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renverser une constitution, de violer la loi la plus solennelle, celle qui établissait l'inviolabilité du roi, que peut-on penser ou de leur logique ou de leur morale? A quelle époque plaçaient-ils le commencement de ce devoir?

6. Tout homme qui viole ouvertement les lois se déclare lui-même en état de guerre avec la société.

Autre maxime sonore, très-propre à obtenir les applaudissements du parterre, mais puérile à l'excès dans un livre de lois ; et même heureusement puérile, car si elle l'était moins, elle serait très-dangereuse.

Être en état de guerre, c'est être dans cet état où l'objet de chacune des parties intéressées est de détruire l'autre ou de la subjuguer. Qu'un homme se déclare en état de guerre avec la société, il ne s'agit plus que de le traiter comme un ennemi public; et présenter sous ce caractère tout homme qui viole une loi, quelle qu'elle soit, c'est provoquer contre lui les plus grandes rigueurs. On peut supposer que cette maxime formait le préambule des lois de Dracon.

Les législations sont toutes si défectueuses à certains égards, qu'il n'est aucun pays au monde où il n'y ait des lois qu'on viole ouvertement. En Angleterre, par exemple, où, pour favoriser les faiseurs de boutons d'acier, on a défendu les boutons d'étoffe, il ne faut qu'ouvrir les yeux pour voir combien cette loi est violée. D'après ce code politique et moral, tous les infracteurs de cette loi sont en état de guerre avec la société : il ne reste d'autre parti à prendre avec eux que de les traiter comme des rebelles, et de placer des soldats dans toutes les rues pour fusiller ces agresseurs du gouvernement.

7. Celui qui, sans enfreindre ouvertement les lois, les élude par ruse ou par adresse, blesse les intérêts de tous; il se rend lui-même indigne de leur bienveillance et de leur estime.

La vérité de cette proposition dépend de la nature des lois qu'on élude. S'agit-il d'une de ces lois qui ne sont utiles à personne, l'évasion de cette loi ne peut être nuisible à personne. S'agit-il d'une loi qui tourne au profit d'une classe d'individus exclusivement, éluder cette loi, c'est nuire à cette classe, mais ce n'est pas nuire à toute la communauté. Un mainmortable dont le bien doit tomber à des moines, parvient à éluder la loi et à transmettre sa propriété à un héritier supposé: il blesse les intérêts des moines; mais peut-on dire qu'il blesse les intérêts de tous ses concitoyens?

Il y a plus. Il peut y avoir de telles imperfections dans les lois, qu'on est trop heureux qu'il y ait des moyens de les éluder.

Si la loi anglaise contre les libelles était stricte

ment observée, il n'y aurait pas plus de liberté de la presse en Angleterre sur les objets politiques, qu'il n'y a de liberté en Espagne sur les objets religieux. Si cette loi était littéralement exécutée dans tous les cas où elle est enfreinte, il n'y a presque aucun individu, ni homme ni femme, qui n'eût été au pilori. Les lois d'Angleterre ne sont pas plus mauvaises que celles des autres nations; et je m'engagerais aisément, s'il en pouvait résulter quelque bien, à montrer qu'il y existe un grand nombre de lois qui suffiraient pour anéantir le commerce, la sûreté et la liberté, si elles étaient ponctuellement suivies ou exécutées.

• Tant que les lois sont dans cet état d'imperfection, il faut nécessairement laisser à la conscience de chaque individu à juger des cas où il doit leur obéir avec empressement ou seulement par prudence, concourir lui-même à leur exécution, ou demeurer neutre entre la loi et ses infracteurs. En un mot, tant que les lois sont mèlées de bien et de mal, on ne saurait insister sur une obéissance universelle et consciencieuse à toutes les lois. On leur doit toujours obéissance passive; mais cette obéissance active, ce concours volontaire de chaque individu à en remplir toutes les dispositions, sans même avoir la pensée de les éluder, ce sera le fruit de la perfection des lois, si jamais il est possible d'y atteindre.

Je reviens ici à une observation que j'ai déjà insinuée dans l'article précédent.

