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famille comptant au moins 8 enfants vivants, les frais d'éducation de l'un de ceux-ci seront supportés par l'État, jusqu'à la majorité de cet enfant.

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ART. 2. Dans toute famille comptant au moins 10 enfants vivants, les frais d'éducation de deux de ceux-ci seront supportés par l'État jusqu'à la majorité de ces enfants.

ART. 3. On entend par frais d'éducation, ceux qui se rapportent à l'instruction, à l'entretien et à la subsistance des ayantsdroits.

Nous avons indiqué dans l'Historique, quelles minimes facilités sont actuellement accordées aux parents ayant simultanément plusieurs enfants dans les établissements d'enseignement secondaire (1)..

(1) Arrêtés des 20 juin 1905 et 2 avril 1912.

Vote familial

A diverses reprises, des modifications ont été proposées au mode de votation en matière politique, dans l'intention de donner aux pères de famille, dans les élections, un nombre de voix plus élevé qu'aux célibataires.

Cette revendication est une de celles à laquelle les groupements s'occupant des familles nombreuses, attachent une grande importance. Pour être aussi complet que possible, nous indiquons ci-après toutes les opinions émises à ce sujet, pour ou contre la réforme.

Lamartine écrivait déjà : « Un jour viendra, je n'en doute pas, où le père de famille aura autant de voix dans le suffrage, qu'il y a de vieillards, de femmes et d'enfants à son foyer, car, dans une société mieux faite,ce n'est pas l'individu, c'est la famille, qui est l'unité permanente. L'individu passe, la famille reste; le principe de la conservation sociale est là; on le développera, pour donner à la démocratie, autant de stabilité qu'à la monarchie.» Cette idée, Paul Janet devait l'exprimer ainsi : « L'homme seul n'occupe qu'un point sur la surface de la terre et, en mourant, ne laisse rien après lui; la famille étend ses rameaux, envoie au loin ses rejetons, et plonge des racines presque immortelles. » Et M. de Foville s'exprimait ainsi : « Les lois électorales pourraient et devraient faire une différence entre le citoyen qui représente un groupe, une famille, et celui qui, vivant seul, ne représente que lui-même. »

En 1898, M. Picot disait à l'Académie des sciences morales et politiques (1): «Mettre sur le même pied, le célibataire et le chef de famille, leur attribuer la même valeur, c'est un effort contre nature. La loi, loin de dénaturer les faits, doit s'y plier. Donner à un père de famille un second vote, c'est conformer les droits à la réalité. » Et M. Dupriez écrivait en 1901 (2): « Est-il rationnel

(1) G. Picot, séances et travaux de l'Académie des sciences morales et politiques, 1898 T. 49— p. 138.

(2) L. Dupriez, l'organisation du suffrage universel en Belgique, 1901.

que celui qui n'a dans la société, d'autre intérêt que son bien-être personnel, qui, sans famille, ne songe qu'à lui-même et au présent, ait, sur la destinée publique, la même influence qu'un père de famille soucieux de conserver à ses enfants et à ses descendants, une patrie paisible et prospère ? »

Dans l'Historique, nous avons déjà eu l'occasion de signaler quelques propositions tendant à l'institution du vote familial (1). Au cours des dernières années, d'autres ont été déposées au Parle

ment.

Le 30 juin 1914, au Sénat, proposition de M. L. Marin (2). A la Chambre, le 20 octobre 1916, proposition de M. RoulleauxDugage, visant à modifier le suffrage universel, en donnant au père le vote familial, pour lui et pour toutes les personnes, femmes, enfants mineurs, légalement placées sous son autorité civile, et à donner, en cas de décès du chef de famille, les mêmes droits à la mère. Le 6 novembre 1917, à la Chambre, proposition de M. A. Peyroux, disposant que toute Française âgée de 21 ans, ayant un enfant vivant ou plus, aura le droit de voter, et que tout père ayant 5 enfants vivants, aura droit à 2 suffrages dans toutes les élections (art. 8 et 9).

Le 29 mars 1919, le Comité de propagande du vote familial organisait une manifestation à la Sorbonne. Les auditeurs, au nombre de 2.000 environ, émettaient un vou en faveur de cette réforme.

Le 3 avril 1919, à la Chambre, au moment d'une discussion sur le vote des femmes, M. Roulleaux-Dugage, député, déposait l'amendement suivant : « Les membres de la Chambre des députés sont élus par tous les Français, sans distinction de sexe ni d'âge, qui ne se trouvent dans aucun cas d'incapacité prévu par la loi. Le droit électoral des mineurs non émancipés, est exercé par leur père et, à défaut, par leur mère ou par leur tuteur ou tutrice. »> A la demande de M. Alexandre Varenne, président de la commission du suffrage universel, l'amendement était disjoint, par 302 voix contre 187.

Il était à nouveau déposé, au cours de la séance du 15 mai 1919. M. Roulleaux-Dugage le défendit vigoureusement. Mais la commission, par la voix de son rapporteur, M. Flandin, en demanda

(1) Voir propositions Jouvenel, de Douhet, de Gueydon (1871), Lemire (7 juillet 1911).

