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la monarchie n'est pas sa propriété, et que la nation espagnole ne se compose pas d'un vil troupeau dont on puisse disposer arbitrairement; et parce que le Prince est parvenu au trône par le droit de sa naissance et par les lois fondamentales de la monarchie, qui déterminent d'une manière immuable l'ordre de la succession; lois sur lesquelles le Conseil de Castille n'a aucune autorité, et à la conservation desquelles il est chargé de veiller. Cette abdication est encore nulle par la violence qui l'a arrachée à Charles IV, et qui est plus grande et mieux prouvée que celle qu'on prétend avoir précédé sa première abdication. Elle est nulle, parce que les abdications prétendues de Ferdinand VII, de son oncle et de son frère, supposé même qu'elles fussent authentiques, ont été arrachées par la contrainte, ainsi que le disent clairement les paroles de ces actes. Toutes ces abdications sont nulles, parce que plusieurs Princes de la famille royale qui ont droit à la couronne n'y ont pas renoncé, mais l'ont au contraire conservé dans son intégrité, sans parler de la perfidie sans exemple avec laquelle on a bafoué la nation espagnole. C'est à notre alliance et aux sacrifices que nous avons faits, que la nation française doit une grande partie de ses victoires. On enleva nos braves soldats, on les conduisit dans les régions les plus éloignées, où on les fit combattre pour le gouvernement français. Ce n'est pourtant pas que ce gouvernement eût besoin de ce secours; il ne le demanda que pour nous affaiblir. Prétextant sans cesse notre bien-être, ce gouvernement fit entrer ses troupes en Espagne, alléguant une expédition contre un ennemi dont il n'est plus question maintenant. Par un élan courageux le peuple empêcha le départ du Roi. Quoique le gouvernement français eût dû s'applaudir de la tournure que cet événement avait prise, non-seulement il garda à ce sujet le plus

profond silence, mais il en prit même occasion pour nous opprimer. On accuse notre nation d'une discorde qui n'existe pas, car jamais nation ne fut plus unanime dans l'amour de son Roi. Ce gouvernement perfide attira, par des machinations infâmes, notre Roi sur son territoire avec une générosité sans exemple le Roi se confia à des paroles trompeuses, et se jeta entre les bras de ce gouvernement qui, avec une perfidie dont l'histoire de toutes les nations et de tous les siècles n'offre aucune trace, le fit prisonnier, le traita avec indignité, et le força à des actes que toute l'Espagne a vus avec horreur. En se servant de la même hypocrisie, on conduisit les parents de Sa Majesté hors de notre pays pour les forcer à des injustices propres à déshonorer, jusqu'à la postérité la plus reculée, leurs noms illustres. De même les autres Princes de la maison royale furent enlevés; on n'épargna pas même ceux dont la jeunesse aurait dû leur servir de protection au milieu des peuples les plus barbares.

«Napoléon appelle à lui la nation espagnole; il nomme à son gré de prétendus députés, détermine arbitrairement le mode d'élection des autres qui, dans un pays étranger, doivent traiter des intérêts les plus sacrés de la nation, pendant que lui-même publie une lettre secrète et respectueuse que le roi Ferdinand, étant encore Prince royal, lui avait adressée; il la proclame criminelle et contraire aux droits des souverains; et peut-être lui-même avait-il provoqué cette lettre dont il veut maintenant faire un crime à son auteur! C'est un crime en effet, et un crime de haute trahison, qu'une nation indépendante obéisse à un Prince étranger, qu'elle aille, sous ses yeux et sous sa direction, délibérer sur des objets qui concernent son bonheur; et ni les habitants de Séville, ni quelque Espagnol que ce soit, ne pousseront l'oubli des convenances et de la

loyauté au point de commettre un crime dont un esclave même ne se souillerait pas.

<«< Cet homme a employé mille moyens infâmes pour nous tromper; il répand des pamphlets et journaux séditieux pour corrompre l'opinion publique ; il y annonce le respect des lois et de la religion, tandis qu'il viole les unes et qu'il outrage l'autre; il ne rejette aucun projet qui puisse servir à nous imposer un joug de fer. Il pousse le mensonge au point de dire dans un de ses libelles qu'il est d'accord avec le Chef de l'Église, le Vicaire de Jésus-Christ, tandis que toute l'Europe et les nations barbares elles-mêmes savent qu'il le tient sous l'oppression, qu'il a dépouillé ce Pontife de ses États, et l'a privé de la société de ses Cardinaux, et tout cela par violence et dans le but d'entraver le gouvernement de l'Église, qui appartient au Pape par la volonté de notre divin Sauveur.

