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velle vie un plaisir qui lui fasse oublier l'ancienne, et je l'envoie se coucher si fatigué, qu'il n'a qu'un désir : celui de dormir. Une occu pation constante et variée, rendue aussi attrayante que possible, ne manque jamais de changer et de corriger ce qu'on appelle des enfants incorrigibles

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».

Il y aurait encore bien des questions, sur lesquelles nous aurions aimé à exposer les idées de M. Chadwick, l'influence qu'il a exercée et les indications qu'il a données pour arriver à ce triomphe de l'hygiène, dont il serait aussi chimérique d'espérer la réalisation prochaine que d'espérer le triomphe immédiat des idées économiques, mais dont les efforts d'hommes tels que M. Chadwick nous rapprochent un peu. En terminant la biographie de M. Chadwick, M. Richardson fait la remarque que peu d'hommes ont rendu de si grands services à leur pays, et qu'il n'y en a aucun dont les services aient été si peu reconnus par des récompenses publiques. Heureusement, continue-t-il, aucune récompense, aucune faveur ne peuvent lui apporter autant de satisfaction que le fait de voir les résultats qui ont couronné ses travaux, il a créé une science libératrice (Life-saving) et son nom est enrôle parmi les noms impérissables de ceux qui ont donné la santé aux hommes. >>

Et par ce livre, M. Richardson lui a élevé un monument, comme il est donné à peu d'hommes d'en obtenir après leur mort, et c'est de son vivant que M. Chadwick a obtenu la consécration de ses efforts pour la cause de l'humanité.

SOPHIE RAFFALOVICH.

1 Les directeurs des écoles industrielles sont d'accord sur ce point. Ils préfèrent agir par la douceur, et condamnent les châtiments corporels ordonnés par les magistrats. Mais leurs conseils ne sont guère suivis, et les magistrats continuent à infliger aux enfants des châtiments excessifs. Ainsi tout dernièrement, un petit garçon d'une santé délicate, âgé de sept ans, James Smith Buckbury, de Ilkeston, a été condamné, le 11 juillet 1887, à recevoir quatre coups de verges pour avoir volé une montre. L'enfant a tant souffert, qu'il est tombé sérieusement malade. Le médecin appelé pour le soigner a constaté cinquante blessures sur le pauvre petit-être. Sir W. Forster a porté le fait devant la Chambre des Communes, et a demandé qu'on défendit à l'avenir d'infliger de tels châtiments à des enfants délicats.

Le Home Secretary a commencé par déclarer que les coups n'avaient pas été trop forts; puis enquête faite, M. Matthews a promis qu'à l'avenir un médecin examinerait l'enfant, et déciderait s'il était en état de supporter les coups, et que l'on emploierait des verges moins grosses pour les plus jeunes enfants. C'est encore trop peu; et il faut espérer qu'avec le temps on finira par étendre aux enfants la protection que l'on accorde aux animaux.

4' SÉRIE, T. Xxxix. 15 août 1887.

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REVUE CRITIQUE DES PUBLICATIONS ÉCONOMIQUES

EN LANGUE FRANÇAISE

tuel.

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SOMMAIRE: Revue des Deux-Mondes. La criminalité. Le surmenage intellecCorrespondant. Le salariat. L'avenir de la civilisation. Revue Britannique. Les étrangers en Angleterre. - Revue générale. La vie universitaire en Allemagne. L'Association catholique. L'économie politique et sa

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méthode. L'état et le travail. Réforme sociale. L'enseignement professionnel. La science sociale. La démocratie à rebours. La source du nihilisme. Revue du mouvement social. Plutus et Prolot. politique. Le droit naturel.

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Le Globe. Le mont-de-piété.

Le Rentier. L'Omnium des
Journal d'agriculture

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Revue d'économie Revue socialiste. Le protectionnisme socialiste. La femme devant la démocratie. Journal de la Société de Statistique. Routes et canaux. Les excitants modernes. fonds d'États. pratique. Le mérite agricole. La petite culture. La terre aux paysans. Les surtaxes et l'agiotage. Journal d'hygiène. Le choix des professions. Prophylaxie de la syphylis. Revue des institutions de prévoyance, Sociétés de consommation. Le Lotus. Son programme. Revue générale. Les

soirées du Trocadéro. - Chambre de commerce du Mans. Chambre de commerce de Besançon. Les ports français. - E. Roblin: Canseries sur l'économie politique. G. du Petit-Thouars: L'Etat et l'Eglise. - Ed. Guillard Protection et organisation du travail. Le Hardy de Beaulieu : Travail et capital. - E. Pirmez Discours a propos des droits sur les bestiaux en Belgique. Léon Donnat Le pain cher. Les prix de série. -Georges Demanche : D'Alger à Kairouan. - Belkassem ben Sedira: Une mission en Kabylie. ~ G. Salomon : La limitation des heures de travail. L'enseignement professionnel. C. d'Etrivières Le conservatoire. F. Maurice La réforme agraire et la misère en France.

