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dans une des salles du palais de justice. L'enveloppe cachetée est ouverte en présence des candidats, qui doivent traiter le sujet de chaque composition en quatre heures sans pouvoir consulter aucun document ni d'autres livres qu'un code d'édition usuelle. Toutefois pour les questions de pratique judiciaire l'usage du code est interdit à moins qu'il n'en ait été décidé autrement par le jury. Les compositions sont écrites sur un papier délivré aux candidats et en tête duquel ils inscrivent leurs noms et prénoms. Elles ne sont pas signées.

Lors du dépôt de la composition sur le bureau, le magistrat chargé de la surveillance inscrit en tête le nom de la cour d'appel et un numéro d'ordre; ces indications sont répétées sur le manuscrit. Les têtes des compositions qui portent les noms et prénoms des candidats sont détachées immédiatement et réunies dans une enveloppe cachetée qui est transmise au ministre de la justice et n'est ouverte par le jury qu'après le classement des épreuves. Les compositions sont également envoyées sous pli séparé au ministre de la justice.

Art. 10. Le jury dresse par ordre alphabétique la liste des candidats admis à subir les épreuves orales. Cette liste est publiée au Journal officiel.

Art. 11. Les épreuves orales se composent :

1° De conclusions, ou d'un réquisitoire, ou d'un exposé sur des questions de droit civil ou criminel désignées par le jury;

2o D'interrogations sur des questions d'administration judiciaire dont le programme est fixé par arrêté du ministre de la justice et doit être publié six mois au moins avant la date fixée pour l'ouverture du concours. Il est accordé vingtquatre heures aux candidats pour préparer la première épreuve orale.

La durée de chaque épreuve ne doit pas excéder une demi-heure.

Les épreuves orales ont lieu en séance publique, et l'ordre à suivre entre les candidats est indiqué par un tirage au sort.

Art. 12. Le jury, au moment où il dresse le tableau des candidats qui ont subi avec succès les épreuves écrites et orales, doit comprendre trois membres au moins ayant pris part à toutes les opérations du concours. Ce tableau est établi par ordre de mérite; il est signé par le président et les membres du jury et transmis au ministère de justice.

Il est publié au Journal officiel. Le jury n'est pas tenu de porter au tableau un nombre de candidats égal à celui des places mises au concours s'il estime que le résultat des épreuves ne permet d'en inscrire qu'un nombre inférieur.

Art. 13. Celui des candidats portés au tableau ci-dessus mentionné qui aura obtenu le premier rang sera nommé lors d'une des premières vacances juge ou substitut de 3o classe. Les autres ne peuvent être nommés que juges suppléants ou attachés à la chancellerie par application de l'article 15 du décret du 30 décembre 1884. Le nombre des attachés à la chancellerie sera ramené à seize.

Ceux des candidats qui n'ont pas été nommés au cours de l'année sont inscrits en tête du tableau qui est dressé pour l'année suivante.

Indépendamment du droit que lui confère l'article 23, et en cas d'insuffisance du nombre des candidats admis après concours, le ministre de la justice peut nommer juge suppléant toute personne remplissant les conditions exigées par la loi du 20 avril 1810. Dans des circonstances exceptionnelles et après avis de la commission de classement ci-après créée, le ministre de la justice peut rayer du tableau un candidat admis par le jury.

Art. 14. Peuvent être nommés directement aux fonctions judiciaires s'ils satisfont aux prescriptions de la loi du 20 avril 1810:

1o Les membres du Conseil d'Etat ; 2o les professeurs et agrégés des facultés de

droit de l'Etat ; 3° les magistrats des cours et tribunaux des colonies et des tribunaux d'Egypte, après cinq années de leurs fonctions s'ils n'étaient déjà pas magistrats en France avant leur nomination aux colonies ou en Egypte ;

Les membres du conseil de préfecture de la Seine après trois ans d'exercice de leurs fonctions; les conseillers de préfecture des autres départements après dix ans d'exercice de leurs fonctions; les fonctionnaires de l'administration centrale du ministère de la justice à partir du grade de rédacteur, après quatre années d'exercice de leurs fonctions lorsqu'ils ne sont pas anciens magistrats des cours et des tribunaux;

