Page images
PDF
EPUB
[graphic][merged small]

La France prise d'amour pour l'Allemagne, la Russie pour l'Angleterre, l'Italie pour l'Autriche les fusils, convertis en instruments de musique, serviront à célébrer la joie universelle. (Pasquino, de Turin, 31 décembre 1893.)

L'ANNÉE EN IMAGES

PROLOGUE DE LA PIÈCE

I

De toutes parts l'image monte et la littérature baisse ; point n'est besoin d'un grand esprit d'observation pour constater le fait. Les sympathies du public vont au graphique, à ce qui se voit, à ce qui se comprend sans difficulté, sans fatigue, et, de plus en plus, le dessin s'affirme comme devant être la langue de la société future. C'est pourquoi, mettant en pratique un projet dès longtemps caressé; encouragé, du reste, par un partisan non moins convaincu du pittoresque, M. Henry May, directeur des Librairies-Imprimeries réunies, je publie aujourd'hui l'Année en Images, qu'un jeune et déjà très habile dessinateur lyonnais, M. Gustave Girrane, veut bien présenter au public sous une forme élégante et d'allure tout à fait parisienne.

Si toutes les marchandes de journaux, mon cher Girrane, étaient comme votre gente et coquette « Mousseuse », elles écouleraient facilement leurs feuilles et ne connaîtraient point les désagréments du « bouillon ».

Sans doute, elle va porter bonheur à l'Année en Images, votre petite poupée au dernier « cri » de 1893. Comment résister à ses manches qui rappellent par leur bouffant les exagérations des manchons Louis XIV; comment ne pas répondre à l'appel de ses yeux et de ses lèvres : « Joli garçon, achetez ma devanture; voyez comme je suis garnie, j'en ai des petits et des grands, des graves et des légers, des documentés et des satiriques, des réactionnaires et des Chambardistes, des français et des étrangers, des ceux que tout le monde connaît et des ceux qu'on peut pas lire, j'en ai en cahiers et en feuilles; mon kiosque en est garni. >>

Mais quelle addition, bone Deus! Pour acheter tout le graphique qui se publie en une semaine, de Paris à Constantinople, le revenu d'un prince suffirait à peine. Pensez donc, 250 journaux ou recueils imagesques.

C'est pourquoi, tenant compte et des désirs et de la bourse de messire Public, nous lui donnons, aujourd'hui, la synthèse de tous ces crayonnages.

Nombre de mes confrères de la grande presse, après avoir fait un accueil chaleureux aux Caricatures sur l'alliance francorusse, ont appelé de tous leurs vœux, de tous leurs souhaits, une revue graphique des événements de l'année. Les uns demandaient des volumes; les autres estimaient, non sans raison, que les illustrés actuels devraient bien aller porter dans tous les coins du pays, à l'aide de reproductions photographiques, ce que les Parisiens peuvent si facilement contempler dans les « salles de dépêches » des grands journaux, Figaro, Gaulois, Journal, Petit Parisien et autres. Le Voltaire, entre tous, se fit remarquer par la netteté de ses desiderata:

<< Ne pensez-vous pas, écrivait-il, qu'il aurait été curieux de voir un journal illustré faire une revue de la presse satirique

et reproduire, réduites, les principales caricatures provoquées par cet événement européen? Le Charivari aurait eu là un champ tout préparé, et l'Illustration, si bien outillée pour tout ce qui touche à l'art, pourrait peut-être tenter l'expérience. Jusqu'ici, l'épreuve n'a été que très imparfaitement essayée par la Revue encyclopédique et par la Revue des revues. « C'est un commencement, mais cela est incomrestreint, relégué au dernier plan. Il me pourtant, qu'il y aurait quelque chose ce côté, une revue par l'image des monde entier; avec les procédés phototypie que nous posséd'enfant comme exécu

[graphic]

plet, semble,

à tenter de événements du

de clichage et de
dons, ce serait un jeu

tion matérielle. La chose, du
c'est en Amérique. Le Frank
Leslie's New Paper de
New-York fait, toutes
les semaines, une revue
des caricatures
monde entier comme

nous faisons une revue des journaux. »

«Après l'éducation

par l'image, écrivait un autre, voilà de la politique par l'image. »> Un

[ocr errors]

reste, existe, mais

Et lui aussi, M. Eiffel, d'un mouvement hardi, prit
sa maisonnette sur le dos et s'en alla au diable.
(Ulk, de Berlin, 27 janvier 1893.)

troisième, la Petite Gironde, je crois, -constatait que notre vie se passe à regarder des illustrations; depuis l'Épinal des premiers ans jusqu'aux rébus illustrés des vieux retraités.

