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le milieu du XVIIIe siècle jusqu'à la Révolution.Un de ses contemporains, Ségur, a dit à juste titre : « Le reste d'éclat qu'a jeté la Monarchie dans ses derniers « temps est dù tout entier à Vergennes 1. » Nous souhaitons que le succès encourage M. de Marsangy à donner une suite à sa belle étude sur l'ambassade de Vergennes à Constantinople. En tout cas il a déjà contribué à faire rendre justice à celui qui fut, suivant l'expression de M. Geffroy « un des grands noms, un a des derniers grands représentants de notre ancienne diplomatie. »>

H. POUGET DE ST-ANDRÉ.

Eudes, comte de Paris et roi de France (882-898), par Edouard FAVRE, docteur en philosophie, élève diplomé de l'Ecole des Hautes-Etudes. Paris, Bouillon, 1893, 284 p. in-8°.

Quand bien même ce livre n'aurait pas de rapport avec l'histoire diplomatitique, on ne saurait le passer sous silence dans une revue consacrée à ce genre d'informations spéciales. C'est qu'il projette des lumières nouvelles sur l'origine de la Maison de France, du royaume et de la capitale. Il est le fruit de recherches poursuivies pendant des années avec la méthode de l'École des HautesEtudes. A cet égard, il ne sera pas possible, je le crois du moins, de découvrir quelque document nouveau, lettre ou diplôme, qui n'ait été exploré par M. Favre Le fruit de ces recherches est précieux, je dirai aussi agréable. Sous d'exactes couleurs l'auteur peint des héros vaillants en un temps de guerre et de révolution. La vue de ce tableau d'ensemble est indispensable à qui veut connaitre à fond les débuts d'un Etat qui tient tant de place en ce monde.

L'Empire carolingien était menacé dès l'origine par les éléments disparates des peuples qui le composaient comme par les rivalités des descendants de son fondateur, ce glorieux usurpateur des droits impériaux au détriment du basileus de Constantinople. Il suffisait d'un accident pour le dissoudre. Les Normands parurent et tout fut dit. Ces tard-venus des invasions barbares devaient indirec tement provoquer la distribution en corps de nations du vaste ensemble des peuples de l'Empire franco-romain, en détruisant d'abord, puis en fondant à leur tour. En attendant qu'ils fondent, après leur conversion, le duché de Normandie et les royaumes d'Angleterre et des Deux-Siciles, M. Favre les montre, encore païens, inondant et ravageant, comme les flots d'une puissante marée, les rivages gaulois et remontant la Seine pour battre jusqu'aux murs de Paris. L'autorité impériale, qu'elle fut partagée entre plusieurs carolingiens ou momentanément unie dans les mains d'un seul, fut impuissante à mettre une digue à ces envahissements incessants.

Le nord des Gaules, appelé Neustrie entre la Loire et la Seine, et Francia entre la Seine et la Meuse, était plus spécialement en butte aux pillages de ces Normands venus de Danemark. Au-dessus des comtes et des abbés laïques, qui changeaient souvent de domaine à cette époque de féodalité naissante, les empereurs établissaient des chefs militaires, défenseurs des frontières ou comman

1 Mémoires de Ségur, t. II.

* Gustave III, t. I.

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dants régionaux, appelés marquis ou ducs, quoiqu'il n'existât encore ni marquisat, ni duché aux limites précises. Souvent même les comtes particuliers des cités remplissaient ces fonctions suprêmes sans que la dite qualité leur fût appliquée. Tel fut, en Neustrie, ce comte Robert le Fort, à qui la science attribue aujourd'hui une origine saxonne, ou, en Francia, Hugues l'Abbé, ou, encore plus à l'est, le comte Henri. Tous, tant qu'ils purent, tinrent tête aux Normands.

Lors du siège de Paris par les Normands, en 886, la ville était défendue par son évêque Goslin et son nouveau comte Eudes, fils de Robert le Fort. M. Favre fait assister à ce premier siège de Paris, plein de détails émouvants. La résistance héroïque de la ville devait la mettre en évidence ainsi que son défenseur. Paris y gagna sa situation de capitale et Eudes la couronne royale. Charles le Gros s'étant montré incapable de tenir les rênes de l'Empire, l'Empire se frac tionna et partout il fallut trouver des successeurs de l'Empereur dans la per sonne de rois régionaux. Pour ne parler ni de l'Italie, ni des Bourgognes, les Francs orientaux, plus tard Teutons ou Allemands, prirent pour roi le carolingien Arnulf, et les Francs occidentaux, les Français, élurent le comte Eudes. Ce dernier, facilement obéi en Neustrie et dans la France propre, eut plus de peine à se faire reconnaître en Flandre et en Aquitaine. Il y parvint cependant soit par les armes, soit par les négociations.