Les avocats ayant dix années d'exercice effectif de leur profession, justifiées par une attestation des chefs de la cour ou du tribunal; les avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation; le greffier en chef de la Cour de cassation, les greffiers des cours d'appel et des tribunaux comptant dix ans d'exercice de leur profession;

Les anciens magistrats des cours et des tribunaux; les avoués et les juges de paix qui satisfont, les premiers au prescriptions de l'article 27 de la loi du 22 ventôse an XII, les seconds à celles de l'article 22 de la loi du 19 juillet 1905; Le secrétaire en chef du parquet du procureur général près la Cour de cassation; le secrétaire de la première présidence de la cour d'appel de Paris, le secrétaire du parquet du procureur général près la même cour, le secrétaire du parquet du procureur de la République près le tribunal de la Seine après dix ans d'exercice de leurs fonctions lorsqu'ils ne sont pas d'anciens magistrats des cours et tribunaux.

TITRE II

Du tableau d'avancement

Art. 15. Aucun magistrat des cours et tribunaux ne peut être promu, soit à une classe plus élevée, soit à un poste comportant une augmentation de traitement, sans avoir été préalablement inscrit au tableau d'avancement établi dans les conditions ci-après déterminées.

Nul ne peut être inscrit à ce tableau qu'après deux ans de services effectifs dans la classe ou le poste qu'il occupe. Toutefois, si tous les magistrats d'une même classe comptant deux ans de service effectifs dans cette classe ont été promus, aucune condition de temps de service ne sera imposée aux autres magistrats de ladite classe pour leur inscription au tableau d'avancement.

Art. 16. Chaque année les premiers présidents des cours d'appel et les procureurs généraux près les mêmes cours adressent au ministre de la justice les propositions d'avancement en faveur des magistrats de leur ressort, après avoir pris l'avis des présidents des tribunaux de première instance et des procureurs près les mêmes tribunaux. Ces avis sont joints aux propositions.

Le nombre des propositions faites ne peut être supérieur à la moitié ni inférieur au quart des postes de chaque classe et de chaque catégorie de fonctions existant dans les ressorts.

Art. 17. Tous les ans, dans la première quinzaine de novembre et sur ces présentations et avis, le tableau d'avancement est dressé, pour chaque catégorie de fonctions judiciaires et pour chaque classe, par une commission composée : 1° Du premier président de la Cour de cassation, président ;

2o Du procureur général près la même cour;

30 De quatre membres de la Cour de cassation désignés par décret sur la proposition du ministre de la justice;

4 Des directeurs du ministère de la justice.

Les membres de la Cour de cassation sont renouvelables par moitié chaque année et ne peuvent être nommés à nouveau qu'après un intervalle de deux ans. Le renouvellement par moitié est déterminé par le sort à la première séance de la commission.

Le secrétaire de la commission est désigné par le ministre de la justice.

Art. 18. La liste des magistrats inscrits au tableau d'avancement comprend un nombre de noms égal au quart des places de chaque classe et de chaque catégorie. La liste est notifiée par les soins du ministre de la justice aux premiers présidents et aux procureurs généraux et tenue à la disposition des magistrats du parquet de chaque cour d'appel.

Tout magistrat qui n'est pas porté au tableau d'avancement peut présenter sa réclamation au ministre de la justice, qui la transmet, s'il y a lieu, à la commission de classement.

Art. 19, Tout magistrat inscrit au tableau d'avancement pour un ordre de fonctions déterminé peut être nommé à ces fonctions, quel que soit son rang d'inscription.

Ceux des magistrats inscrits au tableau qui n'ont pas été nommés sont portés en tête du tableau dressé pour l'année suivante, à l'exception toutefois de ceux que la commission de classement, à la suite de nouveaux renseignements, ne croit pas devoir y maintenir.

