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odieuse, parce que le souverain ne confie les emplois qu'à des eunuques.

4. Quatrième condition. On ne peut faire des lois vraiment conséquentes qu'en suivant le principe de l'utilité. C'est là le point général de réunion de toutes les attentes.

Cependant une loi conforme à l'utilité peut se trouver contraire à l'opinion publique; mais ce n'est qu'une circonstance accidentelle et passagère. Il ne s'agit que de rendre cette conformité sensible pour ramener tous les esprits. Dès que le voile qui la cache sera levé, l'attente sera satisfaite, et l'opinion publique réconciliée. Or il est certain que plus les lois sont conformes à l'utilité, plus cette utilité pourra devenir manifeste. Si on attribue à un sujet une qualité qui n'existe pas, ce triomphe de l'erreur peut ne durer qu'un jour, il suffit d'un coup de lumière pour dissiper l'illusion. Mais une qualité qui existe réellement, quoique méconnue, peut arriver à chaque instant au terme heureux de l'évidence. Au premier moment une innovation est entourée d'une atmosphère impure; un amas de nuages formés par les caprices et les préjugés flotte autour d'elle, les formes se dénaturent en subissant tant de réfractions différentes dans ces milieux trompeurs. Il faut du temps pour que l'œil s'affermisse et sépare de l'objet tout ce qui lui est étranger. Mais peu à peu les esprits justes prennent l'ascendant. Si les premiers efforts ne réussissent pas, les secondes tentatives seront plus heureuses, parce qu'on saura mieux où gît la difficulté qu'il faut vaincre. Le plan qui favorise le plus d'intérêts ne peut manquer d'obtenir à la fin le plus de suffrages, et l'utile nouveauté, d'abord repoussée avec effroi, devient bientôt si familière qu'on ne se souvient plus de son commencement.

3. Cinquième condition. Méthode dans les lois. Un vice de forme dans un code de lois pourrait produire, par rapport à son influence sur l'attente, le même inconvénient que l'incohérence et l'inconséquence. Il pourrait en résulter la même difficulté de le comprendre et de le retenir. Chaque homme a sa mesure d'entendement déterminée. Plus la loi est complexe, plus elle est supérieure aux facultés d'un grand nombre. Dès lors elle est moins connue, elle a moins de prise sur les hommes, elle ne se présente pas à l'esprit dans les occasions où elle serait nécessaire, ou ce qui est encore pis, elle les trompe et fait naître en eux de fausses attentes. La simplicité doit être dans le style et dans la méthode: il faut que la loi soit le manuel d'instruction de chaque individu, et qu'il puisse la consulter dans ses doutes, sans qu'elle ait besoin d'interprète.

Plus les lois seront conformes au principe de l'utilité, plus le système en sera simple.

Un système fondé sur un seul principe peut être aussi simple pour la forme que pour le fond. Il est seul susceptible d'une méthode naturelle et d'une nomenclature familière.

6. Sixième condition. Pour maîtriser l'attente, il faut encore que la loi se présente à l'esprit comme devant avoir son exécution, ou du moins qu'elle ne laisse apercevoir aucune raison qui fasse présumer le contraire.

Espère-t-on échapper aisément à la loi? il se forme une attente dans un sens contraire à la loi même. La loi est donc inutile: elle ne reprend sa force que pour punir, et ces peines inefficaces sont un mal de plus qu'il faut reprocher à la loi. Méprisable dans sa faiblesse, odieuse dans sa force, elle est toujours mauvaise, soit qu'elle atteigne le coupable, soit qu'il jouisse de l'impunité.

Ce principe a été souvent choqué d'une façon grossière. Par exemple, quand on défendait aux citoyens, dans le temps du système de Law, de garder chez eux au delà d'une certaine somme d'argent, chacun ne pouvait-il pas présumer le succès. de sa désobéissance?

