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CHAMBRE DES DÉPUTÉS

3o SÉANCE DU VENDREDI 10 NOVEMBRE 1905

3.

1. Excuses et demande de congé. 2.- Discussion du projet de loi autorisant le ministre de l'instruction publique, des beauxarts et des cultes à accorder, pendant l'année 1905, pour le service des constructions scolaires (enseignement primaire), en addition au crédit d'engagement alloué par la loi de finances du 22 avril 1905 (art. 80), des subventions s'élevant à 1 million de francs : MM. le lieutenant-colonel du Halgouet, Pierre Baudin, rapporteur général. Adoption de l'article unique du projet de loi.

Communication d'une demande d'interpellation de M. Charles Dumont sur la politique générale du Gouvernement. Sur la fixation de la date MM. Georges Grosjean, Vaillant, Pugliesi-Conti, le président du conseil. Maintien de l'ordre du jour.

4. Incident MM. le président du conseil, Jaurès, Ribot.

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6.

SOMMAIRE

M. Georges Grosjean sur l'incessante propagande internationaliste et antimilitariste des bourses du travail; 2o de l'interpellation de M. Vaillant sur les abus et l'arbitraire de l'ingérence gouvernementale et préfectorale dans l'administration de la bourse du travail de Paris; 3o de l'interpellation de M. PugliesiConti sur les mesures que compte prendre le ministre de la guerre en sa qualité de chef de l'armée contre les auteurs des appels à la désertion et au crime adressés aux conscrits de la Seine MM. Georges Grosjean, le président du conseil.

Motion d'ordre présentée par M. Jaurès : MM. Jaurès, le président du conseil, le ministre de la guerre, Ribot, Gérault - Richard, Camille Pelletan, Charles Dumont, Vazeille.

Ordres du jour motivės: 1o de MM. Delbet, Le Bail et François Carnot; 2o de MM. Rouanet et Sembat; 3o de MM. Steeg, Charles Dumont, Puech, Couyba et plusieurs de leurs collègues MM. Ribot, le président du conseil. - Demande de priorité en faveur de l'ordre

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ADOPTION D'UN PROJET DE LOI AUTORISANT LE MINISTRE DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE A ACCORDER DES SUBVENTIONS POUR LE SERVICE DES CONSTRUCTIONS SCOLAIRES

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant le ministre de l'instruction publique, des beaux-arts et des cultes à accorder, pendant l'année 1905, pour le service des constructions scolaires (enseignement primaire), en addition au crédit d'engagement alloué par la loi de finances du 22 avril 1905 (art. 80),

des subventions s'élevant à 1 million de francs.

M. le lieutenant-colonel du Halgouet. Je demande la parole.

M. le président. La parole est à M. du Halgouet.

M. le lieutenant-colonel du Halgouet. Je ne veux pas m'imposer à l'attention de la Chambre qui a dans ce moment-ci d'autres sujets d'impatience; je veux lui dire très brièvement pourquoi un grand nombre de mes amis et moi nous ne pouvons pas voter le projet qui nous est présenté.

Je suis très étonné que le Gouvernement n'ait pas retiré ce projet.

Qu'est-ce qu'on nous demande aujourd'hui? Un crédit supplémentaire pour le service des constructions scolaires. Ce n'est

pas un de nos moindres sujets d'étonnement que de voir une semblable demande de crédits déposée au lendemain de la discussion générale du budget à laquelle nous venons d'assister. (Applaudissements à droite.)

