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secours et quel il est ; l'examen attentif des résidences antérieures est donc nécessaire pour l'application des règles fixées sur ce point. par les articles 6 et suivants de la loi du 15 juillet 1893, et par la jurisprudence du Conseil d'Etat qui a précisé ces règles.

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Il y donc par suite, nous l'avons vu, des assistés ayant le domicile de secours communal ou départemental, ou n'ayant point de domicile de secours, et qui sont, suivant les cas, à la charge de l'une ou de l'autre des 3 collectivités. Il y là analogie complète avec les autres lois d'assistance. Mais nous allons voir que celle-ci ne va pas jusqu'au bout.

Permanence ou non-permanence du domicile de secours. 10 Permanence.

Variations à ce sujet.

En effet, la question s'est posée dès le début, de savoir si, en matière d'assistance aux familles nombreuses, il y avait lieu d'appliquer la règle qui considère le domicile de secours comme fixé pendant toute la durée de la mesure actuelle d'assistance. Reproduisons à ce sujet certains passages du rapport de M. le Dr Monod au Congrès national d'assistance de Montpellier (1914): « On sait que cette règle est de jurisprudence courante (en 1914), et qu'elle tire une force singulière du fait que les juridictions administratives l'ont appliquée, qu'il s'agisse d'assistance médicale gratuite, d'assistance de la loi du 14 juillet 1905, ou d'assistance aux aliénés. Ce principe a été posé par un arrêt célèbre du Conseil d'Etat (1) lequel déclare qu'une aliénée conserve, pendant toute la durée de l'internement, son domicile de secours initial (celui de son mari lors de l'internement), même si ledit mari vient ensuite à changer lui-même de domicile de secours. Il a été adopté par la circulaire ministérielle du 16 avril 1906, qui commentait la loi du 14 juillet 1905, dans les termes que voici une fois le domicile de secours fixé pour l'application de la loi, il ne peut plus être mofidié. ni par les

(1) La commune d'Écouen demandait l'annulation pour excès de pouvoir, d'un arrêté préfectoral mettant à sa charge l'entretien d'une aliénée, la dame Hingre qui, si elle avait pu avoir son domicile de secours à Écouen lors de son internement, l'avait désormais à Paris, au dire du recours au Conseil d'État, d'après la loi du 15 juillet 1893, puisque son mari avait son domicile de secours dans cette ville pour y avoir résidé plus d'une année. Le Conseil d'État, par arrêt du 24 mars 1899, rejeta cette requête, considérant que, lors du placement d'un aliéné indigent dans un asile, l'obligation de subvenir à son entretien, qui incombe à la commune où il avait alors son domicile de secours, est définitivement fixé et ne peut être mis à la charge d'une autre commune, tant que dure l'assistance de cet indigent.

changements de résidence de l'assisté lui-même, ni par ceux qui surviendraient de la part des personnes dont il tient son domicile de secours. » C'est dans ce sens que furent rédigés les avis du Ministre de l'Intérieur relatifs à la question, pendant la période de mise en application de la loi du 14 juillet 1905.

L'opinion émise par la circulaire de 1906 était-elle solidement fondée ? Nous sommes loin de le penser. Certains auteurs, comme M. Campagnole (1), commentateur de la loi de 1905, M. Alcindor (2), mettaient en garde contre ce qu'avait de trop absolu la conclusion tirée de l'arrêt de 1899. Au point de vue de la doctrine, ils étaient opposés à cette généralisation, qu'ils attribuaient à une interprétation inexacte de l'arrêt. M. Campagnole faisait observer que cette décision attachait, dans l'espèce jugée, la permanence du domicile de secours au fait de l'internement et à l'idée de défaut de liberté du choix de séjour. Dans le cas visé, la résidence de l'aliéné interné n'étant pas volontaire, ne remplit pas une condition essentielle pour l'acquisition ou la perte du domicile de secours. Et par conséquent, la consolidation, lorsqu'il s'agit d'assistance à domicile, manquait de base juridique. --- M. Campagnole justifiait son doute par le rapprochement d'un autre arrêt du 14 avril 1905, rendu dans des circonstances presque semblables, et motivé en ces termes : "Considérant que, d'après l'article 7 de la loi du 15 juillet 1893, le domicile de secours ne se perd pas si l'absence de la commune du domicile de secours est occasionnée par des circonstances excluant toute liberté du choix de séjour ou par un traitement dans un établissement hospitalier; qu'il suit de là que, tant que dure l'internement d'un aliéné, la personne internée ne peut, ni perdre son domicile de secours, ni en acquérir un nouveau. » M. Campagnole en déduisait que la question de savoir si l'incurable ou l'infirme bénéficiant de l'assistance à domicile pouvait, en se déplaçant, changer de domicile de secours, restait fort douteuse.

