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fois seulement, et qu'aussitôt que la quote-part de Messine serait remplie, le Nuovo Imposto cesserait. Quelques marchands de Messine, observant cette clause du rescrit, découvrirent bientôt que le paiement avait été complété depuis longtemps, et que le sénat de Messine avait depuis amassé une somme considérable par la continuation de l'impôt. Ils m'adressèrent un mémoire pour se plaindre de cet abus. En conséquence, j'écrivis au marquis de Circello, demandant l'abolition positive du Nuovo Imposto, et lui déclarant que, quand les marchands avaient déjà tant de rigueurs à éprouver dans la perception régulière et légitime d'un revenu, comme c'est le cas à l'égard des douanes, c'était une double oppression de réclamer un droit après que l'époque fixée par le souverain lui-même pour sa durée était écoulée. Il s'ensuivit une conférence a Mais, mon cher, ce n'est pas un nouvel impôt. Il a été perçu tant d'années. Tant pis, monsieur le marquis. Mais au moment de son institution, on l'appelait le nouvel impôt et il en a conservé le nom. Sa Majesté permettra-t-elle au sénat de Messine de s'enrichir en désobéissant à ses ordres?» Il ne me comprit pas, mais il promit d'en parler au ministre des finances. De retour chez moi j'adressai une autre note au marquis pour demander d'être admis à la conférence avec le ministre des finances. Mais cela était contraire à l'étiquette et ne pouvait m'être accordé. Enfin, à force de persévérance, je tirai cet aveu: « Vous avez raison, la douane a tort; mais, mon cher, nous sommes pauvres, nous avons besoin de cet argent et nous ne savons pas d'où le tirer ailleurs. Cependant sur des représentations réitérées de l'injustice de cette mesure, et sur ma déclaration que je protègerais les marchands dans leur résistance au paiement, j'en obtins enfin le rappel.

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Un des plus grands amusements de la reine quand le marquis veut s'opposer à elle, c'est de le tourner en ridicule « parce que, dit-elle, il a été élevé à Vienne du temps de Kannitz, et qu'il a justement une perruque et une paire de boucles comme lui, il se croit un Kannitz achevé. Une autre fois : « Allez, Monsieur, vous ne pensez pas à nos affaires, vous êtes un libertin », et aussitôt sentant l'absurdité de ce reproche, elle se reprend : « St vous ne l'êtes plus, vous l'avez été autrefois; j'ai de beaux mémoires de votre jeunesse. D'autres fois elle avoue, il est vrai, que c'est un honnête homme, bien intentionné, mais si bête, et aujourd'hui où l'on a à lutter contre les coquins, les bêtes ne valent guère. »

Je proteste qu'en rapportant ces circonstances je ne suis poussé par aucun motif sinistre ni par aucun sentiment d'inimitié pour le marquis de Circello. Au contraire, j'ai reçu de lui beaucoup de politesses et des marques d'attention, et rien ne me ferait plus de plaisir que de le voir

soutenir la dignité de sa place, ce qui serait d'un grand poids auprès du roi, puisqu'il croit ne pouvoir rien faire sans Circello. Je dirai aussi que c'est le seul homme qui travaille dans l'administration. J'ai le plus grand respect pour son caractère privé; mais je ne puis le regarder comme la personne propre à tenir le timon d'un vaisseau aussi délabré. Il n'a point assez de ressources pour trouver un remède aux maux de l'Etat, et, quand on le trouverait pour lui, il n'aurait pas assez d'énergie pour l'appliquer. Il est attaché au roi, et il s'imagine qu'en se rangeant du côté du roi, il remplit sa vocation. Sans courage pour s'opposer à ce qu'on abuse du nom du souverain, et le condamner, ou pour abandonner sa charge, quand il voit qu'il n'a aucune influence.

(A suivre).

COMPTES-RENDUS

La Diplomatie au temps de Machiavel, par M. DE MAULDE-LA-CLAVIÈRE. Paris, chez Ernest Leroux, 1892-1893.

Je me suis appliqué dans une première étude 1 à caractériser l'époque historique si justement choisie par M. de Maulde pour son curieux travail de restitution, tout en exprimant d'avance, mais sous réserve, l'idée que je me faisais du plan général et de la portée d'une œuvre à ses débuts.