Nous avons entendu tour à tour les observations si savantes et si documentées de

36

M. Argeliès, les critiques si justes de M. Pli- | nimum; c'était au ministre de l'instruction | pas de débat plus urgent que celui dont la chon; nous avons entendu, je dirai l'examen publique, et par conséquent au Gouverne- propagande antimilitariste des bourses du de conscience de M. le ministre des finan- ment, qu'il appartenait de se tenir dans les travail doit faire l'objet. On lui demande ces; il promettait que nous ne verrions plus limites raisonnables et légales, c'est-à-dire aujourd'hui d'ajourner ce débat; je prie de crédits supplémentaires, au moins autant conformes à la loi budgétaire. (Applaudisse- très énergiquement la Chambre de vouloir qu'il serait en son pouvoir. Nous l'avons ments à droite.) bien le maintenir à son ordre du jour. T entendu nous affirmer qu'il était intervenu auprès de tous les ministres pour que chacun d'eux se renfermât, pour l'exécution des lois dont la charge lui incombe, dans

les limites des crédits qui lui sont impartis. L'écho de cette discussion est à peine éteint qu'on nous appelle à voter aujourd'hui un crédit nouveau de 1 million pour les constructions scolaires.

Je ne critique pas la commission du budget qui nous rapporte ce projet; elle est dans son rôle, peut-on dire, en ne refusant pas aux ministres les crédits qu'ils lui demandent pour l'exécution des lois. C'est au Gouvernement que je m'en prends.

Le Gouvernement fait précéder son projet de loi d'un exposé des motifs qu'il est vraiment difficile de prendre au sérieux. Il nous fait connaitre qu'au moment où la loi du 7 juillet 1904 a été votée, le budget de 1905 avait déjà été présenté. C'est exact; il l'avait été pour la forme, mais il était bien loin d'arriver au terme de la discussion. Ce budget, en effet, n'a été voté qu'à la fin de mars dernier et dès cette date il était facile de prévoir l'insuffisance des sommes inscrites primitivement.

Dès lors, le Gouvernement aurait pu demander pour 1905 des crédits plus élevés si cela avait été nécessaire. Cela eût été correct. Je sais bien qu'il s'agit actuellement d'un crédit d'engagement; mais mon observation n'en porte pas moins.

Il était d'ailleurs parfaitement loisible au Gouvernement chargé de l'exécution de cette loi, c'était même son devoir le plus élémentaire – et je reste ici sur le terrain purement financier de tempérer, de modérer les mesures d'exécution, de manière à restreindre les charges dans les limites prévues au budget. 11 dépendait du Gouvernement seul d'agir ainsi puisque les fermetures d'établissements congréganistes sont faites uniquement par voie d'arrêtés ministériels, c'est-à-dire dépendent simplement du bon plaisir du ministre de l'instruction publique. Si le ministre s'était tenu plus sévèrement dans son rôle, c'est-à-dire s'il était resté, je le répète, dans les limites des crédits qui lui étaient impartis, cette demande ne se serait pas produite. (Très bien! très bien! à droite.)

Je ne puis d'ailleurs que protester contre le projet qui nous est soumis; tous ceux qui se sont prononcés contre la loi de 1904 doivent a fortiori voter contre son application précipitée.

Pour en obtenir le vote, on a déclaré à la Chambre que la dépense des constructions scolaires serait limitée à un maximum de 10 millions; le Gouvernement savait très bien — et on l'a fait remarquer pendant la discussion même que cette évaluation, au lieu d'être un maximum, n'était qu'un mi

M. le président. La parole est à M, le rap-bien! très bien! au centre et à droite.) porteur général du budget. M. Edouard Vaillant. Je m'associe à l demande de M. Grosjean.

M. Pierre Baudin, rapporteur général de la commission du budget. Quoi qu'on pense de la loi de 1904, il apparaîtra à tout le monde qu'il est indispensable d'assurer aux enfants l'éducation et l'instruction, et en même temps les locaux dans lesquels cette instruction et cette éducation doivent leur être données. Il s'agit d'un projet de loi autorisant le Gouvernement à engager immédiatement pour le service des constructions scolaires 1 million de plus qu'il n'était prévu au budget de 1905. En supposant qu'il doive se produire ici une discussion sur l'application de la loi de 1904, je prendrai le contrepied de la formule de M. du Halgouet, et je dirai que ceux qui veulent l'application de la loi yoteront immédiatement, conformément aux conclusions du Gouvernement. (Applaudissements à gauche.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole?...