Le grand objet, comme aussi la grande difficulté par rapport aux délits, c'est de les bien distinguer les uns des autres, de bien apprécier leurs divers degrés de malignité. Ces deux articles ne semblent avoir été faits que pour les confondre. « Violer << ouvertement les lois, c'est se mettre en état de << guerre avec la société. Éluder les lois, c'est blesser « les intérêts de tous. » Toutes les distinctions disparaissent; toutes les nuances s'évanouissent; toutes les désobéissances deviennent également capitales. Les plus petites fraudes de la contrebande sont équivalentes à des trahisons. On a fait la grande découverte que les crimes sont tous les mèmes et qu'ils produisent tous les mêmes effets : et comme il n'y a pas un jour où les lois ne soient ouvertement violées ou éludées par ruse, il s'ensuit qu'il devrait toujours exister en France une guerre civile, un état violent d'animosité entre les citoyens.

Dans les gouvernements établis, l'objet constant est de calmer les passions hostiles, de désarmer la vengeance, de maintenir les hommes en paix. Dans la malheureuse époque où se trouvait la France, l'objet perpétuel était d'enflammer les passions haineuses. C'est ce qu'on a fait dans la déclaration des droits. C'est ce qu'on fait encore dans celle des

devoirs. On y exagère tous les délits; on les met tous au niveau. On veut que la haine et la fureur viennent présider aux tribunaux de la justice.

En voilà bien assez et peut-être mème trop sur cette insipide composition. On voit que ses auteurs ne connaissaient pas mieux les devoirs que les droits, qu'ils ne parlaient pas mieux la langue morale que la langue politique. C'est toujours la même confusion et la même exagération; toujours la même passion pour des maximes générales, sans aucun égard aux propositions particulières qu'elles renferment de fausses notions d'élégance et de pompe, le soin de diversifier les expressions quand elles doivent être les mêmes, un style épigrammatique et théâtral; enfin tous les défauts imaginables dans une composition légale qui exigeait la justesse la plus sévère. On serait tenté de croire qu'il y a dans l'esprit national, en France, une vivacité impatiente qui ne se prête pas à la fatigue des détails. L'imagination court au résultat et passe par-dessus toutes les preuves. On veut de l'esprit,

de la rapidité, de l'agrément dans des sujets qui exigent l'analyse la plus rigoureuse et le style le plus exact. Ce reproche tombe en particulier sur les écrivains politiques. Pour nous arrêter à l'époque où nous sommes, il y eut un grand nombre de déclarations de droits présentées en projet à l'assemblée nationale. Il n'en est aucune où l'on ne trouve des défauts semblables à ceux que nous avons relevés dans les deux déclarations constitutionnelles. Celle qui fit le plus de bruit, celle qui eut le plus de partisans hors de l'assemblée, surpassait toutes les autres en exagérations. Les erreurs qu'elle contient ne sont, il est vrai, que celles d'un individu; elles n'ont point reçu la sanction de l'assemblée mais ce sont des opinions avancées par un homme d'un esprit distingué, par un homme qui eut beaucoup d'influence; et je ne crois pas inutile d'examiner ici trois ou quatre articles de cette composition, pour achever de donner une juste notion des principes anarchiques qui régnaient à cette époque.

EXAMEN PARTIEL

D'UNE DÉCLARATION DES DROITS, PROPOSÉE PAR UN MEMBRE DE L'ASSEMBLÉE CONSTITUANTE.

Dès le début, l'auteur se fonde sur des fictions et même sur des faussetés manifestes : il déclare qu'une chose est, parce qu'il veut qu'elle soit, et qu'il sait qu'elle n'est pas. Chaque société, dit-il, ne peut être que l'ouvrage libre d'une convention entre tous les associés.

Qu'une société politique puisse se former par une convention, c'est ce que je ne veux pas nier; mais qu'une société ne puisse exister que par une convention, c'est un fait évidemment faux. Qu'est-ce donc que tous les États du monde qui se sont formés de différentes manières, sans aucune trace de convention? N'existent-ils pas ? ou ne plaît-il pas à l'auteur de les appeler des sociétés politiques? Déclare-t-il de son autorité privée tous ces gouvernements nuls et illégitimes? Invite-t-il les peuples à se soulever contre eux? Proclame-t-il la sédition et l'anarchie? Ce n'est pas son intention, mais c'est le sens de l'article.

