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et sur les motifs qui ont dicté certaines no- | pellation de M. Berthet concernant l'esminations récentes;

Légion d'honneur;

Imprimerie nationale;

Commerce et industrie, et discussion de l'interpellation de M. Ballande concernant les intérêts du commerce des vins de Bordeaux;

Ecole centrale des arts et manufactures; Travaux publics, et discussion: 1o de l'interpellation de M. Archdeacon sur la composition du comité consultatif des chemins de fer; 2o de l'interpellation de M. Ferrette sur les raisons pour lesquelles le Gouvernement a cru devoir homologuer à la date du 24 août 1905 des augmentations des tarifs de transport sur les lignes de chemins de fer; 3° de l'interpellation de M. Plichon sur l'état d'avancement des projets de grands travaux publics;

Chemins de fer de l'Etat ;

Conventions, et discussion: 1° de l'inter

compte de valeurs commerciales fait par une compagnie de chemins de fer; 2o de l'interpellation de M. Bourrat sur l'escompte fait par la compagnie du chemin de fer d'orléans d'un effet de commerce de 1 million ne portant qu'un seule signature; Intérieur;

Instruction publique, et discussion de l'interpellation de M. Paul Constans sur les atteintes portées à la liberté politique des membres de l'enseignement; Cultes ;

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CHAMBRE DES DÉPUTÉS

2° SÉANCE DU LUNDI 13 NOVEMBRE 1905

1. Procès verbal: M. Paul Beauregard.

2. — Transmission, par M. le président du Sénat, d'une proposition de loi, précédemment adoptée par la Chambre des députés, ayant pour objet d'assurer le secret et la liberté du vote ainsi que la sincérité des opérations électorales.

3. Communication d'un décret désignant un commissaire du Gouvernement pour assister le ministre de l'agriculture dans la discussion: 1o de la proposition de loi, adoptée par le Sénat; 20 de la proposition de loi de M. Guillaume Chastenet; 3o de la proposition de loi de MM. Forest et Lamy, ayant pour objet de modifier la loi du 18 juillet 1898 sur les warrants agricoles.

4. -Adoption :

1° Du projet de loi autorisant la perception d'une surtaxe sur l'alcool à l'octroi d'Eu Seine-Inférieure);

20 Du projet de loi autorisant la prorogation d'une surtaxe sur l'alcool à l'octroi de la Mure Isère).

5. Présentation, par M. le ministre des finances, d'un projet de loi concernant 10 la régularisation de décrets au titre du budget général de l'exercice 1905; 2° l'ouverture et l'annulation de crédits, sur l'exercice 1905, au titre du budget général; 3° la régularisation dun décret au titre du budget annexe des

SOMMAIRE

monnaies et médailles; 4° l'ouverture et l'annulation de crédits au titre des budgets annexes. Renvoi à la commission du budget.

6. Suite de la discussion du projet de loi portant fixation du budget général de l'exercice 1906. Suite de la justice et: 1° suite de la discussion de l'interpellation de M. Louis Martin sur les réformes judiciaires et la nécessité d'éviter tout arbitraire dans la nomination et l'avancement des magistrats; 2o discussion de l'interpellation de M. Marcel Régnier sur les agissements de certains magistrats et sur les motifs qui ont dicté certaines nominations récentes: MM. Etienne Flandin, Jean Cruppi, rapporteur; le garde des sceaux, ministre de la justice; Guilloteaux, Ferrette, Pujade, Marcel Régnier, le marquis de Dion, Razimbaud. - Ordres du jour motivés : 1o de M. Etienne Flandin; 2o de M. Louis Martin; 3o de M. Ferrette; 4o de M. Razimbaud : MM. Etienne Flandin, Louis Martin, Ferrette, Lasies, le garde des sceaux. Adoption, au scrutin, de l'ordre du jour modifié de M. Etienne Flandin. Discussion générale du budget du ministère de la justice; MM. Chastenet, de Castelnau, le garde des sceaux, le rapporteur. 7. Communication d'un décret désignant des commissaires du Gouvernement pour assister le ministre des travaux publics dans la discussion du budget général de l'exercice 1906. Règlement de l'ordre du jour.

