Page images
PDF
EPUB

Le tribunal les annullera ; et s'ils donnent lieu à la forfaiture, le fait sera dénoncé au corps législatif, qui rendra le décret d'accusation, s'il y a lieu, et renversa les prévenus devant la haute-cour nationale.

TITRE IV.

De la force publique.

ART. I. La force publique est instituée pour défendre l'état contre les ennemis du dehors, et assurer au-dedans le maintien de l'ordre, et l'exécution des lois.

II. Elle est composée,

De l'armée de terre et de mer;

De la troupe spécialement destinée au service intérieur ;

Et subsidiairement des citoyens actifs, et de leurs enfans en état de porter les armes, inscrits sur le rôle de la garde nationale.

III. Les gardes nationales ne forment ni un corps militaire, ni une institution dans l'état ce sont les citoyens eux-mêmes appelés au service de la force publique.

IV. Les citoyens ne pourront jamais se former, ni agir comme gardes nationales, qu'en vertu d'une réquisition ou d'une autorisation légale.

roi donnera, sous la responsabilité de ses ministres, les ordres nécessaires pour l'exécution des lois et le rétablissement de l'ordre; mais à la charge d'en informer le corps législatif, s'il est assemblé, et de le convoquer s'il est en vacances.

XII. La force publique est essentiellement obéissante; nul corps armé ne peut délibérer.

XIII. L'armée de terre et de mer, et la troupe destinée à la sûreté intérieure, sont soumises à des lois particulières, soit pour le maintien de la discipline, soit pour la forme des jugemens et la nature des peines en matière de délits militaires.

TITRE V.

Des contributions publiques.

ART. I. Les contributions publiques seront délibérées et fixées chaque année par le corps législatif, et ne pourront subsister au-delà du dernier jour de la session suivante, si elles n'ont pas été expressément renouvelées.

II. Sous aucun prétexte, les fonds nécessaires à l'acquittement de la dette nationale et au paiement de la liste civile, ne pourront être ni refusés ni suspendus.

Le traitement des ministres du culte catholique pensionnés, conservés, élus ou nommés en vertu des

V. Ils sont soumis, en cette qualité, à une organi- décrets de l'assemblée nationale constituante, fait sation déterminée par la loi.

Ils ne peuvent avoir dans tout le royaume qu'une même discipline et un même uniforme.

Les distinctions de grade et la subordination ne subsistent que relativement au service pendant sa durée.

VI. Les officiers sont élus à temps et ne peuvent être réélus qu'après un intervalle de service comme soldats.

Nul ne commandera la garde nationale de plus d'un district.

VII. Toutes les parties de la force.publique, employées pour la sûreté de l'état contre les ennemis du dehors, agiront sous les ordres du roi.

VIII. Aucun corps ou détachement de troupes de ligne ne peut agir dans l'intérieur du royaume sans une réquisition légale.

IX. Aucun agent de la force publique ne peut entrer dans la maison d'un citoyen, si ce n'est pour l'exécution des mandemens de police et de justice, ou dans les cas formellement prévus par la loi.

X. La réquisition de la force publique dans l'intérieur du royaume appartient aux officiers civils, suivant les règles déterminées par le pouvoir légis-❘ latif.

partie de la dette nationale.

Le corps législatif ne pourra, en aucun cas, charger la nation du paiement des dettes d'aucun individu.

III. Les comptes détaillés de la dépense des départemens ministériels, signés et certifiés par les ministres ou ordonnateurs-généraux, seront rendus publics, par la voie de l'impression, au commencement des sessions de chaque législature.

Il en sera de même des états de recette des diverses contributions, et de tous les revenus publics.

Les états de ces dépenses et recettes seront distingués suivant leur nature, et exprimeront les sommes touchées et dépensées, année par année, dans chaque district.

Les dépenses particulières à chaque département, et relatives aux tribunaux, aux corps administratifs, et autres établissemens, seront également rendues publiques.

IV. Les administrateurs de département et sousadministrateurs ne pourront ni établir aucune contribution publique, ni faire aucune répartition au-delà du temps et des sommes fixées par le corps législatif, ni délibérer ou permettre, sans y être autorisés par lui, aucun emprunt local à la charge des citoyens du

XI. Si des troubles agitent tout un département, le département.

V. Le pouvoir exécutif dirige et surveille la perception et le versement des contributions, et donne tous les ordres nécessaires à cet effet.

TITRE VI.

Des rapports de la nation française avec les nations étrangères.

La nation française renonce à entreprendre aucune guerre dans la vue de faire des conquêtes, et n'emploiera jamais ses forces contre la liberté d'aucun peuple.

La constitution n'admet point de droit d'aubaine. Les étrangers établis ou non en France succèdent à leurs parens étrangers ou français.

