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formulée en termes précis, pourvu que la volonté du renonçant à cet égard ne soit pas douteuse. Il en est ainsi, spécialement pour l'appelant, lorsque cette volonté s'est suffisamment manifestée dans l'acte d'appel, ou qu'elle résulte plus nettement encore d'un mémoire par lui ultérieurement adressé au ministère public. Alger, 11 févr. 1889, El Hadj Brahim ben Yahia, [Robe, 89.95; Rev. alg., 89.2.433]

1984. Alors même que l'adel n'a point averti l'intimé de la volonté manifestée par l'appelant de porter directement le débat devant la juridiction d'appel en omettant le medjlès, l'appel n'est pas moins recevable, si d'ailleurs il est établi que l'intimé en a eu connaissance depuis un temps suffisant pour préparer sa défense. Même arrêt.

1985. La réitération d'appel prescrite par l'art. 12, Décr. 8 janv. 1870, peut être considérée comme résultant suffisamment de la remise des pièces d'appel faite par l'appelant, dans le délai, à l'interprète militaire du bureau arabe pour leur traduction, alors même que la traduction de la déclaration de réitération d'appel porte une date postérieure à l'expiration de ces délais. — Alger, 18 oct. 1887, précité.

1986. Le délai de quarante jours dans lequel l'appelant doit, à peine de déchéance, déclarer à l'adel du medjlès qu'il persiste dans son appel, ne court qu'à partir de la notification aux parties de l'avis du medjlès. Alger, 30 mai 1888, précité.

1987. Et s'il n'apparait point que cette notification ait été faite, l'appelant est fondé à se dire dans le délai légal pour l'accomplissement de la formalité de réitération d'appel, et peut même la remplir devant la cour. Alger, 26 déc. 1888, Si Saïd ben Abdenelem, [Rev. alg., 89.2.230]

1988. D'après le décret de 1870 (art. 13), l'appel était porté, pour la province d'Alger, à la chambre musulmane de la cour et pour les deux autres provinces aux tribunaux d'Oran et de Constantine. Mais, en vertu du décret du 17 avr. 1889 (art. 37), modifié par le décret du 25 mai 1892, l'appel doit toujours être porté devant le tribunal civil de l'arrondissement dans lequel siège le cadi qui a rendu le jugement attaqué. V. suprà, n. 1869. 1989. L'art. 16 du décret de 1870 déclare expressément que la décision rendue par la juridiction d'appel ne peut être l'objet d'aucun recours; d'autre part, ce texte figure parmi ceux que le décret du 17 avr. 1889 (art. 84; anc. art. 77) indique comme étant abrogés; on en a conclu que le recours en cassation était possible en nos matières même pour violation de la loi. Cette opinion a été écartée par la jurisprudence. Jugé, en ce sens, que si, en ce qui concerne le Tell, le pourvoi en cassation est possible pour incompétence et excès de pouvoirs (V. suprà, n. 1883), la voie du recours en cassation est absolument fermée à l'égard des décisions rendues dans les territoires de commandement (Décr. 29 août 1874, art. 10; Décr. 8 janv. 1870, art. 16, § 2). Cass., 3 juill. 1893, Consort Ben-Kaci, [D. 93.1.474 et le rapport de M. le conseiller Babinet]; 15 nov. 1893, El Hadj Aïssa, [Robe, 94.73]; 26 mai 1894, Fatma Mabrouck, [Gaz. des trib, 27 mai]

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1990. Spécialement, la prohibition absolue contenue dans l'art. 16, Décr. 8 janv. 1870, subsiste sous l'empire du décret du 17 avr. 1889, malgré la disposition en apparence contraire de l'art. 77 dudit décret. Mêmes arrêts.

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vivent côte à côte; il incombait au législateur français de fournir les données nécessaires pour trancher ces conflits; nous ne nous occuperons ici, au début de notre étude sur les lois d'origine française applicables en Algérie, que des conflits possibles entre le droit français et le droit musulman. On sait, en effet, d'une part, qu'un décret du 24 oct. 1870 a pleinement assimilé les israélites indigènes aux citoyens français; cette source possible de conflits a ainsi disparu à l'époque actuelle (Besson, p. 156); d'autre part, la condition des étrangers étant sensiblement la même en Algérie qu'en France, il ne paraît pas utile de dégager dès maintenant des règles que nous devrons étudier à nouveau, lorsque nous nous occuperons avec plus de détail des étrangers.

