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faire effectuer, sans mise en demeure préalable, la vente des rentes souscrites, pour couvrir le Trésor des sommes qui lui seraient dues.

Art. 8. Un arrêté ministériel déterminera, s'il y a lieu, la date à partir de laquelle pourra s'effectuer la libération anticipée des certificats.

Art. 9. Aussitôt après leur libération intégrale, les certificats seront échangés, au choix des parties, contre des inscriptions nominatives, mixtes ou au porteur.

Ces inscriptions porteront jouissance courante.
Fait à Paris, le 7 novembre 1887.

Le ministre des finances, ROUVIER.

Le Sweating system.

Une correspondance du Journal des Débats nous initie aux mystères de la confection des habits à bon marché, telle qu'elle se pratique au moyen du sweating system; nous la reproduisons, tout en faisant nos réserves sur les remèdes protectionnistes et socialistes que M. Burnett, chef du bureau de travail du Board of trade, conseille d'opposer aux maux de ce système.

Parmi les étonnements que nous fournit chaque jour l'industrie moderne, il n'en est guère de plus grand que celui que l'on éprouve à Londres, à Paris et dans les grandes villes en général, en voyant dans les magasins brillamment éclairés au gaz, voire même à la lumière électrique, des vêtements d'homme complets, offerts au public à raison de 21 ou 25 shillings, soit 26 ou 31 fr. Ces habits n'ont pas mauvaise mine, et l'on se demande comment ceux qui les fabriquent et les vendent y trouvent leur profit.

M. Burnett, le chef de bureau du travail du Board of Trade (ministère du commerce), dans le Rapport qu'il a publié, nous initie aux mystères de cette industrie, au moins en ce qui concerne Londres. D'après cet intéressant document, ce bon marché surprenant est le résultat du sweating system, expression énergique qui signifie « système de la suée et peint bien le dur labeur auquel sont astreints les malheureux ouvriers qui s'y livrent. Ceux-ci sont en grande partie des étrangers indigents, pour la plupart des juifs russes et allemands qui, depuis quelques années, immigrent en grand nombre dans le East-End. Il y a, d'après les statistiques des institutions charitables israélites, 18,000 ou 20,000 de ces juifs exerçant le métier de tailleur sous le régime du sweating system. Il y a bien aussi quelques ouvriers anglais qui travaillent aux mêmes conditions; mais ils disparaissent peu à peu, chassés par l'élément étranger, qui se contente d'un salaire plus faible encore

Cet élément étranger constitue, dans le quartier de Whitechapel, environ un quart de la population; il y a sept ans, il n'en formait que le sixième, et la population totale n'a pas sensiblement diminué pendant la même période.

:

Dans la confection de ces vêtements, on procède de la manière suivante le manufacturier donne les vêtements à faire à des entrepreneurs intermédiaires qui s'engagent à les livrer tout prêts pour une somme fixe, déterminée à l'avance. Ces entrepreneurs distribuent à leur tour l'ouvrage à des sous-entrepreneurs. Ce sont ces intermédiaires entre le manufacturier et l'ouvrier que l'on appelle sweaters (ceux qui font suer), parce qu'ils gagnent leur vie en faisant suer les malheureux qui travaillent pour eux. Il va sans dire que le résultat de ce système est de réduire le salaire au taux le plus bas possible.

Il y a environ 2,000 de ces sweaters dans l'East-End, et il n'y en a guère plus d'un tiers qui soient soumis à la surveillance des inspecteurs de fabriques et usines. Cela tient à ce que les ateliers des sweaters les moins importants, mais les plus nombreux, sont dans des sous sols, des mansardes, des cours, des buanderies et dans des coins où on ne saurait soupçonner leur présence.

Quant aux ouvriers, ce sont surtout des femmes, qui sont deux fois aussi nombreuses que les hommes. Elles travaillent quatorze heures par jour; les hommes seize heures souvent. Cela est contraire à la loi sur le travail des femmes; mais dès que l'inspecteur se présente, il est signalé dans tous les quartiers et il ne peut jamais surprendre qu'un ou deux délinquants dans une seule expédition. Comme les ateliers et les chambres où vivent les sweaters se touchent, dès que l'inspecteur arrive, on enferme les ouvrières dans une chambre à coucher où il n'a pas le droit de pénétrer.

