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187. La Cour de cassation est même allée plus loin et a jugé que le banquier qui a été chargé par un client de faire effectuer, pour son compte, des opérations de bourse et qui a donné l'ordre à un agent de change de faire ces opérations, ne peut pas demander le remboursement de ses avances si l'agent de change, au lieu d'opérer lui-même, en Bourse, a fait acheter les valeurs en coulisse. Les arguments émis par les juges du second degré à l'appui de l'opinion contraire n'étaient pas sans valeur. Le mandataire, avaient-ils dit, quand le mandant l'autorise à se substituer un tiers, n'est responsable que du choix de ce tiers. Or, quand il s'agit de négociations sur ellets publics, non seulement le mandataire banquier est autorisé à se substituer un tiers, mais il est dans l'obligation de faire cette substitution. Lors donc qu'il s'est adressé à un agent de change, il a régulièrement accompli son mandat; par conséquent, il ne saurait être responsable des suites de l'opération, pour lesquelles le mandant originaire doit s'adresser directement au mandataire substitué, l'agent de change. - Chambéry, 25 mai 1883, sous Cass., 16 juin 1885, Rogès, (S. 85.1.253, P. 85.1.627)

188. Nous préférons cependant la solution donnée par la Cour suprême le mandat donné à un banquier et accepté par lui, de faire acheter des valeurs de bourse comprend, en eflet, non seulement le mandat de s'adresser à un intermédiaire autorisé, mais encore celui de veiller à ce que l'opération soit régulièrement faite par cet intermédiaire et de ne l'accepter, notamment, pour la porter au compte du mandant, que si elle a eu lieu en conformité des prescriptions de l'art. 76, C. comm., c'està-dire, par l'intermédiaire d'un agent de change; or, les négociations sur effets publics faites en dehors de ces prescriptions étant nulles d'une nullité d'ordre public qui a pour effet d'interdire toute action au mandataire pour le remboursement de ses avances, il suffit, pour que le banquier ne puisse avoir action, que le mandat primitif subsiste et que le remboursement soit poursuivi en vertu de ce mandat. — Čass., 16 juin 1885, précité. 189.- La nature du privilège concédé aux agents de change sur les négociations d'effets publics et autres, ainsi que la sanction de ce privilège étant connues, il faut se demander quelle est son étendue. Embrasse-t-il toutes les valeurs qui se négocient sur le marché financier, ou ne porte-t-il que sur une partie de ces valeurs de manière à permettre, pour l'autre partie, le choix d'un intermédiaire quelconque? Cette question, d'une importance capitale, puisqu'elle comprend non seulement l'existence simultanée du marché en bourse et du marché en banque, du parquet et de la coulisse, mais encore la validité des opérations faites par cette dernière sur toutes les valeurs non cotées, ne s'est présentée qu'en 1885 devant la Cour de cassation.

190. Elle revient à se demander comment on doit interpréter ces mots de l'art. 76, C. comm. : « effets susceptibles d'étre cotés?» Plusieurs systèmes sont en présence.

191. D'après une première opinion, pour savoir si un effet est susceptible ou non d'être coté, il ne faudrait s'attacher qu'à sa nature intrinsèque de telle facon que, sans s'inquiéter du point de savoir s'il est ou non effectivement inscrit à la cote, on n'aurait qu'à rechercher si par les garanties qu'il offre, par la multiplicité des transactions dont il est susceptible, il est digne ou non d'être recommandé. V. Paris, 30 mai 1851, Billaud, [S. 51.2. 508, P. 51.2.131, et la note de Steph. Cuënot]; 11 juill. 1851, Billaud, (ibid.]; — 2 août 1851, Billaud, [ibid.] — V. aussi Labbé, note sous Cass., 28 févr. 1881, Bonnaud, [S. 81.1.289, P. 81.1.7211; Mollot, n. 124, 127; Bédarride, Bourses de commerce, n. 205, in fine; Bozérian, La Bourse, t. 1, n. 45; Boistel, p. 456, note 2; Laurin, Cours de dr. comm., n. 192; Lyon-Caen et Renault, t. 1, n. 1481.

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192. La cote, dit à cet égard M. Labbé, est presque une recommandation. La cote est un appel aux capitaux confiants. Par prudence, et pour éviter des déceptions ou des désastres, il est des valeurs dont il convient de restreindre la circulation parmi les capitalistes qui s'instruisent eux-mêmes et qui savent apprécier les chances. En refusant d'admettre à la cote, les agents de change ne se refusent pas à faire les négociations. Le titre non coté n'en reste pas moins un effet public, émane peut-être d'un Etat s'adressant au public; done if importe que les négociations soient concentrées à la Bourse, opérées par des officiers publics. Le privilège existe. La cote seule est refusée. » — Labbé, loc. cit.

193. Mais comment ne pas s'effrayer des conséquences de cette doctrine et ne pas chercher à y échapper? Ne voit-on

pas qu'elle entraine la condamnation de tout ce qui s'est fait ou se fera par la coulisse, qu'elle implique la nullité pour le passé, le présent et l'avenir de toutes les négociations opérées en banque. On ne peut le nier, en effet, le marché financier comporte, en fait, deux grandes catégories d'affaires : le marché en bourse, le marché en banque: marché en bourse, constitué par les négociations sur les valeurs officiellement cotées, domaine des agents de change; marché en banque, constitué par les négociations sur les valeurs non cotées, marché libre, abandonné aux intermédiaires non qualifiés, coulissiers, banquiers, etc. Les deux marchés sont bien distincts, et il y a là des situations acquises dont il est impossible de ne pas tenir compte. N'est-il pas clair qu'en cherchant à faire prévaloir le système que nous combattons on opérerait sur ce terrain une véritable révolution financière et économique?-- Il est vrai qu'on a prétendu trouver dans le rapprochement de l'art. 76 avec de très anciens textes, arrêts du Conseil, lois intermédiaires, etc., la justification de cette opinion. Mais n'est-il pas quelque peu singulier de voir régler un mouvement et une situation économiques d'une importance capitale pour la vie et l'avenir de notre société par des textes écrits alors que ce mouvement et cette situation ne pouvaient pas même être entrevus; et, quand le texte à interpréter laisse au juge toute liberté pour mettre son interprétation en harmonie avec les grands intérêts en jeu, n'est-ce pas le cas d'en profiter?

