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drait encore prouver qu'ils ne se trompent pas en proposant le maintien du décret du 24 septembre comme un moyen propre à conserver la colonie; car ce n'est pas assez d'être intéressé pour avoir raison, et l'exemple des colons blancs le prouve.

Le moment est passé, a dit M. Dumas, de faire une loi particulière pour Saint-Domingue; cette île est la seule de nos possessions où votre loi fût applicable; partout ailleurs ou le décret du 15 mai est exécuté, ou les colons blancs et les hommes de couleur ont passé des traités auxquels ils ont l'intention d'être fidèles. Messieurs, si cette objection avait quelque fondement, il faudrait s'étonner qu'elle fût faite par ceux-là mêmes qui, lorsqu'il a été question de prendre des mesures définitives sur les colonies, n'ont cessé de présenter toute délibération à cet égard comme prématurée et dangereuse: mais cette objection n'est pas fondée; et en effet ou les îles dont on parle se sont organisées en vertu de concordats particuliers, ou elles se sont organisées en vertu du décret du 15 mai.

Si c'est en vertu du décret du 15 mai, point de doute que, dans le système de M. Dumas, cet ordre de choses ne dût être changé, puisqu'il se trouverait en contradiction avec le décret du 24 septembre. Si c'est en vertu de concordats particuliers, point de doute encore qu'un changement ne fût indispensable, à moins que le décret du 24 septembre ne soit regardé comme une loi sans force par ceux mêmes qui se plaisent à l'appeler constitutionnel.

Oui il l'est, me répète-t-on. Justice, raison, humanité, politique, intérêt général, tout vient se briser devant le respect que vous devez à la constitution.

Avant de discuter cette objection déjà réfutée, qu'il me soit permis de remettre sous vos yeux toutes les subtilités à la faveur desquelles on est parvenu à perpétuer jusqu'à ce moment l'oppression des hommes de couleur.

L'instruction de l'assemblée nationale constituante sur le décret du 8 mars portait, article 4, que toutes les personnes âgées de quarante-cinq ans accomplis, propriétaires d'immeubles, ou, à défaut d'une telle propriété, domiciliées dans la paroisse depuis deux ans, et payant une contribution, se réu

niraient pour former l'assemblée provinciale. Rien assurément n'était plus clair. Le rapporteur du comité colonial s'en était d'ailleurs ouvertement expliqué soit en substituant les mots toutes personnes à ceux de tous citoyens dont il s'était d'abord servi; soit en répondant à M. l'abbé Grégoire, qui demandait que les hommes de couleur fussent nommément désignés. Cependant, messieurs, on soutient, on écrit, on imprime le contraire.

Vous savez à quels désordres cette fausse interprétation donna lieu : il était pressant de les arrêter. On ne voulait pas déplaire aux colons blancs; la position était embarrassante: mais il est des hommes que rien ne déconcerte. Une équivoque vient au secours du complaisant rapporteur : il glisse dans le considérant du décret du 12 octobre qu'aucune loi sur l'état des personnes ne serait décrétée, pour les colonies, que sur la demande précise et formelle des assemblées coloniales; et ces mots sur l'état des personnes, qu'Escobar luimême n'aurait certainement appliqués qu'aux esclaves, on soutient, on écrit, on imprime qu'ils s'appliquent aux hommes libres, et que es assemblées coloniales ont l'initiative sur l'état des mulâtres et nègres libres.

De nouveaux malheurs suivent encore cette absurde interprétation : le décret du 15 mai est rendu; les hommes de couleur vont donc enfin jouir de leurs droits. Non, messieurs ; ce décret doit être suivi d'instructions; le comité colonial refuse de les rédiger. En vain quelques membres, animés du saint amour de la liberté, dénoncent le comité à l'assemblée nationale et à l'opinion publique ; il ne sort de sa léthargie que pour insulter à la justice de Dieu et à celle des hommes, pour fouler aux pieds tous les principes, même ceux de la constitution; en un mot, pour faire rendre le décret du 24 septembre.

