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Pour les serviteurs à l'année, un charretier ou valet de chambre recevait en 1691, 100 livres de gages, un berger 66, un valet de cour ou une servante 36. Le blé valait alors 6 livres le setier (150 litres) et le méteil 5 livres. A la fin du XVIIIe siècle, le prix du blé avait presque triplé, et les salaires s'étaient accrus en proportions à peu près égales. En 1790, le projet du maximum fixait la journée d'ouvrier à 1 livre 6 sols, quand le blé coùtait 24 livres 15 sols et le méteil 19 livres le setier. On voit même par cet exemple que le prix du blé avait augmenté dans une proportion un peu plus forte que le taux de la journée et qu'il avait plus que quadruplé. Mais la règle générale est le rapport assez exact entre le taux des salaires et le prix du blé, avec cette différence, malheureusement fort importante, que lorsque le prix du blé augmente, le salaire ne suit pas immédiatement cet accroissement, ce qui laisse à la misère un intervalle souvent trop long.

A côté de l'accroissement des salaires, il y avait une amélioration dans le logement et dans le vêtement; les maisons étaient mieux construites; on employait au lieu de chaume, de la tuile; l'air et la lumière entraient plus largement; le mobilier était moins grossier; les habits étaient faits avec des étoffes de laine (droguet); on se servait aussi d'une grosse toile filée pendant l'hiver. Toutefois il faut reconnaître que cette aisance n'était pas constante; trop souvent les guerres, les disettes, éprouvaient les populations notamment aux xve, xvre et XVIIe siècles. Vers la fin du XVIIe siècle, la population de l'lle de France avait diminué dans certaines localités de près de moitié, parfois d'un tiers ou d'un quart; on attribuait cette diminution non seulement à la guerre, aux logements fréquents et aux passages répétés des troupes, mais encore à la mortalité qui, certaines années, fut excessive, à la cherté des vivres, aux impositions extraordinaires et aussi à la sortie des religionnaires et au départ des habitants de villes franches; au XVIIIe siècle, on remarquait dans un rapport officiel que la famine et la mortalité étaient telles que les hommes mangeaient l'herbe comme des animaux et mouraient dans des proportions considérables. Il est vrai que vers les dernières années du siècle dernier la situation s'était fort améliorée grâce au calme, à l'absence de troubles et de guerres étrangères. La Révolution française fut un grand bienfait pour les populations rurales de l'Ile de France : elle affranchit les terres, permit la vente des biens communaux alors en marais ou en friches qui, aux environs de Paris et dans les contrées voisines, étaient d'une étendue excessive; elle mit également dans le commerce les biens du clergé qui formaient une portion considérable du territoire.

Avant la Révolution l'instruction primaire relevait du clergé séculier et régulier; alors même qu'il n'enseignait pas, il dirigeait l'enseignement. Sans doute, il y avait des écoles laïques qui allaient en augmentant de nombre, mais c'était l'autorité religieuse qui était chargée de la surveillance. Dans plusieurs petites villes à moitié rurales et dans les bourgs, la communauté entretenait les écoles; les pères de famille, qui fournissaient les fonds, étaient appelés à en connaître et en diriger l'emploi. Quand l'action de la centralisation se fit sentir partout, l'Etat intervint; la province de l'Ile de France subit une des premières les effets de l'intervention gouvernementale. La situation des maîtres était médiocre; ils cumulaient leurs fonctions avec celles de sonneur de cloches et de chantre à l'église; fréquemment ils s'engageaient pour faucher au mois de juin, moissonner en août, gauler les pommes le mois suivant et battre en grange jusqu'à la Toussaint; presque partout ils recevaient en nature la majeure partie du prix de leurs leçons. Les écoles étaient établies dans des locaux étroits, sombres, humides; parfois la classe se faisait dans la cuisine du maître d'école ou encore dans l'unique pièce de l'habitation. Le mobilier scolaire était insuffisant; il consistait uniquement en une table (le plus souvent celle de la cuisine) et en quelques bancs mobiles, empruntés parfois à l'église. En général les filles fréquentaient les mêmes écoles que les garçons; cependant ile x istait quelques rares écoles spéciales de filles. Il est difficile d'avoir une idée certaine sur les résultats obtenus, car les chiffres différaient très sensiblement suivant les localités, on peut néanmoins dire que le nombre des hommes sachant lire, variait de 40 à 65 0/0, mais que celui des femmes était de beaucoup inférieur. Après 1789, pendant la transition de l'ancien système au nouveau, il y eut un moment de désorganisation, pendant lequel l'instruction recula. Mais depuis elle a très promptement progressé; aujourd'hui dans l'ancienne Ile de France la proportion des illettrés, est des plus minimes; elle n'est que de 4 à 5 0/0.