Je consulte la Chambre sur la question de savoir si elle entend passer à la discussion de l'article unique du projet de loi. (La Chambre, consultée, décide de passer à la discussion de l'article.)

M. le président. « Article unique. Le ministre de l'instruction publique, des

beaux-arts et des cultes est autorisé à accorder pendant l'année 1905, pour le service des constructions scolaires (Enseignement primaire), en exécution de la loi du 20 juin

1885 et de l'article 65 de la loi de finances

du 26 juillet 1893, et en addition au crédit d'engagement alloué par l'article 80 de la loi de finances du 22 avril 1905, des subventions s'élevant à 1 million de francs..

« Ces subventions seront imputables soit sur les crédits ouverts au budget de l'exercice 1905, soit sur les crédits à ouvrir aux budgets des exercice suivants. »

Personne ne demande la parole?.......
Je mets l'article unique aux voix.
(L'article unique, mis aux voix, est adopté.)

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M. le président. M. Vaillant, auteur de la seconde interpellation inscrite à l'ordre du jour, se joint à M. Grosjean pour demander le maintien de l'ordre du jour.

M. Pugliesi-Conti. Je le demande également, comme signataire de la 3o interpella

tion.

M. le président du conseil, ministre des affaires étrangères. Je demande la p

role.

M. le président. La parole est à M. le président du conseil.

M. le président du conseil. Le Gouver nement n'a pas l'intention de porter atteinte au droit des interpellateurs.

Au centre. Au contraire !

M. le président du conseil. Si vous désirez exprimer ma pensée, je suis prêt à vous laisser la parole; mais si vous voulez bien ne pas m'interrompre, peut-être arriverai-je à l'exprimer moi-même. (Très bien! - Parlez!)

Je dis que le Gouvernement n'a pas l'intention de porter atteinte au droit des auteurs des interpellations inscrites à l'ordr du jour de la présente séance; mais il n dépend pas de lui qu'une motion générale s'étant produite, il soit légitime de vider tout de suite la question générale, sauf à aborder immédiatement les autres questions dans l'ordre que la Chambre leur a

donné.

M. le président. Je mets aux voix !» maintien de l'ordre du jour, qui a la pri rité.

(La première partie de l'épreuve a lieu. Voir diverses. Nous n'avons pas compris (Vives exclamations au centre et à droite. Bruit.)

M. le président. On me dit que le vo n'a pas été compris. (Nouvelles exclam tions au centre.) Je vais l'expliquer à nol

veau.

M. le président du conseil. Mais je puis bien dire un mot?

Plusieurs membres au centre. Non! non' Le vote est commencé! M. le président. Réglementairement, président seul peut parler du moment que le vote est commencé.

Je rappelle qu'à la proposition de fiver immédiatement la discussion de l'interpe le maintien de l'ordre du jour, c'est-à-di. la priorité pour l'ensemble des trois interpellations de MM. Grosjean, Vaillant et Pigliesi-Conti, qui sont inscrites à l'ordre di jour de la présente séance.

lation de M. Charles Dumont on a oppose

C'est cette motion, tendant au mainti.. de l'ordre du jour, qui a la priorité et que je

mettais aux voix.

M. Dejeante. Je dépose une demande de Scrutin. (Bruit.)

Au centre. Il est trop tard! Le vote est commencé!

M. le président. La première partie de l'épreuve à main levée a eu lieu.

Le scrutin ne peut pas être demandé quand une épreuve est commencée. (Très bien ! très bien !)