« Une revue par l'image des événements du monde entier »>, disiez-vous? Eh bien! mesdames et messieurs, voici l'Année en images, en attendant mieux, en attendant le Mois en images, que nous aurons l'honneur de vous présenter sous peu.

Que de recueils annuels ne comptait-on pas déjà! Nous

avions l'Année politique, l'Année littéraire, l'Année musicale, l'Année scientifique, l'Année dramatique, l'Année photographique même, sans parler d'une collection innombrable d'annuaires, et seule l'image, véritablement dominante, véritablement au premier plan, n'avait pas un organe qui résumât tous les coups de crayon de l'année. Celle qui trône n'était même pas dans ses meubles. Aujourd'hui, la voilà sur pieds, quelque peu retardée par les difficultés d'une première organisation, d'un premier lancement, incomplète encore, mais indiquant déjà ce qu'elle pourra être par la suite. Les débuts d'une entrée dans le monde.

II

L'Année en images! c'est-à-dire tout ce qui, dans les domaines les plus différents, aux deux extrémités de l'actualité, a pu tenir une place quelconque, intéresser le public, entrer en ligne de compte. Grandes questions sociales, d'intérêt universel, politique générale et politique locale, grands faits et petits incidents, modes, mœurs, théâtre, littérature, actualités diverses, tout cela rentre dans notre cadre, tout cela prend place ici; l'image se trouve être, comme toujours, le véritable kaleidoscope de l'humanité.

En cette année 1893 de « panamique mémoire » les tours Eiffel sont nombreuses; elles se rencontrent sous tous les crayons; jadis, aux honneurs de la grande publicité, on les retrouve amoindries, devenues comme un jouet entre les mains des politiciens. C'est la morale du graphique.

Dans ces images il y a toutes les formes de la célébrité. Les unes font penser; les autres font sourire; ici, c'est la préoccupation dominante d'une époque; là, ce sont les petits incidents

que fait surgir tout à coup et disparaître non moins précipitamment l'actualité d'un jour. Amusantes notations qui, dans l'avenir, ne serviront qu'à rappeler les frivolités d'une période assoiffée de publicité.

Combien clairs, combien menaçants apparaissent ainsi sous la grande envolée des crayons les événements qui préoccupent, qui inquiètent les sociétés

[graphic]

actuelles. Telle gravure sur les grèves, sur le réveil du quatrième État, vaut à elle seule les rapports les plus nourris, les in-octavo les plus épais. Là où la littérature argutie, ergote et dévie, l'image crie et bat le rappel.

Et comme, en peu de traits, elle s'entend à résumer admirablement une situation, à synthétiser un événement dont la forme peut être différente suivant le fait, suivant le pays, mais dont la conclusion restera toujours identique!

FRÈRE HEINZ (la Mort).

Aiguisant sa faux.

Cela veut dire : le peuple n'est pas encore assez mûr; conséquemment le sol doit être engraissé de sang humain.

(Figaro, de Vienne, 29 avril 1893.) * A propos des troubles de Belgique.

Battez-vous pour une idée, savez-vous quel sera le résultat de vos batailles? Si vous pouviez vous illusionner à cet égard, le Figaro de Vienne se chargerait de vous renseigner par le crayon de cet artiste à si grande envergure, Juch. Voyez sa mort, aiguisant sa faulx la pipe à la bouche. Image visant les troubles de Belgique, soit; mais image éternelle d'une actualité toujours persistante. Demain, vous pourrez l'appliquer aux troubles des grandes cités, qu'ils aient pour théâtre Paris ou Berlin, Londres ou Vienne, aux attentats anarchistes, en attendant que quelque confla

« EelmineJätka »