8.

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10.

Dépôt, par M. Cruppi, d'un rapport fait au nom de la commission de la réforme judiciaire sur la proposition de loi de M. Gauthier (de Clagny), relative à l'amnistie pour les délits et contraventions à la loi de 1884 sur les syndicats professionnels.

11. Dépôt, par M. Berthoulat et plusieurs de ses collègues, d'une proposition de loi tendant à modifier l'article 11 de la loi du 6 août 1905 sur l'entrée en franchise dans Paris des raisins de table.

Dépôt, par M. Chambon, d'une proposition de loi tendant à ouvrir au ministre de l'agriculture, sur l'exercice 1905, un crédit de 300,000 fr. pour venir en aide aux agriculteurs victimes des orages dans l'arrondissement de Chambéry.

12. Dépôt, par M. Sénac, d'un projet de résolution tendant à la revision des lois constitutionnelles.

13. Congés.

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Dans la 2e séance de vendredi dernier, nous avons été appelés à émettre un vote, particulièrement grave, sur l'ordre du jour de MM. Steeg, Charles Dumont et plusieurs de leurs collègues; par cet ordre du jour, dont je rappelle le sens, la Chambre déclarait approuver le Gouvernement et compter sur lui pour faire aboutir la séparation des Eglises et de l'Etat. Grand a été mon étonnement lorsque j'ai vu mon nom parmi ceux des députés qui avaient voté « pour » cet ordre du jour.

Il est trop évident que, pour ceux qui, comme moi, ont combattu énergiquement une mesure que je crois extrêmement dan

| gereuse, il n'y avait que deux partis à prendre: voter « contre » ou « s'abstenir ».

Nous pouvions nous abstenir pour donner au ministère une sorte de crédit, sauf à apprécier plus tard l'usage qu'il en ferait. Mais je ne m'explique pas comment, m'étant abstenu dans ce scrutin, j'ai été porté comme ayant voté « pour ».

Je me permets de signaler au bureau ces erreurs qui, en ce qui me concerne, sont malheureusement fréquentes et se produisent pour les votes les plus importants. Peut-être y a-t-il quelque confusion de noms; je l'ignore. Mais très respectueusement je supplie le bureau de faire tous ses

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Conformément aux dispositions de l'article 126 du règlement du Sénat, j'ai l'honneur de vous adresser une expédition authentique de cette proposition, dont je vous prie de vouloir bien saisir la Chambre des députés.

« Je vous serai obligé de m'accuser réception de cet envoi.

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3.

«Le président du Sénat,

« A. FALLIÈRES. »

DÉCRET DÉSIGNANT UN COMMISSAIRE

DU GOUVERNEMENT

M. le président. J'ai reçu de M. le ministre de l'agriculture ampliation du décret suivant:

ADOPTION DE DEUX PROJETS DE LOI
D'INTÉRÊT LOCAL

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion de projets de loi d'intérêt local.

(La Chambre adopte successivement, sans discussion et dans les formes règlementaires, deux projets de loi dont M. le président donne lecture.)

Voici le texte de ces projets :

1er PROJET

(M. Jean Morel, rapporteur.)

<< Art. 1er. - Est autorisée, jusqu'au 31 décembre 1910 inclusivement, la perception, à l'octroi d'Eu (Seine-Inférieure), d'une surtaxe de 7 fr. 50 par hectolitre d'alcool pur contenu dans les eaux-de-vie, esprits, li

ment affecté à l'exécution des travaux visés
dans la délibération du 6 janvier 1905.

« L'administration municipale est tenue
de justifier, chaque année, au préfet, de
l'emploi de ce produit dont le compte gé-
néral, tant en recette qu'en dépense, de-
vra ètre fourni à l'expiration du délai fixé
par la présente loi. »

1° la régularisation de décrets au titre du budget général de l'exercice 1905; 2o l'ouverture et l'annulation de crédits sur l'exercice 1905 au titre du budget général; 3° la régularisation d'un décret au titre du budget annexe des monnaies et médailles; 4° l'ouverture et l'annulation de crédits au titre des budgets annexes.