1993. - Ceci dit, et notre recherche devant se limiter aux conflits pouvant naître entre le droit français et le droit musulman, ou encore entre les différents rites du droit musulman (rites malékite, hanéfite et ibadite), remarquons tout d'abord que, quant au point qui nous occupe, il y a lieu, comme pour l'organisation judiciaire, de distinguer suivant que la question se pose à l'occasion d'un procès porté devant une juridiction du Tell, devant une juridiction de la Kabylie, ou enfin devant une juridiction située en dehors de l'une ou de l'autre de ces régions. 1994. Dans le Tell, il y a lieu de faire état des dispositions du décret du 17 avr. 1889, d'après lesquelles les musulmans résidant en Algérie, non admis à la jouissance des droits de citoyens français, sont régis par leurs droits et coutumes en ce qui concerne leur statut personnel; leurs successions; ceux de leurs immeubles dont la propriété n'est pas établie conformément à la loi du 26 juill. 1873, ou par un titre français administratif, notarié ou judiciaire (art. 1).

1995. En présence de la généralité des termes de cet art. 1, on doit admettre qu'il est applicable à tous les musulmans résidant en Algérie, alors même qu'il s'agirait d'un musulman qui ne serait pas ressortissant français.

1996. On doit faire remarquer, toutefois, que « les régnicoles tunisiens et marocains se trouvent dans une situation particulière. Les premiers, placés sous le protectorat de la France, participent actuellement au régime civil des indigènes non naturalisés de l'Algérie. Les seconds doivent, par le seul fait de leur établissement sur le territoire algérien, se conformer aux lois du pays, sans distinguer entre celles qui ont trait au statut réel et celles qui gouvernent le statut personnel; c'est ce que stipule expressément l'art. 7 du traité conclu avec le Maroc, le 18 mars 1845. Appliquée à la lettre, cette disposition conduirait à considérer les immigrants marocains comme étant régis de plano par la loi française. Mais une interprétation plus large a prévalu dans la pratique. Il est admis que les algériens originaires du Maroc conservent, tout comme les indigènes musulmans, le bénéfice de leur statut personnel ». — Besson, p. 82.

1997. — D'ailleurs, si les décrets des 10 sept. 1886 et 17 avr. 1889, disposant que les musulmans non admis à la jouissance des droits de citoyens français continuent à être régis par leurs droits et coutumes, en ce qui concerne notamment leur statut personnel et leurs successions, s'appliquent spécialement, d'après leurs termes, aux musulmans résidant en Algérie, il n'en saurait résulter que le seul fait par un musulman algérien d'établir son domicile en France ait, en ce qui concerne son statut personnel et sa succession, le même effet qu'un décret de naturalisation et le soumette de plein droit à la loi française. Trib. civ. Seine, 10 août 1893, Fafa Lounès et Enaamas Lounès ben Musaoud, [J. Le Droit, 5 oct. 1893]

1998. - Les musulmans sont régis par la loi française pour toutes les matières qui ne sont pas réservées par l'art. 1 du décret de 1889, ainsi que pour la poursuite et la répression des crimes, délits et contraventions (art. 2). - Dunoyer, p. 7 et 41). - De là résulte cette conséquence que « même dans la sphère d'application du droit indigène, s'il arrive que cette loi soit muette ou prête à l'équivoque sur un point quelconque, le juge ne doit pas hésiter à laisser de côté les théories du droit musulman et à trancher par la loi française le différend dont il est saisi ». Besson, p. 143.

1999. En matière personnelle et mobilière, le juge doit tenir compte, dans l'interprétation des conventions, dans l'appréciation des faits et dans l'admission de la preuve, des coutumes et usages des parties (art. 2).

2000. — Jugé, à cet égard, qu'entre musulmans, qui n'ont point déclaré contracter sous la loì française, c'est la loi musul

mane qui est applicable, encore bien que la contestation ait été portée au premier degré devant un tribunal français; spécialement, s'agissant d'une revendication d'objets saisis, la demande peut être déclarée recevable sans que la partie saisie ait été mise en cause. Alger, 4 déc. 1865, El Khessi, [Robe, 65.151] 2001. Mais on doit se rappeler que l'application du droit musulman pour l'interprétation des contrats n'est possible qu'autant que toutes les parties sont musulmanes; sinon, c'est la loi française qui seule est applicable. - Besson, p. 152.

2002.- Au surplus, dans les affaires qui rentrent sous l'application de l'art. 1, les musulmans peuvent renoncer, par une déclaration expresse, à l'application de leurs droits et coutumes pour se soumettre à la législation française. Cette déclaration doit être insérée, soit dans la convention originaire, soit dans une convention spéciale; la renonciation résulte, en outre, à moins de déclaration contraire, de la réception de la convention originaire par un officier public français.