Ils peuvent contracter, acquérir et recevoir des biens situés en France, et en disposer de même que tout citoyen français, par tous les moyens autorisés par les lois.

Les étrangers qui se trouvent en France sont soumis aux mêmes lois criminelles et de police que les citoyens français, sauf les conventions arrêtées avec les puissances étrangères; leur personne, leurs biens, leur industrie, leur culte, sont également protégés par la loi.

TITRE VII.

De la révision des décrets constitutionnels.

ART. Ier. L'assemblée nationale constituante déclare que la nation a le droit imprescriptible de changer sa constitution; et néanmoins, considérant qu'il est plus conforme à l'intérêt national d'user, seulement par les moyens pris dans la constitution même, du droit d'en réformer les articles dont l'expérience aurait fait sentir les inconvéniens, décrète qu'il y sera procédé par une assemblée de révision en la forme suivante :

II. Lorsque trois législatures consécutives auront émis un vœu uniforme pour le changement de quelque article constitutionnel, il y aura lieu à la révision demandée.

III. La prochaine législature et la suivante ne pourront proposer la réforme d'aucun article constitutionnel.

IV. Des trois législatures qui pourront par la suite proposer quelques changemens, les deux premières ne s'occuperont de cet objet que dans les deux derniers mois de leur dernière session, et la troisième à la fin de sa première session annuelle, ou au commencement de la seconde.

Leurs délibérations sur cette matière seront sou-
TOME Jer.

mises aux mêmes formes que les actes législatifs; mais les décrets par lesquels elles auront émis leur vœu ne seront pas sujets à la sanction du roi.

V. La quatrième législature, augmentée de deux cent quarante-neuf membres élus en chaque département, par doublement du nombre ordinaire qu'il fournit pour sa population, formera l'assemblée de révision.

Ces deux cent quarante-neuf membres seront élus après que la nomination des représentans au corps législatif aura été terminée, et il en sera fait un procès-verbal séparé.

L'assemblée de révision ne sera composée que d'une chambre.

VI. Les membres de la troisième législature qui aura demandé le changement ne pourront être élus à l'assemblée de révision.

VII. Les membres de l'assemblée de révision, après avoir prononcé tous ensemble le serment de « vivre « libres ou mourir, » prêteront individuellement celui de « se borner à statuer sur les objets qui leur au̟>> ront été soumis par le vœu uniforme des trois lé» gislatures précédentes; de maintenir, au surplus, » de tout leur pouvoir, la constitution du royaume » décrétée par l'assemblée nationale constituante aux >> années 1789, 1790 et 1791, et d'être en tout fidè» les à la nation, à la loi et au roi. »

VIII. L'assemblée de révision sera tenue de s'occuper ensuite, et sans délai, des objets qui auront été soumis à son examen: aussitôt que son travail sera terminé, les deux cent quarante-neuf membres nommés en augmentation se retireront, sans pouvoir prendre part, en aucun cas, aux actes législatifs.

Les colonies et possessions françaises dans l'Asie, l'Afrique et l'Amérique, quoiqu'elles fassent partie de l'empire français, ne sont pas comprises dans la présente constitution.

Aucun des pouvoirs institués par la constitution n'a le droit de la changer dans son ensemble ni dans ses parties, sauf les réformes qui pourront y être faites par la voie de la révision, conformément aux dispositions du titre VII ci-dessus.

L'assemblée nationale constituante en remet le dépôt à la fidélité du corps législatif, du roi et des juges, à la vigilance des pères de famille, aux épouses et aux mères, à l'affection des jeunes citoyens, au courage de tous les Français.

Les décrets rendus par l'assemblée nationale constituante qui ne sont pas compris dans l'acte de constitution seront exécutés comme lois; et les lois an

25

térieures auxquelles elle n'a pas dérogé seront également observées tant que les uns ou les autres n'auront pas été révoqués ou modifiés par le pouvoir législatif.

Signé VERNIER, président; POUGEARD, COUPpé, MAILLY-CHATEaurenaud, ChaILLON, AUBRY, évéque du département de la Meuse, DARCHE, secrétaires.

NOTICES BIOGRAPHIQUES

SUR LES ORATEURS DE L'ASSEMBLÉE CONSTITUANTE.