J'en demande le renvoi à la commission du budget.

M. le président. Le projet de loi sera imprimé, distribué et renvoyé à la commission du budget.

6.

SUITE DE LA DISCUSSION DU BUDGET
DE L'EXERCICE 1906

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi portant fixation dubudget général de l'exercice 1906 et 1° la suite de la discussion de

l'interpellation de M. Louis Martin sur les réformes judiciaires et la nécessité d'éviter

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tout arbitraire dans la nomination et l'avan-
cement des magistrats; 2o la discussion de
l'interpellation de M. Marcel Régnier sur les i
agissements de certains magistrats et sur
les motifs qui ont dicté certaines nomina-
tions récentes.

L'interpellation de M. Louis Martin a été développée par son auteur.

La parole est à M. Etienne Flandin.

M. Etienne Flandin (Yonne). Messieurs, désireux de ne pas retarder le vote du budget, je ne serais pas intervenu dans ce débat, si je n'avais pas été fort courtoisement mis en cause. Au cours de son inter

La proposition de loi sera imprimée, dis-queurs, fruits à l'eau-de-vie, absinthes et tribuée et, s'il n'y a pas d'opposition, renautres liquides alcooliques non dénommés. voyée à la commission du suffrage universel. « Cette surtaxe est indépendante du droit de 15 fr. établi à titre de taxe principale. (Assentiment.) <<< Art. 2. Le produit de la surtaxe mentionnée à l'article précédent est exclusive-pellation, l'honorable M. Louis Martin — et je l'en remercie a bien voulu rappeler que j'avais pris l'initiative d'une proposition de loi tendant à réglementer les conditions de nomination et d'avancement dans la magistrature, et il s'est étonné que cette proposition n'eût pas encore été rapportée. Il m'est peut-être permis de m'en étonner avec lui. La proposition de loi est ancienne; élaborée avec d'anciens magistrats, mes amis, MM. Alexandre Bérard et Castillard, elle avait eu l'heureuse fortune de recueillir les signatures d'hommes occupant une situation tout à fait prépondérante dans toutes les fractions du parti républicain: MM. Léon Bourgeois et Ribot, Renault-Morlière et Sarrien; elle avait été acceptée par la commission de la réforme judiciaire de la législa ture de 1893 et par le Gouvernement. Elle allait venir en discussion lorsqu'a pris fin la législature.

« Le Président de la République française,

« Sur la proposition du ministre de l'agriculture,

« Vu l'article 6, paragraphe 2, de la loi constitutionnelle du 16 juillet 1875 sur les rapports des pouvoirs publics, qui dispose que les ministres peuvent se faire assister, dans les deux Chambres, par des commissaires désignés pour la discussion d'un projet de loi déterminé,

« Décrète :

« Art. 1er. M. Vassillière, directeur de l'agriculture, est désigné en qualité de commissaire du Gouvernement pour assister le ministre de l'agriculture devant la Chambre des députés dans la discussion :

«1° De la proposition de loi, adoptée par le Sénat;

2o De la proposition de loi de M. Guillaume Chastenet;

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Vous ne vous étonnerez pas, messieurs, que je profite de l'occasion qui m'est offerte pour essayer de secouer ce sommeil léthargique et d'interrompre la prescription. (Très bien! très bien !)

Je suis pleinement d'accord avec mon honorable collègue radical-socialiste M. Louis Martin, pour penser qu'il n'est vraiment pas admissible que nous arrivions à la fin de notre mandat sans avoir rien fait, sans avoir même rien tenté pour remédier à une situation qui, tout le monde le reconnaît, devient intolérable.

M. Lasies. Très bien !

M. Etienne Flandin (Yonne). Il s'agit beaucoup moins de la protection à accorder aux titres professionnels des magistrats, si légitime que soit ce souci, que d'une préoccupation d'ordre plus immédiat et plus élevé; il s'agit d'assurer aux justiciables les juges éclairés et indépendants auxquels ils devraient avoir droit. (Très bien! très bien !)