2003. Dans cet article, comme dans l'art. 3, Décr. 10 sept. 1886, l'expression convention comprend tous les actes de la vie civile destinés à constater la volonté des musulmans, spécialement, les testaments; en conséquence, un testament fait par une femme musulmane dans la forme notariée, avec déclaration expresse d'adoption de la loi française, implique renonciation à la loi musulmane, et entraine application de la loi française. Trib. Blidah, 13 mars 1889, Yamina bent M'hamed, [Robe, 89.178] 2004. Mais si la femme musulmane mariée dans la forme musulmane, qui contracte par acte notarié, se rend ainsi justiciable de la juridiction française, elle n'est point supposée cependant avoir renoncé à son statut personnel. Et, dès lors, pour la validité de l'acte, c'est d'après la loi musulmane que doit être appréciée sa capacité, spécialement au point de vue de l'autorisation maritale et au point de vue de l'étendue des biens dont elle peut disposer. - Trib. Blidah, 15 janv. 1889, El Hadj Bondjemah Bourid, [Robe, 89.178]

2005. — La disposition de l'art. 3 du décret de 1889 n'est pas de droit nouveau; elle pouvait même jadis s'appliquer plus fréquemment lorsque les contrats entre indigènes étaient en principe régis par le droit musulman. Il a donc pu être jugé, avant la promulgation du décret de 1889, que la comparution de parties contractantes indigènes devant un officier public français, implique de leur part adoption de la loi française pour l'interprétation et l'application de l'acte; qu'en conséquence, les dispositions de l'art. 1341, C. civ., sur l'irrecevabilité de la preuve testimoniale contre et outre le contenu aux actes, étaient applicables à un bail notarié contracté antérieurement au décret du 24 oct. 1870, entre indigènes, l'un musulman, l'autre israélite; spécialement en ce qui concernait un prétendu sursis à l'entrée en jouissance dont les parties seraient convenues entre elles postérieurement à l'acte. Alger, 3 mai 1871, Braham Atlan, [Robe, 71.102]

2006. Jugé encore que, dans un contrat passé entre indigènes sous l'empire du décret du 31 déc. 1859, l'intention, chez les parties, de placer leur convention sous les règles de la loi française, conformément au § 2 de l'art. 1 de ce décret, pouvait résulter du choix fait par elles d'un notaire français, des formes, clauses et conditions de l'acte, et surtout de la disposition portant que, pour l'exécution du contrat, elles se soumettaient à la loi française; que, dans ce cas, c'était d'après la loi française, et non d'après la loi musulmane, que se réglait l'admissibilité de la preuve, spécialement de la preuve testimoniale, offerte par le débiteur pour choisir sa libération. Alger, 8 mars 1890, Consorts Yaya Bondjemah, [Robe, 90.184; Rev. alg., 90.2.263]

2007. — ... Décidé également, sur le même point, que dans les contestations entre français et indigènes, à l'occasion de conventions passées également entre français et indigènes, les tribunaux français sont autorisés à faire application de la loi française, lorsqu'il résulte de ces conventions et des circonstances que l'intention des parties contractantes, souverainement appréciée par ces tribunaux, a été d'en soumettre l'exécution et les conséquences à cette loi. Cass., 6 mars 1867, Kodja et consorts, D. 67.1.435] V. aussi Alger, 16 juill. 1865, Mêmes parties, [Ibid.] Que, spécialement, en cas de résolution, faute de paiement du prix, de la vente consentie par un indigène à un français, d'un immeuble que ce dernier a, au cours de la contestation, revendu à un autre indigène, le sous-acquéreur, actionné en revendication par le vendeur originaire, peut lui opposer la

2008.

-...

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cité.

711

prescription décennale dans les conditions du Code civil, s'il est constaté que les parties entre lesquelles a eu lieu la vente originaire résolue ont eu l'intention de la faire régir par la loi française et non par la loi musulmane. Alger, 16 juill. 1865, pré2009. Que le mariage contracté en Algérie devant l'officier de l'état civil français entre un indigène musulman et une femme européenne étrangère, spécialement, une femme espagnole, est régi par la loi française en ce sens qu'il fait obstacle, jusqu'à sa dissolution, à tout mariage ultérieur de l'époux, et qu'il n'est pas susceptible de dissolution pour les causes spéciales à la loi musulmane. Alger, 14 mars 1883 (motifs), Hamdan ben Maref Kodja, [Robe, 83.321; Bull. jud. alg., 83.112] 2010. — ... Mais qu'il n'a point pour effet de modifier la loi successorale du mari resté musulman. Mème arrêt (motifs`. 2011.... Que, d'autre part, il n'a pas non plus pour effet de modifier la nationalité de la femme et de la rendre justiciable des tribunaux musulmans; que, par suite, le cadi est incompétent pour connaître d'un litige où elle est partic. · Même arrêt. 2012. Le décret de 1889 contient, relativement au conflit entre les différents rites du droit musulman, les dispositions suivantes d'après son article 4, en ce qui concerne le statut personnel et les successions, les musulmans sont régis par les coutumes de leur pays d'origine ou par les coutumes du rite spécial auquel ils appartiennent. Besson, p. 157. 2013.