194.- Aussi deux systèmes mixtes, quoique basés encore sur la considération de la nature du titre, ont-ils cherché à restreindre les conséquences de la doctrine absolue que nous venons de combattre en les conciliant avec les nécessités de la pratique. Par effets susceptibles d'ètre cotés, dit le premier de ces systèmes, il faut entendre les effets qui, ne figurant pas, en fait, à la cote officielle, sont jugés par le tribunal aptes à y figurer à raison de la multiplicité des transactions auxquelles ils donnent lieu. Bozérian, t. 1, n. 45; Labbé, note sous Cass., 28 févr. 1881, précité; Buchère, Opérat. de bourse, n. 60 et 232.

195. Mais comment reconnaitre le moment exact où ces conditions existeront, où la valeur sera passée du marché ouvert à tous les intermédiaires dans le marché fermé à tous autres que les agents de change, le moment exact où la négociation sera valable ou nulle, suivant la qualité de celui qui l'aura effectuée? On l'a très justement dit, tout monopole, par cela même qu'il est un monopole défendu par des sanctions sévères, exige des limites certaines et sur lesquelles personne ne puisse se méprendre. Or, il n'en est point ainsi quand la limite proposée n'est autre que la fréquence et la multiplicité des échanges. D'ailleurs, cet élément est loin d'être le seul pour déterminer l'admissibilité à la cote. Cette admissibilité dépend de bien d'autres circonstances pour les valeurs françaises, elle dépend de l'accomplissement des prescriptions écrites dans la loi de 1867 sur les sociétés; pour les valeurs étrangères, elle implique l'accomplissement des prescriptions contenues dans le décret du 7 févr. 1880. Quand le public des spéculateurs et des intermédiaires devra-t-il savoir que toutes les formalités exigées ont été remplies, que la valeur est définitivement en état d'ètre cotée, et qu'il faut désormais se garder d'employer d'autres négociateurs que les agents de change? On le voit, il était impossible de prèter au législateur la pensée de créer une situation aussi peu précise et, par cela même, aussi remplie de périls.

196. - La seconde théorie restrictive du système basé sur la nature intrinsèque de l'effet consiste à soutenir qu'il s'agit des effets qui, bien que non encore admis à la cote, réunissent les conditions légales pour y figurer et qu'à cet égard, le tribunal doit non seulement considérer leur nature intrinsèque, mais encore rechercher si leur négociation n'est prohibée par aucune loi. Lyon-Caen et Renault, t. 1, n. 1481.

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197. Mais les observations qui précèdent, en même temps qu'elles répondent au système de la multiplicité des échanges, répondent évidemment aussi à celui que nous venons d'énoncer; s'il est presque impossible, en effet, pour les intéressés, d'apprécier la multiplicité et l'importance des transactions sur une valeur déterminée, il ne leur est pas moins difficile de s'assurer si toutes les formalités qui sont requises pour leur négociation ont été accomplies (car c'est à la réunion de ces formalités que se bornent, nous le rappelons, les prescriptions légales); cette opinion, par conséquent, pas plus que la précédente, ne peut servir à délimiter deux marchés dont la distinction cependant a besoin d'être précise.

198. Aussi préférons-nous de beaucoup pour notre part

un système tout à fait opposé qui, négligeant toute considération tirée de la nature même des valeurs, ne s'attache qu'au point de savoir si en fait elles ont été ou non cotées. Sont-elles inscrites à la cote, le droit de les négocier n'appartiendra qu'aux agents de change; ne le sont-elles pas, les opérations dont elles sont susceptibles pourront être accomplies également par quelque intermédiaire que ce soit, coulissiers, banquiers, etc. Trib. Seine, 26 avr. 1850, sous Paris, 30 mai 1851, Billaut, [S. 51.2.508 et 511, P. 51.2.131, D. 52.2.92]; — 10 oct. 1850, sous Paris, 11 juill. 1851, Billaut, [ibid.]— Sic, Alauzet, t. 3, n. 909; Ruben de Couder, vo Agent de change, n. 93.

V.