Assurément, j'ai moins que personne qualité pour médire de notre magistrature. Mais lorsqu'on se place en face de notre organisation judiciaire, telle que l'a conçue le premier empire, telle qu'elle s'est maintenue au cours des différents régimes qui lui ont succédé, il est impossible de ne pas éprouver un sentiment de véritable inquiétude lorsqu'on songe à l'absence de garanties entourant chez nous le recrutement des corps judiciaires.

M. Guilloteaux. C'est très juste.

M. Etienne Flandin (Yonne). Le système qui préside en France à la nomination et à l'avancement des magistrats se résume d'un mot: c'est l'autorité souveraine, absolue, du ministre de la justice.

Sous les seules conditions, on vous le disait à la dernière séance, qu'un candidat réunisse les conditions d'âge exigées par la loi, c'est-à-dire qu'il ait de vingt-deux ans à trente ans, qu'il ait réalisé la facile conquête du diplôme de licencié en droit...

M. Charles Benoist. Hélas!

M. Etienne Flandin (Yonne)... et accompli un stage plus ou moins nominal de deux années, le garde des sceaux est maitre d'élever d'un trait de plume qui il veut, fûtce l'homme le moins préparé aux devoirs de la vie judiciaire, aux charges les plus élevées de la magistrature. (Très bien! très

bien!

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Je me suis demandé je m'occupe quelquefois d'études de législation étrangère -si les choses se passaient ainsi dans les autres pays civilisés, et je suis arrivé à cette constatation qu'il n'y a en Europe que deux législations reconnaissant une semblable autorité au ministre de la justice: la législation de la France et celle de l'empire ottoman. (On rit.) M. Charles Benoist. Où le cadi est, du reste, en même temps un juge religieux.

M. Etienne Flandin (Yonne). Dans tous les pays d'Europe, on nous a emprunté notre conception du partage des juridictions entre les tribunaux de paix, les tribunaux d'arron1905.- DÉP., SESS. EXTR.-ANNALES, T. UNIQUE, (NOUV. SÉRIE, ANNALES, T. 77.)

dissement, les cours d'appel, avec l'institu- | tion d'un pouvoir régulateur chargé d'assurer l'unité de l'interprétation de la loi, mais nulle part on ne nous a emprunté ou tout au moins nulle part on n'a conservé notre mode de recrutement et d'avancement des magistrats.

les plus méritants et les plus dignes. (Très bien! très bien!) La licence en droit n'implique qu'une connaissance élémentaire du droit et de la jurisprudence. (Très bien ! très bien!) Elle vaut tout ce que vaudrait un certificat d'études primaires juridiques. Cela ne peut pas, cela ne doit pas suffire. Dans toutes les législations de l'Europe, Dans le célèbre programme de Belleville, les précautions les plus minutieuses sont Gambetta insistait sur la nécessité de n'apprises pour renfermer dans de justes limi-peler « aux fonctions de la magistrature », tes le droit de nomination des magistrats par le pouvoir exécutif, et pour s'assurer qu'avant d'être appelé à disposer de la fortune, de la liberté et de l'honneur de ses concitoyens, un magistrat a fait ses preuves de capacité et de savoir professionnel. (Très bien! très bien!)

La législation de l'empire alleinand est, dans cet ordre d'idées, bien eurieuse à étudier. En Allemagne, ce n'est qu'après avoir subi une série de concours et d'examens professionnels, après avoir complété ses études théoriques par des études pratiques; après avoir passé successivement par tous les services, entendez le bien, depuis l'étude de l'avocat-avoué jusqu'au cabinet du procureur, depuis le cabinet d'instruction jusque dans les bureaux du greffe, ce n'est que le jour où les dossiers n'ont plus de secrets pour lui, où ses études de droit pénal se sont complétées par les études nécessaires de criminologie, de science pénitentiaire, de médecine légale, que le candidat aux fonetions judiciaires, formé par un long noviciat, est effectivement appelé à un emploi de magistrat. Jusque-là, il n'a été qu'un auditeur, suivant les audiences, s'initiant à tous les services auprès de ceux qui savent, faisant son apprentissage, son éducation judiciaire, mais ne la faisant jamais, comme parfois malheureusement nos juges suppléants, au détriment des justiciables. (Très bien! très bien ! au centre et à droite.)

