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plus sûre, la plus naturelle vers la liberté; une lente éducation aurait été pour les hommes de couleur ce qu'est l'enfance pour chaque homme; et puisque la liberté a son enfance comme la vie, on les aurait préservés des dangers d'une civilisation prématurée. Il faut peupler lentement et successivement les colonies d'une classe d'hommes libres, capable de rendre avec le temps le secours des esclaves moins nécessaire, et conduire ainsi par degrés, à un autre régime, une race d'hommes que l'on ne pouvait s'exposer à agiter, sans que tous les maux qui viennent d'éclater en fussent la suite.

L'abbé Raynal, dans les beaux jours de son génie, et comme s'il eût voulu d'avance consigner dans son immortel ouvrage le désaveu des erreurs qui devaient être surprises à sa vieillesse, disait dans sa première édition : Je ne veux pas grossir la liste ignominieuse des écrivains qui consacrent leurs talens à justifier par la politique ce que réprouve la morale. >

Voilà le début de cet éloquent et touchant plaidoyer, par lequel il dévoue au mépris des philosophes ceux qui tenteraient de justifier l'odieux système de l'esclavage; mais voici sa conclusion, elle est très remarquable:

En accordant à ces malheureux la liberté, que ce soit successivement, comme une récompense de leur économie, de leur conduite, de❘ leur travail; ayez soin de les asservir à vos lois, à vos mœurs; donnez-leur une patrie, des intérêts à combiner, des productions à faire naître. ›

n'ont plus reconnu ni leurs maîtres, ni leurs bienfaiteurs, ni la liberté, ni les lois.

L'assemblée nationale constituante a donné malheureusement à ces démarches imprudentes une force que, sans l'appui des décrets, elles n'auraient jamais eue.

Le premier système, et le seul qui parût alors applicable aux colonies, fut de les charger de présenter leur plan de constitution, en s'interdisant de rien innover, surtout quant à l'état des personnes, avant que leur proposition fût parvenue à l'assemblée.

Mais les colons, loin de s'occuper de leur constitution, et de faire les propositions qui leur avaient été demandées, loin de s'organiser avant que la fermentation, inévitable dans le mouvement général, eût pénétré avec les écrits du continent parmi les hommes de couleur et les négres, perdirent le temps en querelles et en prétentions extravagantes.

L'assemblée constituante, lassée de leurs débats, entraînée par la séduction de principes vrais mais inapplicables, changea de systeme, et contre la foi promise, sans attendre la proposition des assemblées coloniales, elle admit aux droits de citoyens actifs et à l'éligibilité les hommes de couleur nés de père et mère libres.

Depuis longtemps les hommes qui connaissent les mœurs et la situation des colonies avaient prévu que ces dispositions sur l'état des personnes seraient le signal des plus grands malheurs; et, en effet, depuis l'arrivée du décret du 15 mars, l'état de crise et d'agitation a toujours été croissant jusqu'à l'époque des désastres dont nous nous occupons, parce que, dès ce moment, la base du système co

Puisqu'il était démontré que l'esclavage ne pouvait diminuer et disparaître que par l'effet du temps; puisque par la nature même de l'es-lonial étant renversée, toutes les révoltes anclavage, l'affranchissement dépend tout à la fois de la volonté du maître qui abandonne ses droits, et de l'acte du peuple souverain qui reçoit l'affranchi au nombre des citoyens, il fallait donc inspirer la confiance aux propriétaires; conserver le respect des affranchis envers leurs anciens maîtres; préparer leur soumission aux lois. On a suivi, cependant, une marche directement contraire; au lieu de rassurer les colons, on les a environnés de dangers; au lieu de ne montrer le soleil qu'à travers un voile, à ces yeux inaccoutumés à la

térieures justifiées par le succès, l'embrasement général devenait inévitable, là où la force morale tient lieu de la force physique. Si vous la détruisez par la loi, quel miracle peut préserver de la dissolution? Enfin, l'assemblée constituante, éclairée trop tard, avant de terminer ses travaux, a fixé les rapports des colonies avec la métropole; elle a mis dans la compétence des assemblées coloniales toutes les lois sur l'état des personnes, et ne les a soumises qu'à la sanction du roi.