Ce côté de sa vie intéressera plus particulièrement les lecteurs d'une revue d'histoire diplomatique. Eudes a non-seulement à traiter avec les Normands qu'il faut acheter et les comtes qu'il faut gagner, mais il doit encore conclure au dehors avec le pape de Rome, dont l'intervention politique a commencé à se faire sentir sous les Carolingiens, ainsi qu'avec Arnulf qui, en qualité de carolingien, prétend à la suzeraineté impériale sur les rois de l'Occident. Arnult reconnaît Eudes comme roi des Francs occidentaux. Mais, dans son propre royaume, Eudes trouve un maitre en diplomatie; c'est Foulques, le métropolitain de Reims, le digne successeur des saint Rémy et des Hincmar, revendiquant une sorte d'autorité pontificale sur les Francs. Légitimiste avant la lettre, il oppose à Eudes le carolingien Charles le Simple, prince impuissant qui n'est soutenu que par les voies diplomatiques. Les droits du prétendant sont si bien revendiqués, qu'Eudes, mourant, invitera ses fidèles à le reconnaître. Il y a là toute une série d'intrigues et de contre-intrigues à Rome, en Gaule et en Germanie, dont la complication est pleine de révélations sur la diplomatie du neuvième siècle. La diplomatie est de tous les temps et, dans tous les temps, elle prouve son efficacité.

Si la famille d'Eudes devait attendre encore près de cent ans avant que Hugues Capet lui assurât la couronne à titre héréditaire, ses débuts n'en sont pas moins d'une importance majeure. La maison de France est fondée et, par elle, le royaume de France. Une dynastie et un peuple ont pris naissance, et ils ont trouvé à Paris leur capitale. N'est-ce pas là de grandes choses et leur créateur ne mérite-t-il pas d'être connu à fond? C'est un de ces hommes entiers du moyen age primitif. Guerrier avant tout, robuste et hardi, honnête et loyal, il sait aussi se montrer conciliant et adroit. Respectueux de l'ancienne idée impériale, il

cherche à se rattacher aux traditions maintenues par l'Eglise. Sa haute valeur seule le désigne pour remplir la place éminente à laquelle il est appelé par les nécessités de la défense nationale. Comme il pourrait l'être de nos jours, le trône est un poste élevé pour la protection de la société. On saura gré à M. Favre d'avoir expliqué l'avènement d'Eudes de France, d'avoir mis cette figure en lumière et d'en avoir indiqué la valeur. Malgré l'appareil d'une science que renforcent de substantiels appendices, des pièces justificatives et une volumineuse table analytique, M. Favre a su faire un récit captivant de l'histoire de Paris et de son roi, il y a mille ans.

DE CRUE.

Ferry de Carondelet, ambassadeur à Rome, 1510, par M. L. de la Brière. Evreux, imp. de l'Eure, 1894, in-8°, 64 p.

Le personnage auquel un de ses descendants vient de consacrer la brochure que nous annonçons est bien connu dans l'histoire diplomatique. Nombre de ses dépêches ont été publiées déjà par M. Le Glay et par Godefroy. Cependant, M. de la Brière en a retrouvé d'autres, qui serviront utilement à compléter le dossier de la correspondance de ce résident des Pays-Bas à Rome en 1510, et qu'il a groupées avec un vrai art littéraire, avec l'entente du caractère pittoresque que la diplomatie de cette époque possède au plus haut point. Ferry de Carondelet a le type régulier du résident; M. de la Brière, qui constate en lui les goûts littéraires et artistiques alors inhérents à la carrière, cite son portrait par fra Bartolommeo, à Besançon, et un autre portrait attribué à Raphael dans la galerie Craffton. Quant à la correspondance, nous y trouvons d'abord ce qu'on trouve toujours des plaintes. Carondelet se plaint de ne pas avoir de chiffre (plainte assez bizarre), il se plaint de la poste, du manque d'argent. Il court après les bénéfices. Il s'occupe de quelques affaires courantes demandes d'indulgences, demandes de bénéfices, demande du chapeau de cardinal pour l'évêque de Maurienne. La partie la plus importante est, comme toujours, la partie relative aux nouvelles : l'année 1510, en effet, ne choma point d'événements majeurs, et Carondelet se trouvait au meilleur poste pour renseigner sa souveraine. Cette monographie présente donc un véritable intérêt historique et fait revivre une figure intelligente, avisée, une figure de diplomate classique.

R. M.

CHRONIQUE

SOCIÉTÉ D'HISTOire diplomatique.— Ont été reçus membres de la Société: MM. Jules COULBAULT, élève de l'école des langues orientales, (France), rue Lulli, 3, Paris, présenté par MM. le comte de Bourmont et le marquis de Beaucourt.

O. LE FÈVRE, publiciste (France), 13, quai Voltaire, Paris, présenté par MM. de Maulde et Waternau.

Ferdinand Sisic, professeur à l'Université d'Agram, (Autriche-Hongrie), Bregovita ulica 4, Agram, présenté par MM. l'abbé Pisani et de Maulde.

La Société a perdu M. Ducros-Aubert; S. E. le cardinal-Archevêque de Rouen. M. de Villa-Urrutia, a été nommé directeur du commerce au ministère d'Etat, à Madrid, M. le comte d'Ormesson, ministre en Danemark, M. le comte Balny d'Avricourt, ministre au Chili, M. Dimitri Kira Dinjan, consul général de Russie à Barcelone, M. Heimburger, professeur de droit public et international à l'Université de Giessen; M. Clavery, commandeur de la Légion d'honneur.

