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du centre. On laiffa aux districts l'élection de leurs chefs militaires; celle des fix commandants fut attribuée à une affemblée de divifion formée des repréfentants des diftricts. Pour donner plus d'importance à ces places, il fut décidé qu'il n'y auroit pas de commandant en fecond, & que les chefs de divifion en rempliroient alternativement les fonctions, en cas d'abfence ou de maladie. Le droit d'élire le commandant général fut déclaré appartenir aux diftricts, & cette élection affujettie aux mêmes formalités que celle du maire. On laissa au commandant général la présentation des officiers de l'état-major, & on le vit avec plaifir élever à la place de majorgénéral M. de Gouvion, fon brave compagnon d'armes, qui avoit combattu avec gloire en Amérique pour la défenfe de la liberté, & à celle d'aidemajor général M. de la Jarre, qui s'étoit diftingué en Hollande pour la caufe patriotique. La création de plufieurs compagnies de chaffeurs & d'un corps nombreux de cavalerie porta à plus de quarante mille hommes cette armée patriotique. Les énormes appointements de la place très-inutile de gouverneur

de Paris, le fonds de quatre cent mille livres annuellement deftiné à violer le fecret des poftes, les fommes employées à foudoyer des légions d'efpions, à entretenir les baftilles & à enchaîner les citoyens, fous prétexte de protéger leur fureté, couvrirent & au-delà les frais de cet immense établiffement militaire, auffi refpectable par l'objet de fon inftitution que par l'excellent efprit qui n'a ceffé d'animer ce corps vraiment civique, & de diriger toutes fes démarches.

La ville de Paris s'empreffa d'enrôler fous fes drapeaux les premiers conquérants de la liberté, ces braves gardesfrançoifes, à qui la voix du peuple avoit déja décerné le titre glorieux de foldats de la patrie le roi les autorifa à entrer dans les gardes nationales. Mais le général defirant n'y admettre que ceux que leur volonté libre, le defir d'être utiles & le vœu de demeurer foumis à la difcipline militaire porteroit à s'y incorporer, voulut avant de recevoir leur engagement, que leur cartouche de licenciement leur fût délivrée ; il fit même afficher un placard pour offrir leur congé à ceux qui refuferoient d'ac

cepter le réglement, & même à ceux qui l'ayant déja accepté, en auroient quelque repentir.

Cet avis aux gardes-françoifes excita une fermentation générale. Le bruit se répandit qu'ils fe difpofoient à partir en très-grand nombre pour retourner dans le fein de leurs familles. L'alarme devint bientôt fi vive, que le diftrict Saint-Honoré envoya une députation à ceux qui venoient chercher leurs cartouches chez le commiffaire des guerres, pour s'enquérir de leurs intentions, & leur témoigner les fentiments de fraternité & de reconnoiffance qui animoient tous les citoyens. Le diftrict des PetitsPeres écrivit à M. de la Fayette pour Lui offrir de prendre à fa charge tel nombre de gardes-françoifes qu'il jugeroit à propos, & de pourvoir à tous leurs befoins. Plufieurs autres fe diftinguerent également par des offres patriotiques. Au Palais-Royal, on fit la motion d'ouvrir en leur faveur une foufcription nationale, pour leur affurer une penfion viagere reverfible fur leurs veuves. Enfin le diftrict du Sépulcre propofa de leur donner à chacun une médaille dor de la valeur de cinquante livres,

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qui atteftât les fervices importants qu'ils avoient rendus à la France. Mais ces guerriers citoyens envoyerent une députation au comité militaire, pour témoigner à la nation que ce feroit contre leur vœu qu'on attacheroit une valeur numéraire à un figne dans lequel ils ne vouloient voir qu'une marque honorable de la bienveillance publique. D'après cette demande, auffi noble que patriotique, la commune arrêta qu'il leur en feroit donné une dorée qui, d'un côté, repréfenteroit le roi; de l'autre, les armes de la ville, avec cette infcription: AUX GARDES - FRANÇOISES EN 1789. Ainfi ces vaillants défenfeurs de la patrie ajouterent à cette décoration un éclat beaucoup plus brillant que celui de l'or qu'ils refuferent, & joignirent à la gloire du courage celle de la générofité & d'un fentiment exquis du véritable honneur. On ne peut nier que dans tout le cours de la révolution, ils déployerent toutes les vertus civiques & militaires. Vous étes des héros, leur difoit une dame frappée des traits de grandeur d'ame qui leur échappoient tous les jours. Madame, répondit un grenadier, nous fommes tout ce que nous pouvons réponse noble &

fimple, qui caractérise parfaitement l'efprit qui animoit cette glorieufe légion.

Un autre trait non moins caractériftique de l'efprit général des François à cette époque, c'eft que ce régiment nomma pour traiter de fes intérêts un comité de repréfentants, qui s'acquitta de fes fonctions avec beaucoup d'ordre & d'intelligence. La commune, à la réquifition de M. de la Fayette, accorda à chacun de ces foldats patriotes un certificat national très-honorable, & prit toutes les précautions néceffaires pour leur affurer leur contingent dans la mafse & les effets du régiment. Enfin l'hôtelde-ville tranfigea avec eux tant de leurs meubles que de leurs immeubles les : premiers furent évalués à 130,000 liv., les feconds à 900,000 liv., & ces deux fommes furent réparties entr'eux. Certainement les fervices des gardes-françoifes font au-deffus de toutes les récompenfes, & la libéralité de la commune ne pouvoit être mieux placée ; mais il faut avouer qu'elle méconnut les vrais principes en rachetant leurs cafernes & leur hôpital; elle ne devoit pas ignorer que les bâtiments deftinés au

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