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M. de Corny, procureur du roi et de la ville, était de cette députation, et, à son retour, a instruit le comité de ce fait.

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Nous sommes partis sans avoir entendu le résultat des demarches de la troisième députation.

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Mais, messieurs, une heure avant notre départ, nous avons vu le spectacle le plus alarmant. Une partie du peuple, qui avait éte témoin des malheurs arrivés à la Bastille, s'est portée à l'Hôtel-de-ville, 'est entrée dans la salle du comité, et a demandé, à grands cris, le siége de la Bastille.

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a Dans ce moment le comité a jugé que notre départ était nécessaire, et que nous ne devions pas perdre un instant pour faire part aux généreux représentants de la nation la plus généreuse de l'univers, de la douleur profonde de tous les habitants de la capitale, et les supplier de nous aider de leurs lumières et de leur patriotisme.

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Pendant l'intervalle qui s'est écoulé entre la députation vers le gouverneur de la Bastille, et son retour à l'Hôtel-de-ville, plusieurs citoyens armés ont amené au comité deux courriers, l'un chargé de la dépêche du ministère de la guerre, contenant des lettres adressées à M. de Sombreuil, gouverneur des invalides, et à M. Bertier, intendant de l'armée; l'autre, chargé d'une lettre adressée au gouverneur de la Bastille.

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« Le peuple demandait, à grands cris, l'ouverture de toutes les lettres : le comité est parvenu à sauver la dépêche du ministère de la guerre.

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Quant à la lettre au gouverneur de la Bastille, elle avait été ouverte par le peuple, qui a exigé que le comité en fit la lecture; elle contenait ordre à ce

gouverneur de tenir jusqu'à la dernière extrémité; qu'il avait des forces suffisantes pour se défendre.

"Voici, messieurs, l'arrêté que le comité nous a chargé d'avoir l'honneur de vous présenter.

« Le comité permanent de la sureté publique, assemblé à l'Hôtel-de-ville a arrêté qu'il serait en correspondance journalière avec l'assemblée nationale.

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Et de députer M. Ganilh, avocat au parlement, et M. Bancal-Désessarts, ancien notaire, tous deux électeurs de la ville de Paris, et membres du comité :

"A l'effet de peindre à l'assemblée nationale l'état affreux où. est la ville de Paris, les malheurs arrivés aux environs de la Bastille, l'inutilité des députations qui ont été envoyées par le comité au gouverneur de la Bastille, avec un tambour et un drapeau pour y porter des paroles de paix, et demander que le canon de la Bastille ne soit point dirigé contre les citoyens; la mort de plusieurs citoyens tués par le feu de la Bastille; la demande faite par une multitude de citoyens assemblés, d'en faire le siége; les massacres qui peuvent en être la suite, et de supplier l'assemblée nationale de vouloir bien peser dans sa sagesse, le plus promptement qu'il lui sera possible, le moyen d'éviter à la ville de Paris, les horreurs de la guerre civile.

Enfin, d'exposer à l'assemblée nationale que l'établissement de la milice bourgeoise, et les mesures prises hier, tant par l'assemblée des électeurs que par le comité, ont procuré à la ville, une nuit plus tranquille qu'elle n'avait pu l'espérer, d'après le nombre considérable des particuliers qui s'étaient armés, le dimanche et le lundi avant l'établissement de ladite milice; que par le compte rendu par différents districts, il est constant que nombre de ces particu

liers ont été désarmés et ramenés à l'ordre par la milice bourgeoise. Fait au comité, le 16 juillet 1789. »

Signés, de Flesselles, prévôt des marchands et président du comité, Moreau-de-Saint-Merry, BancalDésessarts; Rouen, échevin; Vergne, échevin, Chignard, Fauchet et Ganilh. »

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Nous soussigné, électeur de Paris, membre du comité permanent et député par ce comité à l'assemblée nationale, certifions la copie ci-dessus et de l'autre part, conforme au procès-verbal de la délibération dudit comité. A Versailles, ce 14 juillet 1789.»

