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Nous le voyons, par exemple, dans le prix des actions d'une banque privilégiée, quoique ce soit seulement pour un temps, ou d'un autre établissement solide, mais qui n'est pas cependant perpétuel. Il suffit que ces acheteurs croient que ces actions auront une longue durée pour que leur prix croisse de la valeur qui suffit à convertir le prix qu'on en retire en intérêts normaux, plus l'équivalent du capital approximatif de la prime d'annonce, afférente aux chances des cours bas ou élevés (Relazione citat., § 2).

Dans toute œuvre scientifique, littéraire ou artistique, une grande partie étant empruntée au patrimoine commun de l'esprit humain, et une autre partie étant une véritable création de l'intelligence individuelle, la longue durée de l'exercice du droit d'auteur sur les deux parties réunies ensemble, peut raisonnablement tenir lieu du droit exclusif perpétuel qui ne pourrait, à la rigueur, appartenir à l'auteur que sur la partie qui lui appartient, c'est-à-dire, sur celle qu'il ajoute au patrimoine commun de la pensée humaine, comme une vérité nouvelle ou comme une nouvelle combinaison des formes élémentaires déjà connues.

En nous résumant, nous feront observer, qu'à notre humble avis, la durée établie dans la loi française sur la propriété intellectuelle, c'est-à-dire la garantie du droit des auteurs, pendant toute leur vie et pendant cinquante ans à leurs héritiers ou ayants-cause, est très juste et équitable, et, par conséquent, il serait à désirer qu'elle fût sanctionnée et accueillie par les lois de tous les pays civilisés.

Ainsi, les enfants des auteurs ne seraient pas oubliés, et, tout en retirant un large bénéfice des honorables labeurs de leurs pères, ils ne s'endormiraient pas cependant à l'ombre de ses lauriers.

Nous pressons de nos pensées et de nos voeux le jour où le droit international aura adopté des règles uniformes relativement à la durée des droits d'auteur, persuadés qu'à l'heure actuelle, ce qui cause aux auteurs le plus grand préjudice, c'est la législation vague et contradictoire qui régit les conventions internationales et les relations d'état à état.

(A suivre.)

Dr WLADIMIR PAPPAFAVA.

XIVE-I

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MÉLANGES

L'HISTOIRE DE LA CHARITÉ

Geschichte der Kirchlichen Armenpflege (Histoire du soin des pauvres par l'Eglise) par le Dr Georg RATZINGER, 2° édit. Freiburg in Breisgau 1885, 1 vol. in-8° (prix 10 francs). Histoire des Enfants abandonnés et délaissés par Léon LALLEMAND, OUvrage couronné par l'Académie des sciences morales et politiques, 1 vol. in-8°, Paris, Guillaumin, 1885. (Prix huit francs).

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L'histoire de la misère humaine et du seul soulagement efficace qui lui ait jamais été apporté par la charité, est la meilleure apologétique de l'Eglise. Les merveilleux progrès industriels et économiques réalisés dans ce siècle ont à peine changé quelques aspects de la pauvreté ils n'en ont guère diminué la somme. Aussi devant l'impuissance à la supprimer de toutes les combinaisons humaines, du socialisme d'Etat comine des autres systèmes empiriques, on sent que par son institution divine l'Eglise a seule la puissance de l'atténuer dans le présent et dans l'avenir, comme elle l'a si bien fait dans le passé. Voilà pourquoi les Académies officielles comme les savants catholiques se sont dans ces dernières années intéressés tout particulièrement à cette histoire. Les deux ouvrages, dont nous venons de transcrire les titres, la retracent en se complétant heureusement l'un par l'autre.

I

On ne saurait trop insister sur le mépris, dont les pauvres et les êtres souffrants étaient l'objet dans l'antiquité païenne. Les distributions de vivres, qui avaient lieu à Rome, se faisaient exclusivement au profit de la classe privilégiée des citoyens et était l'équivalent du salaire électoral que les vingt mille citoyens athéniens s'étaient attribués sur le produit de l'exploitation économique de leurs esclaves, des Metæques et des villes tributaires. Le D' Ratzinger expose cette situation d'une manière magistrale; mais M. Léon Lallemand la fait encore mieux ressortir dans le champ plus circonscrit de ses études. Il montre non seulement les législateurs et les philosophes grecs condamnant sans pitié à la mort les enfants venus au monde avec un défaut de conformation et autorisant l'avortement; mais encore il met à profit toutes les découvertes de l'érudition moderne pour faire revivre l'organisation domestique et les mœurs de l'Egypte et de l'Assyrie. Seul le peuple juif présente par son respect de la vie un heureux contraste avec les pratiques de tous les peuples païens. En effet, la Chine, malgré la valeur sociale de sa civilisation, reproduit sous ce rapport les pires désordres de la Grèce. M. Léon Lallemand (p. 604 à p 624), en s'appuyant exclusivement sur des auteurs chinois, a fait bonne justice des accusa

tions de mensonge élevées contre les missionnaires et l'œuvre de la Sainte-Enfance, par certains écrivains européens qu'aveugle la haine de l'Eglise.

