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SCIENCES PHYSIQUES.

1o. GUIDE DU VOYAGEUR EN ESPAGNE, par M. BORY DE SAINT-VINCENT, correspondant de l'Académie des Sciences, l'un des officiers supérieurs anciennement attachés au dépôt de la guerre, etc. (1);

2o. VOYAGE EN ESPAGNE dans les années 1816, 1817, 1818 et 1819, ou RECHERCHES sur les arrosages, sur les lois et coutumes qui les régissent, sur les lois domaniales et municipales considérées comme un puissant moyen de perfectionner l'agriculture française; par M. JAUBERT DE PASSA, précédé du Rapport fait à la Société royale et centrale d'Agriculture (2); 3o. VOYAGE DANS LE TYROL ET UNE PARTie de la BaVIERE, pendant l'année 1811; par MARCEL DE SERres, ancien inspecteur des arts, manufactures, etc. (3).

Les deux premiers ouvrages, dont nous allons rendre compte, sont relatifs à la même contrée; mais ils la considèrent sous des aspects différeus : le premier et le troisième sont le résumé d'observations sur des pays assez éloignés

(1) Paris, 1823. Un vol. in-8° avec deux cartes coloriées, dressées et dessinées par l'auteur. Louis Janet, rue Saint-Jacques, no 59; prix, 12 fr.

(2) Paris, 1823. Deux vol. in-8° avec six cartes. Mme Huzard, rue de l'Éperon, no 7; prix, 15 fr.

(3) Paris, 1823. Deux vol. in-8°. Nepveu, passage des Panoramas; prix, 14 fr.

l'un de l'autre, et qui ne se ressemblent ni par le sol et le climat, ni par le caractère et les mœurs des habitans. Mais, ces différences mêmes, lorsqu'il est possible de remonter jusqu'à leur cause, deviennent un sujet d'étude et de méditations fructueuses. Après avoir lu l'ouvrage de M. Bory de Saint-Vincent, on comprendra mieux celui de M. Jaubert de Passa ; et la géographie physique de l'Espagne, exposée par le naturaliste, servira d'introduction et d'éclaircissement aux doctrines de l'agronome. Le livre de M. de Serres est la suite et le complément de ceux que ce savant voyageur a publiés sur l'Autriche et sur le pays de Saltzbourg : la géographie physique et la statistique en tireront des matériaux qui deviendront très – précieux, lorsqu'ils auront été revus. Le Guide du Voyageur en Espagne est travaillé avec plus de soin. En annonçant ainsi, dès le début, quelques observations critiques sur l'un de ces trois ouvrages, nous sentons la nécessité de nous justifier, et de commencer par des remarques sur les devoirs des critiques littéraires, et sur les méthodes qui peuvent les diriger le plus utilement.

Presque toujours c'est en vue de ses propres intérêts qu'un auteur écrit une préface; ainsi, l'indifférence des lecteurs pour ces premières pages d'un livre est au moins excusable, et souvent très-fondée. Les préfaces, avant-propos, avis au lecteur, etc., reçoivent l'accueil que l'on fait communément aux nombreux avis au public, tous fort utiles à ceux qui les donnent. C'est en lisant quelques pages d'un livre, que chacun jugera s'il peut y trouver plaisir ou instruction : et, pourvu que l'auteur ait su procurer l'un ou l'autre, le lecteur n'exige rien de plus. Le critique littéraire n'est pas aussi facile à contenter il cherche, dans les préfaces, tout ce qui peut lui faire connaître le but et le plan des auteurs ; il examine si le plan a été suivi, si l'auteur atteint son but, s'il est fidèle à toutes ses promesses. Sa conscience est celle d'un juré, ou, si l'on

veut, d'un rapporteur qui n'omet rien de ce qui tient à la cause et peut éclairer les juges. S'il lui était perunis d'user de quelques ménagemens, ce serait tout au plus en faveur des écarts de l'imagination, et jamais au profit des erreurs qui usurpent la place des vérités applicabies, et qui empêchent ainsi tant de bien, et arrêtent tant de progrès.

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Dans les écrits sur les sciences, toutes les convenances du style sont observées, si les idées sont justes et si l'écrivain a su trouver le mot propre à exprimer chaque idée. Lorsque les pensées sont fausses ou seulement trop mélangées d'erreurs, il est bien difficile que l'expression déguise tous les vices de son origine. BUFFON tombe au dessous de lui-même dès qu'il cesse de voir et de peindre la nature : les grandes images et les pensées sublimes disparaissent, le coloris du style palit: l'auteur des époques n'est plus qu'un écrivain ordinaire, lorsqu'on le compare à l'historien de la nature. Signaler une faute de goût dans un ouvrage instructif, c'est avertir la raison de se tenir sur ses gardes, plutôt qu'exercer une censure littéraire.

