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Vous n'ignorez pas que son intention n'est pas de s'en dépouiller elle-même; et comme il n'est point de Français qui n'ait eu dans ce moment-ci les yeux ouverts sur elle, il n'en est point aussi qui ne sache qu'autant elle a mis d'empressement à se soumettre à l'égalité de l'impôt, autant elle a cru pouvoir exiger de fermeté de ses représentans, pour la défense des distinctions qui la caractérisent, et qu'elle croit nécessaires à conserver dans une monarchie.

Vous ne pourriez donc regarder l'abandon qu'en ont fait hier quelques-uns des députés comme son propre vœu. L'empressement avec lequel ils l'ont fait doit même vous prouver qu'ils n'en ont point envisagé les conséquences; et vous devez être d'autant moins étonnés qu'ils ne les aient point envisagées, qu'il n'était question de cet objet, si intéressant pour leurs commettans, que comme d'un objet accessoire et secondaire de votre arrêté.

Les premiers mouvemens de l'homme, messieurs, sont sans doute pour la nature; mais les seconds, chez lui, doivent être pour la raison. Il est dans la nature de tout gentilhomme français de ne plaindre aucun sacrifice pour l'intérêt de sa patrie; mais il est de la raison et du devoir de ceux mêmes d'entre eux qui auraient oublié hier le vœu de leurs commettans, pour ne s'occuper que du leur, d'exprimer aujourd'hui ce vou, de se conformer aux intentions bien connues de leur ordre, et de défendre de tout leur pouvoir sa propriété honorifique.

On vous a présenté, messieurs, les droits féodaux comme nuisibles à l'agriculture; mais est-il un état, est-il même une république où l'agriculture soit aussi florissante qu'elle l'est en Angleterre? Et les seigneurs de terres ne jouissent-ils pas en Angleterre de presque tous les droits dont les anciens seigneurs normands jouissaient en Normandie, lorsqu'ils ont conquis ce royaume, et qu'ils y ont apporté les lois de leur pays?

On vous a proposé de supprimer sans indemnité les corvées qui se trouvent encore dues aux propriétaires de quelques terres par les habitans des campagnes; et on a voulu vous faire envisager ces corvées comme des restes de l'ancienne servitude de la France. Mais ne sont-elles donc pas, messieurs, ainsi TOME Ier.

que tous les droits des seigneurs, le produit de la cession qu'ils ont faite de la plus grande partie de leurs terres à ceux qui n'en avaient pas? Cette cession à bail perpétuel, connue sous le nom d'inféodation, ne doit-elle pas être, par la nature des choses, soumise aux mêmes lois que celles faites à bail emphyteotique, ou à bail de neuf et sept ans? Et s'il a toujours été permis d'exiger des corvées des particuliers auxquels on a cédé, par bail à terme, le profit qu'on pouvait faire sur ses terres, n'a-t-il pas toujours dû l'être aussi d'en exiger de ceux auxquels on a cédé pour un temps indéfini le même profit?

Vous savez, messieurs, qu'il n'existe pas plus de charges sans bénéfices, que de bénéfices sans charges. Vous savez qu'on n'a jamais conclu ni accepté de marché, que lorsqu'on a trouvé plus d'avantage que de désavantage à le conclure ou à l'accepter.

Vous avez déjà fait connaître l'esprit d'équité qui vous anime, en consacrant les droits de propriété, en adoptant pour base ou pour premier principe de la constitution française, que tout citoyen avait un droit égal à la justice de la société. Les gentilshommes, messieurs, sont des citoyens. Il n'est aucun de leurs droits féodaux qui ne soit le prix du droit sacré de propriété qu'ils avaient sur les terres qu'ils ont inféodées. Il n'en est donc aucun dont il ne dût leur être tenu compte, si l'intérêt public pouvait en exiger le sacrifice.

Je ne doute pas d'ailleurs, messieurs, que vous ne pesiez dans votre sagesse si les mœurs des habitans des campagnes, si le commerce même, n'auraient pas à perdre infiniment à la permission qu'il vous a été proposé d'accorder à chaque cultivateur de détruire, dans tous les temps, toute espèce de gibier sur ses terres.