Ce doute était d'ailleurs levé par un arrêt du Conseil d'Etat, du 10 avril 1908. La Commission départementale du Gard avait admis à l'assistance à domicile, l'infirme Garde, sous la réserve que cet assisté, dont le domicile de secours départemental était le Gard, n'aurait droit à une allocation que jusqu'à fin mars 1908, époque à laquelle il aurait quitté le département du Gard depuis plus de de 5 ans. Le Ministre de l'Intérieur n'ayant connu cette décision

(1) L'assistance aux vieillards, aux infirmes et aux incurables, par Ed. Campagnole, 1908, p. 106.

(2) E. Alcindor. Les enfants assistés, p. 245 in fine.

qu'après le délai ouvert par l'article 14 de la loi de 1905, pour le recours devant la Commission centrale, avait déféré au Conseil d'Etat la décision de la Commission départementale du Gard, en se basant sur ce que la loi n'autorisait pas le changement de domicile pendant toute la durée de la mesure d'assistance. A quoi la Commission départementale objectait si le vieillard assisté ne peut plus modifier son domicile de secours dès l'âge de 65 ans, par application de la loi du 14 juillet 1905, art. 3, il n'en est pas de même de l'assisté pour cause d'infirmité ou de maladie incurable; en effet, l'assisté de la loi de 1905 peut, dans les même conditions que l'assisté de la loi de 1893, acquérir et perdre son domicile de secours; il n'est fait exception, en vertu de la jurisprudence du Conseil d'Etat, que pour les aliénés internés, lesquels perdent tout moyen de choisir volontairement et librement un nouveau domicile.

Le Commissaire du Gouvernement, M. Tardieu, conclût à la recevabilité du recours ministériel dans l'intérêt de la loi et à son bien fondé. Adoptant ses conclusions et les résumant, l'arrêt annula la décision attaquée, en tant qu'elle disposait que l'allocation accordée au sieur Garde prendrait fin à la date du 31 mars 1908. Les motifs essentiels étaient : « La loi du 14 juillet 1905 ayant pour objet d'assurer l'existence de personnes dont l'état n'est pas, en principe, susceptible de changement, l'allocation dont il s'agit a nécessairement un caractère fixe et permanent. -- Si l'article 3 édicte des règles relatives à l'acquisition et à la perte du domicile de secours, les dispositions qu'il contient n'ont été formulées qu'en vue de déterminer la collectivité tenue à l'assistance au moment de l'admission de l'intéressée, mais elles ne sauraient être interprétées comme permettant aux assistés de modifier, par des changements de résidence, les conditions où ils reçoivent l'assistance. Une telle interprétation serait contraire au caractère de fixité ci-dessus précité de l'allocation mensuelle qui leur a été accordée. »

Le Ministre de l'Intérieur, par circulaire du 12 mai 1908, transmettait le texte de l'arrêt aux préfets. Il indiquait de plus les conséquences qui devaient résulter du principe sur lequel il reposait : «Il est maintenant établi, disait-il, que la question du domicile de secours est tranchée, une fois pour toutes, au moment où la demande d'assistance est formulée (sous réserve bien entendu de l'article 4). En particulier, une fois la personne admise, ses résidences ultérieures sont de nul effet. »>

Ainsi, le Conseil d'Etat avait estimé que l'assistance instituée par la loi de 1905, et consistant dans le paiement de l'allocation mensuelle servie par la collectivité du domicile de secours, avait un

caractère fixe et permanent et que, si l'on admettait que des assistés pussent, par des changements de résidence, modifier les conditions dans lesquelles ils reçoivent l'assistance, celle-ci n'aurait plus le caractère de fixité que lui confère la loi.