Le décret ne pouvait pas être constitutionnel puisqu'il n'existait plus de corps constituant à l'époque où il fut rendu ; cependant, pour lui donner un vernis d'irrévocabilité, on l'intitule constitutionnel; on le présente à l'acceptation du roi dans l'espoir que ces apparences suffiront pour arrêter quelques esprits; et en effet, messieurs, cette objection est celle qu'on reproduit avec le plus d'assurance. On va jusqu'à s'attendrir sur le sort des hommes

de couleur, tant on est convaincu que le décret du 24 septembre ne permet pas de le changer.

Voilà, messieurs, par quels sophismes, par quelles manœuvres on s'est joué pendant trois ans des réclamations des hommes de couleur libres; voilà par quelles intrigues on a fait couler des flots de sang dans les colonies et appelé sur cette florissante partie de l'empire français la désolation, la misère et la mort. Car, ne vous y trompez pas, messieurs, la cause des troubles est tout entière dans le refas que les colons blancs ont toujours fait de reconnaître les droits des citoyens de couleur.

Que va-t-il arriver? écrivait M. Gouy à Saint-Domingue après le décret du 15 mai; les colonies divisées se déchireront de leurs propres mains. Le parti opprimé, les blancs (car c'était eux qu'il supposait opprimés par le décret), armera les esclaves, et le dernier des blancs ou le dernier des mulâtres périra. > Quel trait de lumière dans ce peu de lignes écrites sous les yeux des colons rassemblés à l'hôtel Massiac, et en présence de MM. Barnave et Malouet, qui, comme le dit encore M. Gouy, étaient venus mêler leur douleur à la sienne, et gémir sur le sort des infortunés colons blancs, auxquels on faisait la dure loi de partager les droits de citoyens avec des hommes libres comme eux! (Applaudissemens réitérés d'un côté et du public.) Avec des hommes propriétaires comme eux, et comme eux payant des impôts, la nature du décret du 24 septembre était aujourd'hui la seule ressource que pussent employer les colons blancs. Quoi! s'écrient-ils, vous pourriez révoquer ce décret! Qui nous répondra que vous respecterez la constitution?

Que ces messieurs calment leurs alarmes ; nous respecterons la constitution, et nous n'en révoquerons pas moins, du moins je l'espère, le décret du 24 septembre, qui la souillerait, s'il en faisait partie. (Applaudissemens.)

égale et générale, et le décret du 24 septembre déclare que la majorité des habitans de l'empire français ne sera représentée que tant que la minorité le trouvera convenable; 3° notre constitution est fondée sur ce principe, que le peuple français est représenté par l'assemblée nationale et le roi, et le décret du 24 septembre prive l'assemblée nationale de l'exercice d'une portion de la souveraineté, pour la remettre exclusivement dans les mains du roi.

Et c'est un tel décret qu'on a le courage d'appeler constitutionnel! Eh! s'il l'était, il faudrait le dire en gémissant sur la tache qu'il imprimerait sur la constitution; mais non, il ne l'est pas.

J'ai prouvé que vous devez le révoquer; je vais prouver que vous le pouvez.

D'abord, messieurs, j'observe que dans la collection des décrets de l'assemblée constituante, un seul prononce, non pas une irrévocabilité absolue, mais une irrévocabilité de dix années, soumise à des formes.

Aucun des pouvoirs, institués par la constitution, n'a le droit de la changer dans son ensemble ni dans ses parties, sauf les réformes qui pourront y être faites par la voie de la révision, conformément aux dispositions du titre vi ci-dessus. ›

Que reste-t-il à examiner après cela? Rien autre chose que ceci le décret du 24 septembre fait-il partie de la constitution française? Car, s'il n'en fait pas partie, point de doute qu'il ne soit révocable.

Or, j'ouvre encore la constitution, et je lis: Les colonies, quoiqu'elles fassent partie de l'empire français, ne sont point comprises dans la constitution; donc le décret du 24 septembre est révocable. (Applaudissemens.)

Ensuite, messieurs, je l'avouerai, je ne croyais pas qu'il y eût de réponse à cette objection: la constitution a été finie le 3 septembre; le corps constituant a déclaré dès ce jour-là qu'il ne pouvait plus y rien changer; donc le décret sur les colonies, qui n'a été rendu que le 24 septembre, n'est pas un décret constitutionnel; car un décret constitutionnel ne peut pas être rendu par un corps qui n'est pas constituant.