Il vous a encore été proposé de porter au denier trente l'estimation de la valeur de tous ceux de ces droits, dont on croyait que les seigneurs ne pouvaient être privés sans indemnité.

Je dois vous prier de considérer que le plus grand nombre des rentes seigneuriales se trouve déjà rédait à la quatre-vingt-seizième partie de leur valeur, parce que le plus grand nombre des seigneurs a autrefois consenti

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à en recevoir le paiement en argent ; et que celles de ces rentes qui se perçoivent en argent ne leur produisent conséquemment plus aujourd'hui que cinq sous, au lieu d'un louis, que cent vingt-cinq livres, au lieu de douze mille livres, et que mille écus, au lieu de deux cent quatre-vingt-huit mille livres qu'elles devraient leur produire.

Je dois opposer aux reproches que j'ai entendu faire, en général, au contrat féodal dans cette auguste assemblée, ce qu'en pensait, il y a quelques années, un des plus célèbres jurisconsultes du siècle. Il n'est point, disait-il, de contrat plus favorable au débiteur. Il est le seul dont on puisse abandonner l'effet, sans donner contre soi un droit de recours et d'indemnité, lorsqu'on se trouve trop grevé. Il est assujéti à une forme et à des lois particulières, pour la contrainte des redevables, qui tendent également à diminuer pour eux les frais de justice, et à alléger leur sort. Dans le plus grand nombre des provinces du royaume, les lois protègent le vassal et restreignent la liberté que le seigneur pourrait avoir d'abuser de ses droits. Des titres authentiques, une possession constante, peuvent seuls lui en procurer l'exercice, et souvent il ne jouit pas, pour ses redevances, des priviléges que la loi accorde à son vassal pour les siennes. Dans les basses justices, il ne peut demander que trois années de ses rentes; et il semble que le contrat soit tout à l'avantage du vassal, puisqu'il contient, en sa faveur, une condition dont la réciprocité devrait être la base, et dont cependant le seigneur se trouve privé. ›

Je laisse, d'ailleurs, à l'équité et à l'honnêteté des communes à décider si elles auraient dû, si elles devront jamais permettre, même à des membres de la noblesse, de proposer à l'assemblée, et surtout d'y discuter des objets sur lesquels elles ont des intérêts contraires à ceux de cet ordre. Elles sont trop justes, sans doute, pour vouloir être, en même temps, juges et parties. Et comment ne seraient-elles pas à la fois l'un et l'autre dans une délibération commune où l'on compte les voix, et où, quelle que fût la façon de penser de la noblesse, elle n'aurait jamais rien de mieux à faire que de parai

tre céder de bon gré ce qu'elle serait toujours obligée de céder de force, vu la prépondérance qu'elles y ont sur elle de deux voix, et peut-être même de trois contre une? Il semble qu'il vaudrait encore mieux qu'elles exigeassent d'elle, avec une franchise digne des deux ordres, le sacrifice que, dans la sagesse de leur patriotisme, elles jugeraient nécessaire qu'elle fit à l'intérêt du bien public. Elles ne doivent certainement pas douter qu'elle ne soit toujours portée à de préférer au sien propre. ›

La discussion des articles se continua jusqu'au 11 août, et se termina par l'adoption du décret, amplifié en beaucoup de points. Les dîmes, par exemple, avaient été, le 4, déclarées rachetables; le 0 elles furent déclarées abolies. Ce fut sur ce sujet que l'abbé Sieyes, rappelant l'assemblée à l'équité et à la logique, prononça ce mot devenu célèbre: « Ils veulent être libres, et ils ne savent pas être justes. » Voici au reste son discours.

DISCOURS DE L'ABBÉ SIEYES, sur le rachat des dimes. (Séance du 18 août 1789.)

Je ne sais, messieurs, si quelques personnes trouveront que les observations que j'ai à vous présenter seraient mieux placées dans toute autre bouche que dans la mienne; une plus haute considération me frappe: c'est que tout membre de l'assemblée lui doit son opinion quand elle est juste, et qu'il la croit utile. Je dirai donc mon avis.

