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REVUE CRITIQUE DES PUBLICATIONS ÉCONOMIQUES EN LANGUE FRANÇAISE

SOMMAIRE Revue des Deux-Mondes: La situation monétaire en 1886. Les fonctionnaires et le budget. Les altérations du sens moral par l'hypnotisme. La Nouvelle Revue L'ordre des avocats. L'école polytechnique. Revue Britannique: Alcool et étatisme. Revue générale La production du blé. L'Association catholique La source de la misère et la loi de la richesse. La Réforme sociale et La science sociale: Le journalisme. L'Union économique Le salut du peuple par le peuple. Journal de la Société de Statistique: L'alcool. guerre et la paix. Moniteur des assurances : Le Le Rentier: Les meilleurs fonds d'État. Le Globe

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Revue socialiste: La risque de guerre. Les pensions de re

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Journal d'hygiène : Statis

traite. Journal d'agriculture pratique : Les champs d'expérience.
terre aux paysans: Par qui l'impôt est payé..
tique des médecins.
rurale.

L'hygiène pratique: La maladie du siècle. La vie

Bulletin du cercle des anciens étudiants de l'Institut de commerce d'Anvers Les vins français. Chambre de commerce de Lyon ses travaux. Chambre de commerce du Mans: Le'timbre des quittances. — G. B. Vigarous Les frais de justice.-J. Lamarche : L'équilibre social. — A. Gourd : Les logements d'ouvriers.— P. de Lafitte Les sociétés de secours mutuels. ·A. Marteau Les assurances ouvrières en Allemagne. : Ch. Limousin : L'enseignement professionnel.

Le moment semble bien choisi pour traiter la question monétaire. De guerre las, les conférences et les congrès ont déposé les armes; d'autre part l'Union latine prend fin dans quelques années et il faudra se décider à la rompre ou à la prolonger, à moins que la question ne soit résolue avant cette échéance. Il convient donc de rassembler les éléments de cette solution. C'est sans doute ce qui a déterminé M. André Cochut à exposer: La situation monétaire en 1886. (Revue des Deux-Mondes.)

Cette étude est divisée en deux parties: 1° Situation en France et dans les pays de l'Union latine: 2° Au dehors de l'Union latine. Quoique l'auteur s'interdise les abstractions théoriques, nous allons tàcher d'abstraire la théorie qui nous parait ressortir des faits qu'il expose et des inductions qu'il en tire, car tous les lecteurs comprennent bien les faits, mais tous ne savent pas découvrir ce qui est caché derrière.

Il nous parait donc résulter de l'étude de M. Cochut que le bimétallisme, fixation d'un rapport entre deux métaux monétaires, engendre l'agiotage. Ce rapport n'ayant de stable que l'apparence, les spéculateurs font leur profit de ses variations en retirant de la circulation ou y jetant l'un ou l'autre des métaux. C'est peut-être pour ce motif que la loi l'a établi; mais c'est à coup sûr ce qui a empêché l'étalon d'or d'être admis en 1865. « Au moment où la réforme semblait prochaine, le ministre des finances, M. Achille Fould, organe de la haute banque, prononça d'autorité un veto irrésistible. »>

Pour éviter cet inconvénient du bimétallisme, il faut prendre un seul métal pour étalon. Mais lequel? L'argent, trop encombrant, ne convient plus pour étalon dans l'état actuel des affaires. Il faut done adopter l'or.

Mais, objectent les bimétallistes, cela n'est pas possible: nous sommes inondés d'argent ; nous en avons pour plusieurs milliards de plus que nos besoins, tandis que l'or nous fait défaut.

On peut bien dire, les yeux fermés, qu'il y a là de l'éxagération, car l'or ne circule guère moins facilement que l'argent et il est bien rare que, dès qu'ils dépassent 50 à 100 fr., les marchés se soldent en argent, ce qui ne manquerait pas d'arriver si la rupture d'équilibre entre l'or et l'argent était si considérable qu'on le dit. Mais ce qu'on affirmerait ainsi sans preuves positives est démontré chiffres en mains par M. Cochut, qui estime que cet excédent ne dépasse pas 400 millions, et que le niveau serait vite rétabli, car on manque d'argent en Angleterre et en Allemagne.

