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C'était un grand pas vers la paix et une preuve des nobles sentiments dont étaient animées les deux Hautes Parties.

Sur ces entrefaites, l'empire du Brésil se transformait en république des États-Unis du Brésil. La République Argentine fut le premier pays à la reconnaître, en publiant un décret par lequel il saluait l'émancipation de la seule région de l'Amérique, où se fut maintenue la monarchie, après le cri libérateur de Mai, lancé en 1810 dans la ville de Buenos-Ayres.

En suite de ces événements, les relations entre les deux pays se sont sensiblement améliorées; lorsque parvint à Rio-Janeiro la nouvelle que les Argentins s'étaient empressés de reconnaitre la nouvelle République du Brésil, le drapeau argentin fut arboré sur les bâtiments publics, et salué à coups de canon par les navires de guerre de l'État.

Sous ces favorables auspices, le nouveau ministre des affaires étrangères du Brésil, M. Quintino Bocayuva se rendit à BuenosAyres à bord d'un navire de sa nation, et le ministre des affaires étrangères de l'Argentine, le Dr Zeballos, alla au-devant de lui jusqu'à Montevideo. Peu de temps après, ils signèrent, le 25 janvier 1890, un traité qui liquida enfin la question séculaire des Missions, au nom des sentiments de confraternité qui doivent prévaloir entre les peuples du continent américain.

La délimitation du territoire discuté, telle que le traité la fixa, ne saurait être plus raisonnable ni plus juste; elle tint compte, dans une large mesure des intérêts des deux nations et constitua un gage de paix et d'amitié entre les contractants, si longtemps divisés par la méfiance.

La signature du traité Zeballos-Bocayuva fut donc acclamée à Rio et à Buenos-Ayres. Mais cette joie ne fut pas de longue durée; le traité fut, il est vrai, ratifié sans discussion par le Congrès argentin; mais le Congrès brésilien le rejeta en août 1891, après une campagne contre le patriote brésilien Bocayuva, l'un des chefs républicains.

Il ne reste donc plus que la Convention d'arbitrage de 1889, soutenue par le Gouvernement argentin; celle-ci, aussi, faillit

être renversée par le parlement brésilien, mais à la fin, les deux gouvernements s'inspirant de sentiments d'amitié et de patriotisme, arrivèrent à s'entendre et demandèrent d'un commun accord le consentement de Son Excellence le président des EtatsUnis de l'Amérique du Nord, pour lui confier comme arbitre la solution finale de cette question. Le président ayant accepté, les' dossiers lui seront soumis en février prochain par les intéressés.

La République Argentine et le Brésil ont envoyé à Washington des missions spéciales. La première a pour chef Son Excellence M. le D Estanislao S. Zeballos. Il a été deux fois ministre des affaires étrangères à Buenos-Ayres et, à ses hautes capacités intellectuelles, il unit l'avantage d'avoir été le négocia teur du traité de 1890. Le Brésil a nommé dans le même but M. le vicomte de Rio Branco, fils du célèbre conseiller Paranhos du temps de l'Empire, et homme d'une compétence

reconnue.

Berlin, Décembre

de 1893.

ALEJANDRO GUESALAGA.

L'EUROPE DIPLOMATIQUE ET DOM MIGUEL

Un demi-siècle s'est écoulé depuis la chute de Dom Miguel. Son souvenir reste encore vivace dans le pays qu'a dévasté la guerre civile, déchaînée pour sa cause. Quelques sympathies lui ont même survécu ; c'est la consolation des causes vaincues de garder d'inébranlables fidélités.

Et cependant si la mémoire de Dom Miguel est défendue contre l'indifférence des contemporains, son pouvoir n'eut jamais l'apparence de la stabilité. Au faite de la puissance, il se vit refuser par la plupart des gouvernements la consécration de ses éphémères succès. Aux heures d'épreuves, tous l'abandonnèrent.

Estimant sans doute que les fautes préméditées sont les moins excusables, les cabinets étrangers ont jugé les intrigues de 1828 d'après les complots de 1823 et 1824. Les acclamations de la populace et les déclarations des Cortès effrayées n'effaçaient pas la tache originelle. Pour les hommes d'État, qui dirigeaient la diplomatie de l'Europe et qui s'appelaient Metternich, Châteaubriand, Nesselrode, le passé de Dom Miguel se dressait comme le plus défavorable des témoignages.

Comment, en effet, oublier ces tentatives qui témoignaient une ambition si précoce ? Comment ne pas se rappeler que le prince avait à peine vingt ans lorsque le roi Jean VI, faisait afficher, au lendemain de la sédition militaire, le 30 mai 1823, l'affligeante proclation!