M. Albert Tournier. C'est à M. le président du conseil de répondre.

M. César Trouin. Oui! Auparavant, M. le président du conseil doit répondre.

M. le président du conseil. Je demande à répondre un mot à la question que me pose l'honorable M. Jaurès.

La réponse que je fais a cette signification que le Gouvernement tel qu'il est assume

M. le président du conseil. Je n'en sais rien.

M. Jaurès. Vous n'en savez rien, monsieur le président du conseil ? Et ainsi la Chambre est appelée maintenant à discuter avec un gouvernement qui ne sait plus lui-même dans quel sens il est modifié. (Applaudissements à l'extrême gauche. Bruit.) Je fais cette motion préjudicielle... (In

Je consulte la Chambre sur le maintien de la responsabilité du débat. (Applaudisse-terruptions au centre et à droite.)
Tordre du jour.

La Chambre, consultée, se prononce pour le maintien de l'ordre du jour.) (Vifs applaudissements au centre et sur divers bancs à

droite.}

M. le président. L'ordre du jour est maintenu. (Bruit.)

(M. Berteaux, ministre de la guerre, quilte le banc du Gouvernement. Agitation prolongée.

4. INCIDENT

M. le président. La parole est à M. Grosjean pour développer son interpellation sur lincessante propagande internationaliste et antimilitariste des bourses du travail. (Bruit.) Plusieurs membres à l'extrême gauche. Nous demandons une suspension de séance ! Au centre. L'ordre du jour!

M. le président du conseil. Je demande la parole.

M. le président. La parole est à M. le président du conseil.

M. le président du conseil. Je tiens à déclarer que le Gouvernement n'a pas à intervenir au sujet des motions qu'il entend se produire, dont l'une tend à suspendre la séance et l'autre à poursuivre l'ordre du jour, mais il a le devoir de constater qu'il est à son banc, qu'il conserve sa responsabilité et qu'il est prêt à répondre aux interpellateurs. (Vifs applaudissements au centre et sur divers bancs à gauche.)

M. Jaurès. Je demande la parole. (Exclamations au centre et à droite.)

M. le président. Je ne puis vous donner la parole sans que l'orateur y consente. M. Georges Grosjean. Je n'y consens

pas.

M. Jaurès. Je demande la parole pour un rappel au règlement. (Bruit au centre et à droite.)

M. le président. M. Jaurès a la parole pour un rappel au règlement.

M. Tournade. A la fin de la séance! M. Jaurès parlera à son tour. (Bruit.)

M. Jaurès. M. le président du conseil avait sans doute des raisons pour faire à l'instant la communication gouvernementale qu'il vient de faire. Il a déclaré que le Gouvernement était à son bane; je lui demande s'il y est tout entier? (Applaudissements à l'extrême gauche. - Mouvements di

Pers.)

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ments au centre el sur divers bancs à gauche
et à droite.)

Je n'ai qu'un souci, c'est qu'il me soit
donné, que ce soit sous une forme ou sous
une autre, d'apporter à la tribune de la
Chambre et de développer à la face du pays
les explications que le Gouvernement doit
donner à la représentation nationale.

Tous les moyens de procédure me sont indifférents. (Vifs applaudissements au centre, à droite et sur plusieurs bancs à gauche.) M. Jaurès. Je demande la parole. (Bruit prolongé.)

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|

M. Tournade. L'ordre du jour!

M. Jaurès. Je fais une motion préjudicielle tendant à surseoir à l'interpellation... (Interruptions au centre.)

M. Georges Grosjean. Le débat est engagó, J'ai la parole.

M. Jaurès.... jusqu'à ce que le Gouver nement nous ait dit s'il est encore au complet, et, s'il ne l'est pas, quel est le motif des démissions qui se sont produites. (Applaudissements à l'extrême gauche. Erclamations et bruit au centre et à droite.) M. le président. La motion préjudicielle

M. le président. La parole est à M. Gros- de M. Jaurès ne pourrait avoir d'autre formule qu'une suspension de séance.

jean.

M. Georges Grosjean. Messieurs, à la faveur de circonstances récentes, le parti internationaliste......... (Bruil à l'extrême gau

che.)

