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lée à statuer sur l'élection; la fraude avérée, l'élection sera annulée et l'élu d'un jour, si la fraude paraît être de son fait, déféré aux tribunaux pour atteinte à la liberté du vote »;

30 Soit dans les élections législatives, soit dans les élections départementales, le candidat ou tout électeur de la circonscription désigné par lui aura, pendant toute la durée du vote et du dépouillement, accès dans les salles du scrutin. Le candidat ne pourra avoir qu'un seul représentant à la fois dans chaque bureau de vote; le candidat, ou son témoin, aura le droit de surveiller et contrôler toutes les opérations électorales; il pourra mentionner, au procès-verbal, en les signant, ses observations ou protestations. De cette manière, « ces témoins, investis d'une mission désormais régulière et légale, aideront au maintien de l'ordre en même temps que, par leur seule présence, ils rassureront les électeurs intimidables et donneront à réfléchir aux meneurs et aux fraudeurs... Ce témoin, que nous appelons dans la salle du vote, avec un mandat précis, c'est celui de l'électeur qui a besoin d'être défendu, soit contre l'influence gouvernementale, soit contre l'influence du capital, soit encore contre celle de certains syndicats. C'est cet électeur que nous voulons protéger contre la pression extérieure ou, si vous préférez, contre sa propre faiblesse... »

Il est une dernière mesure, qui avait de chauds partisans, et que la com mission de la Chambre a repoussée : il s'agit de la cabine d'isolement dans laquelle se retire l'électeur, avant de voter, afin de préparer, à l'abri des regards indiscrets, son bulletin « Votre commission, écrit le rapporteur, a pensé que les avantages de la cabine d'isolement seraient demeurés certainement supérieurs à ses inconvénients si elle ne vous proposait pas à la fois le vote sous enveloppe, la conservation de tous les bulletins jusqu'à la validation et la représentation des candidats dans les bureaux de vote; mais elle croit que les inconvénients pratiques en sont de beaucoup supérieurs à l'avantage qu'on peut encore alléguer en sa faveur, si vous adoptez l'ensemble des prescriptions et des précautions que nous vous soumettons >> (1).

Et M. Joseph Reinach conclut : « Nous n'avons pas la pensée que notre texte sera le dernier mot du législateur... Quand les électeurs se seront accoutumés aux innovations que nous vous demandons de décider, quand elles seront entrées dans les mœurs, alors si l'esprit d'oppression et de fraude a inventé de nouveaux procédés vos successeurs édicteront de nouvelles prescriptions sur la base de celles que nous vous conseillons, et ils seront en meilleure posture que nous pour le faire. Et alors mème, ce ne

(1) Les avantages et les inconvénients de la cabine d'isolement sont discutés pp. 12 et 13 du rapport.

sera encore que l'avant-dernier étage de la maison, car il n'y a jamais de loi définitive et parfaite ».

SECTION III

Libertés publiques.

La Séparation des Eglises et de l'Etat; les réunions publiques. Pour l'étude de la loi du 2 janvier 1907, qui modifie la loi du 9 décembre 1905 relative à la séparation des Eglises et de l'Etat, nous renvoyons à l'article spécial sur cette question (1). Une loi, qui a pour but de faciliter les réunions cultuelles, mais qui s'appliquera aux réunions publiques en général, est en discussion devant les Chambres au moment où ces lignes sont écrites; elle sera votée d'ici peu; il en sera fait l'analyse dans une prochaine chronique.

SECTION IV

Décentralisation.

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I

Les propositions Siegfried et Sénac.

Tout le monde, aujourd'hui, est à peu près d'accord pour réclamer la décentralisation la plus large, car, sans décentralisation, il n'y a pas de liberté et pour reconnaître que la législation de 1871 et celle de 1884 sont insuffisamment libérales. Ce sont des mesures décentralisatrices que contiennent deux propositions de loi qui viennent d'être déposées et, qui ont pour auteurs, l'une M. Jules Siegfried, et la seconde M. Sénac.

