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souffler un mot, je lui couperai la gorge, à elle d'abord; et si tu l'aimes, tu ne risqueras pas sa vie. Et la tienne aussi, je sais que la tienne, au moins, tu l'aimes. Pas un mot, où je commence par toi1!» Il renverse le mari, autre traître, reprend à Olivia la cassette de bijoux qu'il lui avait donnée, lui en jette quelquesuns, disant « qu'il n'a jamais quitté une fille sans la payer, et donne cette même cassette à Fidelia, qu'il épouse. Toutes ces actions paraissaient alors convenables. Wycherley prenait dans sa dédicace le titre de son héros, Plain dealer; il croyait avoir tracé le portrait d'un franc honnête homme, et s'applaudissait d'avoir donné un bon exemple au public; il n'avait donné que le modèle d'une brute déclarée et énergique. C'est là tout ce qui restait de l'homme dans ce triste monde. Wycherley lui ôtait son manteau mal ajusté de politesse française, et le montrait avec la charpente de ses muscles et l'impudence de sa nudité.

A côté d'eux, un grand poëte aveugle et tombé, l'âme remplie des misères présentes, peignait ainsi le tumulte de l'orgie infernale : « Bélial vint le dernier, « le plus impur des esprits tombés du ciel, le plus < grossier dans l'amour du vice pour lui-même....

1. What, you are my rival, then! And therefore you shall stay and keep the door for me, whilst I go in for you; but when I'm gone, if you dare to stir off from this very board, or breath the least murmuring accent, I'll cut her throat first; and if you love her, you will not venture her life. Nay, then I'll cut your throat too, and I know you love your own life at least.... Not a word more, lest I begin my revenge on her by killing you.

2. Here, madam, I never left yet my wench unpaid.

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Nul n'est plus souvent dans les temples et aux autels, quand le prêtre devient athée, comme les fils d'Éli qui remplirent de leurs débauches et de

« leurs violences la maison de Dieu. Il règne aussi << dans les cours et dans les palais, dans les cités luxurieuses, où le bruit de l'orgie monte au-dessus des plus hautes tours, avec l'injure et l'outrage, quand la nuit obscurcit les rues, et que ses fils se répandent au dehors, gorgés d'insolence et de vin1. »

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1.

Belial came last, than whom a spirit more lewd
Fell not from heaven or more gross to love
Vice for itself.

Who more oft than he

In temples and at altars, when the priest
Turns atheist, as did Eli's sons who fill'd
With lust and violence the house of God:
In court and palaces he also reigns,
And in luxurious cities, when the noise
Of riot ascends above their loftiest towers,
And injury and outrage; and when night
Darkens the streets, then wander forth the sons
Of Belial, flown with insolence and wine.

(Milton, liv.

I.)

S2. LES MONDAINS.

I

Au dix-septième siècle s'ouvre en Europe un genre de vie nouveau, la vie mondaine, qui bientôt prime et façonne les autres. C'est en France surtout et en Angleterre qu'elle paraît et qu'elle règne, pour les mêmes causes et dans le même temps.

Pour remplir les salons, il faut un certain état politique, et cet état, qui est la suprématie du roi jointe à la régularité de la police, s'établissait à la même époque des deux côtés du détroit. La police régulière met la paix entre les hommes, les tire de l'isolement et de l'indépendance féodale et campagnarde, multiplie et facilite les communications, la confiance, les réunions, les commodités et les plaisirs. La suprématie du roi institue une cour, centre des conversations, source des grâces, théâtre des jouissances et des splendeurs. Ainsi attirés l'un vers l'autre et vers le trône par la sécurité, la curiosité, l'amusement et l'intérêt, les grands seigneurs s'assemblent, et du même coup ils deviennent gens du monde et gens de cour. Ce ne sont plus les barons du siècle précédent, debout dans la haute salle, armés et sombres, occupés de l'idée qu'ils pourront bien au sortir du palais se tailler en pièces, et que, s'ils se frappent dans le palais,

LITT. ANGL.

10-5

le bourreau est là pour leur couper la main et boucher leurs veines avec un fer rouge; sachant de plus que le roi leur fera peut-être demain trancher la tête, partant prompts à s'agenouiller pour se répandre en protestations de fidélité soumise, mais comptant tout bas les épées qui prendront leur querelle et les hommes sûrs qui font sentinelle derrière le pont-levis de leur château. Les droits, les pouvoirs, les contraintes et les attraits de la vie féodale ont disparu. Ils n'ont plus besoin que leur manoir soit une forteresse. Ils n'ont plus le plaisir d'y régner comme dans un État. Ils s'y ennuient, et ils en sortent. N'ayant plus rien à disputer au roi, ils vont chez lui. Sa cour est un salon, le plus agréable à voir et le plus utile à fréquenter. On y trouve des fêtes, des ameublements splendides, une compagnie parée et choisie, des nouvelles et des commérages: on y rencontre des pensions, des titres, des places pour soi et pour les siens; on s'y divertit et on y profite: c'est tout gain et tout plaisir. Les voilà donc qui vont au lever, assistent au dîner, reviennent pour le bal, s'assoient pour le jeu, sont là au coucher. Ils y font belle figure avec leurs habits demifrançais, leurs perruques, leurs chapeaux chargés de plumes, leurs hauts-de-chausses en étages, leurs canons, et les larges rosettes de rubans qui couvrent leurs souliers. Les dames se fardent, se mettent des mouches3, étalent des robes de satin et de velours magnifiques, toutes galonnées d'argent et traînantes,

1. Voir toutes les pièces historiques de Shakspeare.

2. 1654.3. 1660.

au-dessus desquelles paraît la blancheur de leur poitrine, dont l'éclatante nudité se continue sur toute l'épaule et jusqu'au bras. On les regarde, on salue et on approche. Le roi monte à cheval pour sa promenade à Hyde-Park; à ses côtés courent la reine, et avec elle les deux maîtresses, lady Castlemaine et mistress Stewart : « la reine1 en gilet blanc galonné, en jupon court cramoisi, et coiffée à la négligence; mistress Stewart avec son chapeau à cornes, sa plume rouge, ses yeux doux, son petit nez romain, sa taille parfaite. » On rentre à White-Hall, « les dames vont, viennent, causant, jouant avec leurs chapeaux et leurs plumes, les échangeant, chacune essayant tour à tour ceux des autres et riant. » En si belle compagnie la galanterie ne manque pas. « Les gants parfumés, les miroirs de poche, les étuis garnis, les pâtes d'abricot, les essences, et autres menues denrées d'amour arrivent de Paris chaque semaine. » Londres fournit « des présents plus solides, comme vous diriez boucles 'd'oreilles, diamants, brillants et belles guinées de Dieu; les belles s'en accommodaient, comme si cela fût venu de plus loin. » Les intrigues trottent, Dieu sait combien et lesquelles. Naturellement aussi la conversation va son train. On développe tout haut les aventures de Mlle Warmestré la dédaigneuse, « qui, surprise apparemment pour avoir mal compté, prend la liberté d'accoucher au milieu de la cour. » On se répète tout bas les tentatives de Mlle Hobart, l'heureux

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« EelmineJätka »