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Cependant la nécessité des impôts nouveaux subsiste toujours, à moins qu'on n'arrive à réaliser des économies sérieuses, ce qui est problématique, et l'alcool reprendra tôt ou tard ses droits de préséance à titre de grand pourvoyeur des budgets. C'est en effet là son rôle fiscal, au moins pour les pays qui savent l'imposer rationnellement (France, Hollande, Angleterre, États-Unis). M. Stourm montre que d'autres pays (Belgique, Allemagne, Autriche) n'ont pas su tirer parti de l'alcool. Leur système d'impôt établi sur les éléments primitifs de la production demeure fatalement improductif. Au contraire, la France, l'Angleterre, les Etats-Unis recueillent des produits sans cesse progressifs de 250, 500, 400 millions de francs.

Dans les pays de la première catégorie l'impôt sur l'alcool rend par tête:

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Dans les pays plus habiles qui ont établi un droit à la consommation, le rendement de l'impôt par tête s'élève au taux suivant :

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La France figure donc parmi les pays à forte perception, mais elle y figure dans un rang secondaire. M. Stourm en conclut que, si les nécessités du budget l'exigent, on pourrait sans danger rehausser les tarifs sur l'alcool à la condition d'essayer ce relèvement de tarif par un renfort de précautions fiscales.

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A. R.

P.-S. Le Rapport de M. le sénateur Claude sur l'alcool est rempli d'extraits du livre de M. Stourm; c'est là que les informations positives ont été puisées.

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niale du XVIe siècle dans l'Indo-Chine. - Le protectionnisme esclavagiste å la Réunion. — La suppression de l'ivrognerie en Belgique. — Un échec au communisme. La reconnaissance de la propriété des inventions, modèles et dessins en Suisse. - Les victoires et conquêtes du protectionnisme au Canada et au Brésil. — Le Congrès d'hygiène maritime du Havre. La véritable hygiène maritime et terrestre.

Le surmenage scolaire et l'alcoolisme, voilà deux maladies sinon nouvelles du moins fort en progrès, et qui sévissent l'une presque exclusivement dans les classes supérieures, l'autre principalement dans la classe inférieure, ce qui établit une sorte de compensation d'affaiblissement intellectuel et moral. Le surmenage a été l'objet à l'Académie de médecine d'une discussion savante mais stérile; l'alcoolisme a donné lieu à un Rapport de M. Claude (des Vosges qui aboutit à une solution pire que stérile: nuisible: nous voulons parler du monopole de l'alcool.

C'est qu'il ne suffit pas de dénoncer l'existence et les progrès d'une maladie pour en trouver le remède ; il faut remonter aux causes. Or, les causes du surmenage scolaire ne sont pas du ressort de l'Académie de médecine et il est permis de douter qu'un sénateur protectionniste soit bien capable de découvrir celles de l'alcoolisme.

Le surmenage scolaire provient de l'énorme surcharge des programmes d'études imposés par l'État pour l'obtention des grades et des diplômes qui sont les passeports nécessaires à l'entrée des fonctions publiques, et de la plupart des professions qualifiées de libérales, quoiqu'elles n'aient pas cessé pour la plupart d'être étroitement réglementées: tels sont l'enseignement, le barreau, la médecine. Cette surcharge des programmes a été croissant et il est fort possible, il est probable même qu'elle dépasse aujourd'hui la force de résistance du plus grand nombre des jeunes cerveaux qui y sont soumis. Au lieu de fortifier ces instrument délicats, elle contribue à les affaiblir, à les déséquilibrer et à les fausser; au lieu d'accroître les sommes des capacités, elle augmente le nombre des non-valeurs sociales. C'est un mal sans aucun doute, mais la surcharge qui le cause n'est-elle pas nécessaire sinon pour empêcher, du moins pour ralentir les progrès du mal encore plus funeste de l'encombrement des fonctions publiques et des professions

