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III. Ep. la division des pouvoirs : alors les comités retirèrent la seconde. Dans cette discussion, la tribune retentit de dénonciations contre les ministres. Presque tous étaient membres de l'assemblée. Tous les partisans de l'autorité ancienne les avaient défendus. Cazalès prit la parole; et, par un mouvement oratoire, imprévu, il les accusa lui-même avec plus de véhémence, mais précisément dans le sens contraire : « Je déclare, dit-il, qu'ils ont perdu ma confiance, pour avoir laissé perdre et avilir, entre leurs mains, l'autorité qui leur avait été confiée; pour avoir, non pas abusé de leurs pouvoirs, mais pour n'en avoir usé; en un mot, pour avoir, non pas gouverné mal, mais pour n'avoir pas gouverné. » Les orateurs des deux partis avaient raison. Un système d'inertie avait pris la place de tout système d'opposition; et, ne pouvant plus conduire le vaisseau de l'Etat où ils voulaient, les pilotes l'avaient laissé en dérive. Le pouvoir exécutif fait le mort, disait assez plaisamment un jeune orateur.

D'autres troubles avaient éclaté, notamment à Aix, à Perpignan: à Béfort, l'insurrection avait été militaire; la garnison reprit la cocarde blanche: des clameurs contre-révolutionnaires, des imprécations contre l'assemblée à Aix, deux clubs s'étaient formés en opposition; les injures, les menaces, les voies de fait s'étaient succédés rapidement. Paschalis, avocat au par

lement, s'était expliqué hautement, à la séance III. Ep, où ce corps fut dissous; le peuple, en fureur, 1790. ne put être contenu par les officiers municipaux ; il massacra Paschalis et deux autres. Un décret envoya à Aix trois commissaires civils, à la nomination du roi. A Perpignan, un club, sous la dénomination d'amis de la paix, provoqua le club populaire; le maire, membre, ordonna en vain aux troupes de faire feu. Les troupes répondirent que la loi martiale n'était pas proclamée selon les formes; au nombre de ces mouvements irréguliers, il faut placer la dévastation de l'hôtel de Castries, à Paris. Les différences d'opinion avaient déja occasionné plusieurs duels entre des députés de parti contraire; Charles Lameth, sur quelques propos légèrement tenus, fut appelé en duel par le jeune duc de Castries; Lameth fut blessé. Aussitôt une multitude rassemblée se porta à la demeure de Castries; tout fut brisé et détruit avant que la force armée intervînt ; et sa marche ne fut assez pressée. Le peuple ne voyait rien de person. nel dans ces combats; il n'y voyait que sa cause, et ne voyait pas qu'il y nuisait par ces actes de violence. Ce que l'on appelle, en révolution, les coups de force, y nuisent plus que l'on ne croit les y faire servir. Ils rallient, pour le moment, les hommes exagérés ou ceux qui feignent de l'être; ils ralentissent et éloignent les hommes,

pas

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III.• Ep. pour qui l'état de révolution n'est qu'un moyen inévitable d'arriver à un ordre de choses meilleur. L'esprit de liberté publique s'étendait déja en Europe; on voulut trop hâter ses progrès, qui ne sont jamais durables, quand ils sont trop rapides. Les maîtres des nations, avertis, prennent leurs mesures; et l'esprit public comprimé, n'a plus le temps de mûrir en silence. Cet esprit de liberté, mesuré, se répandait partout les pays héréditaires de l'empereur, dans la Flandre et le Brabant disputaient encore leur liberté; Liége avait renvoyé son prince évêque, et se soutenait avec énergie contre les menaces des puissances voisines; la Hongrie, fatiguée de l'oppression du dernier empereur, avait donné quelques symptômes du desir de secouer le joug. En Angleterre même, le lord Stanhope avait fait une motion en faveur de la révolution de France; mais tous ces moyens furent hâtés par l'impatience de jouir. On fut jaloux du temps; la déclaration des droits fut imprimée sur plusieurs milliers de mouchoirs, et vendue à la foire de Francfort. Les écrivains révolutionnaires de France étaient montés à un ton de chaleur et d'expression qui ne gardait aucun ménagement avec les autorités établies. Un nouveau club s'était formé, sous le nom de club de 89; quoiqu'il semblât rivaliser avec les jacobins, il alarma plus qu'eux. Il fut

dénoncé

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III..

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dénoncé comme une propagande révolution- Eps naire; et malgré sa modération qui allait souvent jusqu'à la nullité, il usurpa longtemps cette réputation qu'il était loin de mériter.

Les ministres, depuis longtemps poursuivis dans l'assemblée, ensuite dénoncés formellement par la commune de Paris, donnèrent enfin leur démission. Leur remplacement sembla une conquête de la liberté; on vit un avocat, Duport - Dutertre, devenir garde-dessceaux; un simple officier du génie fut ministre de la guerre. Ces exemples moins récents, qu'ils ne le paraissaient, avaient déja été donnés en France : l'Hopital, fils d'un médecin, avait été chancelier; Colbert et la plupart des ministres de Louis XIV n'étaient que des hommes de mérite; plus de la moitié des officiers-généraux de ses armées, ne portaient point des noms connus avant eux. Mais tout le règne précédent avait fait oublier ces honorables exemples, et qui n'étaient que tombés abusivement en désuétude:

Les nouveaux ministres furent d'abord mis à l'épreuve. Depuis assez longtemps, ce qu'on appelait la constitution civile du clergé, était à la sanction du roi, et n'avait pas été renvoyé au corps législatif avec cette sanction ; Louis XVI, par des motifs de conscience, plus encore que de politique, avait desiré obtenir, Tome I.

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II. Ep. préalablement à sa sanction,

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celle du pape;

c'était même un moyen de lever plusieurs ob(11). stacles dans l'intérieur, soit comme scrupules, soit comme prétexte. Le roi pressé par deux messages consécutifs, donna enfin cette sanction; et des politiques habiles pensèrent qu'il avait moins été pressé par ceux qui ne voulaient point admettre cette suprématie du SaintSiége, que par ceux qui ne voulaient pas se priver de ce défaut apparent de formalité, pour s'en servir comme d'un moyen de troubles et d'opposition. Plusieurs membres ecclésiastiques de l'assemblée prêtèrent librement le serment demandé. Peu de jours après, l'on commit la faute de faire de ce serment, une loi.

27 nov.

On décréta que tous les fonctionnaires publics ecclésiastiques qui refuseraient de prêter le serment de veiller avec soin sur les fidèles de la paroisse ou du diocèse qui leur est confié; d'être fidèles à la nation, à la loi et au roi, et de maintenir, de tout leur pouvoir, la constitution décrétée par l'assemblée nationale et acceptée par le roi, seraient privés de leur emploi. On donna huit jours de délai à ceux qui étaient dans leur diocèse; un mois, aux absents en France; et deux mois, aux absents chez 27 déc. l'étranger. Un mois après ce décret, Grégoire, curé, fit un discours, où cherchant

à lever les scrupules et à rassurer les con

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