Trois volumes de plus de 400 pages chacun ont paru sur la diplomatie au temps de Machiavel; je voudrais me borner pour l'instant à en analyser les matières ou plutôt à les résumer librement, suivant l'impression personnelle que leur lecture m'a laissée.

Au moyen-âge, la doctrine, souveraine et invariable en ce point, enseigne que l'autorité est d'essence divine, et que les rois ne gouvernent légitimement les peuples qu'en vertu d'une délégation surnaturelle, d'une grâce qui en fait de simples lieutenants de Dieu sur la terre. La loi, c'est Dieu, c'est-à-dire la jus tice suprême, et les hommes n'en sont que les interprètes.

Tel est le principe majeur, absolu, sans lequel l'ancien droit des gens demeurerait inexplicable et par lequel il se distingue nettement du système réaliste et volontaire inauguré par le droit international moderne.

Sous l'empire de cette conception qui fait de l'Évangile le code fondamental des sociétés chrétiennes, ces sociétés, politiquement indépendantes les unes des autres, forment entre elles, par un esprit de solidarité qu'entretiennent de communes croyances et de communs préceptes, une vaste famille soumise à un seul et même maitre. La théologie morale qui se superpose à la législation romaine tombée en discrédit, leur sert de régulatrice dans leurs relations extérieures; favorable à leurs libertés individuelles, elle les convie à la paix et à la fraternité. C'est d'elle que sortira, combinée avec la coutume, le jus positum des temps

nouveaux.

Sous l'influence de l'Église et de sa constitution unitaire, la respublica christiana réalise en partie la théorie moderne, disons le rêve des États groupés en confédération sous un pouvoir central permanent. Elle est exclusive, parce qu'elle est confessionnelle; son droit des gens ne peut être un droit de l'humanité. Le juif est un hôte toléré; le musulman est l'adversaire qu'il est licite de combattre comme incarnant la barbarie, le matérialisme, la tyrannie et la négation du Rédempteur.

1 V. la Revue d'histoire diplomatique, année 1893.

HIST. DIPL.

19.

Par une conséquence logiquement déduite du principe divin qui régit la collectivité chrétienne, le chef de la catholicité est l'arbitre naturel des princes, et les princes sont d'autant plus honorés et obéis, qu'ils possèdent à un degré plus éminent l'investiture de Dieu. De là, trois grandes autorités, le pape, l'empereur et le roi de France.

Le pape représente la plus haute autorité internationale. Sa primauté est sans doute toute morale et n'a d'autres armes que les conseils, la censure, l'excommunication: elle ne s'en manifeste pas moins avec une singulière puissance dans la sphère politique, car la conscience des peuples reconnaît dans le vicaire de Jésus-Christ le magistrat souverain, gardien de la foi des traités, le justicier des rois, le conciliateur de leurs différends.

Dans ce rôle supérieur, la cour pontificale devient le centre de la diplomatie. Le pape tient les monarques en respect, non seulement par son pouvoir spiri tuel, par ses attributions de juge suprême du for intérieur, mais aussi comme chef des clergés nationaux.

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y a de plus certains pays dont il est le conseil né, le tuteur, et que l'on peut plus facilement aborder par son entremise.

C'est ainsi que l'hégémonie de Rome se fait sentir dans presque toutes les négociations du moyen-âge. Elle déchoit à l'époque des grandes guerres religieuses qui dépouillent le Saint-Siège de son caractère d'arbitre. Mais déjà, à la fin du XVe siècle, la décadence avait commencé par la confusion des deux souverainetés romaines, les papes se gérant plutôt en rois qu'en pontifes, intervenant activement comme princes temporels dans le jeu de la politique et mécon naissant ainsi leur vraie mission, celle de médiateurs et d'apôtres de la paix. Confondus pour ainsi dire dans la mêlée, ils sont traités d'égal à égal par les princes qui tendent à s'émanciper d'eux dans le gouvernement de leurs propres églises.

A côté de la papauté régnant sur les âmes, a toujours existé la théorie d'une monarchie universelle. Cette monarchie c'est le saint empire dans lequel les jurisconsultes se plaisent à voir une sorte d'association fédérative succédant à l'empire romain; ils considèrent l'empereur comme un suzerain investi à l'égard des États de la chrétienté d'une autorité analogue à celle que s'attribuaient les Césars sur les princes alliés et autonomes.

