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Où irions-nous aujourd'hui si nous tenions un pareil langage?

Regardez, regardez, peuples du nouveau monde,
N'apercevez-vous rien sur votre mer profonde?
Ne vient-il pas à vous, du fond de l'horizon,
Un cétacée informe au triple pavillon?

Vous ne devinez pas ce qui se meut sur l'onde:
C'est la première fois qu'on lance une prison (1).

(1) Loi de la presse. M. A. Musset.

MORT DU PÈRE DE MILTON. ÉVÈNEMENS HISTORIQUES. TRAITÉ SUR L'ÉTAT DES ROIS ET DES MAGISTRATS.

En 1645 Milton recueillit les poëmes latins et anglais de sa jeunesse. Les chansons furent mises en musique par Henri Lawes, attaché à la chapelle de Charles Ier : la voix de l'apologiste allait bientôt se faire entendre au cercueil du monarque à la chapelle de Windsor.

Le père de Milton mourut; les parens de la femme du poète retournèrent chez eux, et sa maison, dit Philips, redevint encore une fois le temple des muses. A cette époque, Milton fut au moment d'être employé en qualité d'adjudant dans les troupes de sir William Waller, général du parti presbytérien dont nous avons des Mémoires.

Lorsque, au mois d'avril 1647, Fairfaix et Cromwell se furent emparés de Londres, Milton, pour continuer plus tranquillement ses études, quitta son grand établissement de Berbicane, et se retira dans

une petite maison de High Holborne, près de laquelle j'ai long-temps demeuré. Et c'est ici le lieu de rappeler une observation que j'ai faite au commencement de cet Essai : « Une vue de la littérature, isolée de l'histoire des nations, ai-je dit, créerait un prodigieux mensonge; en entendant des poètes successifs chanter imperturbablement leurs amours et leurs moutons, on se figurerait l'existence non interrompue de l'âge d'or sur la terre. Il y a toujours chez une nation, au moment des catastrophes et parmi les plus grands évènemens, un prêtre qui prie, un poète qui chante, etc. >>

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Nous voyons Milton se marier, s'occuper de l'étude des langues, élever des enfans, publier des opuscules en prose et en vers, comme si l'Angleterre jouissait de la plus profonde paix et la guerre civile était allumée, et mille partis se déchiraient, et l'on marchait dans le sang parmi des ruines.

En 1644, les batailles de Marstonmoor et de Newbury avaient été livrées; la tête du vieil archevêque Laud était tombée sous le fer du bourreau. Les années 1645 et 1646 virent le combat de Naseby, la prise de Bristol, la défaite de Montross, la retraite de Charles Ier à l'armée écossaise, qui livra aux Anglais leur monarque pour 400,000 livres sterling.

Les années 1647, 1648, 1649, furent plus tragiques encore; elles renferment dans leur période 'atale, le soulèvement de l'armée, l'enlèvement du roi par Joyce, l'oppression du parlement par les soldats, la seconde guerre civile, l'évasion du roi, la seconde arrestation de ce monarque, l'épuration violente du Parlement, le jugement et la mort de Charles Ier.

Qu'on se reporte à ces dates, et l'on y placera successivement ces ouvrages de Milton, dont je viens de parler. Milton assista peut-être comme spectateur à la décapitation de son souverain; il revint peut-être chez lui faire quelques vers ou arranger pour des enfans, un paragraphe de sa grammaire latine: Genders are three masculine, feminine and neuter; « il y a trois genres: le masculin, le féminin et le neutre. » Le sort des empires et des hommes ne compte pas plus que cela dans le mouvement qui entraîne les sociétés.

En France, en 1793, il y avait aussi des poètes qui chantaient Thyrsis, un des personnages du Masque, et qui n'étaient pas des Milton; on allait au spectacle peuplé de bons villageois; les bergers occupaient la scène quand la tragédie courait les rues. On sait que les Terroristes étaient d'une bénignité de mœurs extraordinaire : ces tendres pastoureaux aimaient sur

tout les petits enfans. Fouquier-Tinville et son serviteur Samson qui sentait le sang, se délassaient le soir au théâtre, et pleuraient à la peinture de l'innocente vie des champs.

Charles Ier n'eut pas plus tôt été exécuté, que les Presbytériens crièrent au meurtre, à l'inviolabilité de la personne royale bien que ces Girondins de l'Angleterre eussent puissamment contribué à la catastrophe, du moins ils ne votèrent pas, comme les Girondins français, la mort du prince dont ils déploraient la perte. Pour répondre à leur clameur, Milton écrivit son Tenure of kings and magistrats, « État des rois et des magistrats. » Il n'eut pas de peine à démontrer que ceux qui se lamentaient le plus du sort de Charles l'avaient eux-mêmes conduit à l'échafaud. Ainsi qu'il arrive dans toutes les révolutions, les partis essaient de tenir à certaines bornes où ils ont fixé le droit et la justice; mais les hommes qui les suivent les renversent et franchissent ce but, comme dans une charge de cavalerie le dernier escadron passe sur le ventre du premier, si celui-ci vient à s'arrêter.

Milton cherche à prouver qu'en tout temps et sous toutes les formes de gouvernement, il a été légal de faire le procès à un mauvais roi, de le déposer ou de le condamner à mort. « Si un sujet, dit-il, en raison

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