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en remplacement de La Reynie, le premier qui ait exercé d'aussi grandes fonctions.

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Lorsqu'il alla faire sa visite d'installation au premier président du parlement, de Harlay, celui-ci entr'ouvrit la porte de son cabinet, et lui cria: clarté, propreté, sûreté, et la referma aussitôt après lui avoir adressé ces mots significatifs.

A cette époque, la police avait un grand but d'utilité, celui de faire cesser les crimes et les désordres nombreux qui désolaient Paris. Le prédécesseur de d'Argenson avait créé cette administration; mais c'était à lui qu'était réservé l'honneur d'en imaginer le ressort et les rouages principaux, et de montrer tout le bien qu'on pouvait tirer d'une magistrature aussi importante.

Ce ne fut point assez de forcer une foule de gens sans aveu à quitter des repaires connus de tout le monde, et où personne n'avait, jusque-là, osé les attaquer; il le fit, et alla plus loin : il parvint à pénétrer les actions les plus secrètes.

Si la société a retiré quelque avantage de ce nouveau mode de surveillance, il faut convenir qu'il a donné lieu à d'énormes abus.

Paris, couvert d'immondices, était souvent mal approvisionné : d'Argenson, en faisant régner la propreté et la tranquillité, sut entretenir l'abondance.

La sûreté de la ville fut portée au plus haut degré ;‹ aussi Louis XIV se reposa-t-il toujours et entièrement sur lui de ce qui concernait sa cápitale.

La nouvelle armée de mouchards que le lieute

nant de police avait organisée, était si alerte, si intelligente, qu'elle rendait compte de tout ce qui se passait, même dans les ténèbres.

En 1709, la cherté excessive des grains produisit quelques troubles; d'Argenson parvint à calmer le peuple et à réprimer les émeutes.

On le redoutait tellement, qu'on ne l'appelait que le damné, le Rhadamante, le juge des enfers; sa figure sévère justifiait presque ces épithètes.

Il ne balança jamais à aller de sa personne faire cesser le désordre. Un jour, étant assiégé dans une maison, à laquelle une troupe nombreuse voulait mettre le feu, il en fit ouvrir la porte, se présenta, parla aux mutins, et les apaisa.

C'était surtout dans les incendies que brillaient son courage et sa présence d'esprit. Il s'y trouvait toujours, donnait des ordres, prodiguait les secours, et était toujours le premier à donner l'exemple quand. il fallait braver le péril; sa présence électrisait les travailleurs. A l'embrasement des chantiers de la porte Saint-Bernard, à Paris, il était nécessaire, pour prévenir un incendie général, de traverser un espace de chemin occupé par les flammes. Des détachemens du régiment des gardes hésitaient à tenter ce passage; d'Argenson le franchit sur-le-champ, se fit suivre, et l'embrasement cessa. Il fut plus de vingt heures dans une action continuelle, et eut ses habits brûlés.

La fermeté, le grand discernement, l'habileté enfin de d'Argenson, son zèle dans l'administration de

la police, son dévoûment aux volontés du monarque et des ministres, furent récompensés par son admission au nombre des conseillers-d'état (juin 1709).

Il prit part aux affaires les plus importantes; fut fait garde-des-sceaux le 28 janvier 1718, président du conseil des finances le 1er février de la même année, et, le 5 janvier 1720, ministre-d'état. A cette époque, on créa pour lui une place d'inspecteur-gé→ › néral de la police du royaume.|-

Sacrifié au mécontentement public, lors de la perte du système de Law, il donna volontairement, le 5 janvier 1720, sa démission de la présidence du conseil des finances, et remit les sceaux le 7 juin de la même année.

Il se retira alors dans son hôtel, qui était fort voir sin du couvent des Filles-de-la-Croix, rue de Cha-i ronne, et se consola de la perte de ses places en cultivant les lettres.

Il mourut l'année suivante, le 8 mai, membre de l'Académie des sciences (1) et de l'Académie Française (2).

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Le système de Law avait exaspéré les esprits, et : on accusait d'Argenson d'une partie des maux qui en avaient été le résultat. Le peuple insulta à ses funérailles; et ses deux fils, obligés d'abandonner le

(1) Ela en 1716.

(2) Elu le 2 avril 1718.

cortége, se rendirent à pied dans l'église de SaintNicolas-du-Chardonnet, lieu de sépulture de la fa

mille.

Docile instrument des jésuites, Louis XIV faisait persécuter les religieuses de Port-Royal-des-Champs, parce que ces filles avaient donné asile à des hommes célèbres par leurs vertus et leurs talens, mais que la' Société de Jésus poursuivait avec l'obstination la plus coupable.

En 1664, on les avait chassées de leur couvent de la rue de la Bourbe; on avait pris douze de ces sœurs pour les disperser dans d'autres couvens, où elles furent traitées comme prisonnières. En 1665, on avait établi, dans leur ancien monastère, une garnison, qui s'y trouvait encore en 1669. Enfin, le 29 octobre 1709, on les enleva de leur maison; on supprima leur couvent.

D'Argenson, qui dirigeait cette expédition singulière, ne donna à ces infortunées qu'un quart-d'heure pour se préparer à partir.

Dispersées dans différentes maisons religieuses de la France, il leur fut impossible de léguer aux historiens autre chose que la mémoire de leurs malheurs les écrivains du siècle dernier et de celui-ci ont flétri le souvenir des fauteurs de ces hideuses persécutions; et d'Argenson surtout, grâce à leur vertueuse indignation, ne portera plus dans nos histoires qu'un nom couvert de leurs stigmates impo

sans.

Il avait rendu des services au duc d'Orléans,

comme à d'autres grands personnages, en cachant au roi et en accommodant, par son autorité, des aventures de jeunesse, en couvrant même ou réparant des erreurs de conduite graves. Le neveu du monarque, devenu régent, et probablement avec le concours du lieutenant de police, avait gardé le souvenir de tout ce que d'Argenson avait fait pour lui.

Celui-ci ne craignit pas les parlemens, qui étaient alors en opposition avec la cour, qu'il avait souvent lui-même attaqués, et qui, à ce titre, lui étaient très-opposés. Quant à lui, il voulait contenir, et au besoin réprimer ces compagnies; mais il ne pouvait les haïr personnellement, tenant à plusieurs familles de magistrature par les liens de la parenté et de l'affection. Du reste, il n'avait jamais dépassé les limites de ses attributions.....

» Dès l'origine des Conseils (septembre 1715) établis par le régent, il fit partie de celui du dedans du royaume, qui était composé de cinq membres, sous la présidence du duc d'Antin. Bientôt les obstacles que le duc d'Orléans rencontrait de toutes parts à ses desseins, l'engagèrent à appeler d'Argenson à son aide. Il le fit, en janvier 1718, président du conseil' des finances, et en même temps garde-des-sceaux, afin qu'il eût plus d'autorité, et fùt intéressé à ne pas ménager le parlement, sur lequel il s'agissait d'avoir le dessus. Le lit de justice tenu aux Tuileries, le 26 août 1718, fut un coup d'État hardi, que ́les circonstances avaient rendu nécessaire. D'Argen

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