Mais la question n'était pas exactement la même en ce qui concerne l'assistance aux familles nombreuses dont nous nous occupons. Nous avons vu que pour le domicile de secours, elle se réfère simplement à la loi du 15 juillet 1893. Fallait-il admettre que le domicile de secours ne pût changer au cours de la mesure d'assis-tance? Si ce principe de fixité présente de sérieux avantages lorsqu'il s'agit d'aliénés, d'infirmes et d'incurables, les conséquences en paraissaient peu admissibles pour l'assistance aux familles nombreuses. Serait-il raisonnable qu'une commune, pour avoir durant un an servi de résidence à une famille nombreuse, fût tenue de lui venir en aide pendant peut-être près de 16 ans, malgré tous les déplacements que cette famille aurait effectués depuis l'admission, parfois dès le lendemain de cette admission? Ne serait-il pas plus inadmissible encore, que l'obligation d'assistance pesât sur cette commune, même pour les nouveaux enfants qui viendraient à augmenter cette famille au cours de ses résidences ultérieures ? -Aurait-on pu, du moins, distinguer entre les enfants nés avant l'admission et ceux qui naîtraient postérieurement dans des localités différentes ? Il ne semblait pas, car comment concevoir que, pour un même mode d'assistance, le chef de famille ait plusieurs domiciles de secours ?

Dans son rapport au Congrès national d'assistance de 1914, M. le Dr Monod écrivait sur cette question : « Dans le cas visé par l'arrêt de 1899, d'une femme mariée, aliénée et internée, le fait que sa résidence n'est pas volontaire, ne peut être invoqué en faveur de la consolidation du domicile de secours, car cette femme, saine d'esprit, ne saurait, même par une résidence volontaire, acquérir un domicile de secours distinct de celui de son mari. En appliquant, d'autre part, à l'assistance aux familles nombreuses, le critérium ci-dessus, nous arrivons à trouver que le système de la consolidation, d'après la théorie même de MM. Campagnole et Alcindor, doit être appliqué dans certains cas d'assistance à domicile. En effet, en ce qui concerne la loi de 1913, c'est la famille qui est bénéficiaire de l'assistance, au lieu du domicile de secours de son chef. Or, si ce dernier vient à perdre son domicile de secours ou à en acquérir un autre, celui de la famille ne devra pas varier tant que durera la mesure d'assistance, car la femme, non plus que les enfants, ne sont en mesure d'acquérir, par une résidence volontaire, un domicile de secours nouveau et distinct de celui du chef de famille. »

M. le Dr Monod estimait donc que, à moins de dispositions législatives contraires, tant que la jurisprudence n'aurait pas marqué l'intention formelle de faire ici une exception à la règle qu'elle avait tracée elle-même, le domicile de secours, en matière d'assistance aux familles nombreuses, devait être fixé, pour toute la durée de la mesure actuelle d'assistance. Au Congrès national d'assistance de 1914 (6 juin), il faisait adopter le vœu suivant: La jurisprudence administrative ayant admis jusqu'ici que le domicile de secours est consolidé pour toute la mesure actuelle d'assistance, il convient de n'y point faire d'exception, tant que cela n'aura pas été clairement indiqué par un texte de loi ou par cette jurisprudence elle-même.

20 Non-permanence.

Consultée sur la question, la Direction de l'assistance publique du Ministère de l'Intérieur (avis du 12 mars 1914, Loire), avait donné une solution opposée à celle de M. le Dr Monod. Elle estimait que, pour des raisons d'opportunité, le domicile de secours des familles nombreuses ne devait pas être considéré comme consolidé et que, par conséquent, la collectivité débitrice de l'assistance, même pour la mesure actuelle, changeait chaque fois que la famille perdait ou acquérait un domicile de secours. Un projet de loi, déclarait l'avis en question, a été déposé en ce sens.

En effet, afin d'obtenir un texte précis, MM. R. Renoult, Ministre de l'Intérieur, et J. Caillaux, Ministre des Finances, avaient déposé à la Chambre, à la 2e séance du 24 février 1914, un projet de loi (no 3:586) ayant pour objet de compléter l'art. 6 (domicile de secours) de la loi du 14 juillet 1913. Ce projet édictait pour l'assistance de la loi de 1913, le principe de la non-permanence du domicile de secours.

Les auteurs du projet exposaient qu'il ne leur semblait pas que, pour la loi de 1913, le domicile de secours pût être consolidé dès le commencement et pendant toute la durée de l'assistance, contrairement au principe admis pour la loi de 1905. —- Ils disaient : « Les conditions économiques sont très différentes. D'une part, le domicile s'acquiert par un an seulement de résidence, et déjà il apparait que le lien qui attache l'intéressé à la commune est moins solide; d'autre part, il s'agit non d'infirmes, mais d'hommes en pleine force de production; enfin, l'allocation mensuelle est le mode exclusif d'assistance. Il est difficile d'admettre que, parce qu'une famille d'ouvriers ayant 4 enfants de moins de 13 ans, aura séjourné pendant 12 mois seulement dans une commune A, puis l'aura

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