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qu'on nous laisse, et faisons-le servir à la gloire de Dieu, à l'avantage des Lettres, par une formation meilleure des intelligences.

La restauration dont je parle, les universités catholiques l'accompliront en reprenant les traditions de leurs devancières, je veux dire en s'organisant elles-mêmes sur le modèle des grandes universités du moyen-âge, adapté aux temps modernes et aux besoins d'une situation nouvelle. Prendre les leçons du passé et lui emprunter sans honte ce qu'il avait de réellement bon, peut bien répugner à l'orgueil de la Révolution, qui a tout renversé, sous prétexte de tout refaire; mais c'est notre rôle à nous, catholiques, qui sommes des hommes de tradition et qui avons appris de l'Eglise, notre mère, à renouveler tout sans rien détruire. D'ailleurs, la supériorité de l'organisation ancienne, à tout point de vue, est incontestable; ses résultats, pendant les six siècles qu'elle a duré, sont assez connus. Au contraire, l'avortement et l'impuissance du système moderne, inauguré et pratiqué depuis 75 ans par l'Université d'Etat, sont chose désormais hors de doute. La conséquence s'impose : il faut revenir à ce qui était, avec les améliorations possibles. Ce sera la tâche des universités libres elles seules sont capables de ce progrès dans la tradition.

Tracer le plan complet de cette organisation à la fois ancienne et nouvelle de nos universités, est un travail qui demandera du temps et de sérieuses réflexions de la part des hommes les plus compétents dans chaque partie de l'enseignement; je ne puis donc avoir la prétention de l'accomplir seul en ce moment. Me sera-t-il permis, néanmoins, d'exposer quelques idées sur les grandes lignes de ce travail, et de donner un aperçu général de ce plan, tel qu'il me semble pouvoir être conçu? Ce sera peut-être, pour plusieurs, un horizon nouveau ouvert devant nos universités.

Trois grandes lignes dans ce plan, trois points capitaux sur lesquels devra porter le travail de restauration : la corporation universitaire, les études, les grades académiques.

I. La corporation. Il faut refaire la corporation universitaire; il faut rendre au corps enseignant tout entier son unité morale, et taire cesser la division qui existe aujourd'hui entre les diverses parties de l'enseignement. Quoi de plus simple, d'ailleurs, et de plus facile? Nous avons présentement cinq universités catholiques en France, et chacune a sa région bien déterminée par les diocèses qui ont adhéré à sa formation. Eh bien! qu'on agrège à chaque Université tous les collèges catholiques de la région, comme l'étaient autrefois les nombreux collèges fondés autour des

grandes écoles. Tous seront alors soumis aux lois et règlements de l'université; tous reconnaîtront comme chef le Recteur, et comme autorité directive, le Sénat académique; les professeurs de ces collèges, qui peu à peu deviendront tous bacheliers ou maîtres ès-arts, seront membres actifs de l'université pour la Faculté des arts; ils prendront part aux délibérations de cette Faculté et à celles des Facultés réunies, particulièrement à l'assemblée générale qui aura lieu tous les ans pendant les vacances des cours, et où seront traitées les questions intéressant le bien commun de l'université. La corporation aurait, en outre, sa caisse de secours, sa caisse de retraite et les autres bénéfices temporels, qu'on pourra créer avec le temps et suivant l'opportunité. En un mot, chaque université redeviendrait une véritable corporation libre, réalisant, à notre époque, les meilleures institutions du passé.

II. Les études. Il importe de remettre les études dans leur ordre naturel, et de rétablir dans l'enseignement la gradation hiérarchique. On ne doit pas, en effet, perdre de vue que le but des universités, ce n'est pas de faire des bacheliers, ni même des avocats, des médecins, etc.; c'est plutôt de faire l'éducation complète de l'intelligence chez ceux qui en sont capables. Grâce à cette éducation, ils seront ensuite littérateurs ou hommes de sciences, avocats, jurisconsultes, médecins, etc., selon que leurs goûts et leurs talents en décideront; quelle que soit la carrière choisie, ils y porteront cette maturité de jugement, cette solidité de principes, cette plénitude de science, qui caractérisent les esprits bien doués et parvenus à leur entier développement intellectuel.