Art. 20. Nul, à moins qu'il ne se trouve dans l'un des cas prévus à l'article 14, ne peut être nommé juge suppléant au tribunal de la Seine s'il n'a déjà exercé pendant deux ans les fonctions de juge ou de substitut du procureur de la République et s'il n'est inscrit au tableau d'avancement. Les juges suppléants au tribunal de la Seine, qui occupent leurs fonctions depuis quatre ans au moins, peuvent être inscrits sur le tableau d'avancement en concours avec les juges et les substituts de première classe; ceux qui ont moins de quatre ans concourent pour l'avancement avec les juges et les substituts de seconde classe. — Les attachés de la chancellerie nommés en conformité de l'article 13 du présent décret seront assimilés aux juges suppléants des tribunaux de première instance autres que celui de la Seine et seront inserits au tableau d'avancement concurremment avec ces derniers.

Art. 21. La nomination aux fonctions de juge d'instruction et aux postes de juge suppléant rétribué est faite sans inscription au tableau d'avancement et reste en dehors des dispositions de l'article 15.

Art. 22. Les dispositions relatives au tableau d'avancement ne s'appliquent pas aux nominations des membres de la Cour de cassation, des premiers présidents des cours d'appel, du président du tribunal de première instance de la Seine, du procureur de la République près le même tribunal.

Art. 23. Peuvent être nommés, sans inscription au tableau d'avancement, aux fonctions judiciaires de tout ordre, les personnes désignées à l'article 14.

Néanmoins les nominations ainsi faites ne peuvent dépasser le quart du nom. bre total des vacances ouvertes dans l'année.

Art. 24. Le présent règlement n'entrera en application qu'à partir du 15 novembre 1906 en ce qui concerne le tableau d'avancement qui devra être établi dans la seconde quinzaine du mois d'octobre de ladite année.

Jusqu'au 1er juillet 1907, pour les postes de juge suppléant, et jusqu'au

15 novembre 1906 seulement pour tous les autres postes, le ministre de la justice pourra procéder directement à toutes les nominations, conformément aux dispositions des lois actuellement en vigueur.

Les attachés au ministère de la justice en fonctions au moment de la publication du présent décret seront assimilés aux juges suppléants des tribunaux de première instance et inscrits au tableau d'avancement en concours avec eux. Fait à Rambouillet, le 18 août 1906.

A l'envisager dans son ensemble (ce qui est le seul procédé admissible, vu l'incident qui était tout à l'heure rapporté et demeure bien propre à justifier l'observation inaugurale de cette Chronique), on lui découvrait aisément le mérite de relever et fortifier assez le recrutement et l'indépendance de la magistrature, pour laisser quelque chance de renaître à la confiance très ébranlée des masses dans les institutions judiciaires trop soumises aux influences parlementaires et exécutives (1); car l'on y trouvait, comme restaurations ou innovations, le système du concours substitué au recrutement par le bon plaisir d'une chancellerie circonvenue par toutes sortes de recommandations, et le moyen d'un tableau, surveillé par un fort élément judiciaire, pour l'avancement maintes et maintes fois explicable jusqu'ici par le jeu d'influences dédaigneuses de tout souci du bon et loyal service de la justice.

A. - La préférence donnée au concours sur tel autre régime, de présentations notamment, avait pour elle, et la tradition nationale, et de fortes raisons. A vrai dire, les opinions divergentes n'ont point manqué de se manifester; à ne parler d'ailleurs que des mieux défendues, avec le plus de hauteur de vues et de talent d'exposition, on ne saurait oublier, en effet, les plaidoyers de Prévost-Paradol (2) pour l'élection par les compagnies où les vides se produisent, ou ceux du duc de Broglie (3) pour la présentation de candidats par les justiciables mêmes au choix du gouvernement. Ce sont systèmes, à mon avis, quelque peu hasardeux; et aussi bien tout concourt, semble-t-il, à prouver que si tel pays, comme la Belgique, se peut

(1) Cpr. ce que disait déjà, en mai 1870, le DUC DE BROGLIE, dans ses Vues sur le gouvernement de la France, 2o éd., in-16, 1872, p. 149-151: «Il est hors d'exemple qu'un ministre de la justice ait été poursuivi pour avoir fait un mauvais choix ; il n'est guère concevable qu'il puisse l'être............. Depuis trente ans, il y a eu à coup sûr des choix de juges manifestement repréhensibles, des choix de parti, des choix tout à fait politiques, des choix même très révoltants et très odieux... Il faudrait (par un système de candidature bien ménagé), en venir à placer le ministre de la justice dix-neuf fois sur vingt face à face avec l'objet légitime de son choix ; il faudrait, pour ainsi dire, l'encadrer à tel point dans ce système que ce devint pour lui un grand parti de nommer tout autre que le candidat en évidence.... »

(2) La France nouvelle, p. 163 et s.

