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loi répressive contre les mouvements d'émeute; III. Ep le peuple, toujours travaillé par les intérêts des partis, était poussé aux excès, et par ceux qui avaient besoin d'excès pour conserver leur crédit populaire, et par ceux qui avaient besoin des excès populaires pour décréditer la popularité. L'état des subsistances, toujours embarrassé et embarrassant, était un motif toujours renaissant. L'usage de la lanterne n'était pas tellement aboli, que le souvenir n'en fût encore trop récent. Un boulanger fut accusé d'avoir caché des grains, aussitôt il est saisi par une troupe furieuse, arraché des bras de sa femme enceinte, et traîné à la Grève, où, malgré les efforts des officiers publics, il fut pendu au réverbère, et ensuite sa tête fut promenée au bout d'une pique. Telle était encore l'incertitude, ou plutôt l'égarement de l'opinion, que cette tête, escortée par une vingtaine d'hommes au plus, fut, sans opposition, portée dans tous les quartiers de la capitale; les postes, à chaque corps-de-garde, sortaient et se rangeaient en haie; tous les habitants restaient sur leurs portes, les voitures s'arrêtaient en file, et cet horrible spectacle fut prolongé jusqu'à ce que la lassitude des acteurs y mît fin. Cependant l'assemblée avait arrêté que, séance tenante, la loi contre les attroupements serait portée; on doutait même de son effet, et ceux qui furent chargés de la rédaction, furent re

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TII. Ep. gardés comme faisant un acte de dévouement et 1789. de courage. Une seconde députation vint presser l'émission de la loi, à cause des circonstances qui devenaient pressantes; trente mille hommes de garde nationale étaient prêts à la soutenir; tous les bons citoyens y étaient intéressés, et l'on craignait encore l'influence de ceux qui avaient intérêt au désordre. Enfin la loi fut émise sous ar oct. le nom de loi martiale, et cet intitulé qui ne caractérisait pas assez son objet, pas assez son objet, qui rappelait des souvenirs et des formes de gouvernement militaire, fut une première faute dans cette loi; on s'en servit dans la suite pour l'abolir, et ôter le moyen d'ordre public et de répression; cependant dès que la loi fut publiée, on se hâta de la mettre à exécution. Un des coupables du meurtre 22 oct. commis fut saisi, jugé et exécuté : c'était un des ouvriers de la Halle au Blé, connus sous le nom de forts de la Halle; et ceux qui avaient été témoins du supplice, plus étonnés qu'effrayés, disaient «< Mais quelle liberté avons-nous, on << ne pourra donc plus. pendre personne. » On fit un service solennel pour le malheureux boulanger; on constata publiquement son innocence, et même sa moralité; on décerna une indemnité, sur le trésor public, à la veuve et à la famille ; tous les moyens qui furent employés pour prou-, ver au peuple qu'il avait eu tort, montrent combien il était nécessaire de le lui prouver, et

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combien il était loin de le croire; cette opinion III. Ep. égarée était tellement générale, qu'au moment où le privilége exclusif de la chasse avait été aboli, on s'était répandu dans les plaines aux environs de la capitale, détruisant le gibier; c'était peu de temps avant la moisson; et le dégât excitant les plaintes, on fut obligé d'y faire marcher la maréchaussée. Un ancien officier qui la commandait vint rendre comte de sa mission au ministre, et celui-ci se plaignant du désordre, l'officier lui répondit : « Monsieur, le peuple a fait «bonne justice, il en a pendu quatorze aux ar

bres du grand chemin; » et effectivement ce n'était pas le peuple qui commettait le désordre, c'était même le peuple qui le réprimait; mais aussi la forme de répression était plus illégale et. plus dangereuse que le délit même.

L'assemblée, obligée de compter avec les événements, retrouvait toute sa force, dès quelle était aux prises avec l'autorité. Pendant son séjour à l'archevêché, on vit un ministre, le garde-dessceaux, mandé à la barre, pour y répondre sur certaines inculpations qui avaient été faites contre lui. Il s'agissait de l'envoi des décrets dans les provinces, quelques retards avaient donné lieu à des plaintes. Le ministre s'expliqua, et se retira pendant la délibération que le président lui fit connaître. L'évêque de Tréguier s'était permis, Pièces j. dans un mandement, de parler des décrets et

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nov.

III. Ep. de la révolution; une commission fut nommée pour en connaître. Par une conséquence des arrêtés précédents, on supprima toutes assemblées de bailliages par ordres; on supprima aussi toutes réunions de pays d'êtats, ou d'assemblées provinciales: bientôt tous les parlements furent tenus en vacances, et les chambres de vacation furent chargées de rendre la justice; on suspendit aussi toute nouvelle émission de vœux monastiques; enfin, la grande question de biens ecclésiastiques, déja jugée par l'opinion, fut définitivement terminée après six séances de discussion, et un ajournement pris, malgré un arrêté de décider séance tenante. Le lundi, 2 décembre, après une discussion encore prolongée, le décret, proposé et rédigé par Mirabeau, passa à deux tiers environ de majorité, et prononça 2 nov. que les biens ecclésiastiques seront à la disposition de la nation, à la charge de pourvoir aux >> frais du culte, à l'entretien de ses ministres, « et au soulagement des pauvres. >>

«

Les conséquences de cette grande mesure politique ne se firent sentir que par la suite des temps; elle créa de grands obstacles, et donna les moyens de les surmonter; pour l'instant; elle ne produisit qu'une satisfaction publique, et les provinces mêmes, dont on craignait quelques oppositions, y adhérèrent sans réserve; les plus importantes décisions furent ébauchées pendant

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ce court déplacement de l'assemblée ; des dé- III. Ep. putés des Colonies parurent à la barre, et, la 1789. déclaration des droits à la main, réclamèrent le droit d'admission à toutes les charges publiques, pour les hommes de couleur. Leur droit était incontestable, et le même principe qui le leur assurait, permettait à peine de délibérer : cependant on ajourna, on eut la sagesse d'ajourner; l'affirmative ne fut décrétée qu'un an après, et le fut encore trop hâtivement; les vérités politiques, n'ont pas l'avantage des vérités des sciences exactes; elles ne sont pas à tous les moments d'une utilité-pratique. On décida aussi la question importante des conditions requises pour jouir de tous les droits de citoyen. Déja les principes les plus sévères de l'égalité politique, étaient connus et admis; des orateurs les firent valoir, et la modique condition du marc d'argent fut seule exigée; c'était peut-être trop exiger, au temps où l'on était. Les principes politiques par eux-mêmes, ne sont, ni ne doivent être immuables; ce qui est le plus généralement utile à tous pour le moment, est toujours ce qui est politiquement le plus juste. On commença aussi à traiter la nouvelle division du royaume. Il s'agissait de rompre l'ancienne démarcation des provinces, et d'y substituer une nouvelle disposition de territoire, et une nomenclature nouvelle. Cette grande pensée étonna d'abord, on

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