une loi qui distingue une famille de toutes les autres. (Nombreux murmures.) Je renonce donc au projet de développer mon opinion. (Violens murmures.) Je suis fâché de voir que je n'ai pas eu la liberté de l'énoncer... (Bruit.) Une voix. Il y a une heure que vous parlez; concluez. M. Robespierre. Je suis fâché aussi de l'avoir développée d'une manière qui a pu offenser quelques personnes ; mais je prie l'assemblée de considérer avec quel désavantage ceux qui soutiennent les principes que j'ai défendus émettent leurs opinions dans cette tribune. Je crois que l'amour de la paix, motif dont on s'est servi pour l'émouvoir, doit engager à désirer du moins que ceux qui ont adopté des opinions contraires à la mienne et à celle d'une partie des membres de cette assemblée, veuillent bien se dispenser de présenter toujours nos opinions comme tendantes à avilir la royauté, comme étrangères au bien public, comme si dans le moment actuel il ne nous était pas permis, saus être malintentionnés, de professer encore les opinions que nos adversaires eux-mêmes ont soutenues dans cette assemblée! (L'extrémité gauche applaudit.) Après des débats vifs et tumultueux, l'assemblée décréta que les membres de la famille royale pourraient exercer les droits de citoyens. On procéda à l'appel nominal sur la seconde question: il s'agissait de savoir si les membres de la famille royale seraient ou non éligibles aux places à la nomination du peuple. 267 votèrent pour la négative; 180 pour l'affirmative. SÉANCES DES 26 ET 27 AOUT. Séance du 26.-Les questions qui restaient à décider relativement aux membres de la famille royale étaient les suivantes : Pourront-ils exercer des places à la nomination du pouvoir exécutif? Auront-ils une dénomination particulière, et quelle sera cette dénomination? Sur la première question, il fut décrété qu'à l'exception des ministres, les membres de la famille royale seraient éligibles aux places et aux emplois à la nomination du roi ; qu'ils ne pourraient néanmoins commander les armées, ni être chargés d'ambassade, qu'avec l'agrément du corps-législatif. Sur la seconde question, quelques légers débats précédèrent le décret de l'assemblée. Robespierre s'éleva contre la próposition, faite par le comité, de conserver le titre de prince. Le curé Monero, Salles, Camus, Dandré, Goupil, Lanjuinais, présentèrent divers amendemens d'où résulta cette décision: < Les membres de la famille du roi appelés à la succession éventuelle au trône porteront le nom qui leur aura été donné dans l'acte de leur naissance, suivi de la dénomination de prince français. Les actes par lesquels seront légalement constatés leur naissance, mariage et décès, seront présentés au corps-législatif, qui en ordonnera le dépôt dans ses archives. > Desmeuniers proposa ensuite la révision de l'article portant que les décrets en matière d'impôt n'avaient pas besoin de sanction. On commençait à peine à discuter que la séance fut levée. Duport occupait la tribune. L'extrême gauche se levait et demandait à aller aux voix sur l'article. Le président apostropha ainsi les interrupteurs: Vous avez déjà voulu me faire la loi, vous ne me la ferez pas cette fois-ci. › La gauche lui répondit de consulter l'assemblée. Sillery s'écria qu'il fallait rappeler le président à l'ordre. Regnaud de Saint-Jean-d'Angely prit sa défense, et l'assemblée décida que Duport serait entendu. Ce dernier ajouta encore quelques phrases, et la séance fut fermée. Séance du 27.- La veille, Beaumetz avait exposé qu'il fallait corriger la force absolue de l'article touchant les décrets sur les contributions, en accordant aux ministres l'initiative des lois fiscales. Il reprit ainsi sa proposition. [M. Beaumetz. Vos comités de constitution et de révision, de concert avec celui des contributions publiques, ont reconnu qu'il ne pouvait y avoir de difficultés à l'égard des décrets en matière de contributions publiques, que dans la manière de s'exprimer. Ils sont presque unanimement convenus de laisser l'article tel qu'il vous a été proposé hier, d'en ajouter deux autres, et de faire, à l'article V de la section IV du chapitre II, un amendement qui consisterait à charger les ministres de donner leur opinion sur les moyens de faire annuellement les fonds nécessaires pour pourvoir aux dépenses de l'État. Cet amendement peut être le premier objet de votre délibération. M. Monero, curé. Cette disposition est inutile, puisque les ministres seront admis dans l'assemblée et pourront être entendus sur les choses relatives à leurs fonctions. M. Barrère. Je demande si l'intention de l'assemblée est de laisser établir une discussion sur une proposition aussi dangereuse. (Plusieurs voix Oui, oui.) En ce cas, je demande que l'addition proposée à l'article V de la section IV du chapitre II ne soit point adoptée; car demander l'opinion des ministres sur les contributions à établir, c'est donner aux ministres la véritable initiative des lois fiscales. M. Beaumetz, Sans doute, et nous ne nous en défendons pas; c'est une chose convenue. M. Barrère. Si je voulais rendre les ministres bien puissans, si je voulais dégrader ou annuler le corps-législatif, si je voulais réunir bientôt tous les pouvoirs dans les mains du pouvoir