BARNAVE (ANTOINE-PIERRE-JOSEPH-MARIE), fils d'un avocat de Grenoble, naquit dans cette ville en 1761. Il débuta très jeune au barreau, et prononça au parlement de Grenoble, en 1783, un discours sur la nécessité de la division des pouvoirs dans le corps politique, qui fut fort remarqué et contribua à fixer sur lui le choix de l'assemblée des trois ordres de sa province, pour les représenter aux états-généraux. On sait l'attitude qu'il y prit dès le principe, et la position que son talent et l'austérité bien avérée de son caractère lui conquirent dans l'assemblée. Adversaire constant du côté droit, et rival souvent heureux de Mirabeau, il soutint et fit adopter la plupart des grands principes et des résolutions importantes qui consacrèrent la révolution et la firent entrer dans la législation. La carrière parlementaire de Barnave se divise en deux périodes bien distinctes: la première arrive jusqu'à la fuite du roi en 1791; la seconde s'étend depuis cette époque jusqu'à la fin de la session. Pendant la première période, Barnave est exclusivement révolutionnaire; il est l'organe avoué de l'extrême gauche de l'assemblée; il est l'orateur de la liberté; il en est même le seïde, car c'est dans un de ces momens d'ivresse de liberté ; et quelle ivresse plus dangereuse que celle-là ?-qu'il a pu dire ces paroles qui sont restées comme un remords sur son noble cœur, et qu'il y aurait de la mauvaise foi et de la lâcheté à lui reprocher encore, après que sa vie et son sang même ont été consacrés à les expier: « Le sang des Berthier et des Foulon est-il donc si pur?» Mot cruel que tous les partis, même les plus purs, ont répété, du moins au fond de leur cœur. Après le retour de Varennes, Barnave n'est plus le même homme; ses convictions se sont profondément modifiées, car Barnave fut toujours de bonne foi; il pense qu'on a assez fait pour la liberté, et qu'il ne s'agit plus que de consolider le pouvoir. Finir la révolution et la régulariser, voilà son but; c'est le drapeau autour duquel il s'efforce de rallier tous les hommes de bonne foi que renfermait l'assemblée, et

ils étaient nombreux. La mission qui lui avait été confiée de ramener de Varennes la famille royale, en le mettant en contact avec ceux qu'il avait combattus si longtemps sans les connaître, détermina sa conversion aux principes monarchiques constitutionnels. A son tour il conquit le cœur de la famille royale tout entière, par la noblesse de ses sentimens, l'élégance et la distinction de ses manières, qui contrastaient si fort avec la conduite rude et grossière que son collégue Pétion avait cru devoir adopter. Pressé par la reine de prendre quelque chose pendant ce fatigant voyage: «Madame, avait répondu Barnave, les députés de l'assemblée nationale, dans une occasion aussi solennelle, ne doivent occuper vos majestés que de leur mission et nullement de leurs besoins.» Dans les auberges où la famille royale descendait, rapporte Me Campan, la reine eut quelques entretiens particuliers avec Barnave. Celui-ci parla beaucoup des fautes des royalistes dans la révolution, et dit qu'il avait trouvé les intérêts de la cour si faiblement, si mal défendus, qu'il avait été tenté plusieurs fois d'aller lui offrir un athlète courageux qui connût l'esprit du siècle et celui de la nation. La reine lui demanda quels auraient été les moyens qu'il lui aurait conseillé d'employer. La popularité, madame. - Et comment pouvais-je » en avoir ? répartit sa majesté, elle m'était enlevée. - Ah! madame, il vous était bien plus facile à >> vous de la conserver qu'à moi de l'obtenir. » A son retour à Paris, Barnave, dépositaire de la confiance du roi et de la reine, comprit l'immensité de sa mission et il l'accepta sans hésiter. Mirabeau n'était plus là: Barnave était le premier orateur de l'assemblée, d'autant plus grand qu'il entrait dans une voie nouvelle, impopulaire, et dans laquelle il ne pouvait triompher qu'en déployant un immense talent. Il fut à la hauteur de sa position, et ses discours de cette époque sont ce qu'il a produit de plus remarquable. Ses relations avec la famille royale, après le retour de Varennes, continuèrent, et devinrent plus

>>

intimes; il donnait à Louis XVI des conseils dictés par le patriotisme le plus pur. Ces relations devaient être l'occasion de sa mort. Après le 10 août, à l'ouverture de l'armoire de fer, qui renfermait sa correspondance avec la cour, il fut décreté d'accusation, arrêté à Grenoble, amené à Paris, enfermé à l'Abbaye, puis à la Conciergerie, enfin traduit devant le tribunal révolutionnaire. Ce tribunal n'absolvait guères ; et l'éloquence que Barnave déploya pour sa défense émut les juges, mais ne le sauva pas. 11 fut condamné et il entendit son arrêt avec le plus grand calme. Au sortir du tribunal il rencontra Camille Desmoulins: «Camille, lui dit-il, tu ne m'en veux pas; nous avons dès le commencement défendu la même cause: je fais des vœux pour que tu n'en sois pas la victime ainsi que moi.» Camille pleurait; Barnave était calme et serein. Arrivé sur l'échafaud : « Voilà donc le prix, s'écria-t-il, de ce que j'ai fait pour la liberté. » Il mourut à l'âge de 32 ans. Sa statue ainsi que celle de Vergniaud avait été placée par ordre du gouvernement consulaire dans le grand escalier du sénat. Elles en furent retirées en 1814.