La proposition Siegfried est relative « à la décentralisation communale» (2). Après avoir constaté que « la situation actuelle n'est pas tolėrable », et qu'un système qui soumet les affaires, même les plus urgentes, à une instruction qui dure quelquefois plusieurs années, mérite toutes les critiques », l'exposé des motifs ajoute: «< la liberté, voilà ce dont les communes, dont nous nous préoccupons ici tout spécialement, ont

(1). Voir suprà, p. 102 et s., l'étude de M. le professeur MOREL. (2) Chambre des députes, Impr., IX législature, n. 381.

l'impérieux besoin. La commune, on le sait, est par excellence l'associa tion nécessaire; elle a précédé l'Etat, et si jamais l'Etat venait à disparaître, elle lui survivrait. Voulons-nous dire par là que les communes peuvent avoir le droit de s'isoler et d'agir à leur guise, de prendre sans contrôle des décisions inspirées par des passions locales, au mépris des principes et des règles adoptés par la grande association nationale dont elles font partie ? Nullement. Nous admettons parfaitement la tutelle de l'Etat. Mais cette tutelle peut s'exercer de deux façons ou bien en paralysant toute initiative, ou bien en usant d'un droit très légitime de surveillance, et de redressement des erreurs et des abus possibles. Il nous semble qu'il n'y a pas à hésiter et que c'est le second procédé qui doit être choisi. Il s'agit simplement de substituer à la nécessité de l'approbation le droit de suspension et d'annulation des décisions communales. Le droit d'approbation lui-même peut et doit, à notre avis, être réservé, mais à la condition que l'approbation sera présumée à défaut de décision contraire dans un délai déterminé. Ce sera le développement logique d'un principe appliqué déjà par les articles 62 et suivants de la loi du 5 avril 1884. Les délais, même en les supposant prolongés par des successions qui ne pourraient résulter que de décisions expresses, ne causeraient en aucun cas des retards comparables à ces longues instructions dont la durée, le plus souvent inexplicable, n'est limitée par aucune règle ».

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En conséquence, il est proposé dans tous les cas où les décisions des Conseils municipaux sont soumises à la sanction de l'autorité supérieure, elles deviendront, à défaut d'approbation expresse, et sauf les cas d'annulation et de suspension, exécutoires de plein droit après l'expiration d'un délai déterminé (un mois, deux mois ou trois mois selon l'autorité de laquelle doit émaner l'autorisation); cette approbation tacite, résultant de l'expiration du délai légal, produira les mêmes effets que l'approbation expresse; notamment, elle entraînera la déclaration d'utilité publique quand celle-ci aura été demandée par la délibération du conseil municipal; — l'annulation pourra être prononcée par l'autorité investie du droit d'approbation ; quant aux décisions suspensives, elles seront prises par le préfet, soit d'office, soit en exécution des instructions de l'autorité supérieure ; la suspension pourra être motivée par l'insuffisance des justifications produites ou par toute autre cause; elle sera le point de départ d'un nouveau délai et pourra, au besoin, être réitérée.

La proposition Sénac (1) est plus large, puisqu'elle tend a à l'organisa. tion de réformes politiques, administratives, communales, départemen

(1) Chambre des députés, Impr., IXe législature, n. 672.

REVUE DU DROIT PUBLIC. -T. XXIV

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tales et électorales ». Nous laissons de côté tout ce qui n'a pas trait à la décentralisation proprement dite.

En premier lieu, M. Sénac donne la personnalité civile aux arrondissements; le préfet et le sous-préfet, agents nommés par le pouvoir exécutif, sont supprimés et remplacés, pour le département, par le président du Conseil général, pour l'arrondissement, par le « préfet d'arrondissement » ; ce dernier sera un fonctionnaire élu pour six ans par un collège électoral analogue au collège sénatorial; il devra remplir certaines conditions de capacité; il recevra un traitement dont une partie incombera à l'arrondissement qu'il représente, et l'autre à l'Etat dont il sera l'auxiliaire et le collaborateur; il pourra, enfin, être suspendu ou révoqué par décret du Président de la République rendu en Conseil des ministres. Les Conseils de préfecture actuels disparaissent également et leurs attributions sont données à des Conseils de préfecture d'arrondissement, nommés pour six années, renouvelables par tiers, choisis parmi les maires, conseillers d'arrondissement, conseillers généraux, avocats, avoués, notaires, huissiers, notabilités politiques de l'arrondissement et désignés par le gouver

nement.

