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d'ateliers féminins à la compétence desquelles les chefs d'établissements laissent le soin de juger le travail, d'appliquer les tarifs, de relever les malfaçons, d'apprécier la valeur technique des ouvrières, et parfois même d'étudier les modifications à apporter, soit au mode de travail, soit à la nature des objets fabriqués. Dans toutes les affaires soumises aux conseils de prud'hommes portant sur des détails de métiers féminins, le secours des connaissances techniques d'une femme sera particulièrement précieux. Le nombre des affaires de ce genre, qui a toujoursété considérable en raison du nombreux personnel occupé par les établissements où s'exercent des industries ou des métiers féminins, ne pourra, d'autre part, manquer d'aller sans cesse en croissant, du fait que les femmes, bénéficiant désormais de l'électorat, feront plus volontiers appel à un tribunal à l'élection duquel elles auront contribué par leurs suffrages. Les questions techniques portant sur des détails de métiers féminins réclameront de plus en plus, de la part des juges, une compétence spéciale que, seules, pourront posséder des femmes que leur àge, leur expérience et leur long exercice de leur profession auront désignées aux suffrages de leurs collègues ».

Notons, à l'appui du projet que la Chambre vient de voter, qu'il existe déjà à l'étranger des tribunaux où les femmes sont admises à l'éligibilité. La loi italienne du 15 juin 1893, notamment, instituant des Conseils de probiviri, après avoir, par son article 15, prévu l'inscription des femmes sur les listes électorales, a, dans son article 18, déclaré éligibles « tous les électeurs inscrits » remplissant certaines conditions d'âge, d'instruction, de durée de résidence et d'exercice de la profession.

mes.

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II. Les demandes reconventionnelles devant les conseils de prud'homM. Arthur Groussier et un certain nombre de ses collègues ont déposé, le 10 juin 1907, sur le bureau de la Chambre des députés, une proposition de loi relative à l'appel des demandes reconventionnelles dont connaissent les conseils de prud'hommes (1). Cette proposition est ainsi motivée : « Les conseils de prud'hommes ont pour principal objet de concilier et de juger les différents relatifs au contrat de travail. Composés en égales parties d'employeurs et de travailleurs nommés par leurs pairs, ces conseils présentent toutes les garanties d'impartialité et de compétence professionnelle. Or, depuis plusieurs années, un grand nombre de justiciables usent et abusent d'artifices de procédure pour se soustraire à cette juridiction. A la demande principale, ils opposent une demande reconventionnelle dont le montant dépasse les limites de la

(1) Chambre des députés, Impr., IX législature, no 1039 (2° séance du 10 juin 1907).

compétence du conseil en dernier ressort; ils font défaut, puis appel; le différend se trouve ainsi jugé par le Tribunal d'appel au lieu de l'être par le Tribunal compétent, en l'espèce le conseil de prud'hommes. L'abus était particulièrement criant lorsque la jurtdiction d'appel était le Tribunal de commerce composé exclusivement d'employeurs. Depuis la loi du 15 juillet 1905 l'appel est porté devant le tribunal civil, mais l'abus n'a pas diminué. Le 26 février 1907, à la tribune du Sénat, M. Lecherbonnier, directeur des affaires civiles et du sceau, commissaire du gouvernement, reconnaissait que sur 703 demandes reconventionnelles portées devant le tribunal de la Seine, 3 seulement avaient été reconnues fondées. Or, il n'est pas admissible que par des procédés vexatoires et dilatoires on puisse faire échec à la législation prud'hommale. La compétence juridique du tribunal civil ne supplée pas à la compétence professionnelle du conseil de prud'hommes, et si le législateur a institué une juridiction prud'hommale, c'est parce qu'il en a reconnu la nécessité. Nous ne voulons pas supprimer le droit d'appel, mais nous ne voulons pas non plus que par l'abus de ce droit on puisse se soustraire à la juridiction professionnelle. Notre proposition a simplement pour but d'obliger ceux qui opposent une demande reconventionnelle, à la défendre contradictoirement devant le conseil de prud'hommes. Nous pensons qu'ainsi, les parties parfois mal conseillées, pourront être souvent conciliées par le conseil. Dans la négative, le tribunal d'appel se trouvera en présence d'un jugement motivé, ce qui lui permettra au point de vue professionnel d'être mieux éclairé qu'actuellement sur les différends relatifs au contrat de travail qui lui sont soumis ».

