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de la pluralité fut repoussé après trois jours de lutte acharnée et le projet fut voté le 1er décembre en troisième lecture par 194 voix contre 63. Alors, la parole fut à la Chambre des Seigneurs, dont un grand nombre de membres mettait au premier plan le principe de la pluralité. On pouvait craindre sérieusement que cette question ne fit échouer la réforme entière; la fin de la période électorale approchait et il ne fallait pas espérer que le rétablissement de l'électorat inégal pût trouver une majorité à la Chambre des députés. On réussit à vaincre la résistance de la Chambre haute; celle-ci abandonna sa demande en faveur de la pluralité, à la condition que la composition de cette Chambre serait modifiée d'une manière telle, ainsi que nous le montrerons plus loin, qu'elle renforce l'élément conservateur parmi les Lords autrichiens. La Chambre des Seigneurs rejeta la motion de sa commission qui proposait d'accorder, en principe, une seconde voix à tout électeur majeur de 35 ans. Le 21 janvier 1907, elle donna son assentiment aux décisions de l'autre Chambre. Cinq jours plus tard, après une lutte de quatorze mois, la grande œuvre de la réforme constitutionnelle fut sanctionnée par le souverain dont l'initiative et l'énergie ont fait aboutir cette transformation fondamentale du droit public de ses pays. Les 30 et 31 janvier, le « Reichsgesetzblatt promulguait l'ensemble des lois composant la réforme.

De ces lois, deux ont pour objet la modification de la loi constitutionnelle sur la représentation de l'Empire; la troisième met en vigueur un Code électoral qui, dans son annexe, énumère les nouvelles circonscriptions électorales. La quatrième loi édicte des pénalités contre les atteintes à la liberté des élections et des réunions. Complète est l'œuvre éternelle; force et gloire à jamais », comme chante Wotan..

(A suivre.)

DR. EGON ZWEIG.

CHRONIQUE DU MOUVEMENT LEGISLATIF

FÉVRIER 1907. -- MAI 1907.

SOMMAIRE. Section I: Organisation des pouvoirs publics; le pouvoir judiciaire (I. Loi du 26 mars 1907 concernant les conseils de prud'hommes; II. Loi du 19 mars 1907 accordant une indemnité de séjour aux jurės; III. Trois propositions relatives à l'organisation judiciaire ; - IV. Le projet de loi sur les cours et les tribunaux ; V. Les élections aux tribunaux de commerce; VI. Le serment des jurés et prési

dents du jury) (1).

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Section II: Questions électorales (I. Inscription sur les listes électorales de plusieurs communes ; — Inéligibilité des fonctionnaires à la Chambre des députés et au Sénat).

Section III Libertés publiques (I. Loi du 28 mars 1907 relative aux réunions publiques; — II. Le droit de manifestation). Section IV: Décentralisation (I. La proposition Beauquier; II. Le budget départemental; les conseils généraux ; — III. La publicité des séances des conseils d'arrondissement).

Section V: Législation sociale (I. Loi du 17 avril 1907 concernant la réglementation du travail à bord des navires de commerce; -II. La proposition Ribot relative à la petite propriété).

SECTION I

Organisation des pouvoirs publics; le pouvoir judiciaire.

I

Loi du 26 mars 1907 concernant les conseils de prud'hommes.

La question de réunir en une loi organique les textes épars régissant les conseils de prud'hommes était depuis longtemps à l'ordre du jour. Il y a vingt-et-un ans, MM. Lockroy et Demôle, alors ministres du com

(1) Nous étudierons dans notre prochaine chronique le projet de loi et le rapport portant suppression des conseils de guerre.

merce et de la justice, déposaient un premier projet en ce sens ; depuis, malgré de nombreuses discussions, les Chambres n'arrivaient pas à se mettre d'accord. En 1905, une loi fut votée, mais elle ne visait que des points spéciaux dont la solution était rendue nécessaire par les circonstances du moment (1); et c'est seulement la loi du 26 mars 1907 (2) qui a codifié la législation antérieure, en lui apportant, d'ailleurs, des modifications considérables qu'il nous faut signaler.