III

M. le Dr G. Lagneau a communiqué une note sur la durée et les mutations des familles rurales.

A différentes époques on a signalé l'extinction rapide de la descendance des familles nobles de France et d'Angleterre, ainsi que des familles de haute bourgeoisie ayant composé l'administration de certains cantons suisses, de certaines villes allemandes ou hollandaises; on est arrivé ainsi à reconnaître qu'en moyenne la durée de la descendance directe des familles nobles était de trois cents ans pendant

lesquels se succédaient sept ou huit générations masculines; on admet également que la fécondité des ouvriers et prolétaires est plus grande que celle des nobles et des riches. Ce fait semble établi par le dépouillement de terriers appartenant à la commune de Marigny-surAuxois et comprenant une période qui commence à 1555 et finit à 1749. Il ne subsiste plus actuellement que 11 0/0 des familles du même nom ayant existé trois cent trente-deux ans auparavant. Cette énorme diminution doit être attribuée non pas au peu de fécondité, mais bien aux mouvements migratoires. La plupart des familles dont les noms ont disparu se sont déplacées; elles ne sont pas éteintes. Plusieurs sont allées dans les villages et les villes du voisinage où l'on retrouve encore des habitants portant les mêmes noms. D'autres, en grand nombre se sont dirigées vers Paris. Il est vrai que de nouvelles familles ont comblé en partie les vides laissés dans cette population surtout agricole. Ces mouvements migratoires, beaucoup plus marqués depuis 1749 que dans la période antérieure, sont en concordance avec l'ouverture des routes ou d'autres voies de communication.

D'autres savants étrangers à l'Académie ont été admis à lire des mémoires MM. Bénard, Huit, Alaux, Brochard, Luchaire se sont occupés de l'esthélique d'Aristote, de la politique de Platon, de la psychologie metaphysique, de Zenon d'Elée, du rôle des milices communales dans les armées des rois capétiens aux XII et XIIIe siècles; M. Chotard a fait connaître dans une étude sur des lettres inédites de Louvois à de Chazerat, gentilhomme d'Auvergne, la situation des ingénieurs français au XVIIe siècle ainsi que les conditions de la transmission des grades dans l'armée.

IV

Au nom de la Commission chargée de la publication des Ordonnances des Rois de France, M. G. Picot a présenté le premier volume des Catalogues des actes de François Ier, ce volume comprend les années 1515 à 1530 et mentionne 3,834 actes.

JOSEPH LEFORT.

LA QUESTION MONÉTAIRE

LE PAIR BI-MÉTALLIQUE DE M. CERNUSCHI.

La science économique subit une nouvelle crise. On lui refuse le droit de formuler des conclusions comme conséquences des observations faites. Ses ennemis ont un intérêt personnel contraire à l'intérêt commun. Ils attribuent à l'application des principes scientifiques toute altération, toute obstruction dans le mouvement des échanges et oublient qu'aucun pays n'a encore adopté, dans son ensemble, la législation préconisée par cette science méconnue. Ce qu'ils oublient encore c'est que ces principes sont solidaires les uns des autres, qu'ils ont entre eux des rapports étroits et qu'avec eux l'on parviendrait à réduire considérablement l'intensité des crises.

