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puisque la Belgique est en train de faire la guerre à l'intempérance, elle devrait bien essayer de réprimer la plus funeste de toutes : l'intempérance de la réglementation.

N'en déplaise aux adversaires de la propriété, le besoin de la reconnaître et de la protéger dans toutes ses applications se fait sentir chaque jour davantage. En Suisse, par exemple, où le communisme le plus pur a régné jusqu'à présent en matière d'invention de modèles et de dessins de fabrique, ce régime a eu pour résultats, d'une part de faire émigrer les inventeurs dans les pays où leur propriété est garantie, d'une autre part, de ralentir le développement de quelques-unes des plus belles industries de la Suisse, celle de la broderie par exemple. Faute de dessins originaux, dont les fabricants se gardent bien de faire les frais, sous le régime du communisme artistisque, cette industrie a dû se borner à copier les dessins français, et elle a perdu toute originalité et toute espèce d'initiative.

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Les Suisses, dit un correspondant du Journal des Débats, la statistique, paraît-il, le prouve tiennent une large place parmi les inventeurs dans les listes de brevets des grands pays industriels. Et pourtant c'est en Suisse qu'on fabrique le moins d'objets d'invention récente, parce que les inventeurs indigènes, n'étant pas protégés dans leur propre pays, transportent leurs inventions à l'étranger, où la protection des lois leur assure la rémunération de leur travail. Cela n'est pas pour stimuler parmi nous l'esprit d'invention, ni en faire profiter nos industriels.

La même observation s'applique aux dessins et modèles destinés à orner les produits nouveaux. L'industrie des broderies de Saint-Gall, d'Appenzell, l'horlogerie à Neufchâtel, à Genève, la céramique et la sculpture sur bois dans l'Oberland bernois et ailleurs, pour ne citer que quelques exemples, ont besoin de protection, si les efforts de notre art industriel contre la concurrence étrangère ne doivent pas demeurer stériles. Nos dessinateurs sont actuellement désarmés contre la « piraterie », qui ravale les prix par des contrefaçons grossières. Aussi a-t-on vu souvent des élèves distingués des écoles d'art industriel, à Genève par exemple, porter à Paris les connaissances acquises et le talent formé dans leur pays.

Les Suisses ont été lents à s'apercevoir du dommage que leur causait cette variété du communisme; mais enfin ils s'en sont aperçus. La question a été soumise au peuple, par la voie du refe

rendum, et une majorité de 203.809 voix contre 57.630 s'est prononcée en faveur de l'extension du principe de la propriété aux inventions et aux modèles et dessins de fabrique. Il est à craindre malheureusement que les politiciens des Chambres suisses n'amoindrissent la portée de ce vote, en réduisant la durée de cette forme de la propriété et en la soumettant à toutes sortes d'inventions réglementaires, qui n'ont pas besoin d'être brevetées pour se multiplier. Mais c'est égal! Les communistes ne doivent pas être contents du peuple suisse.

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On sait que l'Angleterre laisse à celles de ses colonies qui jouissent du self government la plus entière liberté en matière de tarification. Le Canada et la plupart des colonies australiennes ont profité de cette liberté pour établir un régime quasi-prohibitif, dirigé principalement contre l'industrie de la métropole. Le Canada vient d'élever à 100 0/0 environ ses droits de douane sur le fer en saumons, à 150 0/0 sur le fer en barres, à 300 0/0 sur le fer puddlé. Les fabricants de fer de l'Angleterre se plaignent avec amertume de cette mesure prohibitionniste qui leur enlève ou à peu près le marché d'une des plus importantes et des plus florissantes colonies britanniques. Mais leurs plaintes et leurs réclamations seront vaines. Le régime prohibitif est en train de faire le tour du monde, et quoi que nous puissions dire et faire nous autres libre-échangistes, il subsistera aussi longtemps qu'il fournira à des industriels, à des capitalistes et même à des ouvriers disposant de la machine à faire des lois, un moyen expéditif de s'enrichir aux dépens d'autrui. Car c'est bien là le mobile et le but du système, quoiqu'on s'applique à les cacher sous un amas de guirlandes patriotiques, et il n'est pas bien difficile de les découvrir. Il suffit pour cela de faire le compte de ce que rapporte la protection, dans la première période de son établissement, et voici à ce propos un renseignement qui nous a paru caractéristique et décisif. Un fabricant américain d'un petit article de quincaillerie racontait à un de nos amis qu'il avait réussi, en dépensant la modique somme de 40.000 dollars, à faire établir sur cet article un droit prohibitif et à s'attribuer ainsi le monopole du marché. A la vérité, ce monopole ne le défendait point contre la concurrence intérieure, mais en attendant que cette concurrence eût pu s'établir et se développer, il avait réalisé une fortune de 4 à 5 millions de dollars. Si au lieu d'employer judicieusement ses 40.000 dollars à acheter un bill à des législateurs obligeants, il s'était contenté de les investir dans une industrie de concurrence, c'est tout au plus s'il aurait réussi