199. Ce système est le seul, en effet, qui soit de nature à éviter toute perturbation dans le marché financier; c'est le seul, en d'autres termes, qui consacre les usages d'une pratique constante, généralement reconnue; c'est celui, enfin, qu'a adopté la Cour de cassation par différents arrêts mûrement délibérés. Nous pouvons ajouter qu'il n'est pas moins conforme au texte qu'à l'esprit de la loi. Si on objectait, en effet, qu'il assimile arbitrairement les effets cotés à ceux qui sont susceptibles de l'être, alors que la loi elle-même fait expressément cette distinction, nous répondrions que cette distinction n'avait qu'une valeur transitoire, et que, tandis que les mots cotés ne se référaient qu'aux valeurs inscrites au moment de la confection du Code de commerce, les mots susceptibles de l'être visaient uniquement celles qui le deviendraient par la suite. Quant à la pensée de la loi, elle n'est pas moins claire. Le type de l'effet dont la négociation est réservée aux agents de change, c'est l'effet public; celui-là est considéré comme étant de droit inscrit à la cote. D'autres effets peuvent être assimilés aux effets publics et placés sur le même rang; mais, pour cela, il faut qu'ils aient été reconnus se trouver dans des conditions qui permettent l'assimilation; or, la chambre syndicale des agents de change est la seule autorité qui puisse faire avec compétence cet examen; c'est donc seulement lorsqu'elle aura jugé Teffet apte à être porté sur la cote officielle de la Bourse et qu'elle l'y aura effectivement porté, que la négociation de cet effet sera, comme celle des effets publics, soumise au privilège des agents de change. Cass., 1er juill. 1885, Force, [S. 85.1.257, P. 85.1.636, D. 86.1.393]; mars 1886, Bergeron, [S. 86.1.208, P. 86.1.507] — Sic, Crépon,

n. 66 et s.

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transporté à plusieurs créanciers divers titres de rente et qu'un seul se présentat avec un transfert régulier, celui-là devrait, au moment de l'ouverture d'une contribution, être considéré comme approprié des titres, les autres venant dans la contribution au març le franc. Paris, 7 juill. 1864, [Rev. du notar. et de l'enreg., année 1865, n. 1128] Mais cette solution n'est pas en contradiction avec celle que nous venons d'indiquer; autre chose est de déterminer l'effet de la convention du cédant au cessionnaire ou à l'égard des cessionnaires entre eux, et relativement aux droits qu'ils prétendent concurremment exer

cer.

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204. L'opération faite directement entre vendeur et acheteur, ne serait toutefois régulière qu'autant que le vendeur aurait été réellement propriétaire des titres vendus et que l'acheteur se serait adressé directement à lui pour se faire céder une partie de ces titres à un prix déterminé; s'il s'agissait donc du placement de titres nouvellement émis, placement entrepris par une maison de banque à des conditions fixées avec la société nouvelle, le banquier n'étant plus, dans ces circonstances, qu'un intermédiaire, l'opération ne serait régulière que si la valeur, non encore cotée, appartenait encore au marché libre; dans le cas où elle aurait été admise à la cote, l'intervention d'un agent de change serait nécessaire pour la validité de la négociation.

205. Il n'est pas plus permis aux notaires qu'à tous autres d'intervenir comme intermédiaires dans les négociations d'effets publics ou autres valeurs cotées; mais il ne leur serait pas interdit de constater authentiquement la convention par laquelle deux parties, comparaissant devant eux, auraient traité de la cession d'un certain nombre d'effets à des conditions déterminées dans l'acte dressé; le notaire n'agissant point comme intermédiaire de vente et d'achat, mais n'intervenant que pour donner l'authenticité au contrat, resterait ainsi dans la régularité de ses attributions.

200.- Quelle que soit l'opinion qu'on adopte sur cette question, il est évident, au surplus, que le privilège accordé aux agents de change, ne porte que sur les négociations qui nécessitent l'intervention d'un intermédiaire; il n'enlève pas aux propriétaires de ces eflets le droit de traiter de la cession euxmêmes et directement avec un acheteur. 207. Cass., 19 janv. 1860, Jarry, [S. 60.1.481, P. 60.452, D. 60.1.40]; - 3 avr. 1868, Schey, [S. 68.1.190, P. 68.429, D. 68.1.365]; - 26 mai 1886, Bodereau, S. 86.1.349, P. 86.1.870) Paris, 24 mai 1860, Nunès, [D. 60.5.12] Besançon, 21 août 1883, sous Cass., 22 avr. 1885, Oudille, [S. 85.1.249, P. 85.1.622) Bordeaux, 3 mars 1885, Cochareaux, S. 85.2.150, P. 85.1.822" Toulouse, 4 mars 1885, sous Cass., 29 juin 1885, Crédit général français, S. 83.1.249, P. 85.1.622] 208. Orléans, 20 nov. 1886, Caisse générale d'épargne, [S. 87.2.49, P. 87 1.322, et la note de M. Labbé] Sic, Alauzet, t. 2, n. 680 et s.; Boistel, p. 431; Rivière, p. 234; Ruben de Couder, n. 94; Lyon-Caen et Renault, n. 1482.

--

201. Il faut toutefois remarquer que si les titres qui ont fait l'objet de la convention étaient nominatifs, le transfert au nom du nouveau propriétaire nécessiterait l'intervention d'un agent de change. 202.- Mais faut-il aller jusqu'à dire qu'une pareille cession ne vaudrait que comme promesse de faire opérer le transfert, promesse dont l'inexécution ne pourrait se résoudre que par des dommages-intérêts? Nous ne le pensons pas (Ruben de Couder, n. 95). Le transfert n'est que l'accomplissement d'une formalité à laquelle il pourrait être suppléé au besoin par un jugement valant transfert, et il est de règle qu'entre parties, le seul consentement opère transfert de propriété. Nous croyons done que, dans le cas notamment où les numéros des valeurs nominatives seraient indiquées, il suffirait de l'accord réciproque des contractants pour en passer la propriété du vendeur à l'acheteur, en sorte que si, par exemple, il s'agissait de valeurs à lots et qu'elles fussent sorties au tirage, c'est l'acheteur qui devrait bénéficier du lot.