Jamais, par exemple, l'idée ne viendrait à l'esprit pratique des Allemands de confier le service de l'instruction à un débutant. (Très bien! très bien! sur les mêmes bancs au centre et à droite.)

Ce n'est que lorsqu'un magistrat a fait ses preuves de discernement, de jugement, de tact, lorsqu'il a montré qu'il sait unir à la perspicacité et à la décision nécessaires le respect scrupuleux de la liberté individuelle, qu'il est appelé aux redoutables fonctions de juge d'instruction. (Très bien! très bien!)

Voilà ce qui se passe de l'autre côté du thin, voilà ce qui se passe en Alsace-Lorraine, où l'on peut faire, hélas ! des comparaisons qui ne sont pas à notre avantage.

J'estime qu'en vérité l'heure est venue de mettre fin à une situation qui est pour nous une situation d'humiliante infériorité. Nos justiciables français ont droit, pour la capacité des magistrats, aux garanties qui existent dans presque toutes les législations étrangères. (Très bien! très bien! sur les mêmes bancs.)

Nous demandons que désormais l'accès de la magistrature soit réservé aux candidats

ce sont ses expressions « que les can-. didats vraiment éclairés et savants ». Et il indiquait comme la voie la plus sûre pour y parvenir, l'institution du concours. Dufaure exprimait la même idée : « Nous vivons, disait-il, à une époque où les fonctions qui ne se donnent pas à l'élection ne peuvent se justifier que par le mérite de ceux qui les occupent ». (Très bien! très bien! au centre et à droite.)

Cette institution du concours, que nous réclamons et dont on parait s'effrayer, elle existe pour notre magistrature coloniale. Tout récemment une mesure a été prise dont je ne saurais assez féliciter ceux qui en ont été les initiateurs: une section spéciale d'études judiciaires a été créée à notre école coloniale; on y forme nos futurs magistrats coloniaux, qui se recrutent par la voie du concours. Hier, je m'entretenais avec un procureur général des colonies, qui venait de faire passer des examens à l'école coloniale; il me manifestait sa profonde satisfaction des résultats obtenus. Est-il done excessif de réclamer pour le personnel métropolitain ce que l'on demande pour le personnel des colonies? (Très bien! très bien! au centre et à droite.)

Je sais bien l'objection que l'on me fait : on me dit que le concours impliquera la connaissance du droit, mais n'impliquera pas l'ensemble de qualités qu'il fatit exiger d'un magistrat. Sans doute; mais est-il jamais entré dans notre pensée de vous proposer l'institution du concours sans l'enquête préalable?

Il est nécessaire assurément de se rendre compte de la moralité du candidat, de connaître ses antécédents, d'être certain qu'il présentera cet ensemble de qualités morales qui se développeront dans l'exercice des devoirs de la vie judiciaire, qui feront de lui l'interprète fidèle de la loi et par là même, en toutes circonstances, le serviteur loyal du Gouvernement républicain.

Assurer aux justiciables des juges éclairés, voilà le premier desideratum que nous exprimons. Il en est un autre, qui est d'assurer aux justiciables des juges impartiaux et indépendants. Pour cela, il faut commencer par les mettre à l'abri de toute pression de la part du pouvoir. (Applaudissements au centre et à droite.)

Il faut que la magistrature française ignore le fait du prince. (Nouveaux applaudissements sur les mêmes bancs.)