Combien de lois prohibitives dans le commerce sont vicieuses sous ce rapport! Cette multitude de règlements faciles à éluder, forment, pour ainsi dire, une loterie immorale où les individus jouent contre le législateur.

Ce principe sert bien à établir l'autorité domestique dans les mains du mari. Si on l'eut donnée à la femme, la puissance physique étant d'un côté, et la puissance légale de l'autre, la discorde aurait été éternelle. Si l'on avait établi l'égalité entre eux, celte égalité nominale n'aurait jamais pu se maintenir, parce qu'entre deux volontés opposées, il faut que l'une des deux emporte la balance. L'arrangement qui subsiste est donc le plus favorable à la paix des familles, parce qu'en faisant marcher les deux puissances de concert, il a tout ce qu'il faut pour être mis en exécution.

Ce même principe sera très-utile pour aider à résoudre des problèmes qui ont trop embarrassé les jurisconsultes, tels que celui-ci : Dans quel cas une chose trouvée doit-elle être accordée en propriété à celui qui la trouve? Plus il sera facile de s'approprier la chose indépendamment des lois, plus il convient de ne pas faire de loi qui trompe l'attente ou en d'autres termes, plus il serait facile d'éluder la loi, plus il serait cruel de faire une loi qui, s'offrant à l'esprit comme presque inexécutable, ne ferait que du mal quand elle viendrait par hasard à être exécutée. Éclaircissons ceci par un exemple. - Que je trouve un diamant dans la terre, mon premier mouvement sera de me dire: Ceci est à moi; et l'attente de le conserver se forme natu

rellement à l'instant même, non-seulement par la pente du désir, mais encore par analogie avec les idées habituelles de propriété. 1o J'en ai la possession physique, et cette possession toute seule est un titre quand il n'y a point de titre contraire ; 9 il y a du mien dans cette découverte : c'est moi qui ai tiré ce diamant de la poussière où, inconnu à tout le monde, il n'avait aucune valeur; 3° je puis me flatter de le conserver sans l'aveu de la loi et malgré les lois mèmes, parce qu'il suffit de le cacher jusqu'à ce que j'aie un prétexte pour faire accroire que je l'ai acquis à quelque autre titre. Ainsi, quand la loi voudrait en disposer en faveur d'un autre que moi, elle n'empêcherait pas ce premier mouvement, cet espoir de le conserver, et me ferait éprouver, en me l'òtant, cette peine d'attente trompée qu'on appelle communément injustice ou tyrannie. Cette raison suffirait pour faire accorder la chose au trouveur, à moins d'une raison plus forte en sens contraire.

Cette règle peut donc varier selon la chance que présente naturellement la chose, de la conserver sans l'aveu des lois. Un navire naufragé que j'aurais vu le premier sur la côte, une mine, une île que j'aurais découvertes, sont des objets sur lesquels une loi antérieure peut prévenir en moi toute idée de propriété, parce qu'il ne m'est pas possible de me les approprier à la dérobée. La loi qui me les refuserait, étant d'une exécution facile, aurait sur mon esprit son effet plein et entier. En sorte qu'à ne consulter que ce principe, le législateur serait libre d'accorder ou de refuser la chose à l'auteur de la découverte. Mais il y a en sa faveur une raison particulière c'est qu'une récompense donnée à l'industrie tend à augmenter la richesse générale. Si tout le profit d'une découverte devait passer au trésor public, ce tout se réduirait à peu de chose.

7. La septième et dernière condition pour régler l'attente, c'est que les lois soient suivies textuellement. Cette condition dépend en partie des lois et en partie des juges. Si les lois ne sont plus en harmonie avec les lumières d'un peuple; si les lois d'un siècle barbare ne sont point changées dans un siècle de civilisation, les tribunaux s'éloignent peu à peu des anciens principes, et substituent insensiblement des maximes nouvelles. Il en résulte une espèce de combat entre la loi qui vieillit et l'usage qui s'introduit, et, en conséquence de cette incerfitude, un affaiblissement du pouvoir des lois sur l'attente.

