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constances actuelles ne pouvant être qu'une source de dissensions d'autant plus funestes, que les factions ont divisé sa propre famille, a résolu de céder, comme il cède par le présent, à S. M. l'empereur Napoléon, tous ses droits sur le trône des Espagnes et des Indes, comme le seul qui, au point où en sont arrivées les choses, peut rétablir l'ordre; entendant que ladite cession n'ait lieu qu'afin de faire jouir ses sujets des deux conditions suivantes :

« Art. 2. L'intégrité du royaume sera maintenue; le prince que S. M. l'empereur Napoléon jugera devoir placer sur le trône d'Espagne sera indépendant, et les limites de l'Espagne ne souffriront aucune altération. La religion catholique, apostolique et romaine, sera la seule en Espagne. Il ne pourra y être toléré aucune religion réformée et encore moins infidèle, suivant l'usage établi aujourd'hui.

« Art. 3. Tous actes faits contre ceux de nos fidèles sujets, depuis la révolution d'Aranjuez, sont nuls et de nulle valeur, et leurs propriétés leur seront rendues.

« Art. 4. S. M. le roi Charles ayant ainsi assuré la prospérité, l'intégrité et l'indépendance de ses sujets, S. M. l'Empereur s'engage à donner refuge dans ses États au roi Charles, à la Reine, à sa famille, au prince de la Paix, ainsi qu'à ceux de leurs serviteurs qui voudront les suivre, lesquels jouiront en France d'un rang équivalent à celui qu'ils possédaient en Espagne.

« Art. 5. Le palais impérial de Compiègne, les parcs et forêts qui en dépendent, seront à la disposition du roi Charles, sa vie durant.

« Art. 6. S. M. l'empereur donne et garantit à S. M. le roi Charles une liste civile de trente millions de réaux, que S. M. l'empereur Napoléon lui fera payer directement tous les mois par le trésor de la couronne.

A la mort du roi Charles, deux millions de revenu formeront le douaire de la Reine.

« Art. 7. S. M. l'empereur Napoléon s'engage à accorder à tous les infants d'Espagne une rente annuelle de quatre cent mille francs pour en jouir à perpétuité eux et leurs descendants, sauf la réversibilité de ladite rente d'une branche à l'autre, en cas de l'extinction de l'une d'elles, et en suivant les lois civiles. En cas d'extinction de toutes les branches, lesdites rentes seront réversibles à la couronne de France.

« Art. 8. S. M. l'empereur Napoléon fera tel arrangement qu'il jugera convenable avec le futur roi d'Espagne pour le payement de la liste civile et des rentes comprises dans les articles précédents; mais S. M. le roi Charles IV n'entend avoir de relation pour cet objet qu'avec le trésor de France.

« Art. 9. S. M. l'empereur Napoléon donne en échange à S. M. le roi Charles le château de Chambord, avec les parcs, forêts et fermes qui en dépendent, pour en jouir en toute propriété, et en disposer comme bon lui semblera.

« Art. 10. En conséquence, S. M. le roi Charles renonce, en faveur de S. M. l'empereur Napoléon, à toutes les propriétés allodiales et particulières non appartenantes à la couronne d'Espagne, mais qu'il possède en propre. Les infants d'Espagne continueront à jouir du revenu des commanderies qu'ils possèdent en Espagne.

« Art. 11. La présente convention sera ratifiée, et les ratifications en seront échangées dans huit jours, ou le plus tôt qu'il sera possible.

<< Fait à Bayonne, le 5 mai 1808.

« Signé DUROC.-Le prince de la Paix. »

C'est ainsi que Charles IV échangea contre le château de Chambord dont il ne put prendre possession, et pour une pension de sept millions et demi de francs qui ne lui fut pas payée, un des plus beaux trônes du monde, la monarchie de l'Espagne et des Indes; c'est ainsi que les chefs de deux gouvernements disposèrent d'une nation antique, grande et estimable, comme on disposerait d'un troupeau!

La renonciation de Charles IV ne suffisait pas pour sanctionner l'usurpation; il fallait encore celle des princes d'Espagne. Ferdinand VII avait bien déjà renoncé en faveur de son père; mais lorsqu'il adhéra à la cession faite par celui-ci, on ne lui avait laissé le choix qu'entre l'abdication ou la mort'. Voici la convention qui fut conclue à Bayonne, le 40 mai 1808 :

