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les membres les plus ignorants d'une assemblée législative.

Dans un corps politique ainsi composé, la majorité sera presque toujours conduite par des préjugés d'autorité.

CHAPITRE V.

USAGE DES SOPHISMES POUR CEUX QUI LES EMPLOIENT CEUX QUI LES REÇOIVENT.

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On peut être réduit à employer sophismes contre sophismes, à se servir pour sa défense des arguments ad hominem ou ad populum; et si cela est permis pour soi, à plus forte raison le sera-t-il pour le bien public. «Telle est la nature de l'homme, « dira-t-on, que ces arguments fallacieux sont << peut-être ceux qui produiront sur l'esprit public « l'impression la plus salutaire. Toute erreur est « nuisible en général et dans une longue durée : << mais si une erreur tout établie peut contribuer « au salut public, il ne faut pas hésiter à s'en servir. «La mesure que nous combattons est pernicieuse. "Ce serait imbécillité et mème crime de notre part «que de ne pas tenter, pour la faire échouer, des « moyens qui, sans être absolument innocents, ne << sont pas criminels par eux-mêmes. Il y a long<< temps qu'on a donné au sage le conseil de ré«pondre au fou selon sa folie. »

Il faut avouer que cette apologie serait admissible si ces arguments sophistiques, ces appels aux préjugés et aux erreurs, étaient employés simplement comme auxiliaires; s'ils étaient introduits à la suite et non à la place des arguments légitimes.

Mais, dans ce cas même, la sincérité requiert ces deux conditions: 1° que les arguments directs et pertinents soient placés en première ligne, et qu'on déclare d'avance que c'est par leur seul mérite qu'on voudrait décider du sort de la cause; 2o qu'en présentant ces faux arguments, on ne dissimule point leur faiblesse intrinsèque, et qu'on donne à entendre qu'on ne s'en sert qu'à regret.

Si ces deux conditions ne sont point remplies, l'emploi des sophismes, même en faveur d'une bonne cause, est une forte présomption d'improbité on d'ineptie: ineptie, si celui qui s'en sert n'en voit pas la faiblesse ; improbité, si, connaissant leur tendance nuisible, il cherche à les accréditer de tout son pouvoir.

Après avoir considéré ces sophismes réduits à l'expression la plus simple, dépouillés de tous les ornements de l'éloquence et séparés des circonstances dans lesquelles on les fait valoir, le lecteur, qui n'aura vu dans les uns qu'un amas de contradictions, et dans les autres qu'une apparence de raison qui s'évanouit au premier éxamen, aura peutêtre quelque peine à concevoir quel est leur usage, quel est le parti qu'on peut en tirer.

Se peut-il que les politiques qui les emploient n'en aient pas reconnu l'absurdité? Se peut-il que ceux qui les reçoivent n'en aient pas senti le néant?

Non. Cette supposition est trop invraisemblable pour être admise. Il y a presque toujours feinte des deux parts. Tout cet appareil de fausses raisons, faussement données, faussement reçues, ne se sou. tient que par une convenance réciproque entre des hommes qui veulent s'entendre et se ménager. Leur jeu est de se protéger les uns les autres contre l'imputation de n'agir que pour leur intérêt propre, sans aucun égard pour le bien public. C'est un voile spécieux sous lequel on se cache. On prétend avoir des opinions qu'on n'a pas. On prétend agir de bonne foi en conséquence de ces opinions. On est toujours sûr d'échapper à la conviction du contraire car, à moins de lire au fond des cœurs et d'avoir une exacte mesure de l'intelligence d'un homme, peut-on affirmer que l'opinion qu'il professe, tout absurde qu'elle est, ne soit pas la sienne? Il y a des cas où le silence, le silence absolu, serait trop suspect. Ce serait avouer qu'une mesure est injustifiable, qu'on est réduit à esquiver le combat. Il est de toute nécessité d'obvier à un soupçon qui nuirait au crédit de tout le parti, en fournissant contre lui une présomption à la portée de tout le monde.

Un parti a toujours une réputation à ménager. Ceux qui jouent le premier rôle ne peuvent conserver leur ascendant qu'autant qu'ils sont prêts à soutenir l'attaque et la défense. Il leur importe done. d'avoir des arguments plausibles, lorsque le sujet n'en fournit pas de bons, pour donner une couleur à toutes les mesures, et fussent-ils sûrs d'entraîner par leur autorité, ils doivent cacher cette force réelle et ne prétendre qu'à un succès de raison.

