baleine était pourchassée dans les eaux du golfe Saint-Laurent et sur les côtes du Labrador. Les progrès de la pêche autour de Terre-Neuve furent très tardifs. Les pêcheries du Dominion rendent annuellement plus de 17.000.000 de dollars.

Le sol canadien est très riche en minéraux de toutes sortes. On y rencontre surtout des minerais de fer, de plomb et de cuivre. La houille est très abondante dans la Nouvelle-Ecosse. Ce charbon est excellent pour les machines à vapeur et pour les besoins domestiques. On en expédie de grands chargements à Terre-Neuve, pour l'usage des bateaux à vapeur. Plus du tiers de la province du Nouveau-Brunswick est formé de rochers composés de houille, offrant la variété ordinaire des conglomérés de gneiss et de schistes qu'on rencontre encore dans d'autres localités avec de nombreux restes de fossiles caractéristiques. On trouve de bon charbon dans la Colombie anglaise et de l'anthracite dans l'ile de la Reine Charlotte. La présence de la houilie sur le bord de la mer est d'une grande importance, maintenant que la compagnie du Pacifique à doté le pays d'une des plus grandes voies ferrées du monde. Comme tous les chemins de fer transcontinentaux s'uniront sur la côte du Pacifique avec les bateaux à vapeur océaniques, ceux-ci s'approvisionneront de houille, pour les besoins de l'industrie, dans la région du Pacifique nord, la seule qui puisse la fournir. L'argent se rencontre dans les provinces de Québec, de la Nouvelle-Ecosse, du Nouveau-Brunswick, dans la Colombie britannique et dans les territoires du nord-ouest. Les terres situées au nord du lac Supérieur sont très riches en argent. La plus célèbre de ces mines est celle de l'île d'Argent. Elle fut découverte en 1868. Depuis cette époque la mine n'a cessé d'être exploitée, elle atteint une profondeur de 550 pieds au-dessous de la surface du lac. On a déjà retiré de 4a SÉRIE, T. XXXIX. 30 15 septembre 1887.

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cette mine de l'argent pour une valeur de 15 millions de francs. L'or est disséminé sur divers points. On estime le produit de la province de Québec, depuis la date de la découverte de ce précieux métal sur la rivière Chaudière, à un total de 117.000 onces. Les mines d'or de la Nouvelle-Ecosse sont l'une des principales richesses de cette province.

Quant au commerce du pétrole, il se range parmi les principaux articles de l'exportation canadienne; il emploie un capital d'environ 50 millions de francs. La région où le pétrole brut s'obtient dans l'Ontario est très étendue. La partie ouest de la province est la plus exploitée. Les localités qui produisent le plus d'huile sont : Bothwell dans le comté de Kent, Enniskillen et Pehoha dans celui de Lambton. La formation dans laquelle l'huile se rencontre est une pierre calcaire carbonifère, couverte de calcaire et d'argile. Dans la province de Québec, le pétrole vient des roches dévoniennes dans le voisinage de Gassin. Près de Douglastown, une source de pétrole suinte des vases de la grève et on le voit en globules sur l'eau; une autre source semblable existe sur le ruisseau d'Argent. L'huile forme une couche épaisse à la surface des étangs. A la rivière de la Rose, Montmorency, le pétrole sort en gouttes de fossiles provenant probablement de restes organiques.

AD.-F. DE FONTPERTUIS.

LA FRANCE DANS L'AFRIQUE DU NORD; ALGÉRIE ET TUNISIE, par M. LOUIS VIGNON. Un vol. in-8. Paris, Guillaumin et Cie.

Le premier livre de M. Louis Vignon sur les colonies françaises a eu un rapide succès. L'auteur, encouragé, a développé en un volume les chapitres qu'il avait consacrés à nos deux plus importantes colonies.

Les documents et études originales que renferme ce nouveau travail auraient peut être gagné à être resserrés dans un cadre moins vaste. Le livre, tel qu'il est, n'en est pas moins intéressant, parce qu'il aborde les diverses faces du problème de la colonisation algérienne.

La métropole doit à ses colonies de bonnes lois : lois sur la concession des terres, lois sur la naturalisation des étrangers, lois sur la propriété.

Sur tous ces points, M. Vignon propose des solutions qui méritent d'être étudiées. Nous approuverions fort notamment qu'on appliquàt à l'Algérie l'Act Torrens ou une législation analogue. On l'a fait en Tunisie, et avec succès.

Mais la métropole, ou son délégué le gouverneur général, doit-elle faire office d'agence de publicité pour le racolement des colons? Devrait-elle créer une bourse de la colonisation? Nous entrons en

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