203. — Il a été jugé, il est vrai, que si un débiteur avait

206. L'interdiction qui pèse sur les notaires, quant au rôle de négociateurs, ne porte que sur les effets cotés. Trois arrêts de la cour de Paris, en date des 30 mai, 11 juill. et 2 août 1851, Billault, [S. 51.2.508, P. 51.2.141, D. 52.2.92], ont, il est vrai, refusé aux tribunaux le droit de commettre un notaire pour la vente d'actions industrielles susceptibles d'être, à un jour donné, admises à la cote et non encore cotées; mais il est bien évident qu'en présence de la jurisprudence récente de la Cour de cassation qui place dans le marché libre toute valeur non cotée, la solution adoptée par les arrêts ci-dessus indiqués ne saurait être suivie. Même pour les valeurs cotées, la Cour de cassation a décidé que, lorsqu'elles faisaient partie d'une succession bénéficiaire et que la vente devait en être ordonnée par justice, les notaires pouvaient être autorisés à procéder à leur adjudication. Cass., 7 déc. 1853, Delaire, [S. 54.1.177, P. 55.1.228, D. 54.1.1281-Sic, Buchère, Traité des val. mob., n. 955 et s., et Opérat, de bourse, n. 101 et s.; Ruben de Couder, vo Agent de change, n. 127. — Contrà, Lyon-Caen et Renault, n. 1484. Cette solution pourrait être étendue, croyons-nous, aux ventes forcées d'actions industrielles. Ces ventes, en effet, ne sont pas assujetties aux formalités particulières prescrites par la loi pour la saisie et la vente des rentes constituées; elles doivent avoir lieu selon le mode déterminé par les juges, et, par conséquent, on ne voit pas ce qui les empêcherait d'ètre valablement faites aux enchères publiques devant notaire. Douai, 23 mars 1855, Tombe, (S. 55.2.639, P. 56.1.50, D. 36.2.607 209. Cette jurisprudence, toutefois, en ce qui concerne les mineurs et les interdits ne saurait être maintenue depuis la loi du 28 févr. 1880, relative à l'aliénation des valeurs mobilières appartenant à ces incapables. Il résulte, en effet, de l'art. 3 de cette loi, que les agents de change sont seuls compétents pour opérer ces négociations: « L'aliénation, dit l'art. 3, sera opérée par le ministère d'un agent de change, toutes les fois que les valeurs seront négociables à la Bourse, au cours moyen du jour.

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d'ètre cotés, elles comprennent encore le droit de faire seuls, « pour le compte d'autrui, les négociations des lettres de change ou billets et de tous papiers commerçables » (art. 76, C. comm.). 212. Pour la négociation de ces effets comme pour celle des effets cotés, il importe de remarquer que le monopole des agents de change n'existe qu'autant que la négociation est faite pour le compte d'autrui. Tous particuliers, même dans les villes où il existe des agents de change pourront donc négocier directement entre eux toutes lettres de change ou billets à leur ordre ou au porteur, comme aussi tous effets garantis par leur endossement (Arrêté du 27 prair. an X, art. 4).

213. Ce monopole, surtout à Paris, est plus fictif que réel, et les parties se trouvent le plus souvent rapprochées pour ces sortes d'opérations par des courtiers chargés de ce soin. On ne peut pas dire que cette façon de procéder soit illicite et constitue une immixtion dans les fonctions d'agent de change, puisqu'en pareil cas le rôle d'intermédiaire se borne à rapprocher les parties contractantes.

214. La disposition de l'art. 76, C. comm., qui attribue exclusivement aux agents de change les négociations des effets de commerce, est générale et absolue; elle s'applique à tous les genres de négociation, et comprend, par conséquent, même les transmissions d'effets qui auraient lieu à forfait, c'est-à-dire sans garantie de la part du cédant, ou qui se rattacheraient à une assurance de crédit stipulée par lui et réalisée quelquefois au moyen d'un aval. Cass., 21 févr. 1868, Péga, [S. '68.1.188, P. 68.425]

215.

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Elle embrasse également les négociations en blanc; l'interdiction, faite aux agents de change par les décrets des 20 et 28 vend. an IV, de s'entremettre dans de pareilles négociations a été, en effet, virtuellement abrogée par le Code de commerce, qui a rendu licites tout en en limitant les effets, les négociations ainsi opérées. Même arrêt.

216. En conséquence, le fait de se rendre intermédiaire, moyennant courtage, pour de telles négociations, constitue le délit d'immixtion dans les fonctions d'agent de change. - Mème

arrêt.

217. Les agents de change sont chargés, en outre, de constater le cours des effets publics et de toutes les valeurs cotées, le cours du change et le cours des matières métalliques. Comme ce soin regarde spécialement la chambre syndicale, nous examinerons ce qui concerne les différentes cotes quand nous recherchons quelles sont les attributions et les responsabilités de la chambre syndicale (V. infrà, n. 667 et s.).

218. Enfin, les agents de change ont dans leurs attributions exclusives, le transfert des rentes sur l'Etat, des actions de la Banque de France, des actions et obligations des compagnies industrielles et financières.

219. Toute inscription faite au nom d'un individu déterminé, soit d'une rente sur le grand-livre de la dette publique, soit d'une action de la Banque de France, d'une action ou d'une obligation d'une compagnie industrielle ou financière sur les registres de la Banque ou des compagnies, ne peut disparaître qu'autant que la vente du titre de la rente ou du titre de l'action a été opérée et qu'il a été attesté que le vendeur était bien le propriétaire dont le nom est inscrit sur les registres. L'opération qui consiste à changer le nom de l'inscrit ou simplement à faire disparaître ce nom pour transformer les titres nominatifs en titres au porteur se nomme transfert.