Quoi qu'il en soit des accusations réciprolumière, on les a tout d'un coup éblouis; ils | ques entre les colons et quelques-uns des amis

des noirs, il est impossible de ne pas s'apercevoir que la cause principale des malheurs de Saint-Domingue est, d'une part, dans la marche impolitique, imprudente, destructive, que quelques personnes ont adoptée et suivie avec ténacité pour procurer prématurément la liberté des esclaves; et de l'autre, dans la faiblesse de l'assemblée constituante, qui a fléchi le 15 mars sur les bases qu'elle avait adoptées, et a achevé de briser le frein qui retenait dans la subordination (murmures) (souffrez cette expression, messieurs, car malheureusement partout où se trouve encore l'esclavage, cette subordination est le gage de la paix), qui retenait, dis-je, cette masse d'hommes ignorans et presque sauvages, pour qui le premier mouvement de la liberté n'a été qu'un acte de barbarie.

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générales des malheurs de Saint-Domingue, après avoir reconnu comment s'est préparé l'incendie, faut-il examiner qui porta le premier brandon, faut-il rechercher quelles mains ont été matériellement coupables d'un si grand crime?

D'après ces considérations et la funeste expérience du passé, je me croirais fondé à conclure que nous n'avons à prononcer dans ce moment que sur les moyens de contenir la fureur, sur la nature des secours à porter dans nos colonies bientôt épuisées; que ce qu'on appelle un décret définitif, et qui n'est réellement qu'une loi de circonstance, porterait atteinte à la constitution; mais je dois contribuer de tous mes efforts et de toute ma conviction à dissiper ce qui peut rester d'obscurité sur l'importante question du décret du 24 septembre. Je vais donc m'opposer à moimême, et dans toute sa force, l'objection que font ceux qui soutiennent un sentiment contraire au mien.

L'assemblée nationale, disent-ils, n'agissait plus que comme une simple législature, lorsqu'elle a rendu le décret du 24 septembre; et puisque la base de la constitution des colo

Les amis des noirs s'agitaient à Londres au commencement de 1790 pour faire prononcer l'abolition de la servitude et de la traite. M. Pitt, qui sommeille quelquefois à dessein, paraissait fermer les yeux sur l'agitation des amis des noirs de Londres, dont s'autorisaient ceux de Paris pour faire de pareilles demandes à l'assemblée nationale. Les colons de la Jamaïque, alarmés de ces mouvemens, écri-nies n'est pas comprise dans l'acte constituvirent au ministre ces paroles remarquables: L'autorité du parlement britannique ne s'étend pas jusqu'à la destruction ni même à la mutilation des propriétés des citoyens; un pareil acte serait une usurpation inconstitutionnelle de pouvoirs, destructive de toute foi publique, de tout attachement et de toute confiance de la part des colons, et il ne manquerait pas à la fin d'aliéner leur attachement envers la métropole. » M. Pitt, ami de M.Willberforce, un des chefs des amis des noirs de Londres, sut ralentir à propos leurs écrits, et se contenta de faire décréter que l'on s'occuperait d'améliorer le traitement des nègres; et les autres propositions furent ajournées indéfiniment.

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Cette question est, dit-on, reproduite dans la présente session; mais qu'on ne s'y trompe pas, c'est pour se préserver du funeste exemple de la colonie de Saint-Domingue; c'est pour adoucir le sort des esclaves et pour en consolider l'un par l'autre le régime colonial et l'état florissant des colonies anglaises.

Après avoir indiqué, messieurs, les causes

tionnel accepté par le roi, il n'a pu y être statué constitutionnellement; le décret du 15 mai devrait plutôt être regardé comme constitutionnel; car l'assemblée n'avait pas, à cette époque, abdiqué le pouvoir constituant. Le décret du 24 septembre n'est donc qu'un acte de législation que nous avons le droit d'abroger.

D'un autre côté, les événemens ont changé la face des affaires des colonies; l'objet même de ce dernier décret, la révolte, la guerre, si l'on veut, a déplacé les forces, et produit un autre équilibre; des actes inconciliables avec la loi du 24 septembre, puisqu'ils ont été rédigés dans l'esprit du décret du 15 mai, ont été consentis par les blancs; si la tranquillité se rétablit, c'est sur la fidélité de ces engagemens qu'elle reposera; nous devons donc nous empresser de les ratifier pour consolider une paix qui ne durera qu'à ce prix. Je n'ai point affaibli les objections, mais je réponds.