Les bénéfices des sweaters varient, naturellement, selon le nombre de malheureux qu'ils emploient et le genre de travail qu'ils font exécuter La façon d'un paletot, par exemple se paye, suivant le cas, depuis 9 pence (90 centimes) jusqu'à 15 shillings (18 fr. 75 c.). Sur un paletot dont la façon est de 1 shilling 2 pence (1 fr. 45 c.), le sweater réalise un gain de 35 c. Les sweaters, qui travaillent en plus grand et emploient huit ouvrières, ont un bénéfice net de 19 fr. à la fin de la journée.

Les paletots des employés de la poste sont payés à raison de 2 shillings (2 fr. 50 c.) au sweater; s'il en fait 40 par jour, son gain est de 20 out 25 shillings.

Contrairement aux sweaters qui n'ont qu'une ou deux ouvrières et travaillent eux-mêmes, ceux dont je viens de parler se contentent de faire marcher leurs malheureuses esclaves et ne font eux-mêmes aucune besogne.

Voilà en peu de mots ce que c'est que le sweating system. Voyons maintenant quels en sont les inconvénients tels que les énumère M. Burnett.

1o En attirant un grand nombre d'étrangers qui travaillent à vil prix, parce qu'ils débarquent à Londres sans ressources, ce système prive de travail et réduit à l'indigence les ouvriers anglais.

2o Il repose sur un principe économique faux, parce qu'il comporte l'intervention de plusieurs intermédiaires dont chacun prélève un bénéfice sur le travail aux dépens des ouvriers qu'on pressure.

3o Les conditions dans lesquelles ce système est appliqué, le taux réduit des salaires, les heures de travail excessives, le dénuement presque complet des ouvriers, l'insalubrité de leurs logements où ils sont entassés en trop grand nombre, constituent un élément de danger physique, social et moral et pour ceux qui en sont les victimes et pour la population en général.

4o Si l'on n'arrête pas, soit par une législation spéciale, soit autrement, cette immigration constante d'ouvriers étrangers, qui rend inutile le sacrifice que font l-s ouvriers anglais en s'expatriant, il en résultera une désorganisation et une démoralisation des travailleurs natifs et peut-être même une haine de race, avec les conséquences ordinaires qu'un pareil sentiment entraîne.

Passons maintenant aux remèdes que conseille M. Burnett.

Au point de vue législatif, il faudrait que la loi sur les heures de travail s'étendit au travail des hommes aussi bien qu'au travail des femmes; qu'on réduisit les heures de travail; qu'on diminuât l'immigration au moyen d'une capitation ou autrement; que les contrats du gouvernement interdisent aux entrepreneurs de donner de l'ouvrage aux sweaters; que le gouvernement exécutât lui-même ses travaux, et, enfin, qu'on nommåt une commission d'enquête sur le sweating system et la condition des travailleurs.

M. Burnett est aussi en faveur de l'application plus stricte des lois sur les usines et l'hygiène publique, de l'inscription de tous les endroits servant d'ateliers, de l'augmentation du nombre des inspecteurs. Se plaçant au point de vue commercial et pratique, il croit trouver un remède à la situation actuelle dans la coopération.

NÉCROLOGIE

LE PROFESSEUR BOCHENEK.

L'économie politique a essuyé en Pologne une perte considérable par la mort du Dr Mieczislas (prononcer Mietchislas) Bochenek, décédé à Cracovie le 29 juillet 1887, économiste savant et consciencieux, éloquent professeur et écrivain élégant, quoiqu'il ait peu écrit.

