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comme le premier bien des Français, il faut que Votre Majesté tire une prompte vengeance des outrages faits au nom français, et des atrocités dont un si grand nombre de nos compatriotes ont été victimes. Des Français établis en Espagne depuis plus de quarante ans, exerçant en paix leur utile industrie, et regardant presque l'Espagne comme leur patrie, ont été massacrés; partout les propriétés françaises ont été enlevées; les agents consulaires de Votre Majesté ont éprouvé un traitement qu'ils n'auraient pas redouté dans les pays les plus barbares. De quelle estime, de quelle considération jouirait en Europe le nom français, si, dans un pays si voisin de nous, des injures aussi atroces et aussi publiques restaient impunies? Elles doivent être réparées, mais réparées comme il convient à des Français, par la victoire !

« Ce n'est pas un faible avantage que la probabilité de rencontrer enfin les Anglais, de les serrer corps à corps, de leur faire aussi éprouver les maux de la guerre, de cette guerre dont ils ignorent les dangers, puisqu'ils ne la font qu'avec leur or. Les Anglais seront battus, détruits, dispersés, à moins qu'ils ne se hâtent de fuir, comme ils ont fait à Toulon, au Helder, à Dunkerque, en Suède, et dans tous les lieux où les armées françaises ont pu les apercevoir; mais leur expulsion de l'Espagne sera la ruine de leur cause. Ce dernier échec aura épuisé leurs moyens, en même temps qu'anéanti leurs dernières espérances, et la paix en deviendra plus probable.

« Cependant toute l'Europe fait dans cette lutte des vœux pour la France.

<< La France et la Russie font cause commune contre l'Angleterre.

« Le Danemark soutient avec honneur une lutte qu'il n'a pas provoquée.

« La Suède, trahie et abandonnée par l'allié auquel un Cabinet insensé l'a sacrifiée, a déjà perdu ses plus importantes provinces, et marche à cette ruine, effet inévitable de l'alliance et de l'amitié de l'Angleterre.

Tel sera le sort des insurgés de l'Espagne. Lorsque la lutte sera sérieusement engagée, les Anglais abandonneront l'Espagne, après lui avoir fait le funeste présent de la guerre civile, de la guerre étrangère, et de l'anarchie, le plus cruel des fléaux. Ce sera à la sagesse et à la bienfaisance de Votre Majesté à réparer les maux qu'ils auront faits.

« La Cour de Vienne a constamment témoigné à Votre Majesté les intentions les plus amicales. Indignée de la politique de l'Angleterre, elle a voulu rappeler son ministre de Londres, renvoyer le ministre anglais qui était à Vienne, fermer ses ports à l'Angleterre, et se mettre avec elle en état d'hostilité. Elle vient d'ajouter à ces mesures en interdisant dans ses ports l'admission des bâtiments qui, sous pavillon neutre, ne sont que les colporteurs des denrées et des marchandises anglaises. Votre Majesté a cultivé ces dispositions bienveillantes; elle a témoigné à la Cour de Vienne amitié et confiance, et plusieurs fois elle lui a fait connaître que la France prend à sa prospérité un véritable intérêt. Cependant vers ces derniers temps cette puissance a porté ses armements outre mesure : ses forces militaires sont aujourd'hui hors de toute proportion avec sa population et ses finances. Vos ministres, Sire, n'ont voulu le remarquer que pour faire sentir à Votre Majesté la nécessité d'augmenter ses forces, afin de conserver toujours la supériorité relative qui existe entre la puissance et la population des deux empires.

« Une nouvelle révolution a éclaté à Constantinople. Le sultan Mustapha a été déposé.

« Les Américains, ce peuple qui mettait sa fortune, sa prospérité et presque son existence dans le commerce, ont donné l'exemple d'un grand et courageux sacrifice; ils se sont interdit par un embargo général tout commerce, toute navigation, plutôt que de se soumettre honteusement à ce tribut que les Anglais prétendent imposer aux navigateurs de toutes les nations.

« L'Allemagne, l'Italie, la Suisse, la Hollande sont paisibles, et n'attendent que la paix maritime pour se livrer à toute leur industrie.

<<< Cette paix est le vœu du monde; mais l'Angleterre s'y oppose, et l'Angleterre est l'ennemie du monde.