-

En matière réelle, entre arabes, kabyles, ibadites ou musulmans étrangers, la loi ou coutume applicable est celle de la situation des biens (art. 5).

2014. En Kabylie, où le décret du 17 avr. 1889 n'est applicable que dans certaines de ses dispositions expressément indiquées (V. suprà, n. 1931), le conflit entre la loi française et le droit musulman est réglé par le décret du 29 août 1874. Aux termes de son art. 2, le droit musulman ou kabyle continue à régir les conventions civiles ou commerciales entre indigènes arabes ou kabyles, ou musulmans étrangers, ainsi que, sauf exception, les questions religieuses et d'état; les parties peuvent d'ailleurs déclarer, lors de la convention ou depuis, qu'elles entendent se soumettre à l'application de la loi française. - V. suprà, n. 1936 et 1937.

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2015. Entre indigènes arabes ou kabyles, ou musulmans étrangers, soumis à des lois différentes quant à l'objet de la convention ou de la contestation, la loi applicable est, en matière réelle, celle du lieu de la situation de l'immeuble, et, en matière personnelle et mobilière, celle du lieu où s'est formé le contrat, ou, à défaut de convention, la loi du lieu où s'est accompli le fait qui a donné naissance à l'obligation. Les parties peuvent d'aillcurs indiquer, lors du contrat, la loi à laquelle elles entendent se soumettre (art. 3).

2016. Pour les pays situés en dehors du Tell et de la Kabylie, il semble, à raison du silence du décret du 8 janv. 1870 qui y a organisé la justice musulmane, que le conflit de lois y est encore régi par les dispositions en vigueur avant le décret du 1er oct. 1854 (Arg. art. 59 du 31 déc. 1859), c'est-à-dire qu'en principe c'est la loi musulmane qui, seule, continue à être applicable entre indigènes, mais que la loi française régit les conventions et contestations entre Français et étrangers (V. Ord. 10 août 1834, art. 41; Ord. 28 févr. 1841, art. 37; Ord. 26 sept. 1842, art. 37).

CHAPITRE II.

LOIS D'ORDRE CIVIL.

SECTION I.

Lois relatives aux personnes.

§ 1. Musulmans.

2017. - Des observations précédemment fournies, il résulte que l'état et la capacité des musulmans sont réglés en principe par le droit musulman, que nous étudierons infrà, vo Algérie (Droit musulman); cependant certaines lois d'origine française sont applicables aux musulmans et rentrent dans la catégorie

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des lois que nous examinons ici ce sont les lois relatives à la nationalité, et celles concernant la tenue des actes de l'état civil. 2018. Quant à la nationalité, les indigènes musulmans restent soumis au sénatusconsulte de 1865, qui n'a pas été modifié par la loi du 26 juill. 1889. Aux termes de l'art. 1 du sénatusconsulte, l'indigène musulman est français; néanmoins, il continue à être régi par la loi musulmane. Il peut être admis à servir dans les armées de terre et de mer; il peut être appelé à des fonctions et emplois civils en Algérie; il peut, sur sa demande, être admis à jouir des droits de citoyen français; dans ce cas, il est régi par les lois civiles et politiques de la France. Besson, p. 75; Weiss, Traité théorique et pratique de droit international privé, t. 1, p. 399.

2019. Ainsi donc, aux termes mêmes de l'art. 1 du sénatusconsulte du 14 juill. 1865, les indigènes musulmans d'Algérie sont déclarés français, mais continuent à être régis par la loi musulmane, à moins qu'ils ne demandent et ne soient admis à jouir des droits de citoyen français, auquel cas ils sont régis par les lois civiles et politiques de la France. Trib. Seine, 10 août 1893, Fafa-Lounès et Enaamas-Lounès ben Musaoud, [J. Le Droit, 5 oct. 1893]

2020. Le sénatusconsulte de 1865 constituant d'ailleurs une loi française, applicable à une certaine catégorie de français, rien ne s'oppose à ce qu'il soit appliqué sur le territoire continental de la France; et par suite, lorsqu'un algérien décède en France, sa succession est régie de la même manière que s'il était décédé en Algérie, c'est-à-dire qu'elle est régie, en principe, par les dispositions du droit musulman. - Trib. Seine, 10 août 1893, précité.

2021. Il est d'abord à remarquer que l'indigène musulman est sujet français. La distinction des indigènes musulmans sujets français et des étrangers musulmans résidant en Algérie doit se faire d'après les principes établis par le Code civil, étant d'ailleurs bien entendu que leur application aux musulmans est presque impossible tant que l'état civil des indigènes ne sera pas constitué.