Puisque malheureusement chez nous, à la différence de ce qui existe en Angleterre, la magistrature est une carrière, une hiérarchie compliquée dont on franchit

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successivement les échelons, il est indispensable que des règles fermement établies donnent aux magistrats l'assurance que désormais leur avancement dépendra de leur titres professionnels et non plus de la faveur (Nouveaux applaudissements), car le plus grand danger qui puisse menacer l'indépendance du juge, c'est le désir d'avancement; l'inamovibilité peut le protéger dans une certaine mesure contre la crainte d'être injustement frappé pour avoir fait son devoir, mais qu'est-ce que la crainte d'une destitution qui ne se présente guère dans la pratique, à côté de la crainte bien autrement menaçante et agissante de ne pas avancer? Je pourrais dire sans paradoxe que la plus grande inquiétude d'un magistrat, ce serait peut-être de rester toute sa vie inamovible. (Sourires.)

Serai-je démenti par ceux de nos collègues qui ont traversé l'hôtel de la place Vendôme, si j'affirme que les magistrats les plus empressés à assiéger ou à faire assiéger le cabinet du garde des sceaux sont en général ceux qui ont le moins de titres à invoquer... (Très bien! très bien! sur divers bancs.)

M. Lasies. Ceux-là sont toujours les plus écoutés!

M. Etienne Flandin. ...et que, la plupart du temps, l'intensité des recommandations dont ils disposent est en raison inverse de leur mérite? (Très bien! très bien!)

Le mal ne date pas d'aujourd'hui. Il y a eu une circulaire restée célèbre du garde des sceaux Delangle. Elle s'élevait en termes véhéments contre les magistrats qui venaient solliciter de l'avancement à la chancellerie; elle leur rappelait assez durement que leur premier devoir était de n'attendre leur avancement que de leurs titres présentés par les chefs hiérarchiques. Qui oserait se bercer de l'illusion que le mal dénoncé par Delangle sous le second empire ait disparu sous la République ?

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cour de cassation est aujourd'hui investie | sité d'opposer une barrière à l'abus du de la discipline de la magistrature. Qu'est-ce favoritisme. (Applaudissements.) qui touche le plus étroitement à la discipline de la magistrature que les règles de nomination et d'avancement des magis

trats?

Pourquoi ne pas confier à une commission spéciale composée de magistrats de la cour suprême le soin de préparer avec M. le garde des sceaux le tableau d'avancement des magistrats?

Il ne s'agit en aucune façon, croyez-le bien, d'annihiler le pouvoir du ministre de la justice, il s'agirait plutôt de le fortifier; il faut lui donner la certitude que désormais son libre choix ne s'exercera que sur des magistrats vraiment dignes de sa confiance. (Applaudissements au centre.)

Voilà la réforme très modeste que je viens demander. Assurément, cela paraîtra peu de chose à ceux qui réclament la refonte complète de nos institutions judiciaires. Je suis d'accord avec l'honorable M. Louis Martin pour reconnaître que nos institutions judiciaires appelleraient une réorganisation profonde. Mais je suis aussi de ceux qui pensent que les institutions valent surtout par les hommes qui ont mission de les appliquer; et lorsqu'à un mal certain on peut apporter un remède suffisant, j'estime volontiers, avec Faustin Hélie, qu'il faut savoir s'en

contenter.

Il en est, je le sais, qui voudraient fonder la refonte de nos institutions judiciaires sur le principe de l'élection des juges. L'élection des juges, messieurs, je crois que ce serait une grosse aventure. Vos devanciers l'ont écartée en 1883. Ils ont reculé devant ses inconvénients et ses périls exposés d'une façon saisissante dans les discours lumineux de MM. Jules Roche et Waldeck-Rousseau.

Il y aurait à craindre, en effet, que l'élection, au lieu d'une magistrature éclairée et indépendante, nous donnât une magistrature médiocre, qui ne serait libre ni du côté des justiciables ni du côté du pouvoir. (Très bien ! très bien!)

L'absence de toute règle, l'absence de toute tradition hiérarchique a pour conséquence un redoublement effréné de sollicitations; et je suis obligé de le constater à On peut concevoir à la rigueur la magisregret c'est souvent des directions mêmes trature élective dans un petit pays ayant de la chancellerie, du cabinet du garde des les mœurs patriarcales de la Suisse, et ensceaux que sont partis les exemples les core je ne suis pas bien certain que la maplus démoralisateurs d'avancements injus-gistrature élective ait en Suisse de très heutifiés. L'opinion tend à s'accréditer dans les rangs de la magistrature qu'on avance surtout en passant par les emplois de la chancellerie. On y trouve le moyen, en quelques mois, parfois quelques semaines, de primer les titres des collègues plus anciens et plus méritants. (Très bien! très bien!)