M. Cochut propose, en conséquence, d'adopter au plus vite l'étalon d'or, et pour faciliter la circulation de l'argent, de retirer de la circulation les billets de banque inférieurs à 100 fr., ainsi que les pièces d'or de 10 fr., et de limiter à 100 fr. le pouvoir libératoire des écus. Cette dernière mesure serait superflue, puisqu'elle existe de fait; mais ce qu'il importe de ne pas oublier, c'est de maintenir la suspension de la frappe des écus et de se modérer pour celle du billon.

Le 15 1/2 a encouragé jusqu'à ce jour l'extraction de l'argent des mines à perte, et l'espérance de le voir maintenir ou généraliser est la cause qui détermine à entasser cet argent superflu dans les caves américaines. Lorsqu'on sera fixé sur ce point, on n'extraira plus de métal qu'en raison des besoins de la circulation. La spéculation n'y trouvera peut-être pas son compte, mais tant pis pour elle.

-La question sociale recevrait une solution encore plus complète si l'on émondait le budget autant que le conseille M. Cucheval-Clarigny dans la Revue des Deux-Mondes du 15 août.

Le ministère de l'Instruction publique possède aujourd'hui autant de directeurs qu'il comptait de chefs de bureau il y a 30 ans ; mais la palme appartient au ministère des beaux-arts, dont tous les services, à l'exception des bâtiments civils, formaient, il y a 30 ans, une simple division du ministère de l'intérieur.

Le nombre des employés supérieurs est hors de proportion avec celui de leurs subordonnés, ainsi que le constate le petit tableau suivant :

Manufactures de l'État..... 15 chefs pour 22 employés.

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Le nombre des garçons de bureau est, en moyenne, d'un par trois employés.

M. Cucheval-Clarigny propose à ces abus et à beaucoup d'autres, une réforme bien désirable, mais, hélas! bien utopique. Comment, en effet, songer à réduire le personnel administrant alors qu'on s'évertue par tous les moyens possibles à multiplier le nombre des candidats? Préparons-nous plutôt stoïquement à renverser l'ancienne proportion entre les chefs et les employés, car jusqu'à ce jour nous n'avons eu que des aspirants, et désormais nous aurons des aspirantes, et pas à petites fournées.

Une question fort grave est traitée par M. Fr. Bouillier dans le Correspondant du 10 septembre; il s'agit des allérations du sens moral ou de la fausse conscience. Nous ne suivrons pas l'auteur dans toute son argumentation, cela nous mènerait trop loin; mais nous ne pouvons nous dispenser de dire quelques mots du dernier chapitre, qui présente le plus d'actualité, et qui traite de l'influence de la suggestion hypnotique sur la conscience de l'hypnotisé.

Il y a plus d'un siècle que les magnétiseurs ont découvert la suggestion; mais, ayant bien vite reconnu ses dangers, ne cherchant pas à conquérir une popularité de mauvais aloi afin d'obtenir des places dans les académies, des décorations et des pensions de l'État, se bornant modestement et philanthropiquement à traiter et souvent à guérir les maladies par le moyen de leur art, les magnétiseurs se

sont toujours interdit de faire usage de la suggestion et ont soigneusement recommandé à leurs élèves de s'en abstenir, d'abord parce qu'elle est rarement nécessaire, ensuite parce qu'elle nuit à la lucidité; enfin parce que, à la longue, elle pervertirait le sens moral.

Les médecins, depuis qu'ils se sont mis à s'occuper de magnétisme, sont loin d'observer une si prudente réserve. Ne sont-ils pas docteurs, et, comme tels, n'ont-ils pas droit de vie et de mort dans leurs hôpitaux, sur le corps et l'âme des malades, qu'ils tutoient encore, comme au bon vieux temps, sans que personne, pas plus dans la presse démocratique qu'ailleurs, y trouve à redire ? Il ferait beau voir une pauvre femme sensitive refuser de se laisser hypnotiser; son exeat serait bientôt signé, tandis que, si elle est docile, elle pourra rester indés finiment pensionnaire des contribuables.

Les médecins hypnotisent donc à qui mieux mieux. Ils n'ont rien découvert d'essentiel qui ne fût connu depuis longtemps; mais cela ne les empêche pas de se poser en chefs d'école. C'est ainsi que nous avons l'École de Nancy, l'École de Rochefort, l'École de la Salpêtrière, l'École de la Pitié. Cela ne fait-il pas, en effet, pitié ! Or, la conséquence des suggestions réitérées, c'est l'affaiblissement progressif de la volonté, avec toutes ses suites.