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L'indigène musulman algérien, passé momentanément à l'étranger pour fuir les suites de la conquête, n'est point déchu pour cela de la nationalité française; et son fils est français, quel que soit le lieu de sa naissance. Alger, 18 juin 1890, Madani ben Mansour, [Robe, 90.423]

2023.

- Le statut personnel musulman, en Algérie, ne peut d'ailleurs, en aucune manière, être acquis par un non-indigène, et notamment par un français; spécialement, il ne peut l'être au moyen d'une déclaration d'adhésion à la religion musulmane, reçue par le cadi; un tel acte, au surplus, étant essentiellement religieux, est destitué de tout effet civil; et dès lors, les tribunaux français sont incompétents pour en prononcer la nullité. Trib. Alger, 4 janv. 1879, Boursali et Emilie Danési, [Bull. jud. alg., 79.29; Robe, 80.225] Sur l'incompétence pour les cadis de procéder valablement à un mariage entre européen et indigène, V. Alger, 1er juill. 1872, de Regnicourt, [Robe, 72.203] 2024. Spécialement, une femme française ne perd point sa nationalité en épousant un indigène algérien, lequel est sujet français; elle ne perd pas non plus son statut personnel, et ne devient point, dès lors, justiciable de la juridiction musulmane; ce sont là, du moins, des questions d'état personnel réservées à la compétence de la juridiction française, et préjudicielles à toute action engagée contre elle devant la juridiction musulmane. Alger, 28 oct. 1878, Boursali et Emilie Danési, [Robe, 80.193; Bull. jud. alg., 79.24]

2025. Si l'indigène musulman est sujet français, il n'est pas citoyen français. Il lui faut, pour le devenir, une naturalisation particulière, d'ailleurs des plus simples. La seule condition imposée aux indigènes musulmans pour devenir citoyens est, en effet, d'avoir vingt et un ans et de faire une déclaration devant le maire ou le chef du bureau arabe du lieu de leur résidence; ils doivent déclarer que leur intention est d'être à l'avenir gouvernés par les lois civiles et politiques françaises. Cette demande est suivie d'une enquête et la naturalisation est accordée par décret (Décr. 21 avr. 1866). Sur ce point, l'art. 4 du sénatusconsulte de 1865 avait été modifié par le décret du 24 oct. 1870, qui avait confié le droit de statuer sur les demandes de naturalisation des indigènes au gouverneur général après avis du comité consultatif; mais ce comité a été supprimé en 1871, et on est revenu à l'application du sénatusconsulte. Il faut ajouter d'ailleurs que jusqu'ici le nombre des demandes de naturalisation des indigènes a été insignifiant.

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ben Ismaïl, [Robe, 62.46]

2027. Le sénatusconsulte n'avait pas prévu les effets de la naturalisation d'un indigène musulman sur sa femme et ses enfants. La question était assez discutée. Quant à la femme, les uns la considéraient comme naturalisée ipso jure, en même temps que son mari. C'était la pratique suivie par le Conseil d'Etat et la chancellerie. — V. Rack, Journ. de jurispr. de la cour d'Alger, année 1885, p. 273; Besson, p. 785; Dunoyer, p. 208. Les autres lui appliquaient la règle généralement suivie à l'égard des étrangers, c'est-à-dire l'effet individuel de la naturalisation. - V. Hamel, Rev. alg., année 1887, t. 1, p. 42 et année 1890, t. 1, p. 25; Weiss, p. 401.

2028. La même controverse peut encore se présenter sous l'empire de la loi du 26 juin 1889. Il nous paraît préférable d'appliquer à la femme musulmane dont le mari devient citoyen francais, la règle édictée pour la femme étrangère dont le mari se fait naturaliser elle restera musulmane, et devra demander séparément sa naturalisation.

2029. Il ne peut y avoir de question, quant aux enfants majeurs Il ne deviennent pas citoyens français. Ils peuvent sans condition de stage, d'après le sénatusconsulte 1865, demander leur propre naturalisation. La loi nouvelle donne une solution analogue pour les enfants majeurs de l'étranger qui se font naturaliser.

2030. Quant aux enfants mineurs, il semble qu'il y ait lieu d'introduire la règle nouvelle édictée pour la naturalisation des étrangers; c'est un point que le sénatusconsulte n'a pas prévu et pour lequel l'analogie doit faire appliquer la règle de l'effet collectif de la naturalisation à l'égard des enfants mineurs. Il faut donc décider que quand un indigène musulman se fait naturaliser citoyen français, ses enfants mineurs deviennent entièrement soumis aux lois civiles et politiques de la France. V. cep. Hamel, Rev. alg., année 1887, t. 1, p. 49.

