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La manière de visiter les bâtiments marchands pour s'assurer qu'ils ne transportent pas de contrebande, est réglée dans l'article 8; et enfin l'article 10 établit que le sort des marchandises est décidé par la qualité de neutre ou d'ennemi du bâtiment, c'est-à-dire que le pavillon couvre la marchandise.

Le traité de commerce signé à Utrecht le 11 avril 1713, entre l'Angleterre et la France (no 4), constate, par l'article 17, la liberté qu'ont les neutres de négocier d'un port à l'autre des pays en guerre, et renferme le principe que le pavillon couvre la marchandise. Après avoir excepté de cette garantie les marchandises de contrebande, l'article 19 porte que les armes, les harnais et les munitions de guerre sont seuls réputés telles. L'article 20 fait l'énumération des marchandises qui ne peuvent être regardées comme contrebande, et déclare qu'elles peuvent être librement transportées partout, excepté dans les places assiégées, bloquées et investies. Enfin, l'article 24 règle le droit de visite.

Le traité du même jour (no 5) entre la France et les Provinces-Unies, contient absolument les mêmes stipulations.

Les dispositions des traités d'Utrecht ont servi de règle, jusqu'en 1756, à la législation maritime : ainsi les droits des neutres étaient bien reconnus. La franchise de leurs pavillons, la liberté de la navigation, le caractère des marchandises de contrebande, et le droit de blocus, étaient fixés par les traités; et il était réservé à l'Angleterre de détruire une partie du droit public si bien établi par ses propres engagements et ceux des autres puissances de l'Europe!

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Droit public de l'Europe, relativement à la neutralité maritime de 1756 à 1775.

Nous venons de voir quel était le droit public relativement aux droits des neutres sur les mers avant la guerre de 1756. Nous allons examiner si, dans la période qui s'est écoulée depuis l'origine de cette guerre jusqu'en 1775, il a éprouvé quelques changements; nous verrons que, malgré les efforts de l'Angleterre et ses actes arbitraires, les traités ont constamment renouvelé et consacré les principes de celui d'Utrecht.

En effet, à peine l'Angleterre se trouva-t-elle engagée dans la guerre qui éclata en 1756, qu'elle prétendit établir deux nouveaux principes directement contraires à tous les traités, mais auxquels elle mettait une importance proportionnée aux avantages qu'elle croyait en retirer. Elle chercha d'abord à les introduire sans éclat, de peur d'appeler la résistance des puissances intéressées à les combattre; mais, après la première période de la guerre, enhardie par les succès que lui assurait sa supériorité maritime, elle ne craignit plus d'avouer qu'elle prétendait ajouter à la législation existante, des lois nouvelles en opposition directe avec les lois et les obligations qu'elle s'était imposées à elle-même par les traités les plus solennels.

Elle attaqua d'abord les principes établis sur le caractère des objets de contrebande, et elle en étendit considérablement la liste, en y comprenant, sous le nom de munitions navales, tout ce qui sert à la construction et à l'équipement des vaisseaux; sous le prétexte de nuire à la marine de ses ennemis, prétexte

injuste et frivole, puisque, pour nuire à ses ennemis, il aurait été aussi légitime de défendre aux neutres de commercer avec eux, et d'anéantir ainsi toute navigation autre que celle des sujets de la Grande-Bretagne.

La seconde règle que l'Angleterre voulut établir est que les neutres n'ont pas le droit de faire le commerce des colonies d'un État belligérant, parce que, disait le ministère anglais, ils ne pouvaient le faire en temps de paix. Une pareille prétention viole tous les principes du droit public. -Vouloir empêcher les neutres de faire le commerce avec une colonie, c'est agir comme si l'on en était déjà le maître; c'est anticiper sur le droit de conquête, et c'est en même temps s'arroger des droits sur les neutres, et leur prescrire des ordres comme à ses propres sujets. -Au reste, on connaît plutôt les ordres de l'Angleterre, dans cette guerre, par leurs effets et les aveux de ses ministres 1, que par leur teneur littérale. Les instructions données à cette époque en Angleterre, et qui y portent le nom de Règles de la guerre (Rule of war), ne sont bien connues que des juges de l'Amirauté; en sorte que la position des neutres se trouvait encore aggravée. Ils étaient non-seulement obligés de se soumettre à des lois qui pesaient sur leur commerce, et qui émanaient d'une puissance étrangère, mais encore à des lois dont le texte leur était inconnu!