A cet égard, je ferai seulement quelques observations essentielles; 1o notre constitution est fondée sur l'égalité des droits, et le décret du 24 septembre déclare que des hommes égaux en droits dans l'état civil ne le sont pas dans l'état politique; 2o notre con- M. Dumas, cependant, a entrepris de comstitution est fondée sur une représentation | battre cette observation. Vous ne concevez

pas cela, a-t-il dit, moi je le conçois très bien. (Rires et applaudissemens.) Vous partez d'un fait faux. Vous supposez que l'assemblée a cessé d'être corps constituant à l'époque du 3 septembre, et c'est une erreur; elle l'était encore le 24 septembre. >

Elle l'était le 24 septembre; mais en ce cas elle aurait donc pu le 24 septembre changer la constitution française? (Applaudissemens.) Elle aurait pu, par exemple, donner au roi le veto absolu, l'investir du droit de dissoudre le corps législatif; et faire, pour le bonheur du peuple, d'autres légères modifications de ce genre. (Vifs applaudissemens.)

Il y a plus: si l'assemblée nationale n'a pas cessé d'être corps constituant au moment même où elle a déclaré que la constitution était finie et qu'elle ne pouvait plus y rien changer, il faut dire qu'elle l'est encore. (Applaudissemens et murmures.) En effet, la dernière déclaration que ses travaux sont finis à l'époque du 31 septembre est bien moins forte, est bien moins énergique que celle qu'elle fit le 3 du même mois; car, si ces pouvoirs n'ont pas pris fin par la déclaration que l'exercice en était fini, il serait inconséquent de prétendre qu'ils sont expirés par la déclaration postérieure que ses travaux étaient terminés. (Applaudissemens.)

Cependant, a dit encore M. Dumas, à cette époque du 3 septembre, et après avoir déclaré la constitution finie, l'assemblée nationale refusa de se constituer en législature. Cela est vrai; mais il aurait fallu dire qu'elle ne passa à l'ordre du jour que dans la crainte qu'on ne lui supposåt l'intention de vouloir faire une première session comme corps législatif; et sur l'observation même qui lui fut faite, qu'en déclarant que la constitution était finie, c'était avoir implicitement déclaré que l'assemblée nationale constituante ne pouvait plus être que corps législatif. Ce qu'il y a de bien certain, au moins, messieurs, c'est que lorsque cette motion de se constituer en législature fut faite, il ne vint à l'esprit de personne, pas même de M. Barnave, de la combattre en soutenant que l'assemblée nationale ne pouvait pas déclarer ses pouvoirs de corps constituant expirés, puisqu'il lui restait à statuer constitutionnellement sur les colonies. Mais l'expression de cette réserve eût-elle pu lui

venir dans la pensée? tout ce qui était relatif aux colonies était réglé par la constitution ou par des décrets déclarés constitutionnels.

1o Il était réglé par la constitution que les colonies faisaient partie de l'empire français, et qu'elles n'étaient pas comprises dans la constitution française.

20 Il était réglé par des décrets antérieurs, et déclarés constitutionnels, qu'elles auraient l'initiative sur les lois de leur organisation intérieure, et sur l'état des personnes esclaves. Or, en supposant que cette initiative eût été exercée avant la séparation de l'assemblée nationale, celle-ci n'aurait pas eu besoin d'être corps constituant pour y statuer; il lui eût suffi d'être ce que nous sommes, corps législatif.

Ceci me conduit à un raisonnement qui me semble péremptoire: si le décret du 24 septembre est constitutionnel, il ne peut l'être que parce que l'assemblée nationale était corps constituant pour les colonies, après avoir terminé la constitution française; or si elle le fut, il est évident que nous le sommes et rien n'empêcherait que nous ne révoquassions le décret du 24 septembre, fût-il même décret constitutionnel. (Applaudissemens.)

Mais il ne l'est pas au moment où l'assemblée nationale remit au peuple français, dans la séance du 3 septembre, les pouvoirs qu'elle en avait reçus comme corps constituant, elle perdit le droit de rien changer à ce qu'elle avait constitutionnellement décrété.

Or elle avait décrété constitutionnellement que les colonies faisaient partie de l'empire français; qu'elles n'étaient point comprises dans la constitution, et qu'elles auraient l'initiative sur les lois relatives à leur organisation intérieure. Toutes ces dispositions constitutionnelles appartinrent au peuple et devinrent son droit irrévocable, jusqu'à la révision.