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Nous ne manquons pas de préceptes et de guides pour bien juger en littérature ; des hommes de lettres distingués ont développé les méthodes à suivre dans ces examens, et les ont appliquées aux chefs-d'œuvre de notre langue. On s'est beaucoup moins occupé de l'art d'écrire sur les sciences, et par conséquent, de celui d'apprécier, sous le rapport du style, les écrits des savans; cependant, ni l'un ni l'autre de ces arts n'est universellement répandu; car, il ne serait que trop facile de citer des ouvrages mal écrits ou mal jugés, quoique d'un profond savoir. Nous aurions peut-être aujourd'hui un excellent traité sur cette matière, si l'École Polytechnique avait conservé son ancien professeur de littérature.

Ainsi, la critique littéraire des ouvrages savans n'est pas encore soumise à des lois écrites; mais elle ne méconnaît point

la juridiction du bon goût. Sans attribuer à ses décisions plus d'importance qu'elles n'en ont réellement, nous ne les omettrons point; car on ne peut disconvenir qu'un bon style n'ajoute quelque chose au mérite d'un ouvrage, quel qu'il soit. Venons maintenant à nos trois voyageurs, et commençons par M. BORY DE SAINT-VINCENT.

L'auteur du Guide du Voyageur en Espagne a parcouru la Péninsule comme officier supérieur attaché au dépôt de la guerre, fonctions qui imposent le devoir de bien étudier la figure du terrain, et de la décrire avec exactitude. Les reconnaissances militaires et les travaux topographiques sont, pour un officier naturaliste, autant d'occasions d'étendre ses connaissances de prédilection. Ce que notre auteur n'a pu voir dans ses excursions, il n'en parle que d'après les témoignages les plus dignes de foi. Son introduction est consacrée principalement à la discussion de ces témoignages; il passe en revue tout ce que l'on a publié sur la géographie de l'Espagne ; il y joint les documens inédits, ceux qu'il a tirés des dépôts du gouvernement et du portefenille des officiers d'état-major, du génie, et surtout du corps des ingénieurs-géographes. Partout où les guerres de la révolution conduisirent les armées françaises, les sciences géographiques, la topographie et la statistique firent d'immenses progrès, trop légère compensation des calamités que ces guerres traînaient à leur suite, et préparaient pour l'avenir. Les excellens matériaux rassemblés par M. Bory de Saint-Vincent servirent à la construction des cartes qui devaient accompagner une Histoire des guerres de la Péninsule, de 1808 à 1813, qu'il avait rédigée, et dont le Guide des Voyageurs formait ia première partie. L'Histoire est restée en portefeuille ; et les cartes, réduites à de moindres dimensions, sont insérées dans l'ouvrage que nous analysons. Une épître dédicatoire à un ancien ami et compagnon d'infortunes, pleine de faits, et que l'on peut

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regarder aussi comme une introduction, fait connaître les circonstances qui ont empêché M. Bory de Saint-Vincent de publier son travail complet : malheureusement, ce qu'il en dit fait craindre que cette histoire ne soit perdue pour le public.

Après l'énumération des bons écrits et des bonnes cartes dont il a profité, l'auteur signale quelques sources où l'on ne devrait jamais puiser. Mais l'habitude est contractée, et de vieilies erreurs se perpétuent, mème dans les cartes publiées depuis la guerre actuelle. Des lieux importans, des rivières, et surtout des montagnes, y sont hors de leur véritable place, ou ne sont mênie que de pures fictions.

Parmi les censures que M. Bory de Saint-Vincent a cru devoir exercer, il en est une où l'on pourrait soupçonner une partialité bien excusable; car elle est dirigée contre un détracteur de notre nation et de nos armées. Dans un écrit peu connu, lord Blauet a entassé, dit notre auteur, un nombre prodigieux de méprises et d'erreurs relatives à l'Espagne. Cet écrivain ne craignait pas d'avouer à un général français, dans une conversation particulière, que son livre n'était point fait pour ceux qui ont vu l'Espagne, L'ingénuité de cet aven se présente sous une apparence ridicule; c'est celle que M. Bory de Saint-Vincent a saisie: mais on peut y trouver un sens raisonnable; il était juste de le remarquer.

Le Guide du Voyageur en Espagne est un volume de 648 pages. Il est divisé en deux chapitres, dont chacun comprend cinq sections: ainsi, l'étendue moyenne de chaque subdivision est à peu près de 65 pages. Il est impossible qu'elles ne comprennent pas des matières très-diverses et peu liées entre elles; ce qui peut nuire à la facilité des recherches.

Le premier chapitre est consacré à la géographie physique. L'auteur commence par des observations sur la mauvaise méthode adoptée par les dessinateurs de cartes pour figurer le

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