<«< La nation française, l'Europe entière savent tous les efforts de Votre Majesté pour la paix; elles savent que ses entreprises sont le résultat immédiat de l'inutilité des tentatives qu'elle a faites pour l'obtenir.

<< Le dévouement du peuple français est sans bornes, et c'est surtout dans cette circonstance, qui intéresse si essentiellement son honneur et sa sûreté, qu'il fera éclater ses sentiments, et qu'il se montrera digne de recueillir l'héritage de gloire et de bonheur que Votre Majesté lui prépare.

« Je suis avec respect, etc.

« Signé CHAMPAgny. »

(Le ministre donne connaissance au Sénat des traités conclus avec le roi d'Espagne, CHARLES IV, et son fils le prince DES ASTURIES.)

Rapport fait à l'Empereur par le ministre de la Guerre.

<< Du 1er septembre 1808.

« Sire, j'ai l'honneur de soumettre à Votre Majesté l'état de situation de ses armées en Pologne, en Prusse et en Silésie, en Danemark, en Dalmatie, en Albanie, en Italie, à Naples, et dans les Espagnes; j'y joins celui de ses armées de réserve à Boulogne, sur les côtes, sur le Rhin, et dans l'intérieur.

"Votre Majesté verra que jamais la France n'a eu de plus nombreuses et de plus belles armées, et que jamais elles n'ont été mieux entretenues ni mieux approvisionnées.

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Cependant les divers événements qui ont eu lieu en Espagne ont produit une perte assez considérable; résultat de l'opération, aussi inconcevable que pénible pour l'honneur français, du corps du général Dupont. Votre Majesté a fait connaître l'intention où elle était de réunir plus de deux cent mille hommes au delà des Pyrénées, sans cependant affaiblir ni ses armées d'Allemagne ni celle de Dalmatie.

<< Pour arriver à ce but une levée de quatre-vingt mille hommes paraît indispensable. Votre Majesté ne peut prendre ces quatre-vingt mille hommes que dans les quatre classes de la conscription des années 1806, 1807, 1808 et 1809.

<«< Il est constaté, par les registres tenus dans mon ministère, qu'indépendamment des hommes qui se sont mariés depuis quatre ans, la conscription de ces années pourrait encore en fournir six cent mille. En faisant sur ce nombre une levée de quatre-vingt mille hommes, Votre Majesté aura appelé un conscrit sur sept, et les cadres de l'armée se rempliront de soldats de vingt-un, de

vingt-deux et de vingt-trois ans, c'est-à-dire d'hommes faits et prêts à supporter les fatigues de la guerre.

« Il n'a point échappé à la prévoyance de Votre Majesté qu'un tel accroissement de forces nécessiterait une augmentation de dépense de plusieurs millions pour le département de la Guerre. Votre Majesté ne veut pas que je l'entretienne de cet objet dans ce rapport; son ministre des Finances s'est chargé d'y faire face sans augmenter en aucune manière les impositions établies par la dernière loi.

<< Il est vrai, Sire, que l'usage suivi dans ces dernières années aurait pu jusqu'à un certain point porter une partie de vos peuples à se regarder comme libérés du devoir de la conscription, du moment où ils auraient, sur la masse totale, fourni le contingent demandé pour l'année, et sous ce rapport ce que je propose à Votre Majesté semblerait exiger de la part de ses sujets un sacrifice. Mais, Sire, il n'est personne qui ne sache qu'aux termes des lois, Votre Majesté serait autorisée à appeler sous ses drapeaux la totalité de la conscription non-seulement des quatre dernières années, mais même des années antérieures ; et quand il s'agirait d'un sacrifice réel, quel est le sacrifice que Votre Majesté n'ait pas le droit d'attendre de l'amour de ses peuples? Qui de nous ignore que Votre Majesté se sacrifie elle-même entièrement pour le bonheur de la France, et que de la prompte réussite de ses grands desseins dépend le repos du monde, sa sûreté future et le rétablissement de la paix maritime, sans laquelle il n'est pour la France ni calme ni tranquillité?

<< En proposant à Votre Majesté de déclarer que désormais aucun rappel de conscription antérieure n'aura lieu, je ne fais, Sire, que prévenir vos vues paternelles.

« Je crois utile de proposer en même temps à Votre

« EelmineJätka »