On croit répondre à ce raisonnement, en disant que le décret du 24 septembre n'est constitutionnel que pour les colonies, et qu'il ne l'est pas pour la métropole : j'avoue que je n'ai pas le bonheur de comprendre cette objection; on a dit à ce propos que la philosophie et la raison avaient leurs antipodes : il faut bien que cela soit vrai,. car je trouve ici la preuve à côté de l'objection.

Mais le décret du 24 septembre a été porté

à l'acceptation du roi! et qu'est-ce que cela prouve? Le décret sur l'organisation civile du clergé a bien aussi été présenté à l'acceptation? Dira-t-on pour cela qu'il est constitutionnel. Mais chaque article énonce que le décret est constitutionnel! qu'est-ce que cela prouve encore? M. Gensonné a répondu à cette objection, et il y a répondu d'une manière à me persuader que M. Dumas ne l'aurait pas faite s'il eût connu ou prévu la réponse. L'assemblée nationale pouvait-elle faire un décret constitutionnel, pour les colonies, lorsqu'elle a rendu celui-ci? Non, elle ne le pouvait pas. Le décret n'est donc pas constitutionnel? Voilà à quoi se réduit la question. D'ailleurs la nature du décret, en soi, répugne à l'idée qu'il soit constitutionnel. On dit : Le décret est constitutionnel pour les colonies; en ce cas, les colonies ont donc une constitution commencée ? Montrez-la-moi. D'ailleurs nos adversaires sont forcés de reconnaître qu'après le 3 septembre le corps constituant n'a rien pu décréter de constitutionnel pour la France. Ils disent ensuite : Le décret n'est constitutionnel que pour les colonies et non pour la métropole. Ils prétendent donc que le décret n'a rien changé à la constitution française. Cependant la constitution déclare la souveraineté une, indivisible; elle divise la souveraineté entre le corps législatif et le roi; enfin elle a fixé les limites de l'autorité royale. Or, qu'on me réponde: Le décret du 24 septembre ne divise-t-il pas la souveraineté du peuple? N'en place-t-il pas l'exercice, sur l'état des gens de couleur libres, dans les mains du roi à l'exclusion du corps législatif, et n'augmente-t-il pas ainsi le pouvoir du représentant hérédi

| taire du peuple? Et rien de tout cela n'intéresse-t-il la métropole? Rien de tout cela ne change-t-il la constitution? Messieurs, un roi lui-même n'oserait le prétendre. (Applaudissemens.)

Ainsi, messieurs, vous pouvez révoquer le décret du 24 septembre; et si vous le pouvez, vous le devez; la justice, la raison, l'humanité, la politique, l'intérêt même des colons, tout vous le commande. Hâtez-vous donc de donner ce grand exemple de votre respect pour la souveraineté du peuple, que ce décret outrage; de votre amour pour la constitution contre laquelle on blasphème toutes les fois qu'on dit qu'il en fait partie; hâtez-vous de donner cette grande leçon aux intrigans et aux factieux; mais surtout que des mesures promptes d'exécution assurent le succès de votre délibération. Vous avez appris aux ministres que la responsabilité n'est plus un vain mot. Faites qu'ils ne l'oublient jamais. Le peuple attend de vous énergie, courage et fermeté; vous ne tromperez pas ses espérances. J'appuie le projet de M. Gensonné, à l'exception de deux articles, dont l'un est relatif à la nomination des commissaires civils par le corps législatif, et l'autre à la punition des crimes commis dans les colonies. Je demanderai la parole pour un amendement sur le premier, et pour proposer l'amnistie à la place du second. ›

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Le 24 mars, le projet de Gensonné fut mis en délibération, et après avoir entendu Cambon, Guadet, Rouhier, Delmas, Vaublanc, Vergniaud, Girardin et Ducos, l'assemblée décréta les articles proposés par Gensonné.

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dant à attribuer aux districts et aux municipalités la police de sûreté générale et la poursuite des délits menaçant la tranquillité extérieure et intérieure de l'état. Ce projet composé de dix-huit articles fut mis en discussion le 25 juillet. Brissot prit, ce jour même, la parole pour l'appuyer.

