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jamais la plus petite clause du grand système de proscription ait été abrogée ou suspendue à son égard. Tout au contraire, nous avons vu cette grande puissance accusée, chicanée, menacée, pour la moindre déviation, réelle ou apparente, dans l'exécution de ce système; et nous l'avons vue enfin formellement attaquée pour cause de contravention à un article du traité de Milan. Quant à la mauvaise foi qui éclate dans des contrastes pareils, il ne vaut plus la peine de la relever; la lumière paraît enfin avoir percé sur ce point-là; mais on est surpris et confondu en entendant tous les jours encore vanter l'intelligence supérieure et la politique profonde d'un gouvernement qui ne cesse de donner à l'Europe le spectacle de ces contradictions choquantes, et s'empresse de les consigner dans ses feuilles publiques, comme s'il avait peur de les voir échapper aux contemporains et à la postérité.

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Des conditions attachées par la France à la révocation définitive des décrets de Berlin et de Milan.

Les conditions sur lesquelles, d'après ces notes du Moniteur, la France insiste pour révoquer les décrets de Berlin et de Milan, sont que l'Angleterre supprime ses ordres du Conseil de 1807 et de 1809, mais en même temps la déclaration de blocus du 16 mai 1806; attendu que, «< sans la révocation du blocus de 1806, celle des arrêts de 1807 et de 1809 serait illusoire. >> -« Si le gouvernement anglais, dit la note 13, révoque sa déclaration du 16 mai 1806, le décret de Berlin, qui n'en est qu'un acte de représailles, sera révoqué de droit. Si le gouvernement anglais révoque ses

arrêts du 11 novembre 1807, le décret de Milan, qui n'est qu'un acte de représailles de ces arrêts, sera révoqué de droit. >>

Fidèle au système audacieux et invariablement suivi par tous les gouvernements nés de la Révolution, d'accuser ceux qu'il s'agissait de dépouiller ou d'écraser, non-seulement de torts et de crimes imaginaires, mais précisément de ces mêmes torts et de ces mêmes crimes auxquels les accusateurs allaient se livrer, ou qu'ils venaient de commettre contre eux, le gouvernement français a pris le parti de représenter comme des actes de représailles les décrets éminemment agressifs de Berlin et de Milan. En exigeant aujourd'hui que l'Angleterre révoque ses ordres du Conseil, avant que la France eût abrogé ses décrets, il est tout simple que l'on se serve encore de la même tactique. Car, sans employer un artifice pareil, ce serait trop insulter au sens commun et à toute idée de justice et de convenance, que de prétendre que la révocation des ordres du Conseil, amenés et provoqués par les décrets français, précédât la révocation de ces décrets.

Je crois avoir, suffisamment expliqué, dans la première partie de ces observations, ce que c'était que la déclaration du 16 mai 1806, et à quel point il fallait avoir renversé toutes les idées et dénaturé tous les faits, pour soutenir qu'elle avait été, ou qu'elle eût pu être la cause du décret de Berlin. Cette déclaration fut légalement révoquée au mois de septembre 1806; si elle a été remplacée depuis par quelque autre acte de la même nature 1, il aurait fallu ou citer cet acte,

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J'avoue sincèrement que je ne sais pas si la déclaration du 16 mai 1806 a jamais été remise en vigueur, ou si quelque mesure analogue a subsisté séparément des ordres du Conseil. A en juger d'après quelques passages de la correspondance, entre M. MONROE et M. FOSTER, je serais presque tenté de le croire; mais privé de tous les moyens nécessaires

ou se contenter de protester en général contre le principe de toute mesure pareille. Insister sur la révocation de la déclaration du 16 mai comme telle, est aujourd'hui complétement absurde.

Il ne l'est pas moins d'annoncer que la révocation du décret de Milan suivra celle des ordres du Conseil du 11 novembre 1807. Ces ordres ne subsistent plus; ils sont remplacés par l'ordre du 26 avril 1809. Dans le sens même du gouvernement français, le décret de Milan, comme je crois l'avoir prouvé, est nul et de toute nullité, puisqu'il se rapportait tout entier à une clause des ordres de 1807, qui a été supprimée dans celui de 1809.

Mais ce qui est bien plus essentiel que tous ces anachronismes, et toute cette confusion de faits et de dates, c'est la prétention du gouvernement français de faire renoncer l'Angleterre au principe de blocus maritime, tel qu'elle l'a soutenu jusqu'ici, et tel qu'il a servi de base à la déclaration du 16 mai 1806. Il me paraît nécessaire d'ajouter encore quelques éclaircissements à ce que j'ai dit sur cet objet dans la première partie de ces observations.