Ceux qui jouent le second rôle, ne fussent-ils déterminés dans le fait que par la volonté du

ministre ou du souverain, veulent, dans cette abnégation d'eux-mêmes, garder les dehors de l'indépendance et paraître ne voter que d'après la conviction de leur entendement.

Il suit de là que, dans une assemblée politique, quelque mauvaises que soient les mesures, l'honneur du parti exige qu'il y ait des arguments produits et soutenus pour conserver une apparence de liberté et d'honnêteté.

Il est vrai que, si la fausseté de l'argument est reconnue, la réputation de sagesse peut en souffrir; mais la réputation d'honnêteté demeure inattaquable. Au reste, le risque est fort peu de chose. Les idées du vrai et du faux sont si mêlées, que le plus mauvais argument, soutenu par l'autorité et le crédit, appuyé par ceux dont il favorise les intérêts, aura toujours une multitude de partisans faux ou sincères. Celui qui débite cette fausse monnaie se flatte qu'elle passera sans examen, ou que, si elle est refusée, on supposera qu'il s'est trompé luimème, et non qu'il ait eu l'intention de tromper.

Dans cette vue, les différents sophismes produiront plus ou moins d'effet, selon la nature des

cas.

1o Il en est qui ont comme un masque de prudence et de précaution; ils réussissent auprès des hommes timides et défiants; ils donnent à celui qui les emploie un air de circonspection et de modestie: mais ils plaisent moins aux esprits fiers et courageux. A cette classe, se rapportent les arguments ad metum et ad verecundiam, la crainte de l'innovation, le spectre du jacobinisme, l'idolâtrie des anciens usages, l'autorité, et tous les êtres allégoriques dont on se sert pour subjuguer la raison quand on ne peut pas la convaincre.

2o Il en est d'autres qui ont un caractère de force et de hardiesse. Ils imposent par un air de supériorité. L'orateur semble se placer sur une éminence, et regarder de haut ses antagonistes. Il emploie tous les arguments ad superbiam, ad odium, ad contemptum, ab irato. Il répand l'ironie et le sarcasme. Les termes de perfection, d'excellence, de découverte, de génie, deviennent dans sa bouche des termes de reproche et de ridicule, qui ont une puissance magique pour tout réfuter. Vous croiriez qu'il a tout approfondi, tout embrassé dans une seule vue, et qu'il est revenu de toutes ces illusions, de toutes ces chimères de réformateurs. Mais avec cet air de défi et d'audace, il se garde bien de s'exposer au danger d'un combat réel; le dédain sert à couvrir sa faiblesse, et il donne à sa fuite l'apparence de la victoire.

Entre ces sophismes, les premiers sont à l'usage de tout le monde. Les autres ne peuvent réussir qu'à l'aide d'une place éminente ou d'un talent dis

tingué. Un chétif orateur qui ose s'en servir, ne produit aucun effet et devient ridicule.

Où la guêpe a passé, le moucheron demeure. Dans un État despotique, ceux qui gouvernent n'ont à influer que sur l'entendement ou la volonté d'un seul. Par rapport au peuple, on ne lui donne pas de raisons, on lui intime des ordres.

Dans un État libre, il faut influer sur l'entendement ou la volonté d'un grand nombre, et de lå, la nécessité des arguments vrais ou faux.

La corruption, a dit Hume, est une preuve de la liberté. Les sophismes en sont une preuve du même genre.

Mais il ne faut pas tirer de là une objection contre les États libres, contre les assemblées politiques dont les débats ont de la publicité; car, en pesant le bien et le mal, la balance est considérablement en faveur du bien. Cette lutte publique entre tous les intérêts aura une tendance à former des athlètes plus habiles et plus exercés. Les abus, il est vrai, seront défendus avec art, les institutions vicieuses seront présentées sous des aspects trompeurs ; mais en résultat, il y aura plus de tètes pensantes, plus de vigueur intellectuelle ; le tribunal de l'opinion se compose à la longue de juges plus éclairés ; et dans ce combat entre l'erreur et la vérité, la victoire doit enfin demeurer du côté de ceux qui emploient des armes d'une meilleure trempe. Le progrès peut ètre lent, mais les avantages une fois obtenus sont durables, parce que la nature de la constitution les met à l'abri du capriee. Ceci paraît vrai, du moins par rapport à l'Angleterre, et son histoire en fournit un grand nombre de preuves.