Il est un signe certain auquel on peut reconnaître un homme qui est tombé dans cette espèce de manie qu'on peut appeler l'idolatrie de soi-même. Il prend quelques mots de la langue en faveur, il leur donne un sens particulier, il les emploie comme personne ne les a jamais employés, et il est déterminé à ne les prendre jamais dans leur sens vulgaire : ce sera liberté, propriété, souverain, loi, gouvernement, nature, etc. Muni de ce mot comme d'une espèce de chiffre avec ses affidés, il fait des propositions qui dérangent toutes les idées reçues ; il donne une apparence de profondeur à des riens, il a toujours l'air d'un penseur capable que l'on n'entend pas; et il regarde en pitié ceux qui lui font des objections, parce qu'ils se servent des mots selon leur acception commune. Ce petit artifice est facile à démasquer, mais il réussit quelque temps. Le fait est que quand on vient à examiner ces propositions prétendues profondes, composées d'un terme pris dans un sens contraire à l'usage, on les

trouve d'une telle nullité ou d'une telle fausselé, qu'on ose à peine soupçonner un homme d'esprit d'en être l'auteur. On lui cherche longtemps une idée fine pour ne pas lui attribuer une absurdité

toute nue.

L'objet d'une société politique ne peut être que le plus grand bien de tous.

Ne peut pour ne doit. Toujours cette puérile substitution d'un terme impropre et ambigu, à un terme propre également familier et clair. Il est vrai qu'on donne ainsi à une pensée triviale un air de mystère et de profondeur.

Chaque homme est le seul propriétaire de sa personne, et cette propriété est inalienable.

Quelle expression! Comme si un homme et sa personne étaient deux choses distinctes, et qu'un homme put tenir sa personne comme il tient sa montre, dans une de ses poches ! Mais laissons l'expression, et passons au sens.

Être seul propriétaire de sa personne, c'est apparemment avoir la disposition exclusive de soi-même, de ses facultés actives et passives, spirituelles el corporelles aucun homme n'est autorisé à se servir de ma personne, sans mon aveu, plus qu'il ne pourrait le faire de mes autres propriétés. Mais cette idée de propriété appliquée à la personne, est le renversement de toutes les lois. La loi ne peut donner aucun droit au mari sur la personne de sa femme, ni au père sur celle de ses enfants, ni à l'officier sur celle des soldats, ni au juge sur celle des malfaiteurs. Tout exercice d'autorité sur leur personne, sans leur consentement, est un acte de tyrannie.

Observez que cette propriété est déclarée inaliénable: ceci abolit tous les contrats dans lesquels on aliène ses services, particulièrement le contrat du mariage et les engagements militaires. Il ne peut donc plus y avoir entre les individus que des transactions du moment, nul ne pouvant s'engager

pour l'avenir : c'est-à-dire qu'il n'y aurait plus de société; car toute société est fondée sur les droits réciproques d'un individu sur d'autres.

Aliéner, dira-t-on, c'est disposer pour la vie. Les engagements à temps sont permis. Le texte ne défend que les engagements indissolubles.

Mais ce subterfuge ne mène pas loin : car puisque la durée du bail personnel n'est pas limitée, il s'ensuit que chacun aurait le droit de s'engager pour le terme le plus long de la vie humaine.

D'ailleurs, pourquoi, au moment où l'on déclare qu'un homme est propriétaire de sa personne, lui ôte-t-on le caractère le plus essentiel de la propriété, le droit d'en disposer, celui de l'aliéner si cette aliénation lui convient? Supposez un citoyen, à la façon de ces modernes législateurs, fait prisonnier par des peuples qui lui offriraient de racheter sa vie au prix de sa liberté : le citoyen leur dirait qu'il est le seul propriétaire de sa personne, que cette propriété est inalienable, qu'il ne peut pas faire en conscience ce qu'on lui demande, qu'il est au désespoir, mais qu'il a reçu de son maître le droit de sacrifier sa personne, et non celui de l'aliéner.

Cet article, ainsi rédigé, était évidemment destiné contre l'esclavage des nègres; mais l'auteur n'avait pas vu toutes les propositions particulières que renfermait sa proposition générale. Il n'avait pensé ni aux femmes, ni aux enfants, ni aux mineurs, ni aux fous, ni aux malfaiteurs, ni aux ouvriers, ni aux soldats. Il n'avait pas la moindre intention d'abolir l'ordre social. Il avait pensé seulement que cette proposition, avec son air d'innocence et de simplicité naïve, amènerait de droit l'abolition de la servitude personnelle.