L'assemblée nationale a arrêté, le 4, que la dime était rachetable. Aujourd'hui, il s'agit de la rédaction de cet article, et l'on vous propose de prononcer que la dime ne doit point être rachetée. Soutiendra-t-on qu'il n'y a dans ce changement qu'une différence de rédaction? Certes, une telle plaisanterie est trop léonine; elle montre bien d'où part le mouvement irrégulier qui s'est, depuis peu, emparé de l'assemblée, ce mouvement que nos ennemis applaudissent en souriant, et qui peut nous conduire à notre perte. Puisqu'il faut remonter aux motifs secrets qui vous guident, et dont sans doute, vous ne vous êtes pas rendu compte, j'oserai vous les révéler.

Si la dime ecclésiastique est supprimée sans indemnité, ainsi qu'on vous le propose, que

s'en suit-il? que la dîme restera entre les mains de celui qui la devait, au lieu d'aller à celui à qui elle est due? Prenez garde, messieurs, que l'avarice ne se masque sous l'apparence du zèle. Il n'est pas une terre qui n'ait été vendue et revendue depuis l'établissement de la dime. Or, je vous le demande, lorsque vous achetez une terre, ne l'achetez-vous pas moins les redevances dont elle est chargée, moins la dime qu'on paie de temps immémorial? La dime n'appartient à aucun des propriétaires qui la paient aujourd'hui; je le répète, aucun n'a acheté, n'a acquis en propriété cette partie du revenu de son bien. Donc aucun propriétaire ne doit s'en emparer. Je me suis demandé pourquoi, au milieu de tant d'opinans qui paraissent n'annoncer que le désir du bien public, aucun, cependant, n'a été au-delà du bien particulier. On veut tirer la dime des mains ecclésiastiques; pourquoi? est-ce pour le service public? est-ce pour quelque établissement utile? Non,

c'est

que le propriétaire voudrait bien cesser de la payer : elle ne lui appartient pas ; n'importe, c'est un débiteur qui se plaint d'avoir à payer son créancier, et ce débiteur croit avoir le droit de se faire juge dans sa pro

pre cause.

S'il est possible encore de réveiller l'amour de la justice qui devrait n'avoir pas besoin d'être réveillé, je vous demanderai, non pas s'il vous est commode, s'il vous est utile de vous emparer de la dime, mais si c'est une injustice. Je le prouve avec évidence, en démontrant, comme je viens de le faire, que la dime, quel que soit son sort futur, ne vous appartient pas. Si elle est supprimée, ce n'est pas à vous à en profiter.

Par le prompt effet d'un enthousiasme patriotique, nous nous sommes tout-à-coup placés dans une situation que nous n'aurions pas osé espérer de longtemps. On doit applaudir au résultat, mais la forme a été mauvaise. Ne faisons pas dire à la France, à l'Europe, que le bien même, nous le faisons mal. Nous nous trouvons étonnés de la rapidité de notre marche, effrayés presque de l'extrémité à laquelle des sentimens irréfléchis auraient pu nous conduire. Eh bien! dans cette nuit si souvent citée, où l'on ne peut pas vous reprocher le manque de zèle, vous avez déclaré que les

dîmes étaient rachetables; vous n'avez pas cru pouvoir aller plus loin, dans le moment où vous avez cependant montré le plus de force pour marcher en avant. Aujourd'hui vous ne savez plus vous contenir; la dime, si l'on vous en croit, ne mérite plus même d'être rachetée; elle ne doit pas même devenir une ressource pour l'état. Vous projetez d'en augmenter votre fortune particulière, dans'un moment où tous les autres contribuables sont menacés de voir diminuer la leur.

Il est temps de le dire, messieurs; si vous ne vous contentez pas de rédiger vos arrêtés du 4; si vous les changez de tout en tout, comme vous prétendez le faire à l'égard de la dime, nul autre décret n'aura le droit de subsister: il suffira à un petit nombre d'entre nous de demander la révision de tous les

articles, d'en proposer le changement. Rien n'aura été fait, et les provinces apprendront avec étonnement que nous remettons sans cesse en question les objets de nos arrêtés.