DISCOURS DE BRISSOT sur les mesures de sûreté

générale. (Séance du 25 juillet 1793,)

‹ Messieurs, la mesure que vous a proposée M. Gensonné est elle nécessaire? est-elle conforme aux principes de notre constitution? Tels sont les deux points de vue sous lesquels vous devez l'examiner.

Cette mesure porte sur trois bases: 10 il y a des conspirations à craindre; 20 il faut, pour les prévenir ou pour les réprimer, organiser des forces propres à s'assurer de la personne des coupables et des preuves de leurs délits; 3o ce pouvoir doit être délégué aux municipalités, plutôt qu'aux juges de paix. En examinant ces trois points, je m'attacherai plus à justifier les principes qui ont dirigé M. Gensonné, que les divers articles de son projet de décret, tels, par exemple, que les articles 16 et 17 qui peuvent être susceptibles de quelques amendemens, et qui ont seuls servi de prétexte aux calomnies.

La nécessité de ces mesures ne peut être contestée que par trois classes d'hommes: ou par ceux qui veulent favoriser des conspirations, ou par ceux qui s'imaginent qu'il ne peut plus exister de conspirateurs, ou enfin par ceux qui croient détruire les conspirateurs, en fermant les yeux sur leurs progrès. Les premiers sont les ennemis de la révolution, les seconds des aveugles, et les derniers des insensés.

Notre révolution est faite, a-t-on dit: pourquoi craindre les conspirateurs? Sans doute notre révolution est faite; et le peuple français ne courbera plus sa tète devant un seul homme, ou sous l'aristocratie anarchique qui se servait du nom de cet homme pour le tyranniser. Sans doute nous n'avons plus à craindre ni roi despote, ni Cromwell qui le remplace en contrefaisant l'inspiré, ni d'ambitieux agitateurs ou de modérés hypocrites qui se forment une faction puissante en criant contre les factions. L'amour de la liberté n'est pas TOME Ier.

seulement dans quelques âmes; il est dans toutes; et cette liberté ne se détruit ni avec la magie de quelques mots, ni par l'idolâtrie pour un homme, ni par des placards, ni même avec une armée, parce que l'armée est peuple elle-même, et que tout le peuple veut fortement sa liberté, et surtout l'égalité.

Mais de ce que la nation est fermement résolue de maintenir sa liberté, de ce que toutes les conspirations doivent nécessairement échouer, en résulte-t-il qu'il n'existe pas encore beaucoup de mécontens déterminés à déployer tous leurs efforts pour la renverser ? Si ces conspirateurs existent, si leurs défaites successives et multipliées n'ont pas été capables et ne le seront pas encore d'arrêter de nouvelles conspirations; si le défaut des succès complets n'empêche pas qu'ils ne puissent avoir des succès partiels et causer de grandes calamités, ne serait-il pas insensé de ne pas prendre des mesures pour étouffer au berceau même ces conjurations nouvelles?

Eh! qui peut contester que le foyer de contre-révolution, établi à Coblentz, est plus actif et plus violent que jamais? Qui peut contester qu'il a des émissaires dans presque toutes les cours de l'Europe; que nos armées, nos départemens, Paris surtout, en fourmillent; que tous ces rebelles ouverts ou cachés poursuivent les projets les plus dangereux pour la chose publique? Qui peut contester qu'indépendamment de la faction de Coblentz, il existe un autre parti de rebelles, qui ne veut pas, comme cette faction, la destruction entière de notre constitution, qui ne demande que des modifications, telles que la résurrection de la noblesse, les deux chambres, l'extension de la prérogative royale? Qui peut contester que ce parti est bien plus dangereux que l'autre, puisque, d'un côté, il parait avoir eu et conserver encore une grande influence dans les cabinets étrangers, puisqu'il paraît les déterminer à une médiation armée; puisque, d'un autre côté, en s'annonçant en France par des moyens adroits, sous des formes de modération et de paix, il a trouvé le secret de s'attacher une partie, et de ces privilégiés qui ne peuvent s'accoutumer à l'égalité populaire, et de ces hommes riches ou aisés, toujours prêts à vouloir moins de liberté pourvu qu'ils aient plus de jouissances, et de leurs

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