Personne n'ignore plus que la criminalité a fait des progrès remarquables depuis le commencement de notre siècle, et la délinquance encore plus. Restent à trouver les causes de ces progrès; c'est ce que se propose M. d'Haussonville, dans la Revue des DeuxMondes du 1er avril. Les opinions sont variées sur ce point. La plus à la mode est celle des anthropologistes qui regardent les crimes et délits comme des conséquences fatales de la constitution des individus, ce qui ne les empêche pas de prêcher l'instruction et l'éducation comme remèdes à ce mal. M. d'Haussonville n'admet pas cette

théorie, pas plus que celle qui définit l'homme une intelligence servie par des organes; il croit que l'homme n'est ni un corps ni une âme, mais un homme; qu'il subit dans une certaine mesure les influences du milieu et des circonstances, mais qu'il peut aussi réagir et qu'il réagit en effet.

Même en supposant que l'organisation physique et l'hérédité expliqueraient la criminalité, ces causes n'expliqueraient pas son progrès, car, observe l'auteur, rien ne donne lieu à supposer qu'il naisse un plus grand nombre d'individus présentant le type du criminel aujourd'hui qu'il y a 50 ans, et rien ne porte à croire que l'influence de l'hérédité soit devenue plus puissante.

L'ignorance non plus n'est pas une cause de criminalité. Nous sommes heureux de voir M. d'Haussonville reconnaître ce fait. Peu s'en faut, dit-il, que ce soit tout le contraire. L'instruction supérieure même ne paraît pas avoir sur l'homme d'action bonifiante. «< La proportion des accusés ayant reçu une instruction supérieure n'était que de 2 0/0 au commencement du siècle, tandis qu'elle est de 40/0 aujourd'hui. » Et pourtant la part de la richesse nationale qui revient à ceux qui ont reçu cette instruction, le budget, a singulièrement grossi. Que serait-ce donc s'ils étaient abandonnés à leurs propres ressources?

Le progrès de la civilisation, c'est-à-dire de la richesse, car civilisation et richesse sont synonimes quand on a le culte du veau d'or, le progrès de la richesse semble être une cause plus réelle des progrès de la criminalité. La cupidité fait commettre plus de crimes et surtout de délits que la nécessité. Les départements où l'on compte le moins de crimes contre les propriétés sont généralement les plus pauvres.

M. d'Haussonville conclut de son analyse savante et impartiale, que la diffusion de la richesse constitue un danger pour la moralité publique, et que le seul moyen de combattre ce danger qui soit au pouvoir de la société, c'est l'éducation morale, qu'il ne faut pas confondre avec l'instruction. Reste à voir si cette éducation est possible, en quoi elle consiste, quel moyen il convient d'employer pour la répandre; questions que M. d'Haussonville a la prudence de ne pas traiter.

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Si l'instruction ne développe pas le moral, elle a du moins pour effet certain d'atrophier le physique. De tous côtés il est question du surmenage intellectuel, de ses conséquences, de ses causes et de ses remèdes. La Revue des Deux-Mondes du 15 mai dit son mot sur cette question, par l'organe de M. Jules Rochard.

M. Rochard constate qu'on fait travailler les enfants 12 ou 13

heures par jour, tandis que les hommes de labeur intellectuel reconnaissent qu'il leur est impossible, à eux hommes, de fournir plus de huit heures de travail par jour en moyenne, sans arriver à l'épuisement. Il n'est donc pas étonnant que les enfants s'étiolent quand ils ne meurent pas à la peine et que, tant par transmission héréditaire que par perpétuité de ce système d'épuisement physique, la nation s'affaiblisse et se dépeuple.