L'assemblée nationale a conservé le pouvoir constituant jusqu'au dernier moment de

son existence. En effet elle l'avait reçu dans sa plénitude, en recevant de la nation le mandat de faire une constitution, et il ne pouvait lui être enlevé que par la volonté nationale. A l'époque du 24 septembre, la constitution qui doit régir la partie de l'empire français située dans le continent européen était terminée; mais un article de cette même constitution déclare que les colonies, quoiqu'elles fassent partie de l'empire français, n'y sont point comprises. Cette partie de l'empire n'avait donc aucune constitution. L'assemblée pouvait-elle se séparer sans en avoir posé les bases? Pouvait-elle déclarer que la législature suivante exercerait le pouvoir constituant pour les colonies, et lui donner un pouvoir que la nation ne lui donnait pas? Devait-elle abandonner ces précieuses possessions à l'incertitude d'un régime éternellement provisoire, les livrer à la crainte de voir chaque législature les soumettre à un nouveau système, et en faire une nation sujette? L'assemblée nationale aurait violé le serment à jamais mémorable fait au jeu de paume, si elle eût laissé son ouvrage imparfait, puisque des parties de l'empire français, n'étant plus gouvernées par la volonté d'un seul, n'auraient pas été comprises dans la régénération sociale. Il est évident que sa mission n'était pas terminée, ni le vœu des commettans satisfait, ni le devoir des mandataires rempli. L'assemblée conservait donc encore, le 24 septembre, le pouvoir et l'obligation d'achever le système politique de l'empire. Y avait-elle renoncé? Non, messieurs, elle ne s'est point assujettie aux formes prescrites aux simples législatures. Le préambule du décret annonce que l'assemblée use de toute la plénitude du pouvoir constituant; elle règle le mode et l'étendue de l'autorité du corps législatif sur les colonies; elle autorise les assemblées coloniales à faire, sans le concours de la législature, les lois sur l'état des personnes non libres et de couleur. Enfin l'assemblée a décrété, le 28 septembre, que le décret, étant constitutionnel, serait porté, non pas à la sanction, mais à l'acceptation du roi. Ceux qui voulaient empêcher la révocation du décret du 15 mai prétendirent que l'assemblée n'était plus constituante; et comme dans cette hypothèse il eût été assez inutile de faire une loi que la légis

ture suivante pouvait abroger, ils demandérent l'ajournement à l'assemblée actuelle. Cette proposition, soumise à l'appel nominal, fut rejetée ; reproduite le lendemain, elle fut écartée par une nouvelle délibération, et les quatre articles furent décrétés avec toutes les formes constitutionnelles.

L'assemblée nationale n'avait pas renoncé au pouvoir constituant, lorsqu'elle a rendu ces décrets, et loin d'y avoir renoncé, elle en a fait usage : c'est seulement après l'acte constitutionnel du 24 septembre qu'elle a déclaré que sa mission était finie, et si une matière aussi importante avait dû être déléguée à la première législature, la constitution ne porterait pas que cette législature ne doit être qu'un corps simplement législatif.

Il y a plus; le corps législatif n'est pas compétent pour prononcer que dans telle ou telle circonstance nos prédécesseurs n'avaient pas le pouvoir dont ils ont usé. La nation seule peut prononcer si ses premiers mandataires ont ou non excédé leur mission. Proposer aujourd'hui, soit implicitement, soit explicitement, à l'assemblée nationale législative, d'apporter la moindre altération à la loi qui sert de fondement à la constitution des colonies, ce serait attribuer à l'un des pouvoirs constitués le droit de réviser illégalement une partie de la constitution; car, je le répète, celleci, pour avoir été postérieure et séparée de la partie de la constitution faite pour le continent, n'en est pas moins un élément du grand tout, décrété par les représentans à qui la nation a, antérieurement et postérieurement à cette époque, reconnu le droit de stipuler au nom de tous les citoyens de l'empire. Fautil de nouvelles preuves? Je demanderai si le décret du 24 septembre n'a pas été rendu avant que la première assemblée nationale eût déclaré formellement qu'elle avait terminé sa mission, et si avant cette déclaration il est possible de supposer que l'assemblée eût abdiqué le pouvoir constituant? Je demanderai s'il n'est pas connu de tout le monde que quelques membres de l'assemblée eurent le projet de lui faire déclarer qu'elle se constituait en simple législature, et s'il n'est pas également notoire que ce projet n'eut aucune suite? Je demanderai si tous les articles de l'acte constitutionnel qui ont eu pour objet

d'empêcher que la première législature ne se mêlât de constitution pourraient se concilier avec cette importante partie de la constitution qu'on voudrait supposer lui avoir été déléguée.