«S. M. l'empereur des Français, roi d'Italie, protecteur de la confédération du Rhin, et S. A. R. le prince des Asturies, ayant des différends à régler, ont nommé pour leurs plénipotentiaires; savoir: S. M. l'empereur des Français, roi d'Italie, M. le général de division Duroc, grand maréchal du palais; et S. A. R. le prince des Asturies, don Juan Escoiquiz, conseiller d'État de Sa Majesté Catholique, chevalier grand'croix de l'Ordre de Charles III; lesquels, après avoir échangé leurs pleins pouvoirs, sont convenus des articles suivants :

« Art. 1o S. A. R. le prince des Asturies adhère à la cession faite, par le roi Charles, de ses droits au trône d'Espagne et des Indes en faveur de S. M. l'empereur des Français, roi d'Italie; renonce, autant que

<< Prince, lui dit NAPOLÉON dans la dernière conférence, il faut opter entre la cession ou la mort. » (CEVALLOS.) « Bientôt l'Empereur menaça de la mort le roi FERDINAND et les infants don CARLOS et don ANTONIO, s'ils ne renonçaient pas à leurs droits à la succession au trône, en qualité de prince des Asturies et d'infants. Les princes cédèrent au grand maréchal Duroc qui leur parla dans les mêmes termes, au nom de son maître.» (Escoiquiz.)

besoin, aux droits qui lui sont acquis comme prince des Asturies, à la couronne des Espagnes et des Indes.

« Art. 2. S. M. l'empereur des Français, roi d'Italie, accorde, en France, à S. A. R. le prince des Asturies le titre d'altesse royale avec tous les honneurs et prérogatives dont jouissent les princes de son sang. Les descendants de S. A. R. le prince des Asturies conserveront le titre de prince, celui d'altesse sérénissime, et auront toujours le même rang, en France, que les princes dignitaires de l'empire.

« Art. 3. S. M. l'empereur des Français, roi d'Italie, cède et donne par les présentes, en toute propriété, à S. A. R. le prince des Asturies et à ses descendants les palais, parcs, fermes de Navarre, et les bois qui en dépendent, jusqu'à la concurrence de cinquante mille arpents, le tout dégrevé d'hypothèques et pour en jouir en toute propriété, à dater de la signature du présent traité.

« Art. 4. Ladite propriété passera aux enfants et hérítiers de S. A. R. le prince des Asturies; à leur défaut, aux enfants et héritiers de l'infant don Charles; à défaut de ceux-ci, aux descendants et héritiers de l'infant don Francisque; et enfin, à leur défaut, aux enfants et héritiers de l'infant don Antoine. Il sera expédié des lettres patentes et particulières de ce prince à celui de ces héritiers auquel reviendra ladite propriété.

« Art. 5. S. M. l'empereur des Français, roi d'Italie, accorde à S. A. R. le prince des Asturies quatre cent mille francs de rente apanagère sur le trésor de France, et payables par douzième chaque mois, pour en jouir lui et ses descendants; et, venant à manquer la descendance directe de S. A. R. le prince des Asturies, cette rente apanagère passera à l'infant don Charles, à ses enfants et héritiers; et, à leur défaut, à l'infant don Francisque, à ses descendants et héritiers.

« Art. 6. Indépendamment de ce qui est stipulé dans les articles précédents, S. M. l'empereur des Français, roi d'Italie, accorde à S. A. R. le prince des Asturies une rente de six cent mille francs également sur le trésor de France, pour en jouir sa vie durant. La moitié de ladite rente sera réversible sur la tête de la princesse son épouse, si elle lui survit.

« Art. 7. S. M. l'empereur des Français, roi d'Italie, accorde et garantit aux infants don Antoine, oncle de S. A. R. le prince des Asturies, don Charles et don Francisque, frères dudit prince :

<< 1° Le titre d'altesse royale, avec tous les honneurs et prérogatives dont jouissent les princes de son sang; les descendants de Leurs Altesses Royales conserveront le titre de prince, celui d'altesse sérénissime, et auront toujours le même rang en France que les princes dignitaires de l'empire;

<< 2° La jouissance du revenu de toutes leurs commanderies en Espagne, leur vie durant;

«<3° Une rente apanagère de quatre cent mille francs pour en jouir eux et leurs héritiers à perpétuité; entendant Sa Majesté Impériale que les infants don Antoine, don Charles et don Francisque, venant à mourir sans laisser d'héritiers, ou leur postérité venant à s'éteindre, lesdites rentes apanagères appartiendront à S. A. R. le prince des Asturies, ou à ses descendants et héritiers; le tout aux conditions que LL. AA. RR. don Charles, don Antoine et don Francisque adhèrent au présent traité.

« Art. 8. Le présent traité sera ratifié, et les ratifications en seront échangées dans huit jours, ou plus tôt si faire se peut.

Bayonne, le 10 mai 1808.

« Signé DUROC. Juan de EscoIQUIZ. >>

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