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libérales; pour nous servir du langage de nos bons amis les socialistes, il y a actuellement une surproduction de candidats fonctionnaires, professeurs, instituteurs, institutrices, etc. Si la douane des diplômes était moins élevée, ce ne serait plus une simple surproduction, mais une véritable inondation. Ce phénomène désastreux n'est pas particulier à notre pays et à notre temps. Il s'est produit, notamment en Chine, à une époque très reculée. Les Chinois de ce tempslà s'étant aperçus que les fonctions publiques présentaient des avantages extraordinaires; qu'elles ne demandaient pas même la moitié des efforts qu'il fallait faire pour se procurer un revenu équivalent dans les métiers et professions, soumis à la concurrence, qu'elles permettaient en outre de vexer et tracasser impunément le commun de Chinois libres, ce qui était un avantage fort prisé en Chine, qu'elles conféraient, au bout de certaines périodes réglementaires, le droit de porter des boutons de plus en plus gros, boutons de jade ou de cristal, lesquels procuraient aux porteurs un prestige particulier et facilitaient les mariages, tout le monde voulut devenir fonctionnaire. Le mandarinat se trouva encombré et débordé. Alors, les sages chinois s'efforcèrent d'opposer une digue à cet entraînement universel. Ils ne trouvèrent rien de mieux que de renforcer les programmes des études nécessaires pour arriver au mandarinat. Comme, en fait de connaissances inutiles, ils ne possédaient point la ressource des langues mortes, ils exigèrent de formidables exercices de mémoire, ils obligèrent le candidat mandarin à apprendre par cœur leurs œuvres complètes, et même, pour accroître encore la difficulté, en commençant par la fin. Cependant, tel était le goût des Chinois pour le mandarinat que ces épreuves rigoureuses ne diminuèrent point d'une manière sensible le nombre des candidats. Seulement, il arriva que les jeunes Chinois, obligés désormais d'employer tout leur temps à exercer leur mémoire et à se nourrir des œuvres de leurs vieux sages, perdirent peu à peu quelques-unes des facultés qui avaient distingué les générations précédentes, le jugement, l'esprit d'invention et de perfectionnement, et que la civilisation chinoise devint stationnaire de progressive qu'elle était. Il arriva encore, chose plus grave! que les candidats qui réussissaient, grâce à un prodigieux tour de force de mémoire, à arriver au mandarinat, trouvèrent juste et raisonnable de se rétribuer de ce terrible effort, aux dépens de leurs administrés, et qu'à mesure que les mandarins devinrent plus savants l'administration devint plus corrompue.

Cet exemple atteste que la surcharge des programmes n'a pas toute l'efficacité qu'on pourrait souhaiter et qu'elle présente des

inconvénients de plusieurs sortes. Il n'en est pas moins vrai, qu'elle oppose dans quelque mesure, une barrière à l'entraînement général vers les fonctions publiques et les professions libérales. C'est cet entrainement funeste qu'il importerait d'enrayer d'abord. On pourrait ensuite abaisser, sans inconvénient, la digue qui modère, si elle ne l'arrête pas, l'essor de jeunes générations vers le mandarinat.

Il faudrait done commencer par étudier les causes qui agissent aujourd'hui pour faire préférer les fonctions publiques et les carrières libérales aux autres métiers ou professions. Parmi ces causes il en est qui tiennent aux mœurs, et qu'il n'est pas facile de corriger. Quoique nous vivions à une époque où la démocratie coule à pleins bords, il y a encore un bon nombre de professions qui sont considérées comme roturières tandis que d'autres sont réputées nobles. Un cordonnier, un tailleur, un épicier, un boulanger, un boucher, un dentiste peuvent bien s'enrichir, mais ils ne réussiront jamais à entrer dans un cercle plus ou moins aristocratique. Voilà pourquoi l'ambition des cordonniers, tailleurs, épiciers en voie de s'enrichir, c'est de faire monter leurs enfants dans une sphère supérieure à celle où ils sont eux-mêmes condamnés à vivre; c'est d'en faire des fonctionnaires ou des avocats, quand ils ne peuvent leur léguer une fortune suffisante pour vivre à ne rien faire, ce qui est l'idéal du «< comme il faut ». De là, la nécessité d'un diplôme qui leur ouvre l'accès de ces carrière privilégiées. Ajoutez à cela, les avantages qui séduisaient les vieux Chinois contemporains de Confucius et de Meng Tseu, la possibilité de se procurer un revenu assuré au prix d'un travail modéré, surtout à une époque où le poids des impôts et le renchérissement de la vie obligent le commun des mortels à travailler davantage, l'agrément de posséder une portion quelconque du pouvoir de réglementer et de vexer, sans parler des boutons de jade ou de cristal, et vous vous expliquerez aisément pourquoi le flot des aspirants au mandarinat va sans cesse grossissant.