Né à Cracovie le 28 novembre 1840, fils du banquier Léon Bochenek, mort l'année passée et très connu dans l'histoire de la république de Cracovie, il fit ses études au gymnase de sa ville natale et à l'antique université des Jagellons où enseignait alors le professeur Dr J. Dunajewski, actuellement ministre des finances de la Cisteithanie autrichienne. Après avoir obtenu ses grades académiques, il poursuivit l'étude de sa science de prédilection à Heidelberg et Paris (1867) sous la direction de feu Rau, Ch. Kènis et Baudrillart. De retour à Cracovie, il fut admis par la Faculté de Droit comme enseignant docteur libre (privatdocent) à la suite de la défense d'une thèse intitulée : «Rapports des chemins de fer et de l'Etat » publiée en 1869.

En 1872-75, Bochenek, fit paraitre, dans un Mémoire académique publié par la Faculté de Droit, une belle monographie concernant « le crédit comme élément économique, moral, social et politique du développement des sociétés » et puis quelques articles estimés sur les sociétés de crédit mutuel publiés par la « Bibliothèque de Varsovie »>, ainsi que des comptes rendus des ouvrages économiques polonais pour la « Revue Critique », malheureusement disparue faute de lecteurs.

En 1875, il fut nommé professeur extraordinaire d'économie politique, de science financière et chargé du cours de législation financière de l'Autriche. En même temps il prenait une part très active comme membre du Conseil municipal de Cracovie à ses délibérations et participait à plusieurs officii boni viri des divers emplois civiques que créa l'autonomie galicienne après 1869.

En 1883 parut son livre sur « l'impôt foncier en rapport avec le système des impôts sur le rendement ». Le mérite de cette monographie lumineuse consiste à rattacher les impôts de ce genre à l'impôt personnel sur le revenu, que l'auteur considère comme une inéluctable nécessité des systèmes de taxation. On le fit professeur ordinaire la même année.

Quoique disciple des Allemands, il se tenait constamment au cou

rant de la littérature française, anglaise et italienne. Il goûtait beaucoup la première.

Mono-métalliste au début, il fut amené par l'évolution de la question monétaire à un bi-métallisme circonspect. Libre-échangiste et orthodoxe quant aux problèmes fondamentaux de la science, il inclinait cependant vers une intervention très sobre et mesurée de l'Etat. Il a laissé dans le domaine économique notamment sur le régime des chemins de fer, un manuscrit inédit sur les banques et la circulation fiduciaire.

Une maladie de cœur l'emporta aux regrets unanimes de sa famille, de ses amis et disciples, après une vie aussi courte que bien remplie. J. O.

SOCIÉTÉ D'ÉCONOMIE POLITIQUE

RÉUNION DU 5 DÉCEMBRE 1887.

DISCUSSION: Pour quelle raison les sociétés de secours mutuels, les banques populaires et autres institutions de petit crédit ont-elles échoué en France, tandis qu'elles ont réussi en Allemagne, en Italie et en Belgique? OUVRAGES PRÉSENTÉS.

La séance est présidée par M. Léon Say, président.

A la réunion assiste le Père Ludovic de Besse, fondateur de la Banque populaire d'Angers et de divers autres établissements analogues.

M. A. Courtois, secrétaire perpétuel, énumère les ouvrages et brochures envoyés à la Société depuis la précédente séance. (Voir ciaprès la liste de ces publications.)

Sur l'invitation de M. le Président, l'assistance se prononce pour un sujet de discussion, et adopte la question suivante, proposée par M. Limousin :

POUR QUELLES RAISONS LES SOCIÉTÉS DE CRÉDIT MUTUEL, LES BANQUES POPULAIRES ET AUTRES INSTITUTIONS DE PETIT CRÉDIT ONTELLES ÉCHOUÉ EN FRANCE, TANDIS QU'ELLES ONT RÉUSSI EN ALLEMAGNE, EN ITALIE ET EN BELGIQUE?

M. Limousin prend la parole pour exposer la question:

En France existe, dit-il, presque autant qu'en Allemagne, en Italie et en Belgique, la clientèle qui pourrait se transformer en personnel du crédit mutuel; de plus, des tentatives réitérées ont été faites et

« EelmineJätka »