La proposition s'occupe, en second lieu, de l'organisation municipale. Elle supprime, d'abord, les communes dont la population est inférieure à deux cents habitants : « les budgets y sont de minime importance; les charges communales sont lourdes à supporter par les contribuables, les snbventions à accorder par l'Etat sont d'autant plus onéreuses que les habitants y sont moins nombreux et, c'est la conséquence, que la commune est plus pauvre Ces communes, réunies à d'autres communes, conservent d'ailleurs la propriété et jouissance exclusive des biens leur appartenant, tels que leurs droits sont garantis par l'article 7 de la loi du 5 avril 1884 ». Le fonctionnement des Conseils municipaux est, ensuite, modifié afin d'assurer à ces assemblées, comme il serait nécessaire pour << toutes les assemblées électives, la continuité dans leur existence. Agir ainsi serait, à nos yeux, un acte de grande sagesse qui mettrait les budgets municipaux, comme celui de l'Etat, à l'abri des ressauts violents pouvant provenir, à la suite d'élections tourmentées et fiévreuses, de modifications subites et trop profondes dans les assemblées délibérantes. Nous nous sommes d'abord efforcé de trouver un système permettant de renouveler le Conseil municipal par tiers, tout en accordant à chacun des membres une durée municipale de six années. Nous avons espéré obtenir ce résultat en divisant chaque commune en trois sections égales, dont chacune aurait ses électeurs ne votant que de six ans en six ans, ses richesses territoriales identiques, ses représentants au Conseil municipal revêtus d'un mandat de six années ».

II

Ville de Paris et département de la Seine.

On a souvent demandé l'abrogation du régime d'exception qui régit la ville de Paris et le département de la Seine. M. Ed. Vaillant vient encore de déposer sur le bureau de la Chambre, dans la séance du 21 décembre 1906, une proposition en ce sens (1), d'après laquelle :

1o La loi du 5 avril 1884 sur l'organisation municipale s'applique à la ville de Paris avec les seules modifications suivantes imposées par l'importance de la capitale : au lieu du maire assisté de ses adjoints, un comité de mairie de dix membres, élus par leurs collègues du Conseil municipal, est chargé de l'administration de la commune et de la direction de tous les services municipaux ; - la commune de Paris est divisée en cent sections, la section étant une sous-unité administrative et électorale; conseillers municipaux reçoivent une indemnité annuelle de 9.000 francs et les membres du comité de mairie de 12.000 francs;

- les

2o La loi du 10 août 1871, relative au Conseils généraux, s'applique au département de la Seine. Ce dernier est divisé en 71 sections administratives et électorales. Il est alloué aux conseillers généraux de la Seine une indemnité annuelle de 5.000 francs.

III

La représentation proportionnelle dans les élections municipales.

M. Louis Marin, constatant «< qu'un désir général de décentralisation de réformes administratives, d'autonomie communale demande à être satisfait », est d'avis « qu'avant de donner plus de pouvoirs aux municipalités, il faut auparavant en faire une représentation exacte du corps électoral » ; il propose, en conséquence, l'établissement de la R. P. dans les élections municipales. « Si le suffrage universel, écrit-il au début de l'exposé des motifs de sa proposition (2), appliqué aux élections des diverses assemblées

(1) Proposition signée par M. Ed. Vaillant et 50 de ses collègues (Chambre des députés, Impr., IXe législature, n. 592). Cette proposition, déjà trois fois déposée, a été au cours de la 6o législature l'objet des rapports d'une commission spéciale, par M. Pétrot pour le département de la Seine et M. Alphonse Humbert pour l'organisation municipale de Paris. (2) Chambre des députés, Impr., IX législature, n. 358.

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