M. Jaurès. Je demande la parole pour un rappel au règlement. (Non! non!)

M. Guilloteaux. Vous n'êtes pas encore dictateur, monsieur Jaurès! (Bruit.)

M. le président. M. Jaurès invoque le règlement pour pouvoir répliquer aux déclarations de M. le président du conseil. Interruptions à droite et au centre.) Si M. le président du conseil n'avait pas répondu, il n'y aurait aucun droit de réplique; mais après son intervention, je dois donner la parole à M. Jaurès. (Exclamations au centre et à droite.

gauche.)

Applaudissements à l'extrême

M. Albert Congy. Je demande que l'on respecte l'ordre du jour.

M. Jaurès n'est pas l'autocrate des Français. Il doit se conformer au règlement comme tout le monde. (Bruit.)

M. Tournade. L'ordre du jour!

Au centre. Non! non !

M. Paul Deschanel. C'est impossible. M. Grosjean a commencé son discours; on ne peut lui retirer la parole.

M. Ribot. Je demande la parole. M. le président. La parole est à M. Ribot. M. Ribot. M. Jaurès a fait un rappel au règlement sans qu'il y ait rien dans le règlement qu'il puisse invoquer pour appuyer sa motion. Je fais, moi, un rappel à la Constitution.

Qui nous dit que M. Berteaux, qui est sorti de la salle, est démissionnaire? Cela nous importe peu; nous n'avons pas à nous en occuper. (Vifs applaudissements au centre et à droite. - Réclamations à l'extrême gauche.) M. Levraud. Mais cela nous importe, à

nous.

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M. le président. Messieurs, veuillez garder réclamations à l'extrême gauche.) Qu'il sorte

le silence.

La parole est à M. Jaurès.

M. Jaurès. Ce n'est pas moi, messieurs,

qui ai modifié l'ordre du jour. (Bruit.)

ou qu'il reste, cela ne regarde que lui.

Je demande à la Chambre de continuer sa délibération.

M. le président. J'entends parler de divers côtés de démissions dont la Chambre

M. Tournade. On a voté régulièrement et n'a pas à connaître. (Vifs applaudissements

vous avez été battu!

M. Jaurès. Je dis que l'ordre du jour a modifié......

Au centre et à droite. Non! non!

été

M. Jaurès. ...modifié par une déclaration gouvernementale qui crée au début mème de l'interpellation un incident préjudiciel de la plus haute gravité. (Exclamations au centre.)

Le Gouvernement, en déclarant que, tel qu'il est, il est prêt à assumer le débat, proclame par là mème qu'il est dès maintenant modifié. (Applaudissements à l'extrême gauche. Dénégations au centre et à droite.)

au centre, à droite et sur divers bancs à gauche.)

M. Jules Coutant (Seine). On provoque la majorité républicaine.

M. le président. Les ministres ne donnent pas leur démission à la Chambre. La parole est à M. le président du conseil. M. le président du conseil. Messieurs, il ne saurait dépendre d'un geste qui s'est produit au banc du Gouvernement, ce geste émanât-il d'un membre du Gouvernement, qu'il soit mis un terme à l'existence d'une combinaison ministérielle léga

lement constituée et ayant jusqu'ici acquis à sa politique l'énorme, l'immense majorité de la Chambre. (Applaudissements au centre et sur divers bancs. Bruit sur divers bancs à l'extrême gauche.)

M. Jaurès. Je demande la parole.

M. le président du conseil. Je ne suis pas ici pour disputer les bribes d'un pouvoir qui n'est enviable que quand il peut être dignement exercé. (Applaudissements.) J'ai la conscience de mes responsabilités. Je suis à cette tribune pour expliquer à la représentation nationale que ce Gouvernement, si subitement devenu impopulaire sur certains bancs de l'Assemblée, a derrière lui neuf mois d'existence pendant lesquels il a assumé des responsabilités de tout ordre (Applaudissements au centre et sur divers bancs à gauche), pendant lesquels il a assumé la responsabilité de la politique intérieure, celle aussi de la politique extérieure. (Nouveaux applaudissements.)