Mais, il y a de plus une cause qui contribue au plus haut point à favoriser cette invasion des fonctions supérieures ou réputées libérales et qui paraît avoir été inconnue aux Chinois : c'est l'établissement officiel d'un système ingénieux de primes d'importation de la jeunesse dans les fonctions publiques et les carrières libérales, inventé et pratiqué par les mêmes gouvernements qui s'appliquent à décourager cette importation, en exhaussant la douane des diplômes. Ce systeme consiste d'abord dans l'exemption ou l'allégement du plus dur des impôts, l'impôt du sang, en faveur des jeunes diplômés, ensuite dans la demi-gratuité et fréquemment dans la gratuité en

tière de l'instruction qui sert à acquérir les diplômes. Quoique les familles qui envoient leurs enfants dans les lycées et dans les universités soient pour la plupart fort en état de payer les frais de l'enseignement moyen et supérieur, l'Etat a pris l'habitude, plus out moins économique, de fournir cet enseignement à un prix qui couvre à peine le quart de ce qu'il coûte. Les trois autres quarts sont fournis par l'impôt, augmenté de ses frais de perception, en sorte que l'enseignement de l'état revient en réalité à la nation à un prix qui dépasse singulièrement celui que lui coûterait l'enseignement libre. En revanche, il constitue pour la jeunesse des lycées ou des universités, une prime d'importation égale à la différence entre le prix réel de cet enseignement et le prix fictif et presque dérisoire auquel l'Etat le fournit et auquel sa concurrence oblige les établissements libres à le fournir. Est-il nécessaire d'ajouter que les établissements soutenus par la propagande religieuse peuvent seuls soutenir cette concurrence inégale, en sorte que la liberté d'enseignement n'a produit et n'a pu produire jusqu'à présent que des universités cléricales? Ainsi l'Etat attire d'une main par la quasi gratuité de son instruction moyenne et supérieure la jeunesse dans le mandarinat et les carrières dites libérales, tout en la repoussant de l'autre par la difficulté de ses programmes d'études. En admettant que les programmes fussent simplifiés et que les diplôme devinssent plus faciles à obtenir, l'entraînement déjà excessif vers le mandarinat et les carrières accessoires ne manquerait pas de croître et de provoquer, plus que jamais, l'extension des attributions de l'Etat et la multiplication du nombre des places. Ce qui serait un mal économique et financier, et une cause d'affaiblissement national, pire encore que le surmenage. A notre avis donc, il serait imprudent d'abaisser cette dernière barrière qui retient encore la jeunesse avide des profits et des honneurs mandarinaires. Peutêtre même serait-il sage de l'exhausser, en obligeant par exemple les candidats bacheliers, à apprendre par cœur le manuel du baccalauréat et à le réciter à rebours?

L'alcoolisme cause dans les classes inférieures des maux plus désastreux encore que ceux qui sont engendrés par la surcharge des programmes d'études dans les classes supérieures, et sans la moindre compensation. Mais il est le produit d'un état de choses contre lequel les remèdes protectionnistes proposés par la commission du Sénat, la limitation du nombre des cabarets, voire même le monopole

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