I. Création d'un conseil de pruď hommes. La création d'un conseil de prud'hommes, pour laquelle un décret rendu en la forme des règlements d'administration publique continue à être exigé, devient de droit, et n'est plus, comme avant, facultative, lorsqu'elle est demandée par le conseil municipal de la commune intéressée et que les avis des corps consultés sont favorables (art. 2). Mais, dorénavant, il ne pourra exister dans chaque ville qu'un conseil de prud'hommes; jusqu'ici, Paris, Lyon et Saint-Etienne en possédaient plusieurs qui vont devenir des sections d'un conseil unique (3).

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II. Recrutement. 1o Le temps d'exercice de la profession et de la résidence pour l'électorat est réduit; il est porté, respectivement, de 5 à 3 ans et de 3 ans à un an (art. 5). 20 L'électorat est donné aux femmes qui devront, comme les électeurs mâles, être âgées de 25 ans révolus, exercer depuis trois ans, apprentissage compris, une profession dénommée dans le décret d'institution du conseil, résider depuis un an dans le ressort de ce conseil et n'avoir pas encouru une des condamnations prévues aux articles 15 et 16 du décret du 2 février 1852 (art. 5). — 3o L'éligibilité, qui ne comprenait que les électeurs âgés de 30 ans et sachant lire et écrire, est étendue aux anciens électeurs hommes n'ayant pas quitté la profession depuis plus de cinq ans et l'ayant exercée cinq ans dans le ressort (art. 6). Les femmes restent inéligibles (4).

(1) Loi du 15 juillet 1905.

(2) J. Off., du 28 mars 1907, p. 2457.

(3) L'article 25 est ainsi conçu: « Il ne peut exister dans chaque ville qu'un Conseil de prud'hommes. Le Conseil peut être divisé en sections. Les catégories d'ouvriers et les catégories d'employés sont classées dans des sections distinctes. Chaque section est autonome. Les présidents et vice-présidents des sections se réunissent chaque année pour élire parmi les premiers, dans les formes prévues à l'article 17, le président du Conseil de prud'hommes qui est chargé des rapports avec l'Administration, et, entre les sections, de l'administration intérieure et de la discipline générale ».

(4) Un projet de loi déposé depuis le vote de la loi (Chambre des députés, Impr., IX• législature no 967) rend les femmes éligibles aux conseils de prud'hommes.

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III. Présidence. L'élément patronal et l'élément ouvrier alterneront pour la présidence du conseil. L'article 18 porte : « Lorsque le président est choisi parmi les prud'hommes ouvriers ou employés, le vice-président ne peut l'être que parmi les prud'hommes patrons, et réciproquement. Le président sera alternativement, un ouvrier ou employé, ou un patron. Le sort décidera si c'est un patron ou si c'est un ouvrier ou employé qui présidera le premier. »