Il suit de là que, dans une université, les études supérieures sont le terme qu'il faut avoir en vue, et vers lequel tout doit être dirigé. Les études classiques élémentaires, c'est-à-dire la grammaire et la rhétorique, préparent aux premières études de philosophie et de sciences dans la Faculté des arts, et celles-ci donnent entrée aux études plus élevées des autres Facultés. Il semble donc, qu'étant donnée l'extension prise de nos jours par la Littérature et par les Sciences naturelles, il y aurait lieu de diviser l'enseignement supérieur, non plus en quatre Facultés, comme dans les universités anciennes, mais en six, savoir: 1o Faculté des Arts, qui comprendrait, outre les classes préparatoires de grammaire et de rhétorique, la philosophie et les éléments des sciences physiques et mathématiques, comme préparation aux études qui vont suivre; - 20 Faculté des Lettres, embrassant tout le domaine de la Littérature proprement dite, de la Philologie et de l'Histoire; 30 Fa

culté des Sciences physiques, chimiques, mathématiques et naturelles; 40 Faculté de Médecine, avec ses diverses branches; - Faculté de Droit civil et ecclésiastique; 6o Faculté de Théologie dogmatique, morale, scripturaire et historique.

Tout le domaine intellectuel et scientifique ne se trouvet-il pas renfermé dans cette division en six Facultés? La première, celle des Arts, introduit dans les cinq autres; car la philosophie contient les principes de toutes les sciences, et peut seule donner à la raison humaine la puissance et la rectitude dont elle a besoin dans la recherche du vrai et du beau. Au sortir de là, le jeune homme fait son choix et commence les études spéciales qui doivent le mettre en état de cultiver celle des sciences à laquelle il donnera le travail de toute sa vie. Lettres, Sciences, Médecine, Droit et Théologie, ce sont autant de spécialités diverses qui préparent l'intelligence du jeune homme et l'habilitent à toutes les carrières libérales.

III. Les grades. Il ne s'agit pas ici, bien entendu, de la collation des grades officiels, dont l'Université d'Etat veut garder le monopole. A moins de changements imprévus et improbables, il se passera longtemps, sans doute, avant que les pouvoirs publics reconnaissent aux universités libres un droit quelconque sur ce point. Assurément il y a là pour nous un désavantage immense et la source de grandes difficultés, mais puisque, en fait de droits, l'égalité est une chimère dans notre République soi-disant démocratique, force est de s'y résigner et de tirer cependant le meilleur parti de la situation qui nous est faite.

Les grades sont nécessaires pour un certain nombre de professions libérales comme pour toutes les carrières gouvernementales, et ces grades, il faudra les demander aux Facultés de l'Etat. Soit; mais ne pourrait-on, à côté de cela, délivrer dans chaque université des diplômes honorifiques, dont la valeur dépendra de la réputation acquise par l'université et des garanties de savoir qui les entourent? L'Etat ne leur donnerait aucune sanction officielle, mais l'opinion publique ne tarderait guère à leur accorder la sienne, et celle-ci vaut bien l'autre, même au point de vue des avantages professionnels. L'Ecole centrale des Arts et Métiers en a fourni autrefois un exemple remarquable. D'ailleurs, il importe de réagir contre la tendance générale, de n'envisager la science que par ses côtés utiles et d'un intérêt en quelque sorte matériel; il faut l'entourer d'honneur et de considération, plus encore que de bénéfice. C'est le seul moyen de replacer l'enseignement universitaire sur son véritable terrain et d'inspirer aux jeunes générations l'estime et le goût des fortes études.

Je voudrais donc que nos universités catholiques, sans trop se soucier des grades d'Etat, (que chacun pourra toujours obtenir sans beaucoup de peine, lorsqu'il aura plus que la science nécessaire pour cela) reprissent pour leur compte le système des grades, tel qu'il était organisé dans les anciennes universités et que je l'ai exposé au début de ce travail. Deux grades corporatifs dans chaque Faculté : baccalauréat et maîtrise; plus la licence, entendue au sens primitif, qui serait conférée par le chancelier académique au nom de l'Eglise et de son chef, le Souverain Pontife.