C'est par leurs œuvres de charité non seulement envers leurs frères dans la foi mais encore envers les Païens que les chrétiens frappèrent l'attention des esprits sincères dans l'Empire romain. Au moyen de l'institution des diacres et des veuves consacrées à Dieu, les communautés chrétiennes assurèrent parfaitement jusqu'au iv siècle le soulagement à domicile de tous leurs pauvres, des orphelines, des veuves, des enfants exposés qu'ils recueillaient en grand nombre (alumni), enfin des voyageurs envers qui l'hospitalité était un devoir rigoureux.

Le docteur Ratzinger expose avec une grande ampleur ces œuvres admirables, il en montre la source dans l'essence du dogme chrétien et daus la discipline morale catholique: il a soin dans le cours de son admirable ouvrage de rapprocher toujours l'enseignement doctrinal et spirituel de l'Eglise, tel qu'il s'est développé dans la suite des temps, des œuvres effectives de charité qui s'accomplissaient sous cette inspiration.

La doctrine sur la pénitence, sur le dogme de la communion des saints, sur l'espérance de soulager par l'aumône et la réversibilité des mérites les âmes souffrantes furent une excitation continuelle et merveilleusement féconde à toutes les œuvres pies. En outre, M. Ratzinger montre comment l'enseignement de l'Eglise avait une portée qui s'étendait à tous les rapports sociaux. Par la rénovation des institutions publiques, de la notion de la propriété, du régime du travail, les causes mêmes de la misère diminuaient.

II

Après Constantin, quand la Société entière entra dans l'Eglise, cette perfection de la charité ne put plus être réalisée. Les hôpitaux de toute sorte, institution absolument inconnue aux païens et que les musulmans ont imitée bien faiblement (1), se multiplièrent en Orient d'abord, où Cesarée vit dans la fameuse Basileiade, le premier modèle des maisons d'éducation et de travail, où Alexandrie vit naître avec les Parabolani, le premier type de ces admirables congrégations et ordres hospitaliers si multipliés au moyen-âge et dont les frères de saint Jean de Dieu, sont de nos jours les admirabies représentants.

(1) C'est à tort que Hefele Das Christenthum und die Wohlthatigkeit p. 158 croit que quand le Christianisme parut dans le monde, les païens avaient déjà des hôpitaux qui étaient consacrés à Esculape, mais que les thrétiens aimaient mieux mourir que de recevoir des soins dans ces hôpitaux où tout respirait le paganisme. Pas n'était besoin d'un pareil héroïsme, car Haser Geschichte der Christliche Krankenpflege und Pflegerschaften, (Berlin 1857) p. 3 et suiv., a prouvé suffisamment qu'il n'y avait jamais eu d'hôpital païen. Les Oixidia que Pausanias (11. 27. 2) mentionne comme situés près du temple d'Esculape à Tithonea étaient seulement des auberges pour les visiteurs mais non des hôpitaux. Que le Xenodochium ou Hopital chrétien fut une chose tout à fait nouvelle, c'est ce que prouve l'étonnement, la stupéfaction que leur fondation excita chez les païens comme chez les chrétiens » Ratzinger Gesch. des Kirchl. Armenpflege p. 139 note.

Les Xenotrophia se multiplièrent cinquante ans plus tard dans l'Occident ils étaient le type de ces hôtels-Dieu qui centralisaient le soulagement de tous les genres de misères. Cependant dès 787 le prêtre Datheus fonda à Milan le premier hospice spécial d'enfants trouvés.

Une fois que l'Eglise sous les Empereurs chrétiens put légiférer au grand jour sur son patrimoine, elle l'affecta solennellement à l'entretien des pauvres. Quand l'administration de ces biens ne put plus rester concentrée dans les mains de l'évêque et qu'il fallut en affecter spécialement quelque portion aux différentes églises, le pape saint Sulpice (468-487) posa le principe du partage des revenus ecclésiastiques en quatre portions: une pour l'évêque, une pour le clerc, la troisième pour l'entretien du culte, la quatrième pour les pauvres. Saint Grégoire-le-Grand fit prévaloir cette discipline dans toute l'Eglise. C'est ainsi que désormais l'histoire de la charité et les vicissitudes du patrimoine ecclésiastique sont étroitement liées. Le grand mérite du Dr Ratzinger est de mettre en relief la connexion des deux institutions. Il les suit dans tous les pays où le christianisme a pénétré, dans la Scandinavie et dans l'Islande comme dans tous les royaumes chrétiens fondés sur les débris de l'Empire. Son ouvrage constitue la meilleure histoire du patrimoine ecclésiastique en Occident qui existe à notre connaissance.