M. Groussier propose alors que le premier paragraphe de l'article 34 de la loi du 27 mars 1907 soit complété comme il suit : « Toutefois, lorsque les seules demandes reconventionnelles ou en compensation sont supérieures à trois cents francs, l'appel n'est pas recevable si la cause a été jugée par défaut ».

SECTION II

Questions électorales

I

Secret du vote.

La Chambre des députés a discuté, dans ses séances des 21, 23, 27 et 30 mai et 3 juin derniers, les conclusions du rapport Reinach sur le

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pour

secret et la liberté du vote que nous avons examinées dans notre avantdernière chronique (1). Le résultat de la discussion peut se résumer ainsi : Trois mesures étaient proposées : vote sous enveloppe ; - conservation, jusqu'après la vérification des pouvoirs, des bulletins de vote qui seraient soumis à l'assemblée (Chambre, Sénat en Conseil d'Etat) appelée à statuer sur l'élection ; - droit chacun des candidats de se faire représenter dans chaque bureau de vote par un délégué qui aurait, pendant toute la durée du scrutin, accès dans la salle et qui contrôlerait toutes les opérations électorales. Les deux premières de ces mesures ont été votées; la dernière a été repoussée. De plus, la Chambre a rétabli « le principe de l'isoloir » dont le Sénat s'était montré partisan, mais auquel la commission du suffrage universel avait renoncé. Enfin au projet a été jointe une disposition qui interdit à un électeur d'être inscrit sur les listes électorales de plus d'une commune ou section de commune (2).

II

Inéligibilité des fonctionnaires à la Chambre des députés et au Sénat.

Dans la 2o séance du 13 juin 1907, la Chambre des députés a adopté, après déclaration de l'urgence et sans discussion, les deux propositions de M. Louis Martin relatives à l'inéligibilité des fonctionnaires à la Chambre des députés et au Sénat, propositions dont nous avons déjà parlé (3) ; transmis au Sénat, le texte voté au Palais-Bourbon a été modifié par la commission sénatoriale et, en séance publique, la demande d'urgence faite en sa faveur a été repoussée le 2 juillet; la discussion reprendra à la rentrée.

Indiquons comment se pose la question.

Deux textes règlent actuellement la matière, en ce qui concerne les élections sénatoriales et législatives: la loi organique du 2 août 1875 et la loi organique du 30 novembre de la même année; ces deux lois énu. mèrent les fonctionnaires frappés momentanément d'inéligibilité locale

(1) Voir cette Revue, 1907, p. 125 et s.

(2) Cette disposition est due à un amendement de M. Delpierre, auteur d'une proposition analogue que nous avons précédemment analysée (voir cette Revue, 1907, p. 354). Nous ne pouvons pas aujourd'hui nous étendre davantage sur cette discussion concernant le secret du vote; nous y reviendrons plus tard ; les débats ont été très approfondis et intéressants. (3) Voir cette Revue, 1907, p. 355. Présentées séparément, les deux propositions de M. Louis Martin on été fondues en une seule.

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et fixent à six mois le délai qui doit s'écouler entre la cessation de leurs fonctions et leur rentrée dans la plénitude de leurs droits politiques. Saisie de la proposition de M. Louis Martin, la commission du suffrage universel de la Chambre des députés a pensé que ce délai de six mois. n'était pas suffisant. Il n'est rien de plus important dans une démocratie, écrit son rapporteur, que les lois qui assurent le libre exercice de la souveraineté nationale. Aussi le législateur s'est-il de tout temps attaché à protéger l'indépendance de l'électeur contre l'action trop directe des pouvoirs constitués. Il lui a paru notamment que certaines fonctions rendaient les titulaires de ces fonctions inhabiles à solliciter une candidature dans sa région où ils exerçaient leur emploi, non seulement pendant la durée, mais encore pendant une certaine période ensuite, généralement fixée à six mois. L'expérience a prouvé que ce délai est vraiment trop court ». De plus, outre la prolongation du délai d'inéligibilité, porté de six mois à deux ans, la commission de la Chambre des députés a décidé une seconde mesure: elle a appliqué les mêmes cas d'inéligibilité et la même durée aux élections cantonales et communales; et la Chambre, dans la séance mentionnée plus haut du 13 juin, a ratifié la proposition de sa commission.