J'ose défier que l'on réponde à ce raisonnement: la dime a été déclarée rachetable, donc elle a été reconnue par l'assemblée elle sion légitime; elle a été déclarée rachetable, même pour ce qu'elle est, pour une possesdonc vous ne pouvez pas la déclarer non ra

chetable.

Ce n'est pas ici le moment d'entrer dans une autre discussion. Si vous jugez que la dime doive subir un autre examen sur le fond, attendons au moins, messieurs, que l'assemblée s'occupe des objets de législation; alors vous conviendrez, peut-être, que je suis aussi sévère en cette matière que ceux qui ont la plus haute opinion des sacrifices que les corps doivent s'empresser de faire à l'intérêt général de la nation. Mais alors je soutiendrai encore, je soutiendrai jusqu'à l'extrémité, que ces sacrifices doivent être faits à l'intérêt national, au soulagement du peuple, et non à c'est-à-dire, en général, des classes les plus l'intérêt particulier des propriétaires fonciers,

aisées de la société. ›

Le décret des sacrifices, adopté le 11 août, fut présenté au roi le 12; et le 13 l'assemblée accompagna le roi au Te Deum qui fut chanté pour célébrer l'abolition de la féodalité.

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Les députés réunis au Jeu de Paume, le 20 juin, avaient juré de « ne pas se séparer avant d'avoir donné à la France une Constitution. » Le 7 juillet un comité fut nommé pour préparer cet important travail: il était composé de MoUNIER, TALLEYRÅNDPÉRIGORD, évêque d'Autun, l'abbé SIEYES, CLERMONT-TONNERRE, LALLY-TOLENDAL, CHAMPION DE CICE, archevêque de Bordeaux, CHAPELIER et BER

GASSE.

Deux jours après l'installation du comité, le 9 juillet, Mounier présenta un rapport qui avait pour objet de déterminer l'ordre à suivre dans le travail. Voici ce rapport.

ORDRE DU TRAVAIL SUR LA CONSTITUTION.

RAPPORT DE MOUNIER au nom du comité chargé du travail sur la constitution. (Séance du 9 juillet 1789.)

‹ Messieurs, vous avez établi un comité pour vous présenter un ordre de travail sur la constitution du royaume. Il va mettre sous vos yeux celui qu'il a jugé convenable; et vous examinerez dans votre sagesse s'il peut répondre aux vues qui vous animent.

Pour former un plan de travail sur un objet quelconque, il est nécessaire de l'examiner sous ses principaux rapports, afin de pouvoir classer les différentes parties. Comment établir leur liaison successive, si l'on n'a saisi l'ensemble?

pas

Il a fallu nous faire une idée précise du sens du mot constitution; et une fois ce sens bien déterminé, il a fallu considérer la constitution telle qu'elle peut convenir à un royaume habité par vingt-quatre millions d'hommes, telle qu'elle a été entrevue par nos commettans.

Nous avons pensé qu'une constitution n'est autre chose qu'un ordre fixe et établi dans la manière de gouverner; que cet ordre ne peut exister, s'il n'est pas appuyé sur des règles fondamentales, créées par le consentement libre et formel d'une nation ou de ceux qu'elle a choisis pour la représenter. Ainsi une constitution est une forme précise et constante de gouvernement, ou, si l'on veut, c'est l'expression des droits et des obligations des différens pouvoirs qui le composent.

Quand la manière de gouverner ne dérive pas de la volonté du peuple clairement exprimée, il n'a point de constitution; il n'a qu'un gouvernement de fait qui varie suivant les circonstances, qui cède à tous les évènemens. Alors l'autorité a plus de puissance pour opprimer les hommes que pour garantir leurs droits. Ceux qui gouvernent et ceux qui sont gouvernés sont également malheureux.

Sans doute nous ne pouvons pas dire qu'en France nous soyons entièrement dépourvus de toutes les lois fondamentales propres à former une constitution. Depuis quatorze siè cles nous avons un roi. Le sceptre n'a été pas créé par la force, mais par la volonté de la

nation. Dès les premiers temps de la monarchie, elle fit choix d'une famille pour la destiner au trône. Les hommes libres élevaient le prince sur un bouclier, et faisaient retentir l'air de leurs cris et du bruit de leurs armes qu'ils frappaient en signe de joie.