Au Iv siècle les villes seules étaient chrétiennes; aussi l'administration spirituelle et temporelle des diocèses était-elle concentrée dans les mains de l'évêque résidant dans la cité. Lorsqu'au v et vi les campagnes devinrent chrétiennes, on multiplia d'abord les évêchés. Le concile de Sardique dut arrêter cette multiplication excessive qui aurait eu de graves inconvénients, l'état de l'Eglise celtique d'Irlande avant la réforme de saint Malachie l'a trop prouvée. Il fallut alors constituer des paroisses rurales, auxquelles les dimes et les oblations furent exclusivement attribuées. Ce fut l'œuvre en Gaule du 3° concile d'Orléans en 538. Les bénéfices ecclésiastiques séparés et l'inaliénabilité du patrimoine ecclésiastique à moins d'une autorisation du Pape, datent également dans l'empire franc de la même époque. A ce propos it importe de remarquer que les concessions en précaire et plus tard en fiefs ne furent pas considérés comme des actes d'aliénation et restèrent dans le pouvoir des évêques et des abbés. En même temps, chaque paroisse était chargée de secourir ses pauvres. C'est la disposition du 2o concile de Tours en 567 canon 5. Le D' Ratzinger réfute victorieusement l'assertion de M. A. Monnier qui dans son histoire de l'assistance publique p, 198 a prétendu y trouver la première application du principe de l'assistance communale. Il montre par des rapprochements de textes irréfutables que civitas est pris par le canon de ce concile dans le sens de paroisse religieuse et non dans celui de commune civile. (p. 185).

La législation de Charlemagne consolida l'organisation des paroisses et leur assura dans les campagnes une dotation territoriale. La paroisse devint ainsi un facteur considérable pour la formation communale dans toute l'Europe. En attendant, elle resta le centre de secours pour les pauvres.

III

Dans les siècles suivants un grand changement se produisit en France, en Italie, en Allemagne. Les monastères et les hôpitaux remplacèrent presque complètement la paroisse pour l'assistance des pauvres.

Cette élimination de l'assistance paroissiale n'est peut-être pas aussi complète que le dit M. Ratzinger. M. Léon Lallemand cite des textes très précis du xiv siècle qui montrent les paroisses ayant dans les villes la charge spéciale d'élever les enfants trouvés (p. 120 et 123). Il faut aussi noter dans les Pays-Bas, la remarquable, institution paroissiale des tables du Saint-Esprit que M. Ratzinger ne paraît pas connaître (1). En Bretagne aussi l'assistance paroissiale conserva beaucoup plus d'importance. Quoiqu'il en soit, l'ancien système disparut presque partout, excepté dans les pays scandinaves et en Angleterre où il dura jusqu'au protestantisme.

Le D' Ratzinger étudie très soigneusement cette évolution. La cause première s'en trouve dans la spoliation de beaucoup de paroisses au milieu des troubles du 1x et du x siècle, dans l'envahissement des hautes fonctions ecclésiastiques par la féodalité, enfin, dans l'attribution des dimes dans beaucoup de cas aux monastères voisins. Le fait se produisit dans de grandes proportions aux xir et x siècles; il devint à la longue une grande source d'abus, quand les riches abbayes se montrèrent à leur tour inférieures à la grande mission qui leur avait été donnée dans l'Eglise. D'autres causes vinrent aussi contribuer à ce résultat. Quand le régime seigneurial était dans toute sa force, chaque Seigneur devait en cas de détresse nourrir ses serfs : les bâtards étaient de plein droit ses serfs, mais, par une juste corrélation, il était obligé de nourrir et d'élever les enfants trouvés dans l'étendue de sa justice; on en peut voir les preuves dans le beau livre de M. Lallemand. La paroisse était au point de vue des secours absorbés par la Seigneurie; il ne restait plus qu'à pourvoir aux calamités extraordinaires pour lesquelles les grands monastères avaient des ressources bien supérieures à celles des paroisses et des seigneuries et même à celles de la plupart des évêchés.

Il faut ajouter, et ceci est particulièrement vrai pour l'Allemagne et une grande partie de la France, que les monastères ont bien souvent précédé les paroisses dans la formation civile et ecclésiastique. Nous lisions ces jour-ci la ravissante Vie de sainte Odile, que le vénérable curé de Mulhouse, M. Winterer, vient d'écrire avec un style et un souffle qui font pâlir même les plus belles pages des Moines d'Occident: là nous voyons comment les deux monastères de femmes fondés par la fille d'un duc mérovingien, encore barbare, répandirent le christianisme et la civilisation dans toute l'Alsace. Par un renversement de l'histoire, les paroisses rurales se sont formées là à leur ombre tutélaire! quoi d'étonnant que malgré

(1) Sur les tables du Saint-Esprit. V. Edmond Poullet: Origines, développements et transformations des institutions dans les anciens Pays-Bas. 2 édit., t. 1, p. 398, et V. Brants, Histoire des classes rurales en Belgique, p. 121.

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