Le mot interpréter a signifié toute autre chose dans la bouche d'un homme de loi que dans celle d'une autre personne. Interpréter le passage d'un auteur, c'est manifester le véritable sens qu'il avait dans son esprit; interpréter une loi, dans le sens

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des juristes romains, c'est se refuser à l'intention qu'elle exprime clairement pour lui en substituer quelque autre, en présumant que ce nouveau sens serait l'intention actuelle du législateur.

Avec cette manière de procéder, il n'y a plus de sûreté. Que la loi soit difficile, obscure, incohérente, le citoyen a toujours la chance de la connaitre : elle donne un avertissement sourd, moins efficace, mais toujours utile; on voit du moins les limites du mal qu'elle peut faire. Mais quand le juge ose s'arroger le pouvoir d'interpréter les lois, c'est-à-dire de substituer sa volonté à celle du législateur, l'arbitraire est partout, personne ne peut prévoir le cours que prendra son caprice. Il ne s'agit plus de regarder au mal en lui-même : quel qu'il soit, c'est peu de chose, en comparaison de la gravité de ses conséquences. Le serpent, dit-on, fait passer tout son corps où il est parvenu à glisser sa tête. En fait de tyrannie légale, c'est à cette tête subtile qu'il faut prendre garde, de peur de voir bientôt se dérouler à sa suite tous ses replis tortueux. Ce n'est pas du mal seulement qu'il faut se défier, c'est du bien mème qui naîtrait de ce moyen. Toute usurpation d'un pouvoir supérieur à la loi, quoique utile dans ses effets immédiats, doit être un objet d'effroi pour l'avenir. Il y a des bornes et même des bornes étroites au bien qui peut résulter de cet arbitraire; il n'y en a point au mal possible, il n'y en a point à l'alarme. Le danger plane indistinctement sur toutes les tètes.

Sans parler de l'ignorance et des caprices, que de facilités pour les prévarications! Le juge, tantôt en se conformant à la loi, tantôt en l'interprétant, peut toujours donner tort ou raison à qui bon lui semble. Il est toujours sûr de se sauver, ou par le sens littéral, ou par le sens interprétatif. C'est un charlatan qui, au grand étonnement des spectateurs, fait couler de la même coupe, ou de la liqueur douce, ou de la liqueur amère.

C'est un des caractères les plus éminents des tribunaux anglais, que leur scrupuleuse fidélité à suivre la volonté déclarée du législateur, ou à se diriger autant qu'on le peut par les jugements antérieurs pour cette partie encore imparfaite de la législation, qui dépend de la coutume. Cette rigide observation des lois peut avoir quelques inconvénients dans un système incomplet, mais c'est le véritable esprit de liberté qui inspire aux Anglais tant d'horreur pour ce qu'on appelle une loi après le fait. (Ex post facto lex.)

Toutes les conditions qui constituent la bonté des lois, ont une liaison si intime, que l'accomplissement d'une seule suppose l'accomplissement des autres. Utilité intrinsèque, utilité manifeste, 6

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conséquence,

naître,

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-

simplicité, facilité de les conprobabilité de leur exécution; - toutes ces qualités peuvent se considérer réciproquement comme la cause ou l'effet les unes des autres.

Si on ne souffrait plus ce système obscur qu'on appelle coutume, et que tout fût réduit en loi écrite; si les lois qui concernent tous les individus étaient rassemblées dans un seul volume, et celles qui intéressent telle ou telle classe particulière dans de petits recueils séparés; si le code général était universellement répandu; s'il devenait, comme chez les Hébreux, une partie du culte, un des manuels de l'éducation; s'il fallait l'avoir gravé dans sa mémoire avant d'ètre admis à exercer les priviléges politiques, la loi serait alors vraiment connue; chaque déviation serait sensible; chaque citoyen en serait le gardien il n'y aurait point de mystère pour les violer, point de monopole pour les expliquer, point de fraude et de chicane pour les éluder.