Plus tard, lorsque l'Etat redevenu chrétien et respectueux des droits de l'Eglise aura fait disparaître le ruineux monopole de l'Université officielle et voudra rendre aux universités libres leur juste part d'action dans l'enseignement public, la Licence comprendra deux choses licentiam docendi, qui est du domaine ecclésiastique, et licentiam practicandi qui est du domaine civil. Elle sera donc conférée alors par le chancelier de l'université, représentant les deux autorités, celle de l'Eglise et celle de l'Etat. Mais le baccalauréat et la maîtrise demeureront toujours du ressort exclusif de l'université elle-même et affaire d'administration intérieure dans une corporation libre et auto

nome.

Je dis baccalauréat, maîtrise et licence, pour me comformer aux usages anciens. Mais peut-être, l'Etat jaloux en usera-t-il à l'égard de ces titres comme il a fait pour ceux de Collège et d'Université, dont il s'est réservé le monopole. Pauvre chicane, qui s'en prend à des mots! En ce cas, nous laisserons les mots et garderons la chose. Que nous importe? Manquerons-nous de termes nouveaux pour appeler des institutions anciennes et connues?

Mais ce qu'il faudrait surtout rétablir en même temps que les grades antiques, ce sont les précautions dont on les entourait, les examens gradués qui y conduisaient, le mode employé dans ces examens et la nature des épreuves publiques qui précédaient iminédiatement l'obtention du grade. C'est ici qu'il importe de ne rien négliger; car, on peut l'affirmer, tout dépend de la méthode suivie pour parvenir à constater le vrai mérite, et l'on ne trouvera rien de plus rationnel, rien par conséquent de plus efficace, que ce qui était pratiqué dans les anciennes universités. Or, une fois établi au vu et au su de tout le monde, que les moyens sont pris dans nos universités pour n'accorder de diplômes qu'au mérite réel, l'opinion publique se prononcera en leur faveur et c'est à elles qu'on viendra demander la science, l'honneur et le succès.

Une fois de plus l'Eglise catholique aura sauvé les Lettres menacées de décadence par une barbarie nouvelle,

elle aura relevé les intelligences écrasées sous un matérialisme abject, ou rabaissées jusqu'à terre et privées d'horizon du côté de Dieu par les funestes doctrines du naturalisme. Puissent nos universités catholiques s'acquérir cette gloire, elles auront bien mérité de l'Eglise et de la république des Lettres!

Note relative à l'Ecole industrielle de Saint-Michel, à Lille, par M. l'abbé A. PILLET.

L'Université Catholique de Lille tient à continuer et à développer autant que possible la mission d'apostolat social que Dieu et la sainte Eglise lui ont confiée. Malgré les difficultés de l'heure présente, elle vient d'adjoindre à ses Facultés déjà existantes une école industrielle placée sous le puissant patronage de saint Michel. Sur la terre, les parrains de cette institution nouvelle sont aussi des hommes puissants en œuvres et en paroles. Ce sont MM. Henri Bernard, de Lille; André, Descottes, Dutilleul, Féron-Vrau et Harmel. Aucune recommandation ne pourrait être meilleure que l'énumération de ces noms, si connus de tous les catholiques de France.

Cette institution est une œuvre absolument nouvelle, car elle diffère essentiellement des écoles industrielles déjà existantes, soit à Lyon, soit à Lille, soit en bien d'autres villes encore. Ses fondateurs n'ont pas cherché seulement à faire des ouvriers et des contre-maîtres chrétiens, ils ont encore de plus hautes visées. Dans une armée, il est nécessaire d'avoir de vaillants soldats, de bons sous-officiers, des lieutenants dévoués; mais il est indispensable aussi d'avoir des chefs instruits et capables de remplir leur délicate et difficile mission. Aussi, il faut bénir et louer sans réserve les maîtres chrétiens, et surtout nos incomparables Frères de la Doctrine Chrétienne, lorsque, pour l'armée industrielle catholique, ils cherchent à former des ouvriers et des contre-maîtres vraiment catholiques. Mais ceux-là ne pourront vraiment accomplir leur œuvre que s'ils sont commandés par des patrons, par des chefs qui soient dignes d'eux. Ces chefs sortiront de l'Ecole supérieure de Lille.

Elle est destinée, dit son programme, « à former spécia>>lement les futurs chefs d'industrie, en vue du rôle social

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