2031. C'est une question discutée que celle de savoir, en cas de naturalisation d'un musulman, par quelle législation doivent être régis ses rapports avec sa femme non naturalisée, ou avec ses enfants mineurs, si on n'admet pas l'effet collectif de la naturalisation en ce qui les concerne. Il a été jugé que la loi musulmane continue à régir les rapports du mari devenu citoyen français avec sa femme. On doit, en effet, admettre qu'il ne peut dépendre d'un seul des époux de modifier, par suite d'un fait volontaire, le mariage contracté avec l'autre époux, et la situation faite à ce dernier par la loi qu'il a eu en vue en se mariant. Alger, 5 juin 1883, Fifi ben Turquia, [Rev. alg., 85.310; Robe, 83.317] V. aussi la note de M. Jacquez dans la Revue algerienne, loc. cit. Contrà, Alger, 12 nov. 1879, Mustapha ben Ahmed El Aqgouali, [Bull. jud. alg., 80.77] V. aussi Rack, loc. cit.; Hamel, Rev. alg., année 1890, t. 1, 25. La Cour de cassation, saisie d'un pourvoi formé d'ordre du garde des sceaux contre l'arrêt de la cour d'Alger du 5 juin 1883, l'a cassé en se prononçant seulement sur la compétence des tribunaux français.

Cass., 15 juin 1885, Fifi ben Turquia, [S. 87.1.259, P. 87. 1.264, D. 86.1.214]

2032. L'acquisition, par l'indigène musulman, de la qualité de citoyen français fait que les magistrats indigènes perdent toute compétence à son égard. Aussi a-t-on pu considérer comme nul le mariage contracté devant le cadi entre un musulman naturalisé français et une musulmane non naturalisée; sauf à valoir comme mariage putatif, et à produire, à ce titre, ses effets civils à l'égard de la femme et de l'enfant né de cette union, lorsque la femme, ignorant la qualité de son conjoint, a été de bonne foi. Alger, 26 mai 1879, Ahmed ben Youssef, [D. 80.2.161] Trib. Alger, 31 juill. 1886, Zohra ben Ahmed, [Rev. alg., 90.2.118; Robe, 86.412 2033. Chez les arabes, les principaux actes de la vie civile se passent en public; aussi, la législation musulmane ne connaît-elle pas l'institution des registres de l'état civil (V. suprà, vo Acte de l'état civil, n. 1213 et s.); mais l'intérêt des européens, appelés à traiter avec les indigènes commandait la création de tels registres; toutefois, le législateur français n'a agi en ces matières qu'avec la plus grande prudence, et ce n'est qu'en 1882, et par une loi du 23 mars qu'a été réellement organisé le registre des actes de l'état civil pour les musulmans.

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2034. Différentes tentatives avaient d'ailleurs été précé

demment faites c'est ainsi qu'un décret du 8 août 1854 (art. 10), spécial au territoire civil, déclara que les actes de l'état civil concernant les naissances et décès des arabes habitant en dehors des villes et villages seraient reçus par les cheiks, transmis au maire et transcrits en langue française sur le registre de l'état civil de la commune. Sur la sanction de cette disposition, V. un autre décret du 8 août 1854 qui crée des bureaux arabes départementaux.

2035. Par un décret du 18 août 1868, les adjoints indigènes furent chargés de veiller à ce que les déclarations de naissance et de décès fussent faites exactement par leurs coreligionnaires à l'officier de l'état civil (art. 8).

2036. « Cette réglementation, qu'un arrêté du gouverneur général du 20 mai 1888, étendit aux parties du territoire militaire délimitées en vertu du sénatusconsulte de 1863, ne s'appliquait qu'aux naissances et aux décès; elle laissait de côté les mariages et les divorces. N'étant fortifiée par aucune sanction, elle n'aboutit qu'à un résultat des plus médiocres, surtout dans les territoires de tribus. D'ailleurs, alors même qu'une plus grande ponctualité dans l'exécution du décret eût été obtenue des indigènes, il aurait été impossible, en l'absence de noms patronymiques, d'organiser dans des conditions satisfaisantes l'état civil des musulmans >>. Besson, p. 123.

2037. L'absence de noms patronymiques chez les arabes s'opposa longtemps, en effet, à la création de relations juridiques avec eux; cette situation était particulièrement fâcheuse relativement à l'aliénation des biens immobiliers, alors que, par la loi du 26 juill. 1873, on tentait de soumettre à la loi française le plus d'immeubles possible, et qu'à cet effet on leur créait comme une sorte d'état civil; aussi l'art. 17 de cette même loi disposat-il que tout titre de propriété, délivré en vertu de cette loi, contiendrait l'adjonction d'un nom de famille aux prénoms ou surnoms sous lesquels était antérieurement connu chaque indigène déclaré propriétaire qui n'aurait point de nom fixe. Le nom choisi par l'indigène, où, à son défaut, par le service des domaines, devait être, autant que possible, celui de la parcelle de terre à lui attribuée.