Il faudrait encore que le style des lois fût aussi simple que leurs dispositions, qu'on s'y servit ordinairement du langage usité, que les formules n'eussent point d'appareil scientifique, et qu'en un mot, si le style du livre des lois se distinguait du style des autres livres, ce fût par une plus grande clarté, par une plus grande précision, par une plus grande familiarité, parce qu'il est destiné à tous les entendements, et particulièrement à la classe la moins éclairée.

Quand on a conçu ce système de lois, et qu'on vient à le comparer à ce qui existe, le sentiment qui en résulte est bien loin d'être favorable à nos institutions...

Cependant, défions-nous des déclamations chagrines et des plaintes exagérées, quoique les lois soient imparfaites: celui qui serait assez borné dans ses vues, ou passionné dans ses idées de réforme pour inspirer la révolte ou le mépris contre le système général de ces lois, serait indigne d'ètre écouté par le tribunal éclairé du public. Qui pourrait énumérer leurs bienfaits, je ne dis pas sous le meilleur gouvernement, mais sous le pire? Ne leur doit-on pas tout ce qu'on possède de sûreté, de propriété, d'industrie et d'abondance? Ne leur doit-on pas la paix entre les citoyens, la sainteté du mariage et la douce perpétuité des familles? Le bien qu'elles produisent est universel ; il est de tous les jours et de tous les moments. Les maux sont des accidents passagers. Mais le bien ne se sent pas; on en jouit sans le rapporter à sa cause, comme s'il était dans le cours ordinaire de la nature, au lieu que les maux sont vivement sentis, et qu'en les décrivant on accumule sur un moment et sur un point des souffrances dispersées sur un grand espace et sur une longue suite d'années. Que de raisons pour aimer les lois, malgré leurs imperfections!

Je n'ai pas fini sur cet important objet. Je me réserve de traiter ailleurs des précautions avec lesquelles il faut innover dans les lois; car, bien loin de favoriser cette exaltation séditieuse qui veut tout détruire sous prétexte de tout refaire, cet écrit est destiné à servir d'antidote à ces doctrines anarchiques, et à montrer que le tissu des lois, facile à déchirer, difficile à réparer, ne doit pas être livré à des ouvriers ignorants et téméraires.

SECONDE PARTIE.

CHAPITRE PREMIER.

DES TITRES QUI CONSTITUENT LA PROPRIÉTÉ 1.

Jusqu'ici nous avons montré les raisons qui devaient décider le législateur à sanctionner la propriété ; mais nous n'avons envisagé la richesse qu'en masse il faut maintenant descendre au détail, prendre individuellement les objets qui la composent, et chercher les principes qui doivent gouverner la distribution des biens, aux époques où ils se présentent à la loi pour être appropriés à tel ou tel individu. Ces principes sont les mêmes que nous avons déjà posés : Subsistance, abondance, éga- | lité, sûreté. Quand ils s'accordent, la décision est facile; quand ils se partagent, il faut apprendre à distinguer celui qui mérite la préférence.

1. Possession actuelle.

La possession actuelle est un titre de propriété qui peut les devancer tous et tenir lieu de tous. Il sera toujours bon contre tout homme qui n'en a pas d'autre à lui opposer. Oter arbitrairement à celui qui possède pour donner à celui qui ne possède pas, ce serait créer une perte d'un côté et un gain de l'autre. Mais la valeur du plaisir n'égale pas la valeur de la peine. Première raison. Un tel acte de violence jetterait l'alarme parmi tous les propriétaires, en portant atteinte à leur sûreté. Seconde raison. La possession actuelle est donc un titre fondé sur le bien du premier ordre et sur le bien du second ordre.

