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1790) fut diversement accueillie. Frédéric-Guillaume se hâta de représenter à Léopold combien il était urgent pour les souverains de concerter une coalition. L'empereur, tout en adhérant à l'opinion du roi de Prusse, jugea néanmoins qu'on ne devait rien précipiter. La Russie et la Suède montrèrent contre la révolution le plus violent acharnement. Catherine surtout excita Léopold et Frédéric-Guillaume à intervenir sans délai.

Le roi de Prusse attribua les lenteurs de Léopold à l'embarras que présentait la suspension du congrès de Sistow, à la prolongation de la guerre des Russes contre les Turcs, enfin au désir secret de préparer une coalition avec les puissances méridionales qu'il dirigerait à son gré. En conséquence, agissant en son propre et privé nom, il fit offrir à Louis XVI, par le baron de Goltz, le secours prompt et immédiat d'une armée de 80,000 hommes, à la seule condition de rompre avec l'Autriche et de s'allier intimement à la Prusse. Montmorin déclina cette ouverture en disant que Louis XVI n'avait ni le pouvoir ni la volonté d'adhérer à d'aussi dangereux expédiens.

La démarche de Frédéric était restée sans autre suite, lorsque, au mois de mars 1791, les cabinets de Vienne et de St.-Pétersbourg, se montrèrent résolus à mettre un terme à la guerre d'Orient. Ce fut à cette époque que, pour premier gage d'intervention, Léopold adressa à Louis XVI une réclamation en faveur des princes possessionnés. Il reprit ensuite sa correspondance directe avec Frédéric, et les deux souverains ne tardèrent pas à s'entendre. Léopold voyageait alors en Italie. Il y reçut en même temps le major Bischoffswerder envoyé de la Prusse, et lord Elgin particulièrement chargé par Georges III de solliciter l'intervention. Le comte d'Artois se joignit à ces deux envoyés. C'était au moment où la cour de France, laissée sans appui par la mort de Mirabeau, pressait avec le plus d'ardeur la coalition. Montmorin, agissant dans ce but, avait pris pour intermédiaire l'ambassadeur d'Autriche, Mercy-Argenteau. Ce dernier, couvrant ses relations par des voyages à Bruxelles et à La Haye, informait le ministre de Louis XVI des progrès de la négociation.

Ces intrigues soupçonnées par les meneurs constitutionnels de l'assemblée nationale les portèrent à exiger du roi l'expédition de la circulaire du 23 avril, transcrite par nous à sa date. Mais Louis XVI démentit aussitôt par des agens secrets ses éloges pompeux de la constitution, arrachés, disait-il, à un captif. Il songea sérieusement à systematiser l'action des émigrés, et il confia une mission pour le comte d'Artois et le ministre Calonne, au comte Alphonse de Durfort. Léopold avait déjà rendu public le résultat de ses conférences avec les envoyés de Prusse et d'Angleterre. Sa déclaration, datée de Pavie le 18 mai, par laquelle il annonçait le dessein de concourir avec d'autres puissances à arrêter le mouvement français, fut le germe de la première coalition. Une entrevue, fixée au 20 mai, devait aboucher, à Mantoue, les chefs de l'émigration et le comte de Durfort avec l'empereur. Là, en effet, au jour convenu, Calonne développa un plan selon lequel 35,000 impériaux attaqueraient la Flandre; 15,000 hommes des cercles, l'Alsace; 15,000 Suisses, Lyon; autant de Sardes, Grenoble, et enfin 20,000 Espagnols, la frontière du Roussillon. L'empereur corrigea de sa main quelques parties de ce plan et décida la campagne pour le mois de juillet. Mais il était bien entendu que les hostilités seraient préalablement discutées par un congrès, circonstance que l'auteur des mémoires d'un homme d'Etat reproche à tous les historiens d'avoir ignorée.

Sur ces entrefaites arriva la fuite à Varennes. L'auteur que nous suivons attribue cette imprudence aux conseils du baron de Breteuil. Cet affidé en titre de Louis XVI, voyant que le comte d'Artois et Calonne diminuaient son influence, blessé de n'avoir pas été admis aux conférences de Mantoue, brusqua le départ du roi en alléguant que tel était l'avis de Léopold. L'issue de cette tentative consterna les puissances européennes. Frédéric-Guillaume tomba pendant quelques jours dans une profonde tristesse, et Léopold écrivit de Padoue sa circulaire du 6 juillet, par laquelle il invitait les souverains à une prompte coalition.

Tels sont les actes de la politique extérieure jusqu'au 6 juillet.

Le livre que nous analysons rejette comme une fable un prétendu traité signé à Mantoue, lequel n'a jamais existé.

Après le 21 juin, toutes les cours de l'Europe signifièrent aux ambassadeurs français l'ordre de ne plus paraître devant elles. Le 25 juillet, le prince de Kaunitz pour l'Autriche, et le major Bischoffswerder pour la Prusse, arrêtèrent les bases d'un traité d'alliance. Ils posèrent, pour première condition, le rétablissement de la paix entre l'empire ottoman et la Russie. Léopold donna l'exemple à Catherine : il pressa les conférences de Sistow, et le 4 août la paix fut conclue entre la Porte et l'Autriche.