Disons ici un mot de la grande république américaine. Le congrès des États-Unis est la seule assemblée qui exerce les mêmes pouvoirs et avec la même publicité que le parlement britannique. Où en sont-ils pour l'emploi des sophismes?,

Il est certain que leurs fondateurs, en traversant l'Océan, se sont affranchis de plusieurs abus qui sont restés dans la mère patrie, et qui ne pouvaient se transplanter dans un établissement colonial.

Un gouvernement naissant ne peut avoir que les emplois nécessaires. Il n'y a point de place pour des prète-noms, point pour des surnuméraires, pour des dignités sans office ou pour des offices nominaux, etc.

Par la même circonstance rénovatrice, il est un grand nombre de sophismes qui ne pouvaient pas émigrer avec les colons. Point de clameur générale contre l'innovation dans un pays où il fallait tout

1 On entend par corruption l'emploi des moyens d'influence du gouvernement sur les votes de l'assemblée.

créer. Point de culte idolâtrique pour les ancêtres dans des colonies où les individus, rassemblés de toutes les parties du monde, n'avaient pas d'ancètres communs. Point de superstitions générales fondées sur les traditions des temps d'ignorance. Point de préjugés d'autorité dans des États où il n'y a pas de succession de personnages puissants d'une réputation imposante. On pourrait prolonger encore cette liste négative de causes d'erreur qui n'existent pas dans le congrès des États-Unis. Mais il en est sans doute d'autres qui leur sont particulières, tenant à leur diverses constitutions, à leurs diverses religions, à des préventions nationales, à des oppositions d'intérêt, ou à des exagérations républicaines. Il ne faudrait rien moins qu'une profonde étude de tout ce qui concerne ce faisceau de républiques, pour être en état de juger quels sophismes doivent prédominer dans cette assemblée.

CHAPITRE VI.

DES ROLES DIVERS PAR RAPPORT AUX SOPHISMES.

Terminons cet ouvrage par quelques observations sur le caractère de ceux qui se servent de ces arguments sophistiques. Cherchons à distinguer les cas où il ne faut accuser que l'intelligence, et ceux où on peut présumer un défaut de sincérité.

Une comparaison se présente d'elle-même entre les faux arguments et la fausse monnaie. Le fabricateur, le distributeur, l'accepteur, voilà les trois rôles nécessaires pour mettre un mauvais écu en circulation.

Chacun d'eux peut concourir au mème acte sans avoir la même intention et le même degré de connaissance: 1o Mauvaise foi, 2° témérité, 30 erreur sans blame; voilà les divers états où peut se trouver leur esprit par rapport à l'acte."

Le soupçon de mauvaise foi tombera plus natu rellement sur le fabricateur que sur le simple distributeur. Qu'il s'agisse, en effet, d'un faux écu ou d'un faux argument, on ne peut faire ni l'un ni l'autre sans se donner quelque peine, et on ne prend cette peine qu'avec l'intention d'en tirer quelque profit. Dans le cas du faux écu, il est certain que le fabricateur sait qu'il est faux : dans le cas du faux argument, la certitude n'est point la même; il y a des esprits fins et subtils qui se prennent dans leurs propres filets et que l'amourpropre rend ensuite aveugles. Cependant la mauvaise foi est plus probable du côté de celui qui

fabrique le sophisme que de la part de ceux qui ne font que le recevoir et le répandre.

Plus l'intérêt séducteur est manifeste, plus on peut présumer la mauvaise foi : mais ce n'est encore qu'une présomption; car il est possible que celui qui cède à son influence ne l'aperçoive pas. Sans un certain degré d'attention, un homme ne découvre pas mieux ce qui se passe dans son esprit que dans l'esprit des autres. Vous pouvez avoir en main un livre ouvert et fixer les yeux sur la page, sans rien apercevoir du contenu, si votre attention n'y est pas dirigée.

La présomption de mauvaise foi est au plus haut degré de force lorsque, la question étant clairement posée, l'antagoniste s'obstine à l'éluder. Toute réponse évasive et non pertinente est un silence relatif, et ce silence est équivalent à un aveu. C'est une présomption par laquelle on se guide dans un tribunal de justice, et cette règle peut s'appliquer aux plus hauts départements de la législature.