HIST. DIPL.

6

« Portugais,

<< Mon fils, l'infant Dom Miguel a fui de mon palais et s'est réuni au 23o régiment. Comme père, je l'ai déjà abandonné; comme roi, je saurai le punir ».

Six jours après, Dom Miguel cerné, dans le bas quartier de Lisbonne, par un détachement de police, demandait à être conduit. au roi et implorait humblement sont pardon. Le roi pardonna...

Un an ne s'était pas écoulé qu'une nouvelle conjuration mieux ourdie éclatait à Lisbonne ; le roi, prisonnier dans son palais, subissait les menaces de la faction migueliste, l'Infant ne lui dissimulait pas ses coupables impatiences et allait obtenir l'abdication,objet de tous ses désirs. Mais sur la courageuse initiative de l'ambassadeur de France, M. Hyde de Neuville, le corps diplomatique vint protester au nom de l'Europe et réclamer hautement la mise en liberté du vénérable roi Jean VI. Les troupes un moment ébranlées dans leur fidélité, se retrouvèrent vite sur le chemin du devoir, encouragées d'ailleurs par les voeux de la population.

Dom Miguel vint faire sa soumission à bord du vaisseau anglais le Windsor Castle, sur lequel le roi avait repris possession de son indépendance et de l'autorité royale. Les torts de l'Infant étaient trop grands pour que cet acte de repentir suffit à les effacer. Son exil fut résolu. On l'embarqua sur la frégate portugaise La Perle et, sous l'escorte d'un brick français, il fut dirigé sur les côtes de Bretagne. Le prince dut habiter Paris pendant quelques mois, entouré d'égards, fréquemment reçu à la Cour des Tuileries où Louis XVIII, ce fin philosophe, s'efforça, par ses conseils, de le ramener aux sentiments d'une véritable soumission. Le caractère concentré, l'apparence taciturne de l'Infant lui gagnaient peu de sympathies et faisaient douter les esprits les plus bienveillants de la sincérité de son repentir.

Le baron de Damas, ministre des affaires étrangères, exprimait à M. de Neuville, ambassadeur du roi à Lisbonne, ses inquiétudes sur l'avenir du Portugal et ses défiances à l'égard de l'Infant.

« Toutefois, ajoutait-il, ce prince, après avoir passé toutes les bornes, a donné cependant à son auguste père, des témoignages de soumission et de respect, l'indécision même de son caractère semble offrir les moyens de le ramener encore davantage et peut-être le plus grand danger de tout, serait de lui montrer un trop profond ressentiment. Ses voyages ne sont pas terminés; il faut en attendre les fruits et espérer qu'ils rendront au roi, un fils digne de sa bonté. ›

(Lettre du 20 septembre 1824.)

Cet optimisme diplomatique n'était pas partagé par le clairvoyant ambassadeur, qui répondait par une spirituelle boutade : "Les droits de Dom Miguel au trône du Portugal sont aujour«d'hui ceux du prince de Joinville au trône de France ». M. de Neuville faisait à son insu une double prophétie dont la réalisation était prochaine...

Le roi Louis XVIII mourait le 16 septembre 1824. L'Infant, toujours inquiet et toujours agité sous son apparente froideur, demanda ses passeports pour la cour de Vienne et gagna l'Autriche,sous le nom de duc de Beja. La cour des Tuileries n'avait pas de prétexte pour le retenir, c'était une tutelle difficile que celle qui consistait à le surveiller et à informer le gouvernement portugais de ses attitudes et de ses fréquentations. On fut donc fort aise, dans les conseils du roi Charles X, du départ de cet hôte inquiétant, dont la courtoisie française ne pouvait faire un prisonnier.

Le gouvernement portugais jouissait d'un repos que troublaient seules les exigences de l'Angleterre. Le cabinet de Londres voulait garder,à l'égard du Portugal, une situation exceptionnellement privilégiée sous le rapport des douames. M. de Damas écrivait à la date du 2 janvier 1825 :

Les propositions faites à la cour de Lisbonne, par sir William A Court et les menaces dont il les accompagne, ne peuvent changer ni l'opinion du gouvernement français, ni la conduite que vous avez à suivre. Vous avez toujours été chargé d'offrir à Sa Majesté Très Fidèle, des conseils conformes à ses intérêts comme à sa dignité. Voilà la ligne que vous avez suivie et vous ne pouvez jamais vous en écarter. »

« EelmineJätka »