Ce qu'on appelle le droit du premier occupant ou de découverte originaire, revient au même. Qu'on accorde le droit de propriété au premier Occupant, 1° on lui épargne la peine de l'attente trompée, cette peine qu'il ressentirait à se voir privé de la chose qu'il a occupée avant tous les autres ;

IV. plus loin, Titre la Vue générale d'un corps complet de législation, c.xv. Cette matière n'est ici qu'effleurée.

2o on prévient les contestations, les com bats qu pourraient avoir lieu entre lui et des concurrents successifs; 3o on fait naître des jouissances qui sans cela n'existeraient pour personne : le premier occupant, tremblant de perdre ce qu'il aurait trouvé, n'oserait pas en jouir ouvertement, de peur de se trahir lui-même, et tout ce qu'il ne pourrait consommer à l'instant, n'aurait aucune valeur pour lui; 4o le bien qu'on lui assure à titre de récompense est un aiguillon pour l'industrie des autres qui chercheront à s'en procurer de pareils, et la richesse générale est le résultat de toutes ces acquisitions individuelles ; 5o si chaque chose non appropriée n'était pas au premier occupant, elle serait toujours la proie du plus fort; les faibles seraient dans un état d'oppression continuelle.

Toutes ces raisons ne se présentent pas distinctement à l'esprit des hommes, mais ils les entrevoient confusément et les sentent comme par instinct. Ainsi le veut la raison, l'équité, la justice, disentils. Ces mots répétés par tout le monde, sans être expliqués par personne, n'expriment qu'un sentiment d'approbation; mais cette approbation, fondée sur des raisons solides, ne peut qu'acquérir une nouvelle force à l'appui du principe de l'utilité.

Le titre d'occupation originaire a été le fondement primitif de la propriété. Il pourrait servir encore pour des iles nouvellement formées, ou des terres nouvellement découvertes, sauf le droit de gouverner, domaine éminent du souverain.

2. Possession ancienne de bonne foi.

La possession, après une certaine ancienneté fixée par la loi, doit l'emporter sur tous les autres titres. Si vous avez laissé écouler tant de temps sans réclamer, c'est une preuve ou que vous n'avez pas connu l'existence de votre droit, ou que vous n'avez pas eu l'intention de vous en prévaloir. Dans ces deux cas, il n'y a eu de votre part aucune attente, aucun désir d'acquérir la possession de la chose; et de la mienne, il y a attente, il y a désir de conserver. Me laisser la possession, ce n'est pas contrarier la sûreté ; vous la transférer, c'est lui porter

atteinte, et c'est donner de l'inquiétude à tous les possesseurs qui ne connaissent d'autre titre de leur possession que la bonne foi.

Mais quel temps faut-il pour opérer ce déplacement de l'attente, ou, en d'autres termes, quel temps faut-il pour légitimer la propriété dans les mains d'un possesseur et pour éteindre tout titre opposé? On ne peut rien déterminer de précis : il faut tirer au hasard des lignes de démarcation, selon l'espèce ou la valeur des biens dont il s'agit. Si cette ligne de démarcation ne prévient pas toujours la peine d'attente trompée chez les intéressés euxmêmes, elle empêchera du moins tout mal du second ordre. La loi m'avertit que si je néglige pendant un an, dix ans ou trente ans, de réclamer mon droit, la perte de ce même droit sera le résultat de ma négligence. Cette menace, dont je puis prévenir les effets, n'a rien qui trouble ma sécurité.

J'ai supposé la possession de bonne foi. Dans le cas contraire, la confirmer, ce ne serait pas favoriser la sûreté, mais récompenser le crime. L'âge de Nestor ne devrait pas suffire pour assurer à l'usurpateur les gages et le prix de son iniquité. Et pourquoi y aurait-il une époque où le malfaiteur deviendrait tranquille? Pourquoi jouirait-il des fruits de son crime sous la protection des lois qu'il a violées ?