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220. C'est l'arrêté de prairial an X, qui a exigé l'intervention d'un agent de change dans l'opération du transfert. Primitivement, c'est-à-dire sous l'empire de la loi du 28 flor. an VII, « cette opération s'accomplissait sur la simple manifestation de la volonté du vendeur qui se présentait au bureau chargé de recevoir les transferts pour y faire sa déclaration; il remettait à cet effet un bulletin de l'inscription qu'il entendait transférer et la signature en était biffée en sa présence» (art. 3, L. 28 pluv. an VII).

221. L'art. 15 de cet arrêté est ainsi conçu : « A compter de la publication du présent arrêté, les tranferts d'inscriptions sur le grand-livre de la dette publique seront faits au Trésor public en présence d'un agent de change de la Bourse de Paris qui certifiera l'identité du propriétaire, la vérité de sa signature et des pièces produites.

222.-L'ordonnance royale du 14 avr. 1819, rendue en exécution de la loi portant la même date et autorisant l'ouverture, dans chaque département, d'un livre auxiliaire du grand-livre

de la dette publique, a complété, en les étendant à toute la France, les prescriptions de l'arrêté de prairial an X, qui ne s'appliquaient qu'aux agents de change près la Bourse de Paris. «La vente des rentes représentées par des inscriptions départementales, lisons-nous dans son art. 16, s'opérera par un émargement sur le livre auxiliaire, à l'article correspondant, et, en outre, par une déclaration de transfert reçue sur un registre tenu par le receveur général. L'émargement et les déclarations seront signés du propriétaire de la rente ou d'un fondé de procuration spéciale, assisté d'un agent de change, ou, à défaut, d'un notaire, pour certifier l'individualité des parties, la vérité de leurs signatures et celle des pièces produites, conformément à l'art. 15 de l'arrêté du 27 prair. an X. »

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223. Nous ne faisons que signaler ici le rôle obligatoire joué gar les agents de change en matière de transferts; nous examinerons infrà, n. 570 et s., les responsabilités qui peuvent découler des attributions qui leur ont été ainsi conférées.

-

224. Ajoutons en terminant que le privilège reconnu aux agents de change par l'art. 76, C. comm., n'a pas pour effet, de priver un coulissier du droit d'actionner son client en justice pour obtenir le remboursement des avances faites pour son compte. Mais ce coulissier ne peut comprendre dans sa demande les courtages qu'il n'a pu gagner qu'en contrevenant à la loi. Trib. Marseille, 11 mars 1880, [J. trib. comm., 80.318]

-

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226.

11

Le ministère des agents de change étant forcé à l'égard des négociations d'effets publics, il ne leur est pas permis de refuser leur assistance à ceux qui les requièrent pour des opérations licites rentrant dans leurs attributions.

227. — Lorsqu'un agent de change refuse son ministère, on doit s'adresser à la chambre syndicale, puis au tribunal de commerce pour discuter les motifs de son refus, et le contraindre à agir s'ils sont inadmissibles.

228. Toutefois, relativement à cette obligation imposée aux agents de change de prêter leur ministère pour les opérations que l'on veut faire à la Bourse, il faut distinguer entre les opérations faites au comptant et les opérations faites à terme; pour les premières, qui doivent se régler immédiatement par la livraison des titres et le paiement du prix, si le client vendeur a remis les titres et si le client acheteur, en fixant le prix d'acquisition, a remis les fonds nécessaires pour payer, il est manifeste que l'agent ne peut se refuser à exécuter l'ordre. Mais il en est autrement pour les marchés à terme qui contiennent toujours, pour l'agent, un certain aléa, puisqu'il est responsable des suites de l'opération; la conséquence en est qu'on ne peut le contraindre à accepter cet aléa en prêtant son minis

tère.

229.- Jugé que l'engagement qu'aurait pu prendre un agent de change, vis-à-vis d'un de ses clients, d'exécuter sans distinction tous les ordres que celui-ci pourrait lui transmettre, devrait être réputé nul comme contraire aux règles d'ordre public qui régissent la profession d'agent de change. Un tel engagement laisse donc l'agent de change libre (pourvu qu'il soit de bonne foi et qu'il ne commette aucune faute) de n'exécuter que partiellement les ordres qui lui sont donnés par ce client pour l'acquisition de telles ou telles valeurs. - Paris, 18 mai 1866, Torton, [S. 68.2.108, P. 68.471]

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234. «Ils sont tenus de consigner dans ce livre jour par jour et par ordre de dates, sans ratures, interlignes ni transpositions et sans abréviations ni chiffres, toutes les conditions des ventes, achats, assurances, négociations, et en général toutes les opérations faites par leur ministère » (C. comm., art. 84). Ce journal n'a pas besoin d'être écrit de la main de l'agent de change. - Mollot, n. 192.

235. L'art. 11 de l'arrêté du 27 prair. an X les obligeait à consigner leurs opérations sur des carnets dont ils devaient transcrire les mentions le jour mème sur leur livre-journal. On convient généralement que cette disposition n'a pas été abrogée par le Code de commerce. C'est pour les agents de change l'équivalent du brouillard pour les commerçants. Avant, comme depuis la loi du 14 mai 1837, ces carnets, d'ailleurs, ont pu être formés de papier libre et écrits au crayon. Bédarride, n. 398; Boistel, p. 423; Mollot, n. 193 et s.; Alauzet, t. 2, n. 663; Buchère, n. 71 et 72; Ruben de Couder, n. 172.

236. - A Paris, les agents de change ont d'autres livres destinés à établir leur comptabilité, mais ces livres auxiliaires ne peuvent en justice avoir l'autorité des deux livres imposés par la loi, le carnet ou portatif, et le journal.