Je demanderai si dans le système que je combats, il n'aurait pas été naturel de prévoir, par une exception formelle, ce prétendu pouvoir donné à la première legislature sur la constitution des colonies. Je demanderai enfin si le décret du 24 septembre n'est pas essentiellement constitutionnel, puisqu'il tend précisément à soustraire certains actes des colonies aux décrets des législatures, et si enfin une question constitutionnelle par sa matière a pu être décidée autrement que par un décret constitutionnel. Non, messieurs, toutes ces questions ne présentent aucun doute; ne cherchons donc pas à sortir de ce cercle rigoureux, en deçà duquel nous sommes forts de toute la force de la loi, au-delà duquel nous sommes livrés à la tourmente des systèmes et des passions publiques.

Nous commettrions, messieurs, une véritable usurpation si nous délibérions ici, même en présence des représentans des colonies, et à plus forte raison en leur absence, sur la constitution à laquelle ils ont concouru et que le roi a acceptée par cet acte de souveraineté nous nous mettrions au-dessus des lois; or, le peuple souverain, en déterminant dans ses possessions européennes et d'outre-mer la balance des pouvoirs co-ordonnés, n'a point subordonné les pouvoirs l'un à l'autre. Si cette grande vérité n'était pas le palladium de la liberté française; si toute idée de prédominance entre les pouvoirs constitués n'était pas suffisamment écartée; s'ils n'agissaient pas librement; s'ils étaient exposés soit à des influences d'opinions, soit à des invasions réciproques, je demande si la liberté pourrait subsister au milieu de ces continuels combats, et si la perpétuité de la constitution serait suffisamment garantie.

J'ai rappelé ces principes pour vous faire prévoir que le roi, tenu comme vous et indépendamment de vous à remplir son serment. par cela seul qu'il a accepté comme article constitutionnel le décret du 24 septembre, ne peut rien sanctionner ni faire exécuter qui contrevienne à cette loi ; et que vous ne pouvez

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pas, eussiez-vous résolu de l'enfreindre, exiger qu'il agisse contre son serment, hors du cercle que la volonté du peuple souverain lui a tracé.

Mais, messieurs, quand même le corps législatif aurait le droit de proposer ou consentir des mesures qui altéreraient la loi du 24 septembre, je dis qu'il ne serait pas convenable de le faire; pour la dignité du législateur et pour la plus grande solidité de la loi, il ne convient pas de la décrèter dans un moment d'insurrection générale; car si elle pouvait paraître le fruit de la violence elle perdrait son prix et l'effet que nous en attendons.

Si les esclaves pouvaient concevoir l'espoir d'obtenir à leur tour et tout à la fois, par une insurrection, des avantages pareils à ceux qu'une insurrection aurait produits pour les hommes de couleur, cesseraient-ils, le fer et la flamme à la main, d'invoquer la liberté? Il faut avant tout arrêter l'incendie, désarmer la vengeance, et porter chacun à chercher son salut dans l'obéissance à la loi. En prescrivant d'ici aux colons blancs ce qu'ils sont prêts à faire, en ordonnant l'exécution d'un état de choses dont vous ignorez l'existence, vainement espéreriez-vous d'enchaîner les passions et d'amener la paix : non, vous auriez en vain sacrifié vos frères au parti dévastateur, vous précipiteriez la dissolution totale de la colonie, et c'est le plus affreux despotisme qui y triompherait. Les gens de couleur dans la partie du sud et de l'ouest, instrumens aveugles des ennemis de la constitution, dont l'unique objet est la destruction de notre commerce, pour nous en faire ressentir ici le contre-coup, tourneraient leurs armes contre la constitution, achevéraient d'abolir les formes constitutionnelles pour s'assurer le fruit de leurs violences. Au contraire, les seules résolutions ayant force de loi étant celles qui seraient prises par l'assemblée coloniale, et ces résolutions étant plus favorables aux hommes de couleur que les dispositions du décret du 15 mai si vivement réclamées, ceux-ci seront pleinement rassurés et suivront l'exemple de la partie du nord. Ne nous occupons donc que du rétablissement de l'ordre et de l'envoi des forces et des secours. Faisons cesser cette épouvantable guerre dont les atrocités souillent les fastes de la révolution française. Ce

parti est le plus sage, il ne nous expose à aucun regret, il conduit sûrement au but vers lequel tendent tous les amis de la liberté, l'assurance de l'état civil aux hommes de couleur, l'amélioration graduelle du sort des esclaves, et leur affranchissement graduel.