Les gouvernements du continent ne pressentirent pas toutes les conséquences de ces innovations, et n'opposèrent pas aux prétentions de l'Angleterre la résistance que commandaient l'honneur de leurs nations et les intérêts de leurs sujets. L'attention des puissances de l'Europe était détournée par la guerre continentale: cependant les États maritimes firent des

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représentations; les publicistes combattirent ces maximes nouvelles; l'opinion publique se prononça; et le gouvernement anglais, ne se croyant pas encore dispensé d'user de ménagements et en état de braver ouvertement la voix des peuples, jugea nécessaire de faire paraître un mémoire justificatif de sa conduite'. Ce mémoire fut écrit par lord Liverpool. Quoique cet écrivain veuille défendre des principes contraires à ceux qui étaient alors adoptés en Europe, il y reconnaît cependant expressément qu'un port ne peut être bloqué légalement que lorsque la puissance qui veut en interdire l'accès, entretient devant ce port des forces assez considérables pour empêcher l'entrée et la sortie mais c'est dans cet ouvrage, qui porte, en quelque sorte, un caractère officiel, que se montre pour la première fois à découvert la doctrine de l'Angleterre, relativement à la domination qu'elle prétend exercer sur la navigation des neutres. On y voit clairement que jusqu'à l'époque de la guerre de 1756, le droit de transporter des marchandises ennemies sur des bâtiments neutres était bien reconnu par l'Angleterre, et qu'alors seulement elle osa montrer l'intention de violer le droit public sanctionné par les traités, et d'enfreindre tous ses engagements; et enfin, malgré tout l'art de l'apologiste, on reconnaît aisément qu'il ne s'appuie que sur de vains prétextes, et que l'Angleterre, ne prenant dans cette circonstance d'autre guide que son intérêt, et ne se conduisant que d'après le sentiment de sa supériorité navale, n'établit pas des principes de législation maritime, mais use seulement du droit du plus fort. Aussi dès que la paix

Ce travail, qui ouvrit la carrière des honneurs à Charles JENKINSON (comte de LIVERPOOL en 1796), a été publié en 1758; il a pour titre : Discours sur la conduite du gouvernement de la Grande-Bretagne à l'égard des Puissances neutres.

reparut, elle n'essaya pas même de soutenir ses prétentions; et le second article du traité de 1763 (no 7) entre la France et l'Angleterre, renouvelant et confirmant le traité de commerce d'Utrecht, rétablit le droit public relativement aux droits des neutres sur mer, dans l'état où nous avons vu qu'il était avant cette guerre.

Peu de temps après, l'Angleterre consacra de nouveau, dans son traité de commerce avec la Russie, les principes contraires à ceux qu'elle avait voulu faire prévaloir. Ce traité (n° 8), conclu en 1766, énonce, dans l'article 10, le principe de la liberté du commerce des neutres sur les côtes et entre tous les ports de l'ennemi, et définit, dans l'article 11, les objets de contrebande, sans rien ajouter à ceux qui sont indiqués dans le traité d'Utrecht. La GrandeBretagne se conformait donc au droit public reconnu de l'Europe; mais elle se réservait de reproduire ses prétentions aussitôt que son intérêt lui en donnerait le conseil.

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Droit public de l'Europe, relativement à la neutralité maritime, de 1775 à 1802.

La guerre d'Amérique éclata en 1775. Avant que la France y fût engagée, elle proclama dans son traité de commerce avec les États-Unis, les principes que nous venons d'établir, comme ayant toujours servi de base au droit maritime. L'article 23 de ce traité (n° 9), porte que le pavillon couvre les marchandises; l'article 24 porte que toutes les marchandises autres que les objets de contrebande déterminés comme dans le traité d'Utrecht, peuvent être librement transportées, si ce n'est aux places assiégées, bloquées ou investies; et l'article 27 règle la manière dont pourra se

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