Laissez-moi vous dire que si je n'écoutais que mes goûts personnels, je déclarerais tout de suite que ce Gouvernement disparaîtra, quel que soit votre verdict. Mais j'ai le souci du lendemain, j'ai à la fois le souci de l'orientation de la politique intérieure et des difficultés qui pourraient surgir d'autre part. J'ai le devoir et le droit de vous dire : Ecoutez-moi, vous jugerez ensuite.

C'est la première fois assurément qu'on verrait un Gouvernement empêché de s'expliquer par un artifice de procédure. (Interruptions à l'extrême gauche.)

C'est la première fois qu'on verrait un Gouvernement succomber sous des procédés de tragédie, comme étranglé entre deux portes par des mucts. S'il vous plait d'ètre muets, libre à vous (Vifs applaudissements au centre et sur divers bancs à gauche et à droite); quant à moi, je revendique hautement, fièrement le droit à la parole.

M. Paul Constans (Allier). Personne ne vous le conteste !

M. le président du conseil. J'ai eu pourtant quelque peine à le conquérir.

J'ai été interpellé sur la politique générale. La Chambre voudra peut-être bien se souvenir que le jour même où le Gouvernement s'est trouvé pour la première fois en rapport avec elle après les vacances, il a lui-même déclaré que si une demande d'interpellation sur la politique générale était déposée, il ne s'y déroberait pas et qu'il considérerait cette interpellation comme devant être discutée la première.

Il vous plait aujourd'hui, pour obéir à des combinaisons de groupes, de partis, d'existence ministérielle, toutes choses infiniment au-dessous de mes préoccupations, il vous plaît de déclarer qu'un pareil débat est inutile. Mais je dois à mon pays, à mon parti, à mon passé de vieux républicain d'apporter, non seulement à vous qui certainement m'écouterez, mais encore à la nation toutes les explications que je lui dois après avoir pendant plusieurs mois exercé le pouvoir en l'absence du Parlement. (Applaudissements au centre et sur divers bancs à gauche.)

Il me sera permis de rappeler comment le | portance numérique suffisante pour aborcabinet qui est encore devant vous s'est der l'examen des grands problèmes que constitué, quelle politique il a dû suivre, la démocratie française entendait résoudre, comment il a rempli les engagements qu'il | M. le Président de la République a fait avait pris vis-à-vis de la représentation na- | appel à moi. J'ai accepté de former un cationale et dans quel état, s'il doit disparaître binet; je l'ai formé comme l'indiquait la ce soir, il laisse entre vos mains les affaires situation parlementaire, en demandant et en du pays. obtenant le concours des hommes qui étaient qualifiés pour représenter les partis

Qui done a oublié les conditions...
A l'extrême gauche. Ce n'est pas M. le pré- les plus avancés de cette Chambre.
sident du conseil qui avait la parole.

M. le président. Le Gouvernement a tou-
jours la parole lorsqu'il la demande.
M. Walter. On ne l'interpelle pas, et il ré-
pond.

M. le président du conseil. C'est la pre-
mière fois, je l'avoue, que je vois s'élever
sur ces bancs des protestations contre une
déclaration même spontanée du Gouverne-
ment. Je m'interpelle moi-même, dit-on. Eh!
qu'importe? Je dois à la représentation na-
tionale et je dois au pays, encore une fois,
des explications sur la situation devant la-
quelle se trouve le Gouvernement. Vous
vous trompez étrangement si vous croyez
que c'est par ambition, ou par je ne sais
quel vain amour-propre que je cherche à
défendre les débris d'un pouvoir qui bientôt
ne séduira plus personne quand vous l'aurez
réduit à l'impuissance par vos incessantes
attaques. (Applaudissements au centre et sur
divers bancs à gauche.)