Tirons au moins de tant de calamités d'utiles leçons; ne portons pas le désespoir parmi nos frères ; n'allons pas, pour amener l'affranchissement prématuré de cinq cent mille esclaves, réduire à une profonde misère quatre millions de nos concitoyens; disperser nos matelots chez des nations rivales; paralyser les bras qui animent tant de manufactures; tarir les richesses du Hâvre, de Nantes, de Bordeaux, et de tant d'autres cités, filles opulentes des colonies; un décret inconsidéré peut les réduire au sort d'Anvers, de Gand, d'Hambourg, qui n'offrent plus que le squelette de leur ancienne grandeur. Ce n'est pas dans l'extrême malheur que le cœur de l'homme s'ouvre à la vengeance; ne doutons pas de la générosité des colons; ne leur prescrivons pas des décrets, des actes que le besoin de la paix, la douceur de pardonner, leur intérêt, l'expérience de leurs fautes, leur suggéreront avec plus d'efficacité que les lois ne pourraient les commander. Partout où il y a des hommes rassemblés, partout où il reste des pères, des époux, des amis, il y a aussi des hommes sensibles, et quel est le frigida mens criminibus qui peut croire une race d'hommes tout entière coupable?

Il me reste à vous présenter un motif plus pressant de vous refuser à la rétractation illégale qu'on vous propose. La révocation d'une loi, ne la considérât-t-on que comme réglementaire, ne serait pas suffisamment motivée par les difficultés locales que rencontrerait son application dans une des parties de l'empire qui doivent y être soumises. Or, la loi du 24 septembre n'a pas été faite pour la seule colonie de Saint-Domingue, mais pour toutes les colonies françaises; elle est déjà parvenue, promulguée, exécutée dans nos autres colonies de l'Archipel, des Antilles ; elle est portée par des commissaires dans une colonie audelà du cap de Bonne-Espérance. Dès le 20 janvier, le congrès des commissaires députés de la Martinique, de la Guadeloupe, de Sainte-Lucie, de Marie-Galante, était réuni

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au Fort-Royal, et il y avait annoncé que les hommes de couleur seraient admis aux mêmes droits que les citoyens blancs. L'assemblée coloniale de la Guadeloupe, en émettant son vœu à cet égard, l'avait proclamé par une adresse.

Tout est tranquille aux îles du Vent, qui forment maintenant notre unique ressource; le décret du 24 septembre y a produit l'effet que nous désirons; l'égalité politique s'établit et se resserre, par l'intérêt commun de la conservation des personnes et des propriétés, entre les hommes libres de toute couleur. Le décret du 24 septembre aurait produit le même effet à Saint-Domingue, si les insurrections antérieures n'avaient brisé tous les liens, déplacé toutes les forces, dénaturé tous les intérêts. Une rétractation de cette loi, qui assure la prospérité des colonies qui vous restent, les frapperait d'une juste terreur, les tiendrait dans une méfiance éternelle sur la stabilité de nos lois, et nous aurions donné aux ennemis de la révolution une arme dangereuse pour ébranler leur fidélité.

Conservons les bases de notre système colonial que l'expérience de tous les temps et de tous les peuples justifie; elles se réduisent à deux idées simples. La métropole laisse aux colonies le soin de régler, sous de certaines modifications, leur régime intérieur; elle se réserve tout le reste. Si l'on trouble cet ordre, il faut s'attendre aux incessantes révolutions dont fourmille l'histoire des colonies anciennes et modernes depuis les Phéniciens jusqu'aux Bretons.

J'ai développé les causes politiques des malheurs de Saint-Domingue, et je n'y ai pas compris ce projet insensé d'indépendance, qui choque évidemment tous les intérêts, parce qu'on ne peut imputer à une portion de la nation la félonie de quelques individus perdus de dettes et fatigués de la surveillance de l'autorité.

J'ai fait connaître l'insuffisance et le vague des inculpations particulières sur l'origine des troubles et la nécessité d'attendre des éclaircissemens ultérieurs.

J'ai établi sur les bases de la constitution l'impossibilité de porter atteinte aux lois constitutionnelles des colonies. J'ai démontré l'inutilité, l'injustice, le danger des mesures correctives à cet égard.

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