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voit pour 1888 qu'il exigera 8.440.000 fr. D'un autre côté, il faudra rembourser une partie des fonds de concours qui ont été fournis par les villes et les chambres de commerce, car ces fonds comprennent à la fois des subsides, c'est-à-dire de véritables dons au Trésor, et des avances qui dans un certain délai doivent être restituées; aussi les remboursements qui en 1886 étaient inférieurs à 1 million, dépasseront 3 millions cette année et le budget de 1888 les prévoit pour près de 6 millions.

Enfin la garantie d'intérêts due aux compagnies de chemins de fer est destinée à s'aggraver, car les compagnies sont autorisées par les conventions de 1883 à porter au compte de premier établissement les insuffisances d'exploitation des nouvelles lignes tant que les réseaux dont elles sont concessionnaires ne sont pas complètement achevés. « Or, beaucoup de lignes nouvelles donnent lieu à des insuffisances d'exploitation considérables. Plusieurs ont été commencées ou construites sans méthode suffisante. Au lieu de construire successivement les lignes qui peuvent se faire suite et amener ainsi un certrain trafic de voyageurs et de marchandises, on n'a souvent construit que des tronçons de lignes ne donnant et ne pouvant donner qu'un trafic insignifiant. De là des insuffisances d'exploitation très importantes, qui vont venir pendant un temps très long majorer plus que de raison le compte de premier établissement et peser sur la garantie d'intérêt. » (Rapp.précité de M. Prevet, p. 9.)

Tel est le tableau des embarras financiers, dans le présent et dans l'avenir, auxquels nos gouvernants ont exposé la France, en s'écartant il y a dix ans des données jusqu'alors suivies en matière de travaux publics. Dans un but politique, plus que dans un but économique, ils ont voulu accomplir trop de choses à la fois, et ils ont compromis nos finances de la façon la plus grave. L'intérêt du pays, comme l'intérêt même des institutions républicaines, leur commandent aujourd'hui de s'arrêter; sinon, nécessité de gros emprunts et d'impôts nouveaux, difficultés budgétaires inextricables, et impopularité. La suspension des travaux ne constituera pas la faillite du programme de 1878. En effet, pour ne parler que des chemins de fer, la longueur de nos lignes d'intérêt général en exploitation s'est, depuis lors jusqu'au 1er janvier 1887, accrue de 8.358 kilomètres en France et de 1.209 en Algérie la moitié des lignes projetées est donc construite, et le reste peut attendre. Il ne saurait être question du reste de ne plus travailler du tout; ainsi il y avait au commencement de la présente année, 3.697 kilomètres de chemin de fer en construction leur achèvement devrait être la tâche de sept ou huit ans. Mais quant aux 7.312 kilomètres qui ne sont pas commencés

et pour la moitié desquels la déclaration d'utilité publique n'est même pas intervenue, il importe que leur exécution soit indéfiniment ajournée. Les lignes qui restent à construire seront, en effet, improductives et très onéreuses pour le Trésor d'après les dernières évaluations, celles qui sont concédées coûteront deux milliards, et celles non concédées coûteraient sans doute autant; la part de l'Etat dans ces dépenses sera d'autant plus élevée qu'en quatre ans, de 1884 à 1887, il a déjà absorbé dans les travaux de chemins de fer, les 45 centièmes des fonds que les compagnies lui doivent en vertu des conventions de 1883, pour remboursement de la garantie d'intérêts ou pour subventions et que, dorénavant, presque toutes les sommes qu'il consacrera à des ouvertures de voies ferrées devront être empruntées.

Le moment est donc venu de changer de méthode et de remplacer la prodigalité par l'économie. L'engagement, du reste, en a été pris envers le pays. Dans la séance du 29 mars 1879, M. de Freycinet s'exprimait en ces termes : « Si une année le malheur public voulait que le budget ne permit pas de faire les mêmes dépenses, le budget serait réduit d'une certaine somme, et les travaux seraient ralentis en proportion ». Eh bien! le malheur public s'est produit, autrement dit les complications financières sont arrivées, et le devoir strict des hommes qui nous gouvernent est, en conséquence, d'apporter de considérables réductions aux crédits pour les travaux publics. Qu'ils songent que la France en est arrivée à ce point d'être obligée d'emprunter pour payer des dettes exigibles. En effet, le chapitre V du budget du ministère des finances a depuis longtemps pour mission de faire face au service des intérêts et de l'amortissement des obligations à court terme. Ce chapitre était doté en 1878 de 214 millions et en 1884, les échéances étant très importantes, il a reçu 251 mil lions. Mais dès l'année suivante il a été réduit de plus de moitié de cette somme. Le budget de 1887 ne lui a accordé que 35 millions, sur lesquels 20 millions sont absorbés par les intérêts des obligations émises. On ne pourra donc cette année rembourser que 15 millions au lieu des 100 qui auraient dù être amortis, et il faudra renouveler les obligations jusqu'à concurrence de 85 millions. En 1888, on ne sera pas davantage en mesure de satisfaire à l'amortissement des 100 millions d'obligations qui viendront à échéance, et la plus grande partie devra encore en être renouvelée. Il n'y a pas de preuve plus évidente de la gêne de nos finances, et dans ces conditions les pouvoirs publics sont tenus d'accomplir leur promesse celle d'arrêter les dépenses quand le besoin en serait reconnu.