Le consensus des peuples confirme cette apparente restauration que personnifie pour la première fois Charlemagne. L'empereur a la préséance sur les autres princes chrétiens.

Cependant, dans sa longue lutte contre la papauté, lutte qui le plus souvent a l'Italie pour théâtre, le saint empire décline; à la fin du XVe siècle, il n'est plus guère qu'une formule de chancellerie.

A un certain moment de son histoire, la monarchie française, grandie par le prestige qu'elle s'était acquis sous la dynastie capétienne, semble vouloir convoiter l'héritage de Charlemagne. Basée sur le consentement des peuples, fonciè rement religieuse, ne résumait-elle pas en elle les aspirations, les unes libérales, les autres autoritaires d'une époque où déjà la dignité impériale était défail lante? Elle ne persista pas dans ces vues comme si elle les jugeait au-dessous de

son ambition. Mais il n'est pas douteux (les témoignages abondent sur ce point qu'au commencement du XVIe siècle, le roi de France occupe une place à part après ou à côté de l'empereur. Le plus fort par la puissance militaire, il est le premier des rois et Louis XII estime que son titre de Très-Chrétien lui vaut tout au moins un rang égal à celui de l'empereur, s'il ne lui confère pas dans la République chrétienne un rôle plus actif et plus glorieux.

En face des trois autorités du moyen-âge ou plutôt, suivant Machiavel qui reflète les idées du temps, en face du roi de France représentant le système libéral et chrétien, s'élève le grand Turc représentant l'autocratie appuyée sur l'esclavage. L'on admet qu'entre ces deux antinomies aucun rapprochement n'est possible, bien que les événements doivent prouver plus tard le contraire. D'après ce qui a été dit de l'autorité, celle-ci légitime seule le pouvoir qui en est la manifestation pratique.

Machiavel, au contraire, défend le droit de la force et tend à préparer les esprits à un régime opportuniste qui donnera naissance, un siècle plus tard, au système de l'équilibre international.

L'école antimachiavéliste, c'est-à-dire les adeptes de la théorie dogmatique et morale, repoussent le droit de conquête, sauf vis-à-vis des Ottomans, et font remonter l'origine du pouvoir à la naissance, au mariage, à l'hérédité, à la volonté populaire.

Quelle est, en matière internationale, l'étendue du pouvoir ? Cette question se résume dans ces deux formules: chacun est maître chez soi : personne n'est maitre chez autrui.

Les commentaires de la première formule peuvent être ramenés à ces trois propositions : le souverain est le représentant et le maître absolu de ses sujets; les étrangers ne sont admis dans ses États que suivant son bon plaisir; un acte gracieux peut les assimiler aux régnicoles. Quant à la maxime corrélative qui interdit à un souverain d'intervenir dans les affaires d'un autre État, elle a ses exceptions; ce sont notamment les cas de tutelle, de curatelle ou de protec

torat.

La vassalité rentre dans le droit intérieur.

L'un des plus importants attributs du pouvoir est le droit d'ambassade; il est essentiellement et exclusivement régalien, du moins à partir du XVIe siècle. Quelles sont vers cette époque les règles qui président aux rapports de fait entre États libres de tout engagement conventionnel ? C'est la paix, la tranquilla libertas, le respect des frontières, le droit d'asile pour les réfugiés politiques et les belligérants, l'observation des devoirs de la neutralité tant générale que locale, les ménagements à l'égard des prisonniers et des otages, leur délivrance moyennant rançon. Cependant, la pratique ne répond pas toujours à ces prescriptions humanitaires dictées par la morale et par la religion. De même, les lettres de marque et de représailles sont généralement usitées quoique les canonistes les condamnent et qu'elles soient à peine excusées par les jurisconsultes. A la fin du moyen-âge, toutefois, la diplomatie parvient à les proscrire.

Tels sont, avec un chapitre final sur les relations directes de souverain à souverain, les sujets variés que traite M. de Maulde dans la premtère partie de son ouvrage intitulée : Généralités du droit international.

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