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projet de confiscation des biens de la famille d'Orléans. Les deux propositions ont été renvoyées par la Chambre à la même commission.

Les journaux républicains qui ont quelque sérieux déplorent ces ineptes violences et y voient de grands dangers. Nous croyons qu'elles ne feront pas vivre la République un jour de plus. Mais nous attendrons un peu pour juger si elles hâteront sa dernière heure.

En attendant cette heure, celui qui a vécu, c'est M. de Freycinet, qui va passer la banque à M. Clémenceau ou à Jules Ferry. Vous avez bien lu... à Jules Ferry! nous l'avons prédit ici même il y a plusieurs mois.

L'Allemagne a vu une évolution qui était peu probable encore il y a quelques mois. Les lois de mai ont vécu, et M. de Bismarck est allé à Canossa, après avoir juré pendant des années qu'il ne ferait jamais ce voyage. Pour que cet homme d'Etat ait pris aussi résolument ce parti imprévu, il lui a fallu d'excellentes raisons, et si la France est heureuse de voir les catholiques allemands délivrés d'une odieuse persécution, elle se félicitera moins peut-être des suites politiques que ce fait pourra entrainer en ce qui la concerne. Pour le moment, la paix que l'Eglise va retrouver en Prusse ne rend que plus révoltante la guerre qu'elle subit en France.

Léon XIII a remporté à Berlin un de ses plus grands triomphes. Qui eut jamais cru qu'en nos temps de révolution, de violences césariennes et de maçonnerie régnante, un Pape prisonnier aurait pu ressusciter Grégoire VII et la puissance de ce médiateur des peuples et des rois? Que disent de ce miracle politique les coureurs de tripots, seuls souteneurs de la P. F., qui depuis si longtemps annoncent la mort de l'Eglise et des Papes?

Espérons pour notre patrie, même contre toute espérance terrestre ! Les 7 et 8 mai derniers, Orléans a fêté le 457° anniversaire de sa délivrance par notre Jeanne d'Arc. On sait tout ce que nous attendons de notre puissante protectrice, tout ce que la France catholique lui demande d'obtenir pour nous !

Jeanne, glorieuse martyre, priez pour votre patrie, et que bientôt vos frères puissent publiquement vous remettre leurs prières sur les autels!

A. DESPLAGNES,

Ancien magistrat.

BIBLIOGRAPHIE

Notre droit national et la Révolution, par E. DEGRYSE, professeur de théologie au grand séminaire de Namur.

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- 2 vol.

Ces volumes sont la traduction faite par l'auteur lui-même d'un ouvrage écrit en flamand. A ce premier titre ils se recommandaient à notre attention, car ils témoignent de la vitalité de la littérature de la Flandre catholique. C'est en même temps une œuvre de grande valeur; elle mérite d'être lue par les Français qui suivent le mouvement scientifique général, comme par les Belges au point de vue particulier desquels elle est écrite. M. Degryse ne se borne pas à traiter les grandes questions politiques et sociales d'après les principes du droit naturel, il les étudie aussi dans leurs origines historiques et résume fort heureusement à cette occasion l'ancienne constitution sociale des Flandres, l'un des pays les plus importants de l'Europe au moyen-âge.

Les deux premiers livres sont consacrés à l'autorité dans la société et à la forme du gouvernement. M. Degryse s'inspire de la tradition scolastique, et, parmi les auteurs modernes, de Taparelli d'Azeglio et de M. Charles Périn c'est indiquer la sûreté de sa doctrine. Le chapitre capital est celui sur le but de l'Etat. Il montre que ce n'est pas seulement la prospérité temporelle, mais que « la » mission prochaine de l'Etat est la garantie du droit, la fin éloignée » ou médiate le bonheur temporel, la fin dernière, le bien su» prême » (T. 1, p. 37). Les droits de l'individu et de la famille, société nécessaire elle aussi et de plus primordiale; les droits de l'Eglise, société instituée directement par Dieu, s'imposent donc par droit d'antériorité et de supériorité à l'Etat au lieu d'être créés par lui, comme le prétendent, avec des nuances diverses, tous les tenants de l'Etat moderne, depuis Hobbes et Rousseau, jusqu'à l'école historique allemande du commencement de ce siècle, jusqu'aux socialistes de la chaire contemporaine et au parti libéral belge actuel.

Le savant auteur éclaircit très bien la question de l'origine du pouvoir politique et des devoirs envers la souveraineté légitime. Nous avons été heureux de constater son accord parfait sur ces délicates questions avec une étude qu'un de nos collaborateurs a publiée dans la Revue sur l'Indifférentisme politique (1).

Pour chaque pays le meilleur gouvernement est le gouvernement légitime. M. Degryse réfute magistralement, au nom de l'expérience historique et de l'observation des faits contemporains, les fausses théories de Montesquieu sur la division des pouvoirs et sur les lois dans leur rapport avec la nature des gouvernements. Et

(1) N° de février 1881.

dire que tout le développement politique du monde depuis un siècle et demi a été grandement influencé sinon dominé par de pareilles pauvretés! Il concourt ainsi pour sa part à l'œuvre de justice historique accomplie par M. Charraux dans son bel ouvrage sur Montesquieu et si bien résumé dans notre numéro d'avril dernier par M. Pélisson.