Le Ministère Impérial des affaires étrangères de Russie a honoré d'une souscription l'ouvrage de M. de Maulde, La diplomatie au temps de Machiavel.

L'Académie des sciences de Rouen décernera en 1896 un prix de 500 francs (prix Bouctot) au meilleur travail sur Nicolas Mesnager et son rôle dans les affaires diplomatiques ou d'ordre économique »,

ALLEMAGNE.

L'Historische Zeitschrift (1894, zw. h.) contient (p. 291) une note de M. Théodore Wiedemann, qui donne l'analyse exacte d'une dépêche du 26 juin 1741, relative au traité de Nymphenbourg. Cette dépêche relevée par le professeur Reinhold Koser rectifie une analyse trop brève de Ranke,

La dissertation de M. Otto, « Die Beziehungen Rudolf's von Habsburg zu Papst Gregor X », complète le travail précédent d'A. Zisterer, « Gregor X und Rudolf von Habsburg in ihren beiderseitigen Beziehungen >>; pendant que le travail de M. Otto était en cours d'impression, les très importants Registres de Grégoire X (1272-76), ont été publiés par M. Guiraud. Le Dr Obsen a commencé l'impression du 4e tome de la correspondance politique de Charles-Frédéric de Bade. Une école d'archivistes va être créée en Prusse, soit à Halle, soit à Marburg.

ANGLETERRE. Le 4e tome de documents inédits de Dublin, publiés par le Dr J. Z. Gilbert, se rapporte à la fin du gouvernement de Cromwell et s'étend jusqu'à la restauration des Stuarts. Une biographie très détaillée de sir Harry Parkes, par M.Stanley Lane-Peole (2 vol., Macmillan), 1860-1885.Le premier vo

lume raconte les guerres de Chine; le deuxième, les dix-huit années de légation à Tokio. Pour ce deuxième volume, l'auteur a eu la précieuse collaboration de F. V. Dickins, qui a longuement résidé au Japon dans l'intimité de Parkes. Un article sur sir Robert Morier, du même M. Stanley Lane-Poole, qui sera inséré dans le « Dictionnary of National Biography ». La famille Morier remonte à Isaac Morier, marchand établi à Smyrne, et à sa femme Clara de Lennep, fille du consul général de Hollande, dans les Echelles du Levant. Son fils ainé, John, représenta l'Angleterre à Constantinople, puis à Janina auprès d'Ali-Pacha. Son fils cadet, James, résida en Perse. David Morier, père de sir Robert, servit son pays à Constantinople, 1810-12, puis à Vienne et à Paris, 1815, enfin à Berne. Remarquons à ce propos, que le dernier tome de la Biographie Nationale, paru le 22 décembre dernier, comprend les articles « Masqueries » à « Millyng ». L'« Anglo-Norman Record Society » a tenu sa première séance au Public Record Office, le 1er décembre. Elle a résolu d'attendre un plus grand nombre d'adhésions, avant de constituer un bureau définitif.

ETATS-UNIS. Le prochain volume de M.Steven, ◄ Facsimiles of Manuscripts in European archives relating to America, 1773-1783 », ne se rapporte qu'à une partie de l'année 1777. On y relève une active correspondance de Vergennes avec les ambassadeurs de France à Madrid et à Londres. On y trouve des lettres de lord Stormont et de Beaumarchais, ainsi que les sceaux de Franklin et d'Arthur Lee.

L'un des diplomates les plus familiers avec les affaires de la Corée vient de mourir : il mérite une mention particulière, car le pays dont il nous parle est disputé entre les influences anglaise et russe, et fera peut-être parler de lui un jour. George C. Foulk, après avoir longtemps servi dans l'escadre américaine du Japon et de la Corée, fut attaché à la légation de ce dernier pays; il s'éta blit plus tard à Kicto et devint professeur de mathématiques à l'Université de Dashisha. Ses observations ont été publiées dans le « United States foreign.relations for 1885 ».

FRANCE. M. Gabriel Syveton commence dans le présent fascicule, l'étude de la curieuse personnalité du baron de Ripperda et le récit des négociations par lesquelles Ripperda a établi l'alliance austro-espagnole de 1725. Nos lecteurs. pourront donc facilement, sans que nous avons besoin d'insister, se rendre compte de la signification et de l'importance du Traité secret de mariage et d'alliance conclu le 5 novembre 1725, entre les cours de Vienne et de Madrid et dont M. Syveton publie le texte authentique dans la Revue historique (numéro de janvier-février 1894). Contentons-nous de dire que ce traité était encore inédit et que M. Syveton l'a retrouvé aux archives impériales de Vienne. Ainsi se trouve fixé un point d'histoire longtemps contesté et sur lequel M. le chevalier d'Arneth, dans sa très belle histoire du prince Eugène, avait seul jusqu'ici jeté quelque lumière.

Dans la livraison du 1er juillet, cette chronique a parlé d'un travail très documenté que publie le marquis de Barral-Montferrat sur l'alliance

« EelmineJätka »