Il y a là une situation qui ne saurait se prolonger. Il est temps, il n'est que temps, d'opposer une barrière à l'abus des recommandations, à l'abus des influences électorales, et de protéger le ministre de la justice lui-même contre des sollicitations qu'il lui serait parfois difficile d'écarter. (Applaudissements au centre.)

Messieurs, où est le remède? Il est dans l'institution du tableau d'avancement. La

reux effets, mais je ne l'aperçois pas dans une grande démocratie comme la nôtre, agitée, tourmentée par les passions politiques. Et puis, faut-il le dire? je craindrais un peu de voir les épices de l'ancien régime ressusciter sous la forme du bulletin de vote. (Sourires.)

Mais entre la conception d'une magistrature élective qui soulèverait de graves objections tant au point de vue des principes fondamentaux de notre droit public qu'au point de vue de la bonne administration de la justice, et le pouvoir discrétionnaire du garde des sceaux, j'estime qu'il y a place pour une solution intermédiaire devant concilier à la fois le respect des légitimes prérogatives du pouvoir exécutif avec la néces

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C'est cette solution que j'espère du large libéralisme de M. le garde des sceaux et de l'esprit de sage prévoyance de la Chambre. Je voudrais assurément que la question fût résolue par voie législative; je n'entends nullement dessaisir le Parlement, mais je ne peux pas me dissimuler que nous sommes presque arrivés au terme de notre mandat. Il est permis de concevoir de trop légitimes inquiétudes sur le sort de la réforme à accomplir législativement; mais ce qu'il nous est difficile d'entreprendre avec chance de succès, M. le garde des sceaux peut le réaliser, au moins transitoirement; cette réforme honorerait son administration et le gouvernement de la République. (Applaudissements au centre el à droite.)

Messieurs, tous les partis, tous les citoyens pourront être appelés un jour ou l'autre à placer leurs intérêts sous la protection de la justice; plus les passions sont vives dans un pays, plus les luttes deviennent ardentes dans une démocratie, plus il importe de prendre les mesures indispensables pour fortifier l'autorité morale d'une magistrature qui, profondément respectueuse de la constitution républicaine, également inaccessible aux menaces ou aux faveurs du pouvoir, aux séductions aussi d'une popularité de mauvais aloi (Applaudissements sur les mêmes bancs), sache remplir tout son devoir et rien que son devoir en restant à l'écart et au-dessus des luttes

des partis et des intérêts mobiles de ia politique. (Vifs applaudissements au centre el sur divers bancs à gauche et à droite.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean Cruppi, rapporteur. Messieurs, mon honorable collègue M. Flandin sait que je partage depuis longtemps la plupart des idées qu'il a développées; je les ai défendues par la parole et par la plume et nul plus que moi ne désire la reconstruction de notre édifice judiciaire.

Je crois, en effet, comme M. Flandin, que depuis longtemps, notre pays aurait du réaliser cette réforme de la magistrature qui est acquise dans la plupart des nations d'Europe. Je pense souvent avec une sorte d'envie et d'amertume à ce qui s'est produit en Allemagne lorsqu'en 1874 ce pays a voulu constituer un code de l'organisation judiciaire; en deux années à peine, l'Allemagne a établi un code véritablement moderne, hardiment novateur. Quand réaliseronsnous pratiquement, en matière de justice, une de ces réformes d'ensemble et en particulier celle qui a trait à la nomination et à l'avancement des magistrats? (Très bien! très bien!)

Je pense comme vous, mon cher collègue, mais laissez-moi vous dire que je ne saurais accepter les reproches que vous avez adressés à la commission de la réforme judiciaire que j'ai l'honneur de présider. La

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