Des révolutions aussi fréquentes qu'elles devaient l'être chez un peuple qui n'avait pas assez clairement tracé les limites, et qui n'avait jamais divisé les différens genres de pouvoirs, ont ébranlé le trône et changé les dynasties. Elles ont successivement favorisé l'accroissement ou la diminution de l'autorité royale; mais les Français ont toujours senti qu'ils avaient besoin d'un roi.

La puissance du prince a été longtemps enchaînée par l'aristocratie féodale; mais elle n'a jamais été oubliée par le peuple. On n'a jamais cessé de l'invoquer contre l'injustice; et dans les temps même de la plus grossière ignorance dans toutes les parties de l'empire, la faiblesse opprimée a toujours tourné ses regards vers le trône comme vers le protecteur chargé de la défendre.

Les funestes conséquences du partage de la puissance royale entre les princes de la même maison ont fait établir l'indivisibilité du trône et la succession par ordre de primogéniture. Pour ne pas exposer le royaume à la domination des étrangers, pour réserver le sceptre à un Français et former des rois citoyens, les femmes sont exclues de la couronne. Ces maximes sacrées ont toujours été solennellement reconnues dans toutes les assemblées des représentans de la nation, et nous avons été envoyés par nos commettans pour leur donner une nouvelle force.

C'est encore un principe certain, que les Français ne peuvent être taxés sans leur consentement; et dans le long oubli des droits du peuple, toutes les fois que l'autorité s'est expliquée sur cet important objet, elle a cependant déclaré que les subsides devaient être un octroi libre et volontaire.

Mais, malgré ces précieuses maximes, nous n'avons pas une forme déterminée et complète de gouvernement. Nous n'avons pas une constitution, puisque tous les pouvoirs sont confondus, puisqu'aucune limite n'est tracée. On n'a pas même séparé le pouvoir judiciaire du pouvoir législatif. L'autorité est éparse, ses

diverses parties sont toujours en contradiction, et dans leur choc perpétuel les droits des citoyens obscurs sont trahis. Les lois sont ouvertement méprisées, ou plutôt on ne s'est pas même accordé sur ce qu'on devait appeler des lois.

L'établissement de l'autorité royale ne suffit pas sans doute pour créer une constitution. Si cette autorité n'a point de bornes, elle est nécessairement arbitraire, et rien n'est plus directement opposé à une constitution que le pouvoir despotique; mais il faut avouer qu'en France le défaut de constitution n'a pas été jusqu'à ce jour favorable à la couronne. Souvent des ministres audacieux ont abusé de son autorité. Elle n'a jamais joui que par intervalles de toute la puissance qui doit lui appartenir pour le bonheur de la nation. Combien de fois les projets conçus pour rendre les Français heureux ont éprouvé des obstacles qui ont compromis la majesté du trône! N'a-t-il p I pas fallu combattre sans relâche, et presque toujours avec désavantage, contre les prétentions des corps et une multitude de priviléges?

Le pouvoir, en France, n'a point eu jusquà' ce jour de base solide, et sa mobilité a souvent permis à l'ambition de se l'approprier pour le faire servir au succès de ses vues.

Une constitution qui déterminerait précisément les droits du monarque et ceux de la nation serait donc aussi utile au roi qu'à nos concitoyens. Il veut que ses sujets soient heureux; il jouira de leur bonheur, et quand il agira au nom des lois qu'il aura concertées avec les représentans de son peuple, aucun corps, aucun particulier, quels que soient son rang et sa fortune, n'aura la témérité de s'opposer à son pouvoir. Son sort sera mille fois plus glorieux et plus fortuné que celui du despote le plus absolu. La puissance arbitraire fait le malheur de ceux qui l'exercent : les agens auxquels on est forcé de la confier s'efforcent constamment de l'usurper pour leur propre avantage; il faut sans cesse la céder ou la conquérir.

Et, comme l'a dit un jour un de nos premiers orateurs, dans quel temps de notre monarchie voudrait-on choisir les exemples de notre prétendue constitution? Proposera-t-on pour modèles les Champs-de-Mars et les Champs-de-Mai sous la première et la seconde

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