Mais en cela même il allait trop loin, car l'affranchissement subit des noirs était en même temps une grande injustice et une grande imprudence; c'était enlever aux maîtres ce qu'ils avaient acquis avec la permission des lois; c'était donner aux esclaves ce qui devait leur être nuisible, à moins d'une longue préparation. Leur donner la liberté subitement, c'était les jeter dans l'oisiveté, dans la misère et dans tous les crimes qui en sont les résultats naturels.

Tout écrivain peut débiter ou faire débiter ses productions, et il peut les faire circuler librement tant par la poste que par toute autre voie, sans avoir jamais à craindre aucun abus de confiance. Je ne dis rien encore sur les dangers de cette liberté illimitée, mais je ne puis m'empêcher de faire observer la niaiserie de l'expression. L'auteur voulait dire que tout abus de confiance serait un délit mais ce qu'il dit, c'est que le délit est impossible, tellement impossible qu'on n'a point à

le craindre, comme s'il suffisait de cette déclaration pour que le gouvernement ou les particuliers n'eussent plus la faculté de commettre un abus de confiance.

Les lettres, en particulier, doivent être sacrées pour tous les intermédiaires qui se trouvent entre celui qui écrit et celui à qui il écrit.

Examinons le style et la chose. Ce mot sacré, que signifie-t-il? Quelle manière de parler pour un législateur! Quoi! il suffit de mettre une calomnie, un plan de conspiration, un projet d'assassinat dans une lettre, pour que cette lettre soit sacrée ! L'ouvrir sera un sacrilége! Ce délit, si c'en est un, sera rangé dans cette classe de délits que l'on regarde vulgairement comme les plus grands! ce sera un attentat contre la religion, contre Dieu même !

Quant à l'acte lui-mème, est-il de l'intérêt public que le gouvernement puisse ouvrir les lettres? Voilà la question. Si la loi le lui défend, la poste devient un instrument terrible entre les mains des malfaiteurs et des conspirateurs. Dans l'intention de protéger les communications des individus, la loi expose le public au plus grand des dangers. Il est des crimes si nuisibles qu'on ne doit se priver d'aucun des moyens de les prévenir ou de les mettre en évidence. Peut-on dire que la crainte d'avoir ses lettres ouvertes gène les correspondances honnêtes, les liaisons du commerce, les épanchements de l'amitié ?

Il est vrai que si la simple confidence de sentiment entre particuliers pouvait constituer un crime, l'ouverture des lettres pourrait devenir un moyen terrible de tyrannie. Mais c'est là qu'il faut placer les précautions pour empêcher l'abus. C'est ce qu'on à fait en Angleterre, où le secrétaire d'État peut faire ouvrir les lettres, selon sa prudence, sans que cela soit permis à aucun autre.

Tout homme est pareillement le maître d'aller ou de rester, d'entrer ou de sortir, et même de sortir du royaume et d'y rentrer, quand et comme bon lui semble.

Il ne s'agit pas ici du citoyen seulement, mais de tout homme, de tout étranger comme de tout Français. Tous sont maîtres d'aller ou de rester, d'entrer ou de sortir, de sortir du royaume et d'y rentrer comme bon leur semble. L'absurdité ne peut aller plus loin. La police n'a-t-elle rien à dire? Ne peut-on point interdire de passages, fermer d'édifices publics, empêcher d'aller et de venir dans des places fortes, etc., etc.? Avec ce droit illimité, comment s'avise-t-on d'avoir des prisons et d'y renfermer des malfaiteurs? Comment l'auteur de cette déclaration a-t-il toléré les lois contre les émigrés? Ces lois n'étaient-elles pas le démenti le plus formel aux droits de l'homme?

Je n'impute pas ces intentions extravagantes à l'auteur de l'article. Il a terminé le précédent par ces mots : La loi seule peut marquer les bornes qu'il faut donner à cette liberté comme à toute autre, et je suppose que le mot pareillement à la tête de celui-ci annonce que la liberté d'aller et de venir est soumise à la même restriction. Mais alors la proposition qui semble dire beaucoup, ne dit rien du tout. « Vous pouvez tout faire, excepté ce << que les lois vous défendent. » Dangereuse ou insignifiante, voilà l'alternative où l'on se trouve sans cesse dans cette déclaration.