à en tirer autant de milliers de dollars que la protection lui a rapporté de millions. Il est indubitable que la protection du fer national ne manquera pas d'enrichir un certain nombre d'entrepreneurs et de capitalistes canadiens, jusqu'à ce que l'excès de leurs bénéfices ait attiré une pleine concurrence dans leur industrie. Probablement même, le monopole qu'ils viennent d'acquérir leur rapportera-t-il, proportion gardée, de plus beaux profits que celui dont nous venons de raconter l'histoire édifiante, car les législateurs canadiens sont gens scrupuleux et nous n'avons pas entendu dire qu'ils se fassent payer leurs bills. A la vérité, les capitaux étant rares au Canada, il y a apparence que les nouvelles usines à fer y seront fondées pour une bonne part au moyen de capitaux anglais et, par conséquent, que les bénéfices extraordinaires du monopole ne resteront qu'en partie au Canada. Ce qui y restera, par exemple entièrement, c'est la cherté du fer, et l'augmentation artificielle des frais de production de toutes les industries qui l'emploient : l'industrie des chemins de fer, de la construction des habitations, de la fabrication des machines agricoles et autres, etc., ce qui amènera le renchérissement des prix de transport des voyageurs et des marchandises, du taux des loyers, et l'augmentation des frais de culture. Mais, comme le disait Bastiat, ce sont là des conséquences qu'on ne voit pas; ce qu'on voit et ce qu'on touche, ce sont les bénéfices extraordinaires que la protection met dans les poches des industriels influents sans parler des législateurs obligeants, et voilà pourquoi la protection fera le tour du monde.

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C'est une justice à rendre aux protectionnistes canadiens qu'ils ne manquent pas d'imagination. Ils viennent sinon d'inventer du moins d'appliquer une nouvelle forme de la protection. La législature du Manitoba ayant concédé des lignes de chemins de fer de Winnipeg à la frontière des États-Unis, le Parlement canadien a mis son veto sur cette concession, en vue de protéger la ligne nationale du Pacifique. Les colons du Manitoba ne paraissent pas toutefois avoir apprécié les beautés de cette politique protectionniste et ils ont refusé de se soumettre au veto du Parlement. L'affaire en est là. Ces colons du nord-ouest des métis pour la plupart

la civilisation.

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ne comprennent rien à

A l'exemple du Canada, le Brésil vient à son tour de mettre en vigueur un tarif destiné à protéger l'industrie nationale. Cette indus

trie n'existe guère ou n'existe pas le Brésil a jusqu'à présent acheté à bon marché en Europe et aux États-Unis la presque totalité des articles manufacturés nécessaires à sa consommation, en fournissant en échange du café, du coton, du sucre, des cuirs, etc. A l'avenir, le Brésil produira lui-même les articles manufacturés dont il a besoin, ce qui le dispensera de nous vendre ses produits agricoles. Et voilà comme des législateurs avisés et au courant des inventions modernes corrigent les erreurs de la nature, et enrichissent les peuples en les obligeant à produire eux-mêmes à haut prix ce qu'ils achetaient à bon marché.

Un congrès d'hygiène maritime vient de se réunir au Havre. Il avait principalement pour objet l'amélioration du régime des douanes sanitaires, connues sous le nom de quarantaines. Nous avons pu constater par nous-même que ces douanes sont plus redoutables aux voyageurs qu'aux épidémies. La véritable hygiène maritime consisterait à rendre la propreté obligatoire à bord des navires, qui sont pour la plupart des foyers d'infection. « Dans les paquebots les plus élégants et les plus luxueux, remarquions-nous à notre retour d'un voyage transatlantique 1, où l'or et la soie décorent le salon des premières, les logements des classes inférieures, sans parler de ceux de l'équipage, sont des foyers de mauvais air, et quels détails infects! Je connais un de ces paquebots, et non des moins somptueux, où il n'y avait qu'un water-closet, encore le mot water est-il de trop, pour 300 émigrants empilés dans l'entrepont. On parle beaucoup de l'amélioration des logements insalubres; qu'on se préoccupe donc un peu aussi de l'amélioration des navires insalubres. Ils le sont tous? >> Tel a été aussi, à ce qu'il semble, l'avis du congrès d'hygiène maritime. Mais quels remèdes les médecins officiels, plus ou moins « princes de la science, » qui y assistaient, ont-ils proposés pour remédier à ce mal? Ils ont proposé d'imposer aux compagnies de navigation des médecins payés par elles mais nommés par l'État, autrement dit d'augmenter le nombre des places à l'usage des médecins. Multiplier les places, n'est-ce pas, sur mer aussi bien que sur terre, la meilleure des hygiènes et en tous cas la plus profitable aux hygiénistes?

G. DE M.

1 A PANAMA. Le Retour, p. 265.

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