En signant le traité préliminaire, les négociateurs, aux termes de leurs instructions, avaient dressé trois articles secrets relatifs à la Pologne. Par ces articles, les deux cours reconnaissaient éventuellement l'indépendance et la nouvelle constitution des Polonais, et s'engageaient à employer leurs bons offices pour amener Catherine II à cet avis. Les souverains se donnèrent rendez-vous à Pilnitz, le 25 août, pour la ratification de ce traité.

A cette nouvelle, les chefs du parti constitutionnel redoublèrent d'activité dans leurs intrigues (1) pour tout calmer au-dedans et au-dehors. Ils n'ignoraient pas que Léopold penchait pour le système pacifique, et, de concert avec Montmorin, ils adressèrent des directions confidentielles au marquis de Noailles, ambassadeur de France à la cour de Vienne. Celui-ci, très-dévoué à la Fayette et aux Feuillans, fit remettre, dans les premiers jours d'août, une note à l'empereur, où il exposait les triomphes obtenus par les constitutionnels dans la question de la déchéance, et leur volonté de transiger avec Louis XVI. Il disait de plus, au nom des hommes les plus sages de l'assemblée nationale, que recourir à des tentives d'invasion, serait l'infaillible moyen d'ai

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(1) Ce sont les expressions des mémoires d'un homme d'État (prince Hardenberg). Il cite Barnave, Dnpont, Beauharnais, la Fayette, les Lameth, Talleyrand, Beaumetz, Chapelier, Thouret, Desmeuniers, Dandré. Il les appelle royalistes mitigés et partisans des deux chambres.

(Note des auteurs.)

grir le peuple, et de mettre la France sons le joug de la faction Jacobine. Les désirs de Louis XVI et de la reine étant conformes à cette ouverture des Feuillans, Léopold y obtempéra.

MONSIEUR, Soit à cause des lenteurs précédentes de Léopold, soit qu'il soupçonnât la diplomatie des Feuillans, tourna ses espérances du côté de la Prusse; il envoya le baron de Roll à Frédéric, qui témoigna le plus vif empressement et fit prévenir aussitôt Boullé de se rendre à Pilnitz, le 26 août, avec un plan d'invasion qu'il l'invitait à tracer lui-même.

Au jour et au lieu indiqué un premier entretien secret apprit à Frédéric-Guillaume les vues pacifiques de l'empereur à l'égard de la France. Ce dernier fit l'aveu qu'il travaillait à tout concilier. Le roi de Prusse parla du plan de Bouillé et de l'opportunité imminente de tenter un coup de main sur des frontières à peine garnies de troupes indisciplinées. L'empereur répondit en s'appuyant du témoignage du maréchal de Lascy, quant à la difficulté de l'invasion, et sur les ouvertures du marquis de Noailles, quant aux inévitables périls qui frapperaient brusquement Louis XVI, si la guerre était déclarée. Frédéric céda à ces raisons, et il fut convenu qu'on n'emploierait que des moyens conciliatoires. Le comte d'Artois, accompagné de Calonne, de Bouillé et de Polignac, sollicita vainement une coalition immédiate. Le jeu diplomatique dura autant que les convenances l'exigeaient, après quoi fut signé, le 27 août, le fameux manifeste de Pilnitz dont les émigrés furent seuls dupes en Europe; personne, excepté eux, ne se méprit sur l'esprit dilatoire de cette déclaration. Nous quittons ici le fil des relations extérieures

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pour le reprendre plus tard selon les occasions que l'assemblée législative nous en fournira.

FIN DE LA CONSTITUANTE ET DU ONZIÈME VOLUME.

TABLE DES MATIÈRES

DU ONZIÈME VOLUME.

PRÉFACE. Considérations critiques sur la contradiction qui existe
dans les écrits des matérialistes et des panthéistes, entre leur prin-
cipe fondamental et la langue même dont ils se servent.

HISTOIRE PARLEMENTAIRE.

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Explications de Marat sur les raisons qui ont déterminé

Vadier à parler, p. 23. — Opinion de Robespierre, p. 24. — Opi-

nion de Goupil, p. 51. Opinion de Grégoire, p. 58. - Opinion

de Salles, p. 43. Salles termine par un projet de décret sur l'in-

violabilité du roi, p. 53. — Opinion royaliste de Barnave, p. 54.

Décret qui, respectant l'inviolabilité du roi, ordonne la mise en ac-
cusation de ceux qui ont participé à sa fuite, p. 69. - JOURNÉE DU
17 JUILLET, p. 70. Coup-d'œil général sur cette journée, rôle de
Danton, Brissot, Desmoulins, p. 70, 74. Actes du corps munici -
Première pétition signée au Champ-de-Mars le 45

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nou-

et portée à l'assemblée, p. 80. Séance du 15, aux Jacobins,
veau projet de pétition, p. 82, 86. Séance du 16, à l'assemblée
nationale, p. 87, · Décret contre les perturbateurs, p. 91. — Ordre

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