237. L'art. 84, C. comm., n'imposait aux agents de change que l'obligation, formulée d'une façon générale, de consigner, jour par jour, dans le livre qu'ils doivent tenir, « toutes les conditions des ventes et achats, » mais il ne prescrivait pas la mention des numéros des titres vendus ou achetés; la loi du 13 juin 1872, relative aux titres perdus ou volés, porte dans son art. 13 « Les agents de change doivent inscrire sur leurs livres les numéros des titres qu'ils achètent ou qu'ils vendent. Ils mentionneront sur les bordereaux d'achat les numéros livrés. Un règlement d'administration publique déterminera le taux de la rémunération qui sera allouée à l'agent de change pour cette inscription des numéros. >> Ce règlement, intervenu le 10 avr. 1873, a fixé à 5 centimes par titre, le taux de la rémunération allouée aux agents de change pour mentionner sur les bordereaux d'achat les numéros livrés (art. 11).

238. On a dit que la défense formulée par l'art. 84, C. comm., de ne faire sur le livre-journal, aucune interligne, ou transposition ne devait pas être entendue en ce sens qu'il fût impossible d'y opérer une rectification ou une addition, en cas d'erreur ou d'omission (Alauzet, t. 2, n. 663; Ruben de Couder, n. 175). Nous n'admettons cette observation qu'à la condition que la rectification ou l'addition laissent subsister la mention primitive et permettent d'apprécier comment elles ont été faites, sans quoi, il serait trop facile d'éluder la loi.

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239. Nous reconnaissons, d'ailleurs, avec les auteurs que nous venons de citer, que les prescriptions qui concernent le livre-journal ne sauraient s'appliquer au carnet. Les conditions de rapidité et de bruit dans lesquelles y sont faites les inscriptions doivent fréquemment conduire à des rectifications qui ne peuvent se faire sans ratures, surcharges, transpositions ou additions. Alauzet, loc. cit.; Ruben de Couder, loc. cit.; Mollot, n. 194 et 195; Bédarride, n. 398; Buchère, Trait. des val. mob., n. 971. 240. Le règlement de la compagnie des agents de change de Paris veut que les écritures soient tenues en partie double sur des livres conformes au modèle prescrit par la chambre syndicale (art. 71). C'est là une règle de discipline intérieure qui ne trouve son fondement dans aucune disposition de la loi. Les art. 8 et 9, C. comm., qui, indépendamment du livre-journal, mentionnent comme devant être tenus par les commerçants, les autres livres usités dans le commerce et, notamment, un livre d'inventaires ne sont pas applicables aux agents de change.

Bravard-Veyrières et Demangeat, t. 2, p. 181; Mollot, n.

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241. Ni le journal, ni le carnet, ni à plus forte raison les autres registres en partie double non exigés par la loi, mais tenus aujourd'hui régulièrement par tous les agents de change, n'ont le caractère authentique et ne font foi jusqu'à inscription de faux. La preuve contraire est admise contre les énonciations qu'ils contiennent, et les tribunaux sont libres d'y avoir tel égard qu'il leur plaît. Paris, 14 déc. 1866, [J. trib. comm., t. 16, p. 443] Trib. Seine, 28 déc. 1869, [J. trìb. comm., t. 20, p. 270] Sic, Locré, Esprit du Code de comm., t. 1, n. 540; Mollot, n. 196; Bédarride, n. 402; Alauzet, t. 2, n. 663; Delamarre et Lepoitvin, Dr. comm., t. 1, n. 148; Massé, n. 2501; Buchère, Tr. des val. mob., n. 972 et Operat. de bourse, n. 73; Ruben de Couder, n. 177.

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242.- Ces livres ne pourraient former un titre en faveur de l'agent de change, qu'autant qu'il s'agirait d'une opération de commerce faite pour un commerçant, les livres régulièrement tenus étant susceptibles d'être, en ce cas, admis par le juge pour faire preuve de la négociation (C. civ., art. 1331, 1332, et C. comm., art. 12).

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243. Mais ils doivent évidemment faire foi contre lui. Mollot, n. 197 et s.

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244. Si le livre-journal et le carnet ne sont pas d'accord, M. Mollot (n. 199) veut qu'on s'en rapporte plutôt au carnet qu'au livre-journal. Le carnet étant écrit au moment même de l'opération, il semble, en effet, que c'est le plus ordinairement à ses énonciations qu'il convient de s'attacher. Cependant, nous croyons que les juges devront apprécier d'après les circonstances, quel est celui des deux livres qui mérite le plus de créance. Massé, t. 4, n. 2502; Delamarre et Lepoitvin, t. 1, n. 148; Bédarride, n. 399; Alauzet, t. 2, n. 663; Ruben de Couder, n. 180. Contrà, Buchère, Trait. des val. mob., n. 973 et Opérat. de bourse, n. 74.

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245. Nous avons dit précédemment que les agents de change n'étaient pas obligés de tenir un autre livre que le livrejournal; toutefois, si, comme c'est l'usage, ils tiennent des livres auxiliaires, le juge, et particulièrement le juge commercial, peut aller chercher dans ces livres des indications de nature à motiver sa décision. Ainsi en serait-il, notamment, des mentions trouvées dans un livre copie de lettres, régulièrement tenu. Bordeaux, 1er févr. 1867, [Monit. des trib., 9 mai 1867] 246. L'agent de change qui, d'une manière dommageable à un tiers, consignerait sur son registre une vente supposée, ou qui l'antidaterait, commettrait un faux. Cass., 11 fruct. an XIII, Masencal et autres, [S. et P. chr.] 247.- Mais de quelle nature serait ce faux? Serait-ce un faux en écriture publique ou simplement un faux en écriture de commerce? Pour soutenir cette dernière opinion, on s'est prévalu de ce que l'authenticité en matière de preuve était refusée au livre-journal de l'agent de change, et l'on a conclu que le faux commis par ce dernier, s'il venait à altérer les énonciations de ce livre, ne pourrait avoir d'autre caractère que celui commis par un commerçant dans ses écritures. Mollot, n. 209; Delamarre et Lepoitvin, t. 1, n. 148; Bédarride, n. 403; Alauzet, t. 2, n. 663; Ruben de Couder, n. 183.