2038. — « Ce n'était là qu'un palliatif tout à fait inefficace. L'attribution d'un nom patronymique n'étant obligatoire qu'à propos de la création du titre de propriété, il s'ensuivait que, dans le cas de transmission ultérieure de ce titre au profit d'un indigène dépourvu d'un nom de famille, on voyait renaître tous les inconvénients que la loi de 1873 avait voulu prévenir. D'un autre côté, la loi laissait en dehors de son action les territoires où la propriété individuelle avait été constituée par voie de cantonnement ou en vertu de l'ordonnance du 21 juill. 1846; or, les titres de propriété relatifs à ces territoires ne portaient la mention d'aucun nom de famille. Enfin, par une conséquence assez inattendue de la loi de 1873, il arrivait qu'un même indigène, possédant des immeubles distincts les uns des autres et soumis à différentes commissions d'enquête, se voyait attribuer deux ou trois états civils ». Besson, p. 124; Bourdeau, p. 116. 2039.

C'est ainsi qu'en 1880, le gouvernement fut amené à déposer un projet qui est devenu la loi du 23 mars 1882; le titre 1 de cette loi concerne la constitution de l'état civil des indigènes musulmans actuellement existants; le titre 2 statue pour l'avenir et règle la tenue des actes de l'état civil; enfin, la loi se termine par des dispositions générales concernant la répression des crimes, délits ou contraventions en matière d'état civil, et les conditions dans lesquelles la loi est rendue applicable aux divers territoires algériens.

2040.

La loi de 1882, immédiatement applicable à toute la région du Tell, est rendue exécutoire dans les autres parties de l'Algérie par des arrêtés du gouverneur général (art. 22). Dans les lieux où elle s'applique, voici comment on procède à la constitution de l'état civil des indigènes musulmans dans chaque commune ou section de commune, il est fait, par les officiers de l'état civil, ou, à leur défaut, par un commissaire délégué à cet effet, un recensement de la population indigène musulmane (art. 2).

2041. Chaque indigène qui n'a ni ascendant mâle dans la ligne paternelle, ni oncle paternel, ni frère aîné, doit choisir un nom patronymique; dans le cas où il possède l'un de ces parents, le choix appartient par préférence, d'abord, à l'ascendant mâle, puis à l'oncle paternel, enfin au frère aîné; si celui qui doit faire le choix est absent de l'Algérie, son droit passe au

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Dans le cas où la famille qui doit être comprise sous le même nom patronymique ne se compose que de femmes, le droit de choisir le nom patronymique appartient à l'ascendante, et, à défaut d'ascendante, à l'aînée des sœurs (art. 4).

2043. — En cas de refus ou d'abstention de la part des intéressés, la collation du nom patronymique est faite par le commissaire à la constitution de l'état civil (art. 5).

2044. Dans le cas où un indigène a reçu un nom par application de la loi du 26 juill. 1873, ce nom ne doit être attribué à la famille que s'il est choisi par celui auquel ce droit appartient; si celui-ci porte son choix sur un autre nom, l'indigène propriétaire doit joindre ce nom à celui qu'il porte déjà (art. 8). 2045. - Tout indigène musulman qui n'est pas en possession d'un nom patronymique et qui établit son domicile dans une circonscription déjà soumise à la constitution de l'état civil, doit, dans un délai d'un mois, faire sa déclaration au maire ou à l'administrateur qui en tient lieu. A défaut de déclaration, il est procédé d'office, par le maire ou l'administrateur, au choix d'un nom patronymique (art. 15).

2046. Lorsque toutes ces opérations sont terminées, le nom patronymique est ajouté, sur le registre-matrice du recensement, au nom actuel des indigènes; une carte d'identité, ayant un numéro de référence à ce registre et indiquant le nom et les prénoms qui y sont portés, est délivrée sans frais à chaque indigène (art. 6).

2047. Lorsque le travail de constitution de l'état civil est terminé dans une circonscription, avis en est donné dans le Mobacher et par affiches placardées dans la commune. Les intéressés peuvent, pendant un mois, se pourvoir, en cas d'erreur ou d'omission, contre les conclusions du commissaire; après l'expiration d'un nouveau délai d'un mois, pendant lequel le commissaire statue sur les omissions et sur les erreurs signalées, le travail du commissaire est provisoirement arrêté par lui, transmis au gouverneur général qui, le conseil de gouvernement entendu, prononce sur les conclusions du commissaire (art. 11 et s.).