M. Rochard estime que, si les écoles produisent 'tant d'hommes de mérite, c'est en dépit de l'éducation qu'ils reçoivent et non par son fait; et qu'on verrait plus d'esprits originaux s'ils n'étaient pas tous pétris dans le moule uniforme d'une éducation mal dirigée. Il faut donc la diriger mieux qu'on ne le fait et, comme M. Rochard ne croit pas l'Université capable de cet effort, il demande une loi. « On a bien fait une loi pour limiter le travail des enfants dans les manufactures, pourquoi n'en ferait-on pas une pour réglementer le travail intellectuel dans les écoles et les lycées? »

On voit que M. Rochard a plus de confiance dans les législateurs que dans les universitaires; malheureusement il ne nous dit point sur quoi il fonde sa confiance, et il n'examine pas, il ne se demande même pas si la liberté ne serait pas plus efficace que la loi.

- Il n'y a plus guère de partisans du salariat. La mode presque universelle aujourd'hui est de regarder les patrons comme des exploiteurs-nés des hommes, des femmes et des enfants et de légiférer contre eux afin de les empêcher de commettre ces crimes de lèse-humanité. C'est en vain que les enquêtes nous apprennent que, sur 100 patrons, il y en a peut-être 10 qui font des bénéfices, 50 qui végètent et 40 qui se ruinent; rien n'y fait, les légistateurs ne sauraient rester oisifs. Leurs lois tutélaires n'étant guère efficaces, si toutefois elles le sont à un degré quelconque, il est naturel et logique que les socialistes de toute secte, partant du même principe hypothétique, demandent la suppression pure et simple du patronat et du salariat.

Le difficile est de trouver une institution artificielle pour mettre à la place de cette institution naturelle. La perplexité dans laquelle on se trouve à cet égard a conduit M. A. Langlois à examiner, dans le Correspondant du 10 avril, si le salariat est aussi mauvais qu'on le dit et si ce qu'on veut mettre à la place est meilleur ou seulement praticable,

M. Langlois soutient, avec raisons et faits à l'appui, que les salariés ont profité au moins autant que les fabricants des améliorations qui ont été réalisées dans notre siècle. Les ouvriers ne sont donc pas plus exploités par les patrons que les patrons par les ouvriers. La loi

d'airain est contredite par beaucoup de faits, notamment par celui que les pays où l'ouvrier reçoit les plus forts salaires ne sont pas ceux où le prix de la vie est le plus élevé. M. Langlois prouve, de concert avec MM. Villey et Chevallier, que le salaire est un prélèvement anticipé d'une partie de la richesse créée par l'ouvrier, et non sa part du capital circulant antérieurement épargné, de sorte que la masse à partager entre les ouvriers dépend de la productivité de leur travail bien plus que du fonds des salaires.

Les mêmes auteurs constatent aussi que, parmi les ouvriers, les moins bien payés jusqu'à présent sont précisément ceux dont le salaire reçoit les plus forts accroissements » ; mais ces messieurs vont trop loin lorsqu'ils érigent ce fait en loi. Cet accroissement des salaires inférieurs provient du courant d'endoctrinage qui encombre les professions supérieures et avilit leurs salaires, pendant que la rareté des bras dans les professions inférieures les fait monter; mais ce cas particulier ne peut être considéré comme une loi, on peut même dire que cela ne durera pas longtemps, car, à la rigueur, on peut bien se passer de professions libérales pour vivre, mais, tant que messer Gaster existera on ne pourra pas se passer des professions serviles.

M. Bouillier examine, dans le Correspondant du 25 mai, mais n'épuise pas, une question très importante si les progrès de notre civilisation, dont nous nous glorifions tant, sont assurés et s'ils continueront. « Je ne crois pas, dit M. Bouillier, que, malgré quelques boutades contre telle ou telle invention, ceux qui passaient pour les adversaires les plus acharnés du progrès aient jamais sérieusement entendu nier notre progrès matériel. »

Le baron de Lévis a pourtant soutenu que l'invention de la charrue avait peut être fait plus de mal que de bien matériel à l'humanité. En facilitant aux hommes les moyens de satisfaire leurs besoins, cette invention aurait excité la turbulence des hommes, elle aurait permis aux gouvernements de s'établir et de vivre sur l'excédent de production et, pour employer leur temps, pour se rendre utiles, ces gouvernements auraient inventé la guerre pour faire pendant à l'agriculture. Ce paradoxe n'est peut-être qu'un paralogisme, mais il n'a point été réfuté, que je sache; il en vaut pourtant la peine.

M. Bouillier, qui admet ce progrès matériel et même le progrès intellectuel, ne trouve pas que l'élément moral progresse parallèlement et, comme « la continuité et la sûreté du progrès social dépendent de l'élément moral », il doute que cette continuité et cette sùreté soient garanties. Il faudrait donc pousser de l'avant l'élément moral, mais là est le difficile.

« EelmineJätka »