CH. GOMEL.

LA PRODUCTION DU BLÉ

DANS LE MONDE

I.

S'il est une question qui mérite l'attention publique, c'est celle de l'alimentation des classes populaires au meilleur marché possible, c'est celle du pain. On a souvent démontré que dans le ménage de l'ouvrier, cette dépense absorbe couramment depuis un sixième jusqu'à un quart du revenu et même plus dans quelques cas, tandis que dans le ménage du riche, elle ne compte guère que pour un centième ou une quantité infinitésimale. Un franc par jour de pain représente une fraction importante de la journée de l'ouvrier, c'est une quantité négligeable pour les revenus des favorisés de la fortune.

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Une hausse dans le prix du pain se fait donc très lourdement sentir dans l'économie populaire et une baisse apparaît comme un bienfait, tant elle facilite les opérations budgétaires de la famille de l'ouvrier. Telle est l'importance de la question des prix du blé qu'elle se présente avec toute la gravité d'une question sociale. Aussi ne faut-il pas s'étonner qu'elle n'ait, pour ainsi dire, jamais cessé d'être à l'ordre du jour et qu'elle soit de celles que l'on discute toujours. Elle se complique, d'ailleurs, en France ainsi que dans divers autres pays voisins de la façon la plus malheureuse par l'intervention des intérêts agricoles de nos producteurs nationaux. Les agriculteurs cherchent naturellement à vendre leur blé le plus cher possible; ils se récrient lorsque la baisse survient. C'est précisément alors que les consommateurs se trouvent dans la situation la plus favorable. De telle sorte qu'il semble y avoir entre le consommateur et le producteur de blé français une opposition d'intérêts si nettement accusée que, suivant le mot de Montaigne, le profit de l'un ne peut être que le mal de l'autre. De plus, le problème est loin d'être jimité à notre pays. Pour l'étudier complètement, c'est l'univers entier qu'il faut embrasser aujourd'hui.

Il y a moins d'un demi-siècle, on n'avait guère à se préoccuper que des disettes, à chercher à les prévoir et à diminuer leurs conséquences nuisibles; mais depuis peu de nouveaux facteurs sont entrés en lutte qui se sont imposés à l'attention publique. Les peuplements de pays nouveaux, auxquels notre siècle a assisté, font vivement sentir leur influence sur le vieux monde. Un nouvel équilibre s'établit péniblement entre les agents producteurs, et la période de transition est douloureuse pour les pays européens qui ne s'étaient pas préoccupés jusqu'ici de la lutte avec ces nouveaux venus qui s'appellent aujourd'hui les Etats-Unis, le Canada, l'Inde, l'Australie, qui s'appelleront demain la Plata, Madagascar.

Le développement des voies ferrées à l'intérieur des continents a été une des principales causes de la rapide augmentation des exportations en céréales de ces pays. Chaque kilomètre de voie ferrée ouverte dans un pays nouveau est une pompe aspirante qui fournira à l'exportation de centaines de quintaux de produits. Le développe ment de la marine marchande, encore plus rapide que celui des voies ferrées, a amené un abaissement considérable des frets et permis d'atteindre, dans d'excellentes conditions pour la vente, les marchés des pays à population dense, où les produits pouvaient être vendus. Bref, un peu d'emballement dans la production, un peu plus dans la circulation ont en moins de trente ans fait plus pour la concurrence universelle que deux siècles de progrès réfléchis n'eussent pu donner dans cette voie à une autre époque.

Au point de vue strictement humanitaire, il n'y a pas à regretter les événements qui s'accomplis sent sous nos yeux, ils ne peuvent avoir que de bons effets pour l'avenir; mais, au point de vue des intérêts en jeu, il n'en va pas de même. Les plaintes des agriculteurs sont devenues fort vives; sous leur influence le régime douanier a été aggravé dans nombre de pays et la situation des consommateurs a été sensiblement modifiée.

La production du blé est limitée aux zones tempérées de notre globe; cependant aujourd'hui on la voit s'étendre dans certaines régions de l'Inde anglaise où il y a peu de temps encore on était loin de penser qu'elle s'implanterait sur une aussi vaste échelle. Voici quelle a été la récolte dans le monde pendant les années 1885 et 1886, d'après les documents recueillis à l'Agricultural department de Washington (Etats-Unis). Les chiffres ont été publiés en boisseaux américains (winchester bushel) de 35 litres 24; mais nous croyons devoir les convertir en hectolitres afin de pouvoir raisonner sur des unités plus familières aux lecteurs français.

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Production totale du blé dans le monde en 1885: 738.679.285

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