Signé, BANCAL-DESESSARTS.

Ce discours est rapporté, parce que le désordre qui y règne peint l'état du moment ces députés des électeurs de Paris avaient été témoins de tout ce qu'ils racontaient.

N. IX. (Page 85.)

Procès-verbal des séances et délibérations de l'assemblée générale des électeurs de Paris, réunis à l'Hôtel-de-ville le 14 juillet 1789, rédigé depuis le 26 avril jusqu'au 21 mai, même année, par M. Bailli.

M. Foulon a été amené par les quatre gardes qui venaient de lui être donnés, et accompagné des électeurs qui lui avaient été envoyés. La multitude elle

même a placé une chaise sur une petite table devant le bureau de l'assemblée, et a contraint M. Foulon à s'y asseoir.

Il était encore question de remplacer M. de Lafayette; et cette nécessité, jointe à la présence de la victime, livrait l'assemblée à des mouvements convulsifs.

MM. Bodoin, Charton et les autres électeurs, commis par l'assemblée pour rester auprès de M. Foulon, avaient bien vainement proposé de se livrer en otage, et de répondre, sur leurs personnes, de celle de M. Foulon; il ne restait plus aucun moyen de suspendre la colère impatiente et frénétique de la multitude, lorsque des cris redoublés ont annoncé M. de Lafayette.

On lui a fait place; il est entré sans difficulté, il est venu se mettre à côté de M. Moreau - de - SaintMerry, président de l'assemblée. A son aspect, le silence le plus profond a succédé au tumulte; M. de Lafayette a parlé pendant une demi-heure ou environ; et il est difficile de peindre la force, l'adresse, et tous les traits de la plus simple et de la plus énergique éloquence dont son discours a été semé.

Je suis connu de vous tous, leur disait-il; vous m'avez nommé pour votre général; et ce choix qui m'honore, m'impose le devoir de vous parler avec la liberté et la franchise qui font la base de mon caractère. Vous voulez faire périr sans jugement cet homme qui est devant vous : c'est une injustice qui vous déshonorerait, qui me flétrirait moi-même, qui flétrirait tous les efforts que j'ai faits en faveur de la liberté, si j'étais assez faible pour la permettre. Je ne permettrai pas cette injustice; mais je suis bien loin de prétendre le sauver, s'il est coupable; je

veux seulement que l'arrêté de l'assemblée soit exécuté; que cet homme soit conduit en prison, pour étre jugé par le tribunal que la nation indiquera ; je veux que la loi soit respectée, la loi, sans laquelle, il n'est point de liberté; la loi, sans le secours de laquelle je n'aurais point contribué à la révolution du Nouvau-Monde, et sans laquelle je ne contribuerais pas à la révolution qui se prépare.

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Ce que je dis en faveur des formes de la loi, ne doit pas être interprété en faveur de M. Foulon. Je ne suis pas suspect à son égard; et peut- être la manière même dont je me suis exprimé sur son compte, dans plusieurs occasions, suffirait seule pour m'interdire le droit de juger. Mais plus il est présumé coupable, plus il est important que les formes s'observent à son égard, soit pour rendre sa punition plus éclatante, soit pour l'interroger légalement, et avoir de sa bouche la révélation de ses complices. Ainsi je vais ordonner qu'il soit conduit dans les prisons de l'abbaye Saint-Germain. »

Ce discours de M. de Lafayette avait fait une grande impression, et principalement sur ceux qui, dans cette salle très-vaste, avaient été à portée de le bien entendre.

Les plus voisins étaient d'avis qu'il fût sur le champ conduit en prison; et même deux d'entre la multitude, du nombre de ceux qui avaient été donnés pour gardes à M. Foulon, sont montés sur le bureau, et ont dit qu'il fallait le conduire en prison. Mais, à l'extrémité de la salle, les esprits n'étaient pas si bien disposés; des voix furieuses ont crié : à bas, à bas! et les deux hommes ont été obligés de descendre et de se taire.

M. Foulon lui-même a voulu parler; on a fait un

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