M. Bouillier, qui a grandement raison de s'élever contre «< ces vivisections opérées sur la vie morale de l'homme, ou plutôt cette suppression absolue en lui de sa vie morale propre », demande que l'on interdise l'hypnotisme.

Il est nécessaire ici d'établir une distinction. Il existe : le magnétisme proprement dit, l'hypnotisme et la suggestion. La magnétisation ne présente aucun danger et elle est très souvent utile aux malades; l'hypnotisation est rarement efficace; la suggestion, presque jamais. Il n'y a donc pas lieu d'interdire le magnétisme ni même l'hypnotisme par le moyen duquel, dit Cassiodore (De l'âme, ch. 8), «l'àme modère ses appétits, juge le bien et le mal, discerne ce qui est douteux, rejette ce qui est nuisible ».

Quant à la suggestion, il suffirait de l'interdire aux médecins des hôpitaux, supposé que cette interdiction soit nécessaire, puisque ce sont eux seuls qui en usent et abusent, dans le but, dit-on, et c'est assez vraisemblable, de mettre en discrédit le magnétisme et de se débarrasser de la concurrence qu'il fait à la médecine.

Tant qu'on n'a pas été forcé de se laisser suggestionner, comme on l'est dans les hôpitaux, on ne l'a point fait; quand on n'y sera plus contraint, on ne le fera plus.

La Nouvelle Revue du 1er août prend la défense de l'ordre des avocats. M. Fuzier-Herman ne présente pas d'arguments bien nouveaux en faveur de ses clients, mais il discute avec beaucoup de modération.

Obligé de reconnaître qu'il existe bien quelques abus dans cette institution, l'auteur dit que ce sont là des écarts purement individuels et rares, et qui se généraliseraient, du jour ou l'accès de la barre serait ouvert à tout venant. Mais il ne dit point pourquoi ces écarts se généraliseraient, ni comment l'investiture donne aux avocats une honnêteté qu'ils n'auraient pas sans cela, paraît-il.

M. Fuzier-Herman convient que la garantie de capacité, le diplôme, est si facile à conquérir qu'il constitue un titre absolument banal. Alors, à quoi sert-il ? — « On requiert d'eux des garanties de moralité, c'est bien le moins. » Ne dirait-on pas qu'on est immoral dans les professions où l'on ne requiert pas ces garanties?

- Est-ce que l'École polytechnique, comme la Faculté de droit, comme la Faculté de médecine, serait, elle aussi, trop prolifique, au point de ne plus trouver à caser ses enfants? La Nouvelle Revue du 15 septembre demande qu'on ouvre plus grande la porte de l'armée aux polytechniciens. « Quiconque a étudié l'armée d'un peu près a le sentiment que notre corps d'officiers laisse à désirer parce qu'il est hétérogène, qu'il comprend une forte proportion de ce qu'on appelait jadis les soldats parvenus, le reste étant composé d'anciens élèves des écoles militaires ».

Ajouter à ces deux modes de recrutement du corps d'officiers un troisième mode, surtout si, au nom de la science, il a la prétention de dominer les autres, c'est ajouter un troisième élément de discorde. Pour qu'un corps soit homogène il faut qu'il soit formé de parties homogènes, il faudrait done : ou que tous les officiers sortissent des mêmes écoles, ce qui est impossible; ou que tous sortissent des rangs suivant leur mérite

Mais, dira-t-on, s'il n'y a pas d'écoles militaires, on n'aura que des officiers ignorants. C'est indubitable: comparez plutôt les officiers sortis des écoles avec les parvenus, vous verrez la différence.

Il ne faut pas oublier que la science ne s'acquiert que dans les écoles, ni se fourrer dans la tête que c'est en forgeant qu'on devient forgeron. Résignons-nous donc à avoir un corps d'officiers hétérogène, composé d'hommes qui ont appris un peu de latin, pour toute science, ou à peu près; et d'autres qui ne l'ont pas appris.

La Revue Britannique d'août contient un article trop court, défaut rare, mais très suggestif. Le Dr Schofield y traite de l'alcool et de son action sur les nerfs sympathiques.

« EelmineJätka »