-

(3) Op. cit., ch, III, § 2, passim, spécialement, p 151 à 154. - Cfr. les observations faites sur ce projet par M. Picor, op. cit., p. 336.

honorer d'une magistrature éminente, la cause en est beaucoup plus dans la valeur individuelle des juges que dans le système (1), intronisé par l'art. 99 de la Constitution du 7 février 1831, lequel, par un souvenir des temps où la nation était sous la domination autrichienne ou bien encore unie avec la Hollande, mélange tous les systèmes, de nomination arbitraire pour les juges d'arrondissement et de paix inamovibles. d'élection pour les magistrats les plus haut placés, et de nomination gouvernementale sur présentation pour les membres de la cour de cassation et des cours d'appel et les présidents et vice-présidents des tribunaux de première instance; ce qui aboutit, en somme, à des étrangetés, si tant est qu'il importe de donner à la justice, abstraction faite de l'importance des litiges, même origine, d'éviter pour elle tous les abus de l'esprit de caste et l'habitude néfaste de l'intrigue, et d'éloigner les candidats des mœurs politiques et de la recherche périlleuse d'un équilibre toujours instable entre les tendances gouvernementales et judiciaires.

M. Dufaure l'avait très bien senti pour la France, lorsque, pour régulariser l'usage, prévu dans les arrêtés ministériels des 1 mai 1823 et 1o janvier 1842, d'attacher aux parquets de jeunes licenciés, et pour établir un indispensable noviciat judiciaire, il fit instituer, par décret du 29 mai 1876 (2), pour les attachés au parquet, des concours, dont la série fut courte, sans nul doute parce que l'effet en eût pu être d'écarter de la magistrature hors toutes considérations personnelles les médiocres, et que le but en était de gêner l'arbitraire gouvernemental. Or, les concours sont encore les moyens les moins imparfaits de préjuger avec quelque vraisemblance des décisions de l'incertain avenir; aussi. c'est à eux surtout qu'à mon avis les hommes, professionnels ou politiques, tenus, pour remplir intégralement leur tâche, de doter, si possible, chaque année, leur pays des individualités capables d'être pour les démocraties les gouvernants éclairés, les juges sûrs et les fonctionnaires probes, peuvent ou devraient, dans chaque génération qui passe, chercher, pour la paix de leur conscience, pour la satisfaction des besoins sociaux et le progrès de la vie nationale, combien il y en aura et quels seraient ces gouvernants, ces fonctionnaires et ces juges. De la sorte, le décret Sarrien, en organisant le

(1) Cf. THONISSEN, La Constitution belge annotée, 2e éd., 1876, sous l'art. 99, nos 448-459, p. 303-307.

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(2) V. sur cette institution, GARSONNET, op. cit., § 181, p. 300. Cf., outre un projet de « noviciat judiciaire » présenté, le 28 janvier 1841, à la Chambre des pairs, par M. Martin du Nord, garde des sceaux (Monit., 1841, p. 246 et sv.), et un rapport de M. BERENGER à la Cour de cassation, sur L'aptitude aux fonctions judiciaires, édité dans la Rev. de legisl, et de jurisp., t. XXVII, ann. 1845, p. 198 et s., les articles, sur le décret Dufaure même, de MM. Robinet de Cléry, dans la Rev. prat. de dr. franç., t. XL, ann. 1875, p. 505 et s.; MERVILLE, ibid., t. XLII, ann. 1876, p. 167 et s.; FLOURENS, dans La France judiciaire, t. I, ann. 1875, Ire part., p. 73 et s. et le jugement, entre tous autorisé, de M. Picoт, op. cit. p. 313-315,

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