Au Sénat, une commission spéciale a été nommée, et elle a admis l'augmentation du délai ainsi que l'application aux élections cantonales et communales des prescriptions nouvelles; mais elle ne s'est pas arrêtée elle est allée encore plus loin. Comme l'indique son rapporteur, M. Lozé(1), elle s'est demandée « pourquoi, à l'heure actuelle, la loi ne vise que certains fonctionnaires (2) et non pas tous les fonctionnaires, pourquoi le législateur limite la suspension de l'éligibilité à un certain nombre d'agents munis d'une délégation, d'une partie de l'autorité

(1) Sénat. Doc. parl., année 1907, no 200.

(2) La loi organique sur les élections des sénateurs mentionne douze catégories de fonctionnaires inéligibles; si l'article 12 de la loi organique sur les élections des députés n'en indique que dix, c'est qu'elle consacre dans l'article 7 une disposition spéciale aux militaires ou marins, faisant partie des armées de terre ou de mer, qui sont compris dans la nomenclature contenue dans la loi sur les élections sénatoriales. La Chambre, dans le texte qu'elle a voté, a ajouté à la liste des inéligibles de la loi du 2 août 1875, les juges titulaires, les juges suppléants rétribués et les conseillers de préfecture; elle a complété l'article 12 de la loi du 30 novembre 1875 en y inscrivant les juges suppléants rétribués, les juges de paix titulaires, les sous-préfets, les conseillers de préfecture. Elle a supprimé d'autre part, en raison de la loi sur la séparation des Eglises et de l'Etat, l'inéligibilité qui fappait les dignitaires ecclésiastiques considérés comme fonctionnaires.

publique et de fonctions administratives ou judiciaires, en négligeant ou omettant d'autres fonctionnaires également susceptibles de se servir de leurs fonctions pour se faire une clientèle électorale et pour créer ainsi une inégalité entre eux et les autres candidats aux mandats électifs. Le principe qui doit dominer la question, c'est d'assurer la libre expression du suffrage universel, en dehors de toutes manœuvres préalables, de toute contrainte, de toute pression, c'est d'écarter de lui tout ce qui peut le fausser par l'effet de l'influence due au prestige, à l'autorité que donnent les pouvoirs conférés par l'Etat, les départements et les communes. Il est hors de doute que ceux qui détiennent ces fonctions dans les départements, aussi bien que dans les grandes villes, peuvent exercer une action spéciale et parfois dominante sur le corps électoral et qu'elles apportent à leurs titulaires un avantage marqué pour préparer une candidature aux élections sénatoriales, législatives, cantonales ou communales. La préoccupation d'éliminer ces influences est ancienne, Les lois organiques de 1875 ont puisé l'énumération des fonctionnaires, dont l'éligibilité devait être suspendue, dans le décret organique du 20 février 1852, dans la loi électorale du 8 février 1849, voire même dans la loi de 1831 qui visait surtout les préfets et prolongeait leur inéligibilité pendant un délai de six mois. Elles n'ont rien innové. La loi du 10 août 1871 sur les conseils généraux a, elle aussi, prévu des cas d'inéligibilité; la loi du 5 avril 1884 sur l'organisation municipale a fait de même; elle frappe d'inéligibilité, dans le ressort où ils exercent leurs fonctions, notamment les juges de paix titulaires, les commissaires et agents de police, les instituteurs publics, les agents salariés de la commune, les comptables des deniers communaux, mais l'inéligibilité décrétée par ces deux lois ne dure que pendant l'exercice des fonctions, elle cesse du jour de leur cessation.

« Votre Commission, Messieurs, a examiné et pesé ces diverses énumérations d'inéligibles. Elle en a trouvé les listes forcément incomplètes. Pour les établir dans un esprit absolu d'égalité et de justice, il faudrait singulièrement les allonger, et encore ne serait-on pas sûr de rien omettre. Si l'on veut tenir compte de la diversité et de la variabilité des qualifications des fonctionnaires, si surtout on songe au nombre de fonctionnaires dont nous enrichissent chaque jour des lois nouvelles, on en est réduit à avouer que toute œuvre sérieuse d'énumération sera vaine. Fatalement il se trouvera toujours certains détenteurs d'une part de l'autorité publique qu'on n'aura pas prévus, qui seront omis dans la nomenclature et qui se verront ainsi privilégiés à côté de leurs collègues inéligibles et plus encore avantagés au détriment des candidats, dont ils deviendront les adversaires dans les compétitions électorales.

« EelmineJätka »