Enfin tout homme est le maître de disposer de son bien, de sa propriété et de régler sa dépense ainsi qu'il le juge à propos.

Ici point de restriction légale. La proposition est illimitée. Si par disposer de son bien, l'auteur entend qu'on en peut faire tout ce qu'on veut, la proposition est absurde à l'extrême. N'y a-t-il pas des limites nécessaires à l'emploi de la propriété ? Un homme devrait-il avoir le droit de faire après sa mort des fondations, soit religieuses, soit antireligieuses, aux dépens de sa famille? La loi ne doitelle pas même empècher un individu de déshériter ses enfants sans cause assignable?

Régler sa dépense comme il le juge à propos, est une bonne expression de ménage un maître peut parler ainsi à son intendant. Mais est-ce là le style d'un législateur? Les mineurs, les insensés, les prodigues, doivent être sous des restrictions positives pour leurs dépenses. Il est des cas où de certaines lois somptuaires peuvent être convenables. On peut avoir de bonnes raisons d'interdire les jeux de hasard, les loteries, les festins publics, les donations à la manière des Romains, et mille autres espèces de dépenses.

La loi n'a pour objet que l'intérêt commun, elle ne peut donc accorder aucun privilége à qui que ce soit.

La première proposition est fausse dans le fait. La loi ne doit avoir pour objet que l'intérêt commun: voilà ce qui est vrai. Cette erreur revient perpétuellement dans le cours de ce petit ouvrage.

Mais la conséquence qu'on tire de ce principe est-elle juste? Ne peut-il pas y avoir des priviléges fondés sur l'intérêt commun?

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machine, d'une nouvelle étoffe, d'un nouvel art. C'est, de toutes les manières d'exciter l'industrie et de la récompenser, la moins onéreuse à l'État et la mieux proportionnée au mérite de l'invention. Ce privilége n'a rien de commun avec les monopoles si justement décriés.

Et s'il s'est établi des priviléges, ils doivent étre abolis à l'instant, quelle qu'en soit l'origine. Voilà le principe le plus injuste, le plus tyrannique, le plus odieux. Abolis à l'instant! c'est bien là le mot d'un despote qui ne veut rien écouter, rien modifier, qui fait tout plier au gré de sa volonté, qui sacrifie tout à ses fantaisies.

Y a-t il des jurandes, des maîtrises qui aient été achetées à grand prix, leur abolition subite jette un grand nombre de familles dans le désespoir. On les dépouille de leur propriété on leur fait le même tort que si on admettait une multitude - et cela à d'étrangers à partager leurs revenus, l'instant.

Y a-t-il des magistratures possédées par un titre héréditaire, les possesseurs en seront dépouillés, sans aucun égard à leur condition, à leur bonheur et même à l'intérêt de l'État, et cela à l'instant. Y a-t-il des sociétés de commerce à qui la loi ait accordé un monopole, ce monopole est anéanti sans aucun égard à la ruine des associés, aux avances qu'ils ont faites, aux engagements qu'ils ont pris, et cela à l'instant.

Le plus grand mérite d'une bonne administration, c'est de procéder lentement dans la réforme des abus, de ne point sacrifier d'intérêts actuels, de ménager les individus en jouissance, de préparer par degrés les bonnes institutions, d'éviter tous les bouleversements de condition, d'établissement et de fortune.

A l'instant est un terme importé d'Alger ou de Constantinople, Graduellement est l'expression de la justice et de la prudence.

Si les hommes ne sont pas égaux en moyens, c'est-à-dire en richesse, en esprit, en force, etc., il ne suit pas qu'ils ne soient pas tous égaux en droits.

Certainement la femme n'est pas égale en droits à son mari, ni le fils mineur à son père, ni l'apprenti à son maître, ni le soldat à l'officier, ni le prisonnier au geðlier, à moins que le devoir d'obéir ne soit exactement égal au droit de commander. La différence dans les droits est précisément ce qui constitue la subordination sociale. Établissez les droits égaux pour tous, il n'y a plus d'obéissance, il n'y a plus de société.

Celui qui a une propriété possède des droits, exerce des droits que ne possède point, que n'exerce point le non-propriétaire.

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