(2) Documents Sénat, no 325.

la disjonction. - Au sujet du droit de représentation des mineurs au scrutin, M. Flandin fit notamment remarquer que cela risquerait d'opposer le fils de 18 ou 19 ans à son père. MM. Ernest Laffont et Jean Bon s'élevèrent également contre le vote familial. M. Jean Bon, notamment, opposa les arguments suivants : « De quoi s'agit il ici? De l'exercice de droits. Or, quel est l'individu qui peu exercer des droits ? C'est celui qui, dans notre système, est majeur, qui a sa raison. C'est pourquoi, lorsqu'on parle des droits des mineurs, on se trompe. Il s'agit des intérêts des mineurs. Les droits civils ne sont acquis, dans notre système, qu'à partir d'un certain âge, et lorsque le mineur arrive à 17 ou 18 ans, on ne lui reconnaît pas la totalité de ses droits civils. Ce n'est qu'à 21 ans qu'il a le complément de ses droits civils.

«De même pour la femme, lorsqu'elle est sous puissance de mari. D'autres réformes, d'ailleurs, sont déjà ébauchées, quoique encore imparfaites. Mais lorsque nous accorderons à la femme en puissance de mari, la totalité des droits civils, la puissance du mari disparaîtra. La femme célibataire ou veuve a tous ses droits civils. Il est question, en ce moment, de les compléter en lui donnant les droits politiques. Est-ce que l'enfant, n'ayant pas les droits civils, pourrait avoir les droits politiques? Il me semble qu'alors, vous détruisez d'un seul coup le système entier. Et comment le père voterait-il ? En quelle qualité ? Serait-il le mandataire de ses enfants? Si oui, il reçoit un mandat. Comment ? --- Par définitition, d'après l'étymologie, l'enfant est celui qui ne peut pas penser, qui ne parle pas encore. Comment pourrait-il déléguer un pouvoir qu'il n'a point Ĵui-même, un droit que, dans notre système, il n'occupe pas ? Il pourrait le déléguer à son père ? C'est impossible !

« Et pour les enfants qui n'ont point de père, qui sont sous la tutelle de la société, comment cette représentation sera-t-elle assurée ? Est-ce que le directeur de l'assistance publique, à Paris, votera pour les nombreux pupilles de la ville ? Est-ce que, dans tous les établissements où l'on recueille des orphelins, on votera pour ces orphelins?

« D'après notre système, le citoyen n'est citoyen que lorsque, par le développement de l'âge, il peut jouir de ses droits civils et politiques. Lorsque l'enfant n'est pas encore citoyen, c'est-à-dire, lorsqu'il n'a pas atteint la majorité légale de 21 ans ou sa demimajorité, vous ne pouvez en faire le support de droits civils, ni par conséquent de droits politiques. »

Par contre, MM. Landry et J. L. Breton, intervinrent énergiquement en faveur du vote familial. M. Landry s'attacha à

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répondre aux objections du rapporteur : « M. Flandin nous a dit : « Vous voulez établir dans notre pays le vote plural. » Eh bien, non, il y a là une confusion que je tiens à dissiper. Il ne s'agit pas le moins du monde de vote plural. Il y a vote plural, lorsqu'il est attribué à un individu, par égard pour cet individu, parce qu'il est plus riche ou qu'il a plus d'instruction qu'un autre, deux ou trois bulletins de vote. Mais ici, c'est tout à fait différent. Ce que nous demandons, c'est que tous les Français soient appelés à participer aux consultations électorales, par conséquent, c'est l'égalité que nous demandons pour tous les Français. Les enfants sont, eux aussi, des membres, des portions de la nation. Je dirai même que l'enfant est une portion plus importante que le vieillard, puisque, aussi bien, une durée de vie plus longue lui est promise. Nous n'irons pas, bien entendu, jusqu'à demander qu'il soit avantagé dans la consultation électorale par rapport aux vieillards, mais nous demandons que, pour tous les Français, des droits égaux soient reconnus.

« Quand nous votons des lois, nous devons avoir le souci de rattacher les dispositions législatives que nous élaborons, aux principes qui dominent notre droit public. Mais enfin, le législateur n'est pas seulement un philosophe, c'est un homme pratique, et ce sont les résultats qu'il faut considérer avant tout. Nous attendons, mes amis et moi, du suffrage familial, des résultats excellents. Nous disons que lorsque, dans les consultations électorales, la prépondérence sera assurée, non pas, comme aujourd'hui, aux célibataires, aux gens qui n'ont pas d'enfants, à ceux qui n'ont pas fait le nécessaire pour assurer la perpétuité de la nation, mais aux familles nombreuses, le souci des intérêts permanents de la nation prévaudra plus sûrement dans les délibérations des assemblées. Je n'insiste pas davantage. Je suis certain, pour ma part, que la réforme que nous réclamons sera réalisée. Puissiez-vous comprendre qu'il est de l'intérêt de la France qu'elle le soit sans retard. »

Et M. J. L. Breton : « Je considère que le vote familial est, par lui-même, essentiellement juste, rationnel et équitable, et que toutes les raisons données contre lui ne portent pas.

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<«< On nous dit que le père de famille ne peut pas représenter, le jour du scrutin, ses enfants. Pourtant, dans notre législation, le père est responsable de tous les actes de ses enfants! Lorsque, par un acte conscient ou inconscient, un jeune enfant cause un dommage quelconque, c'est le père de famille qui doit la réparation. - C'est lui également qui a toutes les charges de sa famille nombreuse. Par conséquent, sa responsabilité va en se développant avec le nombre de ses enfants. Ses charges, il est inutile de le

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