Mes préoccupations sont plus hautes. J'ai le droit de rappeler quelle était la situation du pays quand nous avons pris la direction des affaires. Ici, dans cette enceinte, les deux fractions qui se combattaient, qui se divisaient étaient devenues presque numé

Nous nous sommes présentés devant vous et nous avons accepté pour programme politique les réformes mêmes dont la Chambre avait dressé l'état et determiné l'ordre de priorité. En tête de ces réformes figurait la séparation des Eglises et de l'Etat. Le parti républicain l'avait voulu ainsi parce qu'il attribuait à cette première réforme le caractère d'une orientation politique bien nette, cette réforme marquant bien, et devant le Parlement et devant le pays, quelle était l'orientation de la majorité elle-même.

J'ai déclaré à la Chambre, dès notre premier contact, que le Gouvernement adoptait ce programme. J'ai ajouté que pour l'appliquer il entendait faire appel au concours de tous les républicains.......

Un membre à l'extrême gauche. De toute la Chambre.

M. le président du conseil. Ne m'interrompez pas, je vous en prie. Vous n'avez aucun intérêt à me faire dire que si vous vous réclamez du système des excommunications, je laisse, moi, ce soin à l'ancienne Eglise romaine et à des partis nouvellement édifiés. (Applaudissements au centre et sur divers bancs à gauche.)

munić personne, et il ne communiait pas avec la droite.

M. Levraud. Le ministère précédent auriquement égales; à peine dans les derniers quel vous avez appartenu n'avait excomvotes y avait-il quelques voix d'écart entre elles; il était permis de se demander si la Chambre ainsi divisée pourrait conduire à bien les grandes réformes que le parti républicain voulait réaliser.

M. le président du conseil. L'appel adressé aux républicains de cette Chambre a été entendu. La loi si importante et si difficile à établir de la séparation des Eglises et de l'Etat a été votée dans cette Chambre par une majorité agrandie. Certes, je ne sache pas que vous vouliez encore disputer à personne le droit de vous donner son concours en vue de l'accomplissement des réformes qui sont des premières inscrites sur votre propre programme. (Très bien! très bien! à

J'ai été le collaborateur fidèle du chef
du précédent gouvernement; de même,
dès la formation, vous entendez bien, dès
l'origine du cabinet Waldeck-Rousseau, il
ne dépendait que d'une dizaine de voix,
celles de mes amis et la mienne, que la
combinaison vécût. Je ne veux pas rap-
peler l'accueil que ce cabinet a trouvé
de ce côté de la Chambre (l'extrême gau-gauche et au centre.)
che). Je le dis, je le répète et je le rap-
pelle avec fierté, j'ai été des dix ou douze
modérés, gambettistes, qui ont permis à
la combinaison Waldeck-Rousseau de s'as-
seoir et de se développer.

A droite. Hélas!

M. le président du conseil. Vous pouvez le déplorer; je n'ai pas l'habitude de me soustraire à mes responsabilités.

Je rappelle encore que pendant trois ans j'ai donné au successeur de M. WaldeckRousseau, à l'honorable M. Combes, un concours loyal.

Quand le chef du précédent cabinet a voulu résigner le pouvoir pour la considération que je rappelais tout à l'heure, parce que la majorité ne demeurait pas d'une im

-

Il m'est permis d'ajouter que cette réforme fondamentale a été votée à une majorité inespérée vous ne chicanerez pas sur les épithètes. La loi est soumise en ce moment même au Sénat; c'est à vous qu'il appartient de faire les réflexions qui conviennent sur le sort qui l'attend, si demain un autre Gouvernement, quel qu'il soit, après huit ou dix jours de suspension des travaux législatifs, vient à succéder à ce cabinet.

Ah! messieurs, c'est un procédé commode que celui qui consiste tour à tour à déclarer que la République ne saurait vivre et prospérer, qu'elle ne saurait prendre son entière signification, sans l'exécution de telle ou telle réforme, et d'autre part à faire échouer cette réforme au moment même où elle va

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