IV. Compétence. -1° Une des grandes innovations de la loi nouvelle est l'extension de la prud'hommie à toutes les catégories du commerce, aux industries extractives et aux entreprises de manutention et de transports (art. premier). A ce sujet, M. Arthur Groussier s'exprime ainsi dans son rapport à la Chambre des députés (1): « Un grand nombre d'intéressés nous ont demandé quelles étaient les catégories nouvelles auxquelles dorénavant le bénéfice de la loi pourrait être étendu; elles sont de deux sortes, industrielles ou commerciales. Il n'est pas douteux que la loi s'appliquerait notamment aux travailleurs des industries extractives: mines, minières et carrières ; aux travailleurs des entreprises de transports chemins de fer, tramways, omnibus, voitures, bateaux-omnibus, batellerie; aux travailleurs des entreprises de manutention, sur terre, sur les voix navigables, dans les ports; aux employés de l'industrie, du commerce, de la banque, de la finance; aux représentants et voyageurs de commerce, aux placiers; aux garçons de magasin ou de bureau, aux garçons livreurs et garçons de recette; aux préparateurs et garçons de laboratoires et de pharmacie; au personnel des théâtres et concerts: artistes, choristes, musiciens, machinistes et employés ; en un mot aux travailleurs de toutes les catégories qui se rattachent au commerce et à l'industrie. L'énumération que nous venons de faire n'est pas et ne peut pas être considérée comme limitative. Nous disons, comme l'a fait M. le rapporteur Strauss au Sénat, que l'on doit comprendre les mots : commerce et industrie dans le sens le plus large et non dans un sens restrictif ; il doit en être de même du sens des mots employés, ouvriers et apprentis; il est certain que tout le personnel des établissements industriels ou commerciaux doit être rangé dans l'une quelconque de ces catégories. Le Sénat n'a fait qu'une seule réserve importante, relative aux marins du commerce, non pas à raison de leur contrat mais parce qu'il lui a paru difficile d'organiser le mode d'élection de cette catégorie et de préciser la compétence territoriale des conseils à leur égard. M. Strauss indiquait dans son rapport, qu'en ce qui les concerne un

(1) Chambre des députés, Impr., IX législature, n. 817.

projet de loi spécial serait nécessaire. La compétence des conseils de prud'hommes s'arrête lorsqu'il s'agit d'un contrat de vente ou d'un contrat de mandat, mais il est bien entendu que l'expression contrat de louage d'ouvrage doit être entendu également dans son sens le plus large; que notamment les représentants et voyageurs de commerce, même attachés à plusieurs maisons ou payés à la commission, sont liés par un véritable contrat de travail et par conséquent comme nous venons de l'indiquer, sont justiciables des Conseils de prud'hommes. En ce qui concerne les employés du commerce, il est intéressant de savoir quelle sera la juridiction compétente lorsqu'il n'y aura pas de Conseil de prud'hommes. En première délibération le Sénat avait voté l'abrogation du 1° de l'article 634 du Code de commerce, mais cette abrogation n'a pas été maintenue dans le vote définitif; il en résulte que c'est la juridiction actuelle qui reste compétente. C'est là une lacune regrettable, dont le législateur devra se préoccuper. L'employé doit être de plus en plus rapproché de l'ouvrier en tout ce qui touche à la protection du travail, et par conséquent au mode de juridiction auquel il doit être soumis ».

2o Jusqu'à ce jour, c'est la profession du patron qui déterminait la compétence du conseil, lorsqu'il y a plusieurs sections. Un ouvrier mécanicien, par exemple, attaché à un établissement de produits chimiques, était justiciable, à Paris, du conseil des produits chimiques, et non de celui des métaux. Désormais, d'après le dernier paragraphe de l'article 41, ce sera le genre de travail, et non plus la nature de l'établissement, qui déterminera la compétence, de sorte que les différents seront jugés suivant les usages de la profession du travailleur et non *plus suivant ceux de la profession générale du patron.

V. Procédure de la conciliation. Avant la loi, la tentative de conciliation avait lieu, généralement, en particulier; les parties seules avec les membres du bureau, assistés du secrétaire, avaient accès dans le local où la conciliation était tentée. Néanmoins, à Paris et dans quelques autres villes, tous les justiciables appelés le même jour se trouvaient réunis dans la salle où se tenait le bureau de conciliation, ce qui donnait à son audience un caractère de publicité relative. L'article 22 spécifie en termes formels que les audiences du bureau de conciliation ne sont pas publiques.

VI. Dispositions diverses: 1o L'assistance judiciaire pourra désor mais être accordée devant les conseils de prud'hommes dans les mêmes formes et conditions que devant les justices de paix ; la partie assistée judiciairement pourra obtenir du bâtonnier de l'ordre la commission d'un avocat pour présenter ses moyens de défense devant le bureau de

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