Depuis un quart de siècle, les progrès de la civilisation ont exercé sur la production des richesses une influence prodigieuse et les producteurs se plaignent de cette abondance. Ils réclament l'intervention de l'État pour empêcher les masses de tirer profit de cette situation nouvelle. Nos propriétaires ruraux, nos agriculteurs veulent repousser les céréales étrangères. Les fabricants de sucre ne se contentent pas de droits protecteurs, ils affirment que la concurrence internationale ne leur permet pas de tirer un parti favorable de la quantité qu'ils produisent au-delà des besoins du pays; ils obtiennent des primes d'exportation. Aux armateurs, la France accorde des primes de navigation, des primes de construction.

Les propriétaires de mines d'argent ne pouvaient manquer de suivre la même voie; ils réclament des gouvernements le maintien de la prime que leur assurait une législation surannée, celle du double étalon monétaire. Certains économistes péchant par défaut de méthode appuient ces demandes et malheureusement parmi eux nous voyons des hommes qui ont acquis dans la science une haute et légitime autorité.

L'esprit de réglementation domine aujourd'hui dans les sphères élevées; il gagne les savants. Chacun croit avoir un remède à la situation actuelle sans tenir compte toutefois que les maux indéniables qu'on veut faire disparaître sont surtout la conséquence d'une intervention trop fréquente des pouvoirs publics dans les questions industrielles et commerciales.

Les partisans du double étalon monétaire ont compris l'avantage à tirer du marasme des affaires, du développement du paupérisme résultant d'une grande période de prospérité. Ils veulent jeter l'incertitude

dans l'esprit de ceux qui n'ont pas étudié de près le rôle des monnaies et déclarent que la rareté relative de l'or a provoqué la baisse des prix. Pour eux, le retour à la loi de l'an XI est le remède souverain pour résoudre la crise commerciale, le problème social. On leur a prouvé qu'il n'en est rien, que des causes spéciales légitimes, bienfaisantes ont réduit considérablement les prix de revient de beaucoup d'articles et que l'abondance des marchandises grâce aux progrès des moyens de production, au développement des moyens économiques de distribution et non la rareté du numéraire a fait baisser les cours. On leur a prouvé que la production de l'or qui est encore de 500 millions de francs par an est largement suffisante pour répondre aux besoins du commerce. Nous ne souffrons nullement d'une contraction monétaire.

Pendant dix ans on a promis le retour de la prospérité avec le retour de la frappe libre des deux métaux précieux. On confondait les prix des marchandises avec leur valeur réelle, la quantité et la qualité de la monnaie. On voulait provoquer des manifestations favorables dans les centres industriels.

Aujourd'hui un des chefs du bi-métallisme, M. Henri Cernuschi, reconnait que la dépression du commerce n'a pas été causée par une contraction monétaire. «Quand la gamme des prix, dit-il, éprouve un chan<<gement par suite d'un changement dans le volume de la masse moné<< taire existante, le phénomène est général, visible et tangible pour <«<tous. L'entretien des familles a exigé une plus grande quantité de << monnaie qu'auparavant, quand le volume de la masse existante a été <«< sensiblement augmenté par l'adjonction de l'or nouveau de la Califor<«<nie et de l'Australie. Tout le monde en convenait, car tout le monde << s'en apercevait. Mais personne ne s'aperçoit que dans ces dernières an<<< nées l'entretien des familles ait exigé moins de monnaie qu'avant 1873. » M. Cernuschi se sépare donc, sur ce point, de ceux qui défendent avec lui la cause de la réhabilitation de la monnaie d'argent. Lorsque des sectaires veulent faire admettre une erreur l'entente est difficile sur les moyens à employer; on cherche des faits à l'appui de ce que l'on propose et souvent on se laisse dominer par une idée. C'est ainsi que dans la question des droits de consommation, les promoteurs de la protection se divisent quand on discute la probabilité d'une hausse des prix. M. Cernuschi veut le retour à la proportion légale de 1=15 1/2 pour les deux métaux précieux. Il vient de publier dans ce but une nouvelle brochure, la dix-huitième, sous le titre le Pair bi-métallique c'est dans ce travail qu'il donne au chapitre des prix actuels (page 62) le passage que nous avons reproduit plus haut. M. Cernuschi n'est pas seulement en l'est aussi avec lui-même. Il a toujours

contradiction avec ses alliés, il prétendu que la France avec

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