<< La Grande-Bretagne, » dit M. Foster dans une de ses lettres à M. Monroe, « n'a jamais contesté que, suivant les usages du Droit des gens, tout blocus, pour pouvoir être justifié, doit être appuyé par des forces suffisantes, et mettre en danger tout navire qui tenterait d'échapper à ses effets. Ce fut d'après ce principe reconnu que le blocus de mai 1806 ne fut notifié par M. Fox, alors secrétaire d'État, qu'après qu'il se

pour vérifier ce fait, je ne puis ni l'affirmer ni le nier positivement. Cette circonstance, au reste, comme on le verra tout à l'heure, est peu essentielle pour la question principale. Car il ne s'agit pas de tel ou tel acte individuel, mais de savoir si l'Angleterre peut et doit renoncer au droit sur lequel la déclaration du 16 mai était fondée, et que la France lui conteste aujourd'hui.

fût convaincu par un rapport du bureau de l'Amirauté, que l'Amirauté avait et emploierait les moyens de garder toute la côte depuis Brest jusqu'à l'Elbe, et de mettre réellement ce blocus à exécution. Le blocus du mois de mai 1806 était donc juste et légitime dès son origine, puisqu'il était appuyé, tant dans l'intention qu'en effet, par des forces navales suffisantes. - Les ordres du Conseil furent fondés sur un principe différent, etc., etc. »>

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Je ne crois pas qu'il soit possible de définir le droit de blocus d'une manière plus claire, plus raisonnable et plus juste. L'explication de M. Foster est d'ailleurs parfaitement d'accord avec l'idée fondamentale du droit de blocus, admise par tous les publicistes et par ceux même qui ont le plus déraisonné sur les limites de son exécution. Si l'extension donnée à ce droit dans les guerres maritimes de notre temps a paru contraster avec ce que l'on avait vu autrefois, et a fait croire à des observateurs superficiels qu'elle était contraire aux anciens usages, la raison en est que l'on n'a pas assez réfléchi sur les effets naturels et nécessaires du progrès de tous les moyens maritimes. Je défie d'établir un principe quelconque autorisant une puissance à bloquer un port de son ennemi, lorsqu'elle peut le faire avec un nombre de vaisseaux suffisant, qui n'autorisât la même puissance à bloquer toute une côte hostile, si elle peut disposer de forces suffisantes pour réaliser cette entreprise dans le sens habituel et généralement reçu de ce terme. Il n'y a rien de plus déplacé que d'appeler une opération påreille un blocus sur le papier. Si les blocus déclarés et exécutés par le gouvernement anglais n'avaient été que cela, il est probable que les injures que lui ont adressées ses ennemis et quelques neutres qui avaient adopté leur langage, auraient été bien moins violentes.

D'un autre côté, la définition du droit de blocus. maritime que la France voudrait mettre en avant, est tout à fait inadmissible, et contrarie en même temps toutes les idées reçues. Elle prétend que le droit de blocus n'est applicable qu'aux « places fortes, réellement investies de forces suffisantes'. » D'après cette définition, on n'aurait jamais pu bloquer un port non fortifié, et les puissances qui, par l'infériorité de leurs forces navales, seraient exposées à des attaques de ce genre n'auraient qu'à raser leurs côtes, et détruire tout ce qui s'appelle fortification, batterie, etc., pour rendre nulle toute espèce de blocus maritime. On a beau analyser, disséquer, tourner et retourner dans tous les sens l'idée d'un droit de blocus, on n'y trouvera pas le moindre fondement, pas le moindre prétexte pour une restriction si parfaitement arbitraire.

Jamais aucun ministère britannique ne reconnaîtra cette législation de pure fantaisie. Du jour où l'Angleterre s'y soumettrait, sa prépondérance maritime ne serait plus qu'un fantôme sans réalité. Exiger qu'elle renferme l'exercice de ses droits dans les bornes étroites que son ennemi veut gratuitement établir, c'est autant que lui dire sans détour: Nous reconnaissons et nous sentons votre supériorité; mais nous prétendons que vous n'en usiez que jusqu'au terme que nous jugerons à propos de vous fixer! Il me semble que l'Angleterre serait tout aussi autorisée à répondre Vous êtes aujourd'hui la première puissance continentale; mais, comme votre conscription militaire, et plusieurs autres moyens récemment inventés pour multiplier et perfectionner vos forces, nous gênent et nous déplaisent, vous reprendrez l'ancien système militaire, tel qu'il était en usage chez vous avant la Révolution.

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