exécutif, si j'avais le dessein de transformer l'assemblée nationale en un ci-devant parlement de France, je viendrais appuyer l'opinion de MM. Beaumetz et Duport, tendante à donner au roi, c'est-à-dire aux ministres, l'initiative de la proposition des contributions publiques. L'ancien régime respectait mieux les droits que les orateurs que je combats; l'ancien régime vit des parlemens refuser l'impôt, en disant qu'il n'appartenait qu'à la nation assemblée de s'imposer. Et voilà le germe de la révolution actuelle. Comment peut-on l'oublier en un instant? L'ancien régime vit le roi et les ministres reconnaître le grand principe qu'à la nation seule appartient le droit inaliénable de consentir les contributions publiques; et cette maxime, déjà consacrée par les parlemens, les ennemis naturels des droits nationaux, fut solennellement consacrée dans les lettres-patentes de la convocation de ce qu'on appelait les États-généraux. Comment a-t-on pu espérer de vous faire oublier cette maxime attestée par des siècles, et déposée même dans le berceau de l'assemblée nationale? Quels sont donc les motifs qui ont pu faire proposer de donner au roi l'initiative sur les contributions publiques? Serait-ce parce que le roi a la sanction sur la législation? Mais les lois sur l'impôt ne sont pas, à proprement parler, la législation; c'est une véritable administration paternelle, c'est une grande disposition d'économie politique, c'est une contribution divisée entre les membres d'une grande famille par la famille elle-même. Le roi n'est, quant à l'impôt surtout, qu'un fonctionnaire public, qu'un commis pour faire percevoir ce que la famille a imposé sur ses membres. Vous avez vous-mêmes reconnu le principe, le 17 juin, lorsque vous paralysâtes ainsi les bras du despotisme; lorsque par cette maxime sacrée vous desséchâtes dans ses mains les sources du trésor public; lorsque vous dites que le premier usage que l'assemblée nationale devait faire du pouvoir que la nation recouvrait, était d'assurer la force de l'administration publique, en légitimant elle seule la perception des impôts alors existans. Vous avez vous-mêmes exécuté ce principe déjà authentiquement reconnu par le roi, et solennellement proclamé par toutes les assemblées de la nation, principe qui interdit toute levée de contributions dans le royaume, si elles n'ont été nommément, formellement et librement accordées par l'assemblée de la nation. Librement accordées, c'est-à-dire spontanément, sans aucun mélange de volonté étrangère. S'imposer seule est un droit national; s'imposer à son gré dans la forme qui lui plaît, pour la somme qui lui paraît convenable à ses besoins, voilà le véritable exercice de la souveraineté nationale. Or, comment la nation ou ses représentans seraient-ils libres, si la volonté du roi, si les vues, les projets, les systèmes de ses ministres précédaient, entravaient ou influençaient la volonté nationale? (On applaudit.) L'initiative des lois est refusée au roi par la constitution, quoi que la constitution lui accorde le veto sur les lois. Comment donc lui accorderiez-vous l'initiative sur l'impôt, qui n'est jamais présenté qu'à son acceptation? Il y a deux années que vous avez vous-mêmes donné l'exécution à ce principe; il y a deux ans que vous avez établi l'indépendance des représentans de la nation sur cet objet, et aujourd'hui l'on vous propose de les asservir, et cela pour agrandir le domaine ministériel, pour augmenter l'influence royale ! N'est-ce donc pas assez de lui avoir donné la proposition des objets que l'assemblée doit prendre en considération, l'initiative sur la paix et la guerre, la nomination des officiers de la trésorerie nationale, la proposition sur les commandemens à donner aux membres de sa famille? faut-il encore remplir à son gré, ou dessécher, d'après son veto, le trésor public? (On applaudit.) Mais à quoi servira-t-il donc d'avoir introduit les ministres du roi dans l'assemblée, d'en avoir fait une espèce de représentans et d'orateurs perpétuels sur tous les objets? Si une disposition sur les contributions publiques est mauvaise, impolitique, insuffisante, inexécutable, les ministres ne prendront-ils pas la parole? Si les sommes que l'assemblée décrétera pour être imposées ne suffisent pas, le ministre des contributions ou tout autre ne fera-t-il pas voir l'erreur? et ce concours de lumières et d'efforts ne rend-il pas inutile toute initiative, qui d'ailleurs est inconstitutionnelle, même en matière de lois, à plus forte raison en matière d'impôts? (On applaudit.) Les orateurs qui ont demandé cette initiative semblent convenir du danger radical d'assujétir à la sanction les décrets sur les contributions publiques. J'aurai donc facilement détruit l'opinion de l'initiative, lorsque j'aurai prouvé le danger plus grand encore de cette prérogative ministérielle. En effet, M. Beaumetz reconnaît que la sanction de ce genre de décrets est dangereuse en ce sens, qu'en suspendant l'impôt, l'action du gouvernement serait arrêtée. Et moi j'y trouve de bien plus grands maux. Un impôt pèse-t-il sur le peuple, le corps-législatif veut l'abolir: le veto est apposé sur ce décret populaire, et l'impôt pèse encore six ans sur nos têtes. Un impôt |