248. On oublie trop, en soutenant cette thèse, le caractère de celui qui tient le livre ce n'est pas un simple commerçant, mais bien un officier public dont le ministère est imposé à ceux qui l'emploient. Ce caractère public attache à la personne comme aux actes, doit être, à notre sens, considéré comme dominant et entrainer cette conséquence que le faux commis par un agent de change soit puni des peines portées contre le faux en écriture publique. Cass., 11 fruct. an XIII, précité; 19 juill. 1860, Colonies, [S. 61.1.111, P. 61.727, D. 61.1.407] Sie, Pardessus, t. 1, n. 126; Buchère, Tr. des val. mob., n. 974 et Oper. de bourse, n. 73.

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249. Les agents de change sont tenus de représenter leur livre-journal et leur carnet aux juges ou aux arbitres (arrêté 27 prair. an X, art. 11); mais cette disposition ne s'étend pas jusqu'aux parties, lesquelles ne peuvent exiger qu'un extrait du carnet en ce qui les concerne. Ces extraits, signés de l'agent de change, font foi comme le registre. Paris, 4 févr. 1865, de Bourget, [S. 65.2.26, P. 65.205] Bordeaux, 6 janv. 1875, Lalesque, S. 76.2.40, P. 76.211, D. 76.5.15] - Sie. Pardessus, n. 126; Mollot, n. 203 et 205; Alauzet, t. 2, n. 665; Bédar

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ride, n. 405 et 406; Buchère, Tr. des val. mob., n. 972 et Opér. de bourse, n. 73; Ruben de Couder, n. 184; Massé, Dr. comm., t. 4, n. 2501 et 2302.

250. On s'accorde généralement à reconnaître que les arbitres dont parle l'arrêté du 27 prair. an X, doivent s'entendre des arbitres-juges et non des arbitres-rapporteurs (Delamarre et Lepoitvin, n. 148; Alauzet, t. 2, n. 664; Buchère, n. 972; Ruben de Couder, n. 185); toutefois, M. Mollot (n. 204) soutient l'opinion contraire, en se fondant sur ce que l'arrêté de prairial ne distingue pas et sur ce que les arbitres-rapporteurs, étant les délégués de la justice dont ils ont la confiance, ne pourraient utilement remplir ieur mission, s'ils ne connaissaient pas les registres. Il cite en ce sens un arrêt de Lyon du 22 mars 1851, J. le Droit du 4 juin 1861]

251. L'agent de change doit conserver son carnet et son journal pendant dix ans, à partir de la cessation de ses fonctions (C. comm., art. 11).

252. Cette obligation de conserver ses registres doit être d'autant plus fidèlement exécutée par l'agent de change que son journal peut être le seul et est presque toujours le principal document qui constate une opération dont il peut n'exister aucune autre trace. L'absence de registres serait opposable à l'agent de change, soit pour repousser les réclamations formées par lui, soit pour établir celles dirigées contre lui. Mollot, n. 207; Delamarre et Lepoitvin, n. 149; Alauzet, t. 2, n. 665; Poujet, Commissionnaires, t. 1, n. 69; Ruben de Couder, n. 186. Contrà, Bédarride, n. 407.

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253. Lorsqu'une opération est consommée par deux agents de change ou courtiers, chacun d'eux l'inscrit sur son carnet et le montre à l'autre (Arr. 27 prair. an X, art. 11).

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261. Le même bordereau peut comprendre, soit plusieurs opérations d'achats et ventes sur différentes valeurs, soit les opérations faites à des dates différentes pour l'exécution d'un même ordre, pourvu que ce soit pour la même personne et que le timbre corresponde au prix totalisé de toutes ces opérations (Règlement de la Cie des agents de change, art. 145).

262. — Il a été jugé que des bordereaux, soit de vente, soit d'achat d'effets publics, doivent, pour être réputés pièces justificatives, contenir à la fois le nom de l'agent de change acheteur ou vendeur et celui duquel on a acheté ou auquel on a vendu. L'interdiction qui est faite aux agents de change d'enregistrer aucun nom sur le livre-journal qu'ils sont chargés de tenir ne s'entend que des noms des personnes qui les ont chargés de négociations. Cass., 17 mars 1807, D..., S. et P. chr.]Mais nous croyons que cette décision ne devrait plus être suivie aujourd'hui. D'une part, le règlement de 1724 (art. 30 et 31), ne pourrait suffire pour lui donner une base légale, surtout depuis la loi du 28 mars 1885 qui l'a abrogé; de l'autre, les usages de la Bourse, d'une incontestable importance en ces matières, bornent les indications à fournir par le bordereau aux conditions même de l'opération, sans désignation de l'agent qui en a fait la contre-partie et, en définitive, ces usages ne sont en contradiction avec aucune disposition de loi.

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263. — Quoique le bordereau ne soit jamais un acte authentique, il est certain qu'il fera pleine foi entre les parties, s'il est signé de toutes deux. Mollot, n. 219 et 220; Pardessus, n. 126. Il n'y aurait pas lieu à la vérification d'écritures, puisque la signature des deux parties est attestée par l'agent de change. Toullier, t. 8, n. 396; Massé, n. 2388; Buchère, Opérat. de bourse, n. 69; Ruben de Couder, n. 191.