<< Espagnols! tout nous oblige à nous réunir pour prévenir de pareilles atrocités. Ce n'est pas une révolution que nous allons faire en Espagne; nous demandons seulement à protéger ce que nous avons de plus sacré contre celui qui, sous le masque de l'amitié et de l'alliance, nous en a dépouillés, et qui voudrait nous priver de nos Rois et de notre religion. Sacrifions tout pour une cause si juste; et si nous devons tout perdre, que ce soit en combattant et en hommes d'honneur.

« Réunissons-nous tous ! notre peuple est prêt à prendre les armes; sommons les hommes de lettres de toutes les provinces pour qu'ils soutiennent l'opinion publique et réfutent ces infâmes libelles que notre ennemi ne cesse de publier. Que chacun combatte à sa manière; que l'Église espagnole sollicite sans cesse le secours du Dieu des armées, dont la protection nous est assurée par la justice de notre cause.

« Et qu'aurions-nous à craindre? L'ennemi n'a pas en Espagne une aussi grande armée qu'il l'annonce dans le dessein de nous effrayer; celle qui s'y trouve est composée d'hommes de toutes les nations enrôlés de force, et soupirant après le moment où ils pourront rompre leur chaîne. Les positions que ces troupes ont prises sont telles qu'il est facile de les forcer; au reste, la conscience de défendre une mauvaise cause décourage l'homme le plus vaillant.

<<Toute l'Europe, applaudissant à nos efforts, accourra à notre secours. L'Italie, l'Allemagne, tout le Nord, qui gémissent sous le joug de l'oppresseur, saisiront l'occasion que nous leur offrons pour le secouer, et pour reprendre leurs lois et leurs Princes que la France leur a enlevés. La France elle-même ne voudra pas se couvrir de la honte qui rejaillirait sur elle, si elle se laissait forcer à servir d'instrument à une perfidie qui annonce le sort qu'on lui prépare à elle-même. Non, les Français ne verseront pas leur noble sang pour une cause si infâme. Ils ont souffert des maux sans fin, parce qu'on les a constamment bercés de l'espoir d'une paix et d'un bien-être qu'ils n'obtiendront que sous l'empire de la raison, de la religion et des lois, et lorsqu'ils respecteront les droits des autres peuples.

« Espagnols! la patrie, nos propriétés, nos lois, votre liberté, vos Rois, votre sainte religion, et l'espoir d'une vie éternelle que cette religion vous assure, sont menacés d'un danger imminent auquel ils ne peuvent échapper que par votre courage.

« Donné à Séville, le 29 mai 1808.

«Par ordre de la Junte suprême de gouvernement,

Signé Don Juan Bautista ETTEler.

« Don Juan PARDO. »

Déclaration de guerre de l'Espagne contre Napoléon 1er, empereur des Français, du 6 juin 1808.

« Ferdinand VII, roi d'Espagne et des Indes, et en son nom, la Junte suprême des deux royaumes.

« La France, ou plutôt Napoléon Ier, empereur des Français, a rompu d'une manière perfide les liens qui subsistaient entre lui et l'Espagne. Il a enlevé à ce royaume ses Princes, et les a engagés par la contrainte à signer des actes d'abdication, que l'univers entier a reconnu nuls et non avenus. Par la violence il les a forcés de lui transférer tous leurs droits de souveraineté, cession qu'ils n'avaient pas le pouvoir de faire.

<< Par une insolence sans exemple, il déclare avoir choisi un roi d'Espagne. Il a fait entrer ses troupes dans le royaume, les a distribuées dans les différentes provinces, et leur a ordonné de s'emparer des places fortes et de la capitale. Ces troupes se sont rendues coupables de rapine, de meurtres et de cruautés inouïes. Ces entreprises criminelles, Bonaparte ne les a pas exécutées par la force de ses armes; il les a couvertes du manteau de l'amitié et a prétexté sa sollicitude pour notre bonheur. Il a récompensé par l'ingratitude la plus noire les services que la nation espagnole lui avait rendus; il n'a pas rougi de payer la loyauté espagnole par la ruse, la fraude et la trahison: conduite qu'aucun peuple et aucun prince, quelque ambitieux et quelque barbare qu'il fût, ne s'est jamais permise envers un autre peuple ou un autre gouvernement. Enfin il a franchement déclaré que c'était son intention de renverser la monarchie et ses lois les plus sacrées; et il a prouvé par le fait combien peu il respecte la religion que les Espagnols professent depuis la venue au monde

« EelmineJätka »