Pénétrant à fond dans ce qui fait la constitution d'un peuple, M. Degryse montre que « l'esprit du gouvernement est bien plus im>>portant que sa forme et en quoi consiste le véritable esprit du gou» vernement. » (T. 1, p. 192). Ce chapitre est la meilleure réfutation des livres si dangereux de Bluntschli sur l'Etat, la Politique, le Droit public général. Il étudie ensuite les rapports de la religion vraie avec l'Etat et la famille. Sur ce dernier point il se rattache complétement aux idées de M. Le Play et montre comment la liberté de tester, concourant avec la restauration des mœurs chrétiennes, est aujourd'hui le seul moyen de rétablir l'autorité paternelle et la cohésion de la famille. Cette adhésion est d'autant plus importante que les anciennes coutumes flamandes pratiquaient le droit d'aînesse pour les nobles et l'égalité des partages pour les roturiers; mais M. Degryse montre fort judicieusement comment ces anciennes coutumes successorales étaient les parties d'un ensemble d'institutions disparues aujourd'hui ; c'est cet ensemble qui les empêchait de produire les résultats fâcheux qu'a le Code civil, parmi lesquels il signale la diminution depuis le commencement du siècle, dans le pays flamand, des paysans propriétaires de domaines agglomérés (t. 11, p. 104.)

Le quatrième livre de cet excellent ouvrage a pour objet le redoutable phénomène de l'inégalité des conditions et là question ouvrière. M. Degryse réfute fort bien les divers théoriciens du socialisme, et notamment Rodbertus Jagetzow, l'un des plus insidieux et qui est, peut-on dire, le père de tous les systèmes socialistes contemporains de l'Allemagne. Il justifie longuement le contrat de salariat, base de tout l'ordre social depuis l'abolition de l'esclavage et du servage. Il montre que le travail est une marchandise, mais non pas une marchandise comme une autre, car l'ouvrier étant un homme, la règle morale vient se combiner avec le phénomène économique. En conscience l'employeur, à la condition toutefois qu'il réalise un bénéfice net, est obligé d'assurer à l'ouvrier le minimum de salaire nécessaire à entretenir sa vie et celle de sa famille (t. 11, pp. 229 à 263). On reconnaît à ces vues si judicieuses le disciple de M. Charles Périn.

La seule partie de l'ouvrage qui nous paraisse contestable est le chapitre où M. Degryse indique comme désirable une reconstitution légale des trois anciens ordres noblesse, bourgeoisie et peuple organisé en corporations. Les difficultés, au point de vue économique de l'établissement de corporations obligatoires, sont considérables en présence, à la fois, des machines qu'on ne peut songer à supprimer et de la liberté du travail que M. Degryse a la sagesse de reconnaître également (t. 1, p. 179). Quant aux difficultés politiques, elles sont plus grandes encore, si c'est possible; car, pendant bien longtemps, le principe de l'égalité juridique de tous les citoyens continuera à se développer, et les esprits politiques en France comme en Belgique ne peuvent prendre au sérieux les rêves des féodaux autrichiens. Ce serait d'ailleurs une erreur de regarder ce principe

comme révolutionnaire; car le mouvement en ce sens a reçu sa première impulsion de la monarchie française.

Mais familles, corporations de tout ordre, groupements professionnels, doivent pouvoir se constituer librement. Cette liberté là est particulièrement antipathique à la Révolution, car elle assurera la durée aux œuvres de patronage chrétien, qui n'ont rien d'utopique et s'appuient déjà sur d'admirables modèles. M. Degryse leur donne heureusement une grande place dans son excellent livre.

De la faculté d'enseigner, ou des Ecoles, traité juridique par le R. P. Alph. JANSEN, Rédemptor., professeur de philosophie au collège de Wittem. - Traduit du latin par Aug. ONCLAIR, Liège, chez Dessain, rue Trappé, 7. — Paris, veuve Magnin, rue Honoré-Chevalier, 3.

prêtre.

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Nous avons déjà, l'an dernier, dit ce que nous pensons de ce livre remarquable; à cette époque on n'avait encore que l'édition latine. Aujourd'hui le prêtre savant à qui on doit tant de travaux d'ordre supérieur, M. l'abbé A. Onclair, de Liège, en donne une traduction française, que nous avions annoncée en 1885. Voilà donc ce livre à la portée de tous les lecteurs, et chacun y pourra étudier la doctrine sûre et autorisée du P. Jansen. Pour nous, ce livre a un prix tout particulier. Il vient appuyer les doctrines émises, l'an dernier, par le Congrès de Fourvière en matière d'enseignement. Ce que le Congrès a proclamé, le religieux belge le proclame de même. Les autorités scolaires que le Congrès a reconnues, le P. Jansen les reconnaît aussi. Les violations du droit d'enseigner que le Congrès a dénoncées, le P. Jansen les dénonce également.

Le mouvement naturel des intelligences porte la génération actuelle vers les solutions que le P. Jansen a proclamées. Un mouvement inverse de violence et d'oppression reçoit son impulsion de la Franc-Maçonnerie et des gouvernements maçonniques. Mais la violence n'a qu'un temps. La liberté et le droit, en matière d'enseignement, voilà les maîtres de l'avenir. Que, dès maintenant, dans les chaires catholiques on n'hésite pas à enseigner cette partie si importante du droit de l'Eglise, du père de famille et du citoyen. Le livre du P. Jansen doit devenir un manuel classique de cet enseignement; j'en dirai autant des divers rapports sur ce même sujet, qui ont été présentés et accueillis au Congrès de Fourvière en 1885. La traduction de M. Onclair est d'une fidélité absolue et présente tous les avantages d'une clarté et d'une élégance qui font disparaitre la traduction pour donner l'illusion complète d'un livre original. A notre époque où les questions d'enseignement sont le fond même de la lutte entre l'Eglise et la barbarie maçonnique, il est impossible de n'avoir pas ce livre, où sont énoncés tous les principes qui, au jour marqué, sauveront la civilisation chrétienne.

A. D.

Le Gérant, J. BARATIER.

518

TABLE DES MATIÈRES

Du 26e volume.

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1er semestre 1886.

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Juin, p. 502, Albert

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