254. Les négociations sont faites avec concurrence et publicité, à la Bourse, par les agents de change, soit qu'ils traitent entre eux, soit qu'ils traitent de client à client. La négociation de plus est annoncée à haute voix par le crieur, si elle concerne des effets publics. Tout agent de change a le droit de demander, quand un cours est annoncé, avec qui et par qui il a été fait (Règlement de la Cie des ag. de ch., n. 84). Mollot, n. 211 et s. 255. 265. Un agent de change peut opérer pour un client, dans l'intérêt d'un autre client et sans le concours d'un autre agent de change, les ventes connues sous le nom de ventes à clients. Ces ventes sont fréquentes et ne font naitre aucune difficulté.

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256. Lorsqu'il achète, l'agent de change doit se conformer aux règles générales et aux instructions données par son client, mais un agent de change n'est pas tenu d'aviser son client des achats d'effets à terme qu'il a faits pour son compte, et d'après son ordre, le jour même où ces opérations ont eu lieu, à moins de convention expresse. Il n'existe à cet égard aucun usage obligatoire sur la place de Paris. Paris, 21 juin 1836, Drucker, [S. 36.2.545, P. 37.1.33]

257. Chaque agent de change ou courtier remet aux parties un bordereau ou arrêté signé de lui et constatant l'opération dont elles l'ont chargé (Arr. du Cons., 24 sept. 1724, art. 26; 7 août 1785, art. 6; L. 28 vendém. an IV, art. 6; C. comm., art. 109).

258. Ce bordereau est un moyen de prouver la négociation, mais ce n'est pas un moyen de preuve unique. L'art. 109, C. comm., autorise même la preuve par témoins lorsqu'il s'agit d'une affaire commerciale. Mollot, n. 217; Massé, n. 2442; Alauzet, t. 2, n. 1051; Buchère, Opérat. de Bourse, n. 69; Ruben de Couder, n. 190.

259. — La remise, par un agent de change à son client, des bordereaux en usage à la Bourse, et la réception de ces bordereaux par le client, ne constituent pas une reddition de compte dans le sens de l'art. 544, C. proc., mais un simple règlement provisoire, qui ne s'oppose pas à ce que, plus tard, les parties reviennent sur l'exactitude ou la sincérité des bordereaux. Lyon, 2 avr. 1851, Ribaud, [S. 52.2.135, P. 51.2.155, D. 52.2.126) 260. Le bordereau doit contenir toutes les énonciations nécessaires pour que celui auquel il est adressé puisse se rendre exactement compte des conditions dans lesquelles l'opération a été effectuée. Paris, 4 févr. 1865, précité. Depuis la loi de 1872, outre les indications ordinaires de date, de prix d'achat ou de vente, le bordereau, ainsi que nous l'avons vu précédemment, doit contenir les numéros des titres au porteur. V. supra, n. 237.

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264. Mais cette hypothèse de la signature du bordereau par les parties ne se réalise jamais, par la simple raison que la nature mème des opérations de Bourse, le secret qui est imposé aux agents de change relativement à la désignation de leurs clients, la rend irréalisable. Il faut donc examiner la force probante du bordereau dans les conditions communes, c'est-àdire lorsqu'il n'est revêtu que de la signature de l'agent de change. Si l'on se trouve en matière commerciale, c'est-àdire, si par la qualité des parties ou par la nature des actes, on est amené devant la juridiction consulaire, le juge pourra puiser dans le bordereau les éléments de sa décision, non en vertu du paragraphe de l'art. 109, C. comm., concernant les bordereaux ou arrêtés d'agent de change, mais en vertu de la règle générale par suite de laquelle, devant le juge commercial, la preuve peut se faire à l'aide de simples présomptions. 266. Et ceci resterait vrai, alors même que l'acte ne serait commercial qu'au regard de l'agent de change, s'il avait été amené devant la juridiction consulaire par la partie non commercante; celle-ci, en pareil cas, aurait donc le droit d'invoquer le bordereau comme une présomption suffisante pour justifier sa réclamation.

267.- Elle pourrait encore y trouver une preuve par écrit et nous estimons qu'il faudrait en dire autant du cas où le débat se déroulerait dans les mêmes conditions devant la juridiction civile, car le bordereau, par cela même qu'il émane de l'agent de change doit faire foi contre lui, en toute hypothèse et devant toute juridiction. V. suprà, n. 243.

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268. Toutefois, s'il n'est signé que par l'agent de change, le bordereau ne fera preuve de la négociation qu'autant qu'il concordera avec les livres de cet agent, et qu'on ne rapportera pas au juge la preuve qu'il y a eu fraude où erreur. Cass., 17 mars 1807, D..., [S. et P. chr.] Sic, Toullier, t. 8, n.

396.

269. S'il s'agit, au contraire, devant la juridiction civile, de faire la preuve contre le client donneur d'ordre qui conteste et nie l'ordre exécuté et dont l'agent prétend lui imposer les conséquences, la règle devra être renversée, car on ne concevrait pas que l'agent de change qui ne peut, même par les mentions portées sur son livre-journal, se créer un titre à lui-même, put arriver à ce résultat par des mentions inscrites sur un simple bordereau. En pareil cas, il faudra donc une preuve écrite ou un commencement de preuve par écrit. Lyon, 17 juill. 1883, Treynet, [D. 84.2.180] 270.- Même dans ces conditions de juridiction et de preuve, le bordereau, simplement signé de l'agent de change, conserve encore une grande importance; il peut se rattacher en effet à un

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