Par rapport à ses héritiers, il faut distinguer. Sont-ils de bonne foi? on peut alléguer en leur faveur les mêmes raisons que pour le propriétaire ancien, et ils ont la possession de plus pour faire pencher la balance. Sont-ils de mauvaise foi, comme l'ont été leurs devanciers? ils sont ses complices, et l'impunité ne doit jamais devenir le privilége de la fraude.

Second titre. Possession ancienne de bonne foi, malgré titre contraire. C'est ce qu'on nomme ordinairement prescription. Raisons sur lesquelles il est fondé Épargne de peine d'attente trompée, - sûreté générale des propriétaires.

3. Possession du contenu et du produit de la terre. La propriété d'une terre renferme tout ce que cette terre contient et tout ce qu'elle peut produire. Sa valeur peut-elle être autre chose que son contenu et son produit? Par le contenu, on entend tout ce qui est au-dessous de sa surface, comme les mines et les carrières; par le produit, tout ce qui

4 Voilà pour la théorie; pour l'exécution, il faut bien des détails: autrement cette concession pourrait ressembler à ce partage du nouveau monde que fit un pape entre les Espagnols et les Portugais. Les eaux viennent de quitter une baie; il y a plusieurs propriétaires sur les bords. Réglera-t-on la distribution sur la quantité de terres de chaque possesseur ou sur l'étendue qu'il occupe le long des côtes ?

appartient au règne végétal. Toutes les raisons possibles se réunissent pour donner cette étendue au droit de propriété sur la terre la sûreté, la suble sistance, l'augmentation de la richesse générale, bien de la paix.

4. Possession de ce que la terre nourrit et de ce qu'elle reçoit.

Si ma terre a nourri des animaux, c'est à moi qu'ils ont dù leur naissance et leur nourriture: leur existence aurait été pour moi une perte, si leur possession ne m'assurait pas un dédommagement. Si la loi les donnait à un autre que moi, il y aurait perte toute pure d'un côté, et gain tout pur de l'autre arrangement aussi contraire à l'égalité qu'à la sûreté. Ce serait alors mon intérêt d'en diminuer le mombre et d'en prévenir la multiplication, au détriment de la richesse générale.

Si le hasard a transporté sur une terre des choses qui n'ont pas encore reçu le sceau de la propriété, ou qui en ont perdu l'empreinte, comme une baleine jetée par la tempête, des débris égarés de naufrage ou des arbres déracinés, ces choses doivent appartenir au possesseur de la terre. La raison de cette préférence, c'est qu'il est placé pour les mettre à profit sans qu'il y ait de perte pour aucun individu : c'est qu'on ne pourrait les lui refuser sans occasionner une peine d'attente trompée, et qu'enfin aucun autre ne pourrait les prendre sans occuper sa terre et sans empiéter sur ses droits. Il a en sa faveur toutes les raisons de premier occupant.

5. Possession de terres avoisinantes.

Des eaux qui avaient couvert des terres non appropriées viennent de les abandonner. A qui accorder la propriété de ces terres nouvelles? Il y a bien des raisons pour les donner aux propriétaires des terres voisines. 1o Eux seuls peuvent les occuper sans empiéter sur la propriété d'autrui. 2o Eux seuls peuvent avoir formé quelque attente sur ces terrains, et les considérer comme devant leur appartenir. 3o La chance de gagner par la retraite des eaux n'est qu'un dédommagement pour la chance de perdre par leur invasion. 4o La propriété des terres conquises sur les eaux opérera comme une récompense pour exciter à tous les travaux nécessaires à ce genre de conquêtes 1.

Il faut nécessairement des lignes de démarcation: mais il ne faut pas attendre, pour tracer ces lignes, que l'événement soit arrivé, et que la valeur des terrains délaissés soit connue, car tous entretiennent alors des espérances qui ne peuvent se réaliser que pour quelques-uns. Devancez cette époque l'attente, n'étant pas encore formée, suivra docilement le doigt du législateur.

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