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2048. A partir de l'arrêté d'homologation, l'usage du nom patronymique devient obligatoire pour les indigènes compris dans l'opération. Dès ce moment, il est interdit aux officiers de l'état civil, aux officiers publics et ministériels, sous peine d'une amende de 50 à 200 fr., de désigner les indigènes, dans les actes qu'ils sont appelés à recevoir ou à dresser, par d'autres dénominations que celles portées dans leurs cartes d'identité (art. 14). 2049. Du jour où l'usage du nom patronymique est devenu obligatoire, les déclarations de naissance, de décès, de mariage et de divorce deviennent obligatoires pour les indigènes musulmans; pour les déclarations de naissance et de décès, ils sont établis dans les formes prescrites par la loi française (V. suprà, vo Acte de l'état civil); les actes de mariage et de divorce sont établis sur une simple déclaration, faite dans les trois jours, au maire de la commune ou à l'administrateur qui en remplit les fonctions, par le mari et par la femme ou par le mari et par le représentant de la femme (art. 16 et s.).

2050. Les crimes, délits et contraventions en matière d'état civil sont punis conformément à la loi française; comme d'après la loi française, aucune pénalité ne frappe le défaut de déclaration des mariages et des divorces, ce qui se comprend aisément puisque ces actes n'ont de valeur juridique que grâce à l'intervention d'un officier public français; il en résulte qu'en Algérie, aucune sanction n'atteint le défaut de déclaration des mariages et des divorces. Besson, p. 128.

2051. Cette loi, dit M. Besson, n'a eu, jusqu'en 1890, qu'une sphère d'action assez restreinte. Il lui a fallu près de huit ans pour franchir la période des tâtonnements et des essais. A un moment donné, on a même dû se demander si nous n'éprouverions pas encore, de ce chef, un nouveau mécompte. Heureusement, les opérations ont pris, à partir de 1890, une allure nouvelle. A la fin de 1892, le nombre des indigènes inscrits aux registres-matrices s'élevait à deux millions environ (1), et tout fait espérer que ce travail considérable touchera bientôt à sa fin. V. Besson, p. 127. - En 1894, le crédit alloué pour la constitution de l'état civil des indigènes, en Algérie, était de 150,000 fr. (chap. 6 du ministère de la Justice).

(1) Exactement 1,981,286 (Rapport du budget de 1893, p. 142).

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§ 2. Israelites.

2052. I. Notions historiques. Lors de l'occupation de l'Algérie, le pays conquis était habité par deux catégories d'indigènes, appartenant à deux religions différentes: l'islamisme et le judaïsme. La situation faite aux israélites était tout à fait inférieure, pleine de restrictions rigoureuses, de mesures exceptionnelles. La capitulation du 5 juill. 1830, garantissant que la liberté des habitants de toutes classes, leur religion, leur propriété, leur commerce et leur industrie ne recevraient aucune atteinte, eut pour effet de placer les musulmans et les israélites sur le niveau d'une égale protection. Les uns et les autres devinrent sujets français, soumis à leurs lois personnelles, ayant leurs juridictions propres (V. infrà, v° Caution judicatum solvi, n. 21). Des arrêtés des 22 oct. 1830, 16 août 1832, 8 oct. 1832, établirent des tribunaux rabbiniques et réglèrent leur compétence. V. Frégier, Juif algérien. 2053. A ce dernier point de vue, la situation des israélites ne tarda pas à être modifiée. Une ordonnance du 10 août 1834,

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2061. On aboutissait parfois cependant, en appliquant la loi mosaïque, à la mème solution que si on avait fait application des lois françaises. Ainsi, sous le régime de la loi mosaïque, maintenu en vigueur pour les israélites algériens par la capitulation de 1830 et par les ordonnances postérieures, l'obligation alimentaire envers les ascendants se règle, ainsi qu'en droit français, non d'après l'émolument à recueillir par les oblipremier pas dans la voie de l'assimilation, substitua les juridic-gés dans la succession du créancier, mais d'après leur fortune. tions françaises aux tribunaux rabbiniques, sauf en ce qui concerne la validité ou la nullité des mariages et répudiations selon la loi mosaïque et les répressions des infractions à cette loi. Allant plus loin, des ordonnances des 28 févr. 1841 et 26 sept. 1842 enlevèrent aux rabbins toute juridiction civile et criminelle, ne leur laissant que la mission de donner leur avis sur les questions d'état relevant de la loi mosaïque.

2054. — Il n'en était pas moins certain, même en l'absence d'une disposition formelle de la loi, que les israélites devaient être considérés comme sujets français, quoique non citoyens. La jurisprudence eut plusieurs fois l'occasion d'établir nettement cette solution.

2055.- Décidé alors, et avant la promulgation du sénatusconsulte du 14 juill. 1865, que les israélites algériens, quoique devenus sujets français par la conquête de l'Algérie, restent régis, pour leur état, leur capacité et les actes faits entre eux, par leurs anciennes lois et coutumes, tant qu'ils n'