BERGASSE (NICOLAS), né à Lyon, en 1750, et député par cette ville aux états-généraux. Il publia, en 1789, une brochure sous le titre de Cahier du tiersétat à l'assemblée des états-généraux. Il s'y montrait partisan d'une sage et progressive liberté. Ses idées, quoique très indépendantes, le rapprochaient toutefois des partisans de la constitution anglaise, et il fut adjoint à Mounier et à Lally dans le premier comité de constitution. Les journées des 5 et 6 octobre 1789 le déterminèrent à se retirer de l'assemblée, et à chercher dans la retraite un repos qu'il prévoyait dès lors n'être plus compatible avec les fonctions publiques. Indépendamment de son rapport sur l'organisation du pouvoir judiciaire, que nous avons donné, il publia, pendant la durée de la session de l'assemblée constituante, quelques brochures sur les questions agitées; entre autres une opinion sur les crimes de haute trahison, une protestation contre les assignats-monnaie, et des réflexions sur le projet de constitution. Arrêté comme suspect, à Tarbes, en 1793, il fut conduit à Paris, déposé à la Conciergerie, et il allait être mis en jugement, quand la révolution du 9 thermidor lui rendit la liberté. Depuis lors Bergasse vécut dans la solitude et s'occupa de travaux philosophiques et d'études mystiques, pour lesquelles il avait toujours eu un penchant prononcé et de grandes aptitudes. Celui des ouvrages de Bergasse qui a le plus contribué à sa réputation est son mémoire contre Beaumarchais, dans l'affaire du banquier Kornmann. Son éloquence pleine de gravité et de noblesse y triompha des sarcasmes et des plaisanteries de son redoutable adversaire.

CAZALÈS (JACQUES-ANTOINE-MARIE de), né en 1752, à Grenade (Haute-Garonne). Son père était conseiller au parlement de Toulouse. A l'âge de quinze ans, Cazalès entra dans les dragons de Jarnac, et y obtint bientôt une compagnie. Sa vie au régiment fut à la fois pleine de dissipation et d'étude. Après avoir passé la journée au jeu, aux exercices militaires, il consacrait une partie de sa nuit à lire et à méditer les publicistes et les philosophes, se faisant ainsi à luimême une forte éducation. Montesquieu fut surtout son auteur de prédilection. Lorsque les états - généraux eurent été convoqués, Cazalès se présenta aux élections de son ordre; la noblesse de Toulouse et celle de Cahors le repoussèrent, en raison de ses principes trop indépendans. Il fut plus heureux à RivièreVerdun, dont la noblesse le nomma son représentant. Cazalès arriva aux états-généraux avec des idées très arrêtées, desquelles il ne dévia pas, pendant toute la durée de sa carrière politique. Il voulait l'ordre ancien, comme cadre des institutions nouvelles que les besoins des temps rendaient indispensables. Il pensait que l'antique constitution de la France possédait des élémens de liberté qu'il suffisait de faire revivre ; et que dans une foule de points il s'agissait bien plutôt de remettre en vigueur d'anciennes institutions oubliées que d'en créer de nouvelles. Ainsi, dans les réunions préparatoires, il s'opposa à la fusion des trois ordres en une seule assemblée, et cette fusion ayant été prononcée, Cazalès reprit le chemin de sa province, sacrifiant ainsi à ses principes un brillant avenir d'orateur, duquel probablement il ne se doutait pas. Il fut arrêté à Caussade et l'assemblée lai ordonna de revenir dans son sein: il obéit. Cazalès se montra peu empressé à prendre part aux discussions; il voulut auparavant étudier le terrain et les questions. On raconte que la première fois qu'il prit la parole, c'était dans les bureaux; un petit nombre de membres étaient réunis; parmi eux était Mirabeau. Ses premières paroles furent embarrassées; ses pensées avaient peine à se faire jour ; le mot propre n'arrivait pas. Cependant peu à peu il reprend de l'assurance; ses idées s'éclaircissent; des expressions neuves, hardies, brillantes, lui arrivent; la persuasion coule de ses lèvres ; il répand des flots d'une fumière limpide sur la question qu'il traite ; il charme et captive son auditoire. Mirabeau, étonné, interdit, se rapproche de lui, se pose en face de Cazalès, et fixant sur lui ses yeux de génie: «Monsieur, vous êtes >>orateur,» lui dit-il avec exaltation. Cazalès accepta l'augure et ne tarda pas à mesurer ses forces contre celui qui lui en avait fait la révélation. Ce qui surtout distingua et honora Cazalès dans sa carrière parlementaire, fut la bonne foi et la conviction. Son duel avec Barnave, à la suite de quelques vivacités échangées dans le feude la discussion, luivalut, dans le jeune tribun,

« EelmineJätka »