De toutes les manières d'éluder, la plus décisive pour la mauvaise foi est celle qui consiste à représenter l'argument de son antagoniste sous un point de vue faux, à lui faire dire ce qu'il n'a pas dit, et à feindre de lui répondre en travestissant son opinion.

La mauvaise foi est moins présumable dans les cas où l'intérêt séducteur agit concurremment avec les préjugés établis, les coutumes reçues, et l'autorité des ancêtres. Plus une opinion a de cours, plus il est probable que ceux qui la professent sont sincères; car il n'y a point d'opinion si absurde, qu'on ne fasse aisément adopter, pourvu qu'on persuade qu'elle est généralement admise. Le principe d'imitation opère sur la croyance comme sur la conduite.

Le troisième rôle, celui de l'accepteur, est aussi équivoque que les deux premiers.

L'acceptation peut être un acte interne ou externe. L'opinion fausse est elle reçue comme vraie, on peut dire que l'acceptation est interne. Cet assentiment est-il rendu manifeste aux yeux d'autrui par geste ou par discours, l'acceptation devient externe.

Ces deux actes vont naturellement ensemble, mais ils peuvent être séparés. Sensible à la force d'un argument, je puis me comporter comme si je ne l'avais pas sentie; et sans en avoir reçu aucune impression, je puis feindre de l'avoir reçue.

Il est clair que l'acceptation interne ne saurait être accompagnée de mauvaise foi : mais l'acceptation externe peut l'être, et l'est dans tous les cas où elle n'est pas précédée de l'acceptation interne, c'est-à-dire de la persuasion.

Mauvaise foi, ou témérité, ou faiblesse d'es

prit, c'est l'une ou l'autre de ces imperfections qu'il faut attribuer nécessairement à ceux qui avancent ou qui adoptent des sophismes.

Jusque-là ces distinctions sont claires et palpables. Mais en y regardant de plus près, on trouve un état mitoyen entre la mauvaise foi et la témérité, un état qui participe de l'un et de l'autre.

C'est ce qui peut avoir lieu dans tous les cas où la force de l'argument admet différents degrés de persuasion. Je ne trouve dans mon opinion qu'un certain degré de probabilité; je m'énonce comme si j'y trouvais la certitude. La persuasion que je déclare n'est pas absolument fausse, mais elle est exagérée, et cette exagération est fausseté.

Plus on s'accoutume à employer un faux argument, plus on est sujet à passer de l'état de mauvaise état de foi à celui d'imbécillité, je veux dire d'imbécillité relative au sujet. On a dit du jeu, qu'on commence par être dupe, et qu'on finit par être fripon. Mais, en ceci, on commence par un certain degré de fourberie, et l'on finit par s'en imposer à soi-même.

C'est un phénomène bien connu, qu'un menteur d'une imagination un peu vive, à force de répéter une histoire inventée à plaisir et de la particulariser, parvient enfin à se tromper lui-mème et à la croire vraie.

Mais si cela peut arriver par rapport à des faits fictifs toujours en contradiction avec des faits réels, combien cette illusion ne sera-t-elle pas plus facile, et, par conséquent, plus fréquente par rapport à ces impressions internes si délicates et si fines, à ces degrés de persuasion si variés, qui n'ont point de signe extérieur, et pas même des mots correspondants pour en exprimer les nuances?

Si de mauvais arguments sont un indice de mauvaise foi, cet indice devient bien plus fort lorsqu'au lieu de s'adresser à l'entendement, on s'adresse à la volonté de ceux qu'on veut persuader, c'est-àdire lorsqu'on substitue à des arguments les peines et les récompenses.

De faux arguments adressés à l'entendement peuvent être réfutés; mais ces arguments adressés à la volonté (si on peut leur donner ce nom) ne peuvent pas l'être les raisons les plus fortes seraient sans effet. Il faudrait, pour les combattre, avoir des moyens supérieurs de subornation ou de contrainte.

Conclusion.

La force intrinsèque d'un argument, dira-t-on,❘ ne dépend, en aucune manière, du caractère moral de ceux qui l'emploient. Un sophisme n'en vaut pas mieux pour être dans la bouche d'un homme de bien; il n'acquiert pas un degré de fausseté de plus

pour être dans celle d'un fripon. Le motif, bon ou mauvais, n'affecte, en aucun degré, l'argument luimême. Il paraît donc que ces considérations morales sont étrangères au sujet.

Je conviens que l'essentiel est de démontrer la fausseté du sophisme, sans égard aux causes qui le produisent et aux intentions de ceux qui le défendent, l'œuvre de la logique se borne à cela: mais sous un autre point de vue, il m'a paru utile de mettre en évidence la liaison naturelle et intime qui existe entre l'intérêt personnel, la mauvaise foi et les sophismes. Si on a vu des hommes attacher une idée de supériorité d'esprit à l'emploi subtil de ces moyens d'imposture, il serait déjà bon, sous ce rapport, d'humilier leur vanité en leur montrant que ce succès tient uniquement à l'intérêt privé de ceux qui leur applaudissent, et qu'il n'est pas besoin d'un grand talent pour entraîner les hommes dans le sens de leurs préjugés, de leur profit ou de leurs passions. Les succès vraiment honorables dans une assemblée sont ceux qu'on obtient, avec la raison seule, contre les intérêts séducteurs. Les succès du sophiste ne sont que comme la conquête d'une place dont la garnison était secrètement vendue.

Mais, de plus, si l'on conçoit tout ce qu'il y a. de méprisable dans cette disposition sophistique, combien elle prouve de dédain pour la vérité, de perversité dans la plus noble faculté de l'homme, d'indifférence ou même d'aversion pour le bien public, il en résultera que, dans une assemblée politique, l'orateur qui emploiera son talent à faire valoir un sophisme reconnu, perdra son crédit auprès de tous les amis de la probité et de la sincérité. On ne le verra plus que comme un homme astucieux contre lequel il faut être sur ses gardes ; et à la peur de ne pas réussir, se joindra celle d'être sévèrement jugé.

L'efficacité de cette censure morale peut se prouver par un exemple familier. Pour ne pas sortir de mon sujet, je le prendrai dans l'assemblée législative la plus nombreuse qui existe; et je crois pouvoir supposer que sur sept ou huit cents membres qui la composent, il n'en est aucun qui, dans une compagnie de femmes honnêtes, ait oublié le devoir d'un galant homme, au point de prononcer un mot qui les fit rougir. Or, si la crainte d'un regard d'indignation suffit pour faire respecter cette loi de bienséance, peut-on croire qu'une transgression des lois de la sincérité ne fût aussi fortement réprimée dans un sénat, si elle y éprouvait aussi peu d'indulgence?

Cet exemple, il est vrai, prouve un peu trop; car, dans ce cas, c'est l'évidence du délit qui lui sert de frein; et la mauvaise foi du sophisme le plus frauduleux n'est jamais aussi manifeste qu'une

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Quand les tours d'un charlatan sont démasqués, il est obligé de se dépayser.

Quære peregrinum, vicinia rauea reclamat.

Prenons seulement un siècle ou deux pour la sûreté de la prophétie, et soyons sûrs que le temps viendra où cette ébauche des sophismes, achevée et polie par une main plus habile, leur servira de signalement dans les assemblées politiques. Tandis qu'un orateur, satisfait de lui-même, croira éblouir

1 Ceux qui ont lu le Curé de Wakefield se rappelleront l'agréable épisode d'un filou, Éphraim Jenkins, son traité de Cosmogonie, son Sanchoniaton, et la manière dont il sut en imposer dans sa prison au bon curé et à ses cama

et tromper par quelque argument de cette nature, vingt voix s'élèveront de concert, non pour le réfuter ennuyeusement, mais pour le renvoyer à l'école ou au théâtre, et en faire bonne et prompte justice.

Il est possible, toutefois, que cet ouvrage ne serve qu'à redoubler, pour un temps, la dextérité des sophistes. Ils l'étudieront comme un livre de rhétorique, pour apprendre à manier les armes de leur état, à se mettre en défense, à parer les coups, à devenir des jouteurs plus habiles et plus exercés. C'est ainsi qu'un traité sur les stratagèmes des filous peut contribuer au raffinement de l'art qu'on cherche à détruire; mais il sera plus utile encore à la police qui les poursuit, et au public qui apprend enfin à les connaître.

rades; mais le pied fourchu se trahit lui-même : quand on entendit répéter à de nouveaux venus ce beau morceau d'érudition, la prison retentit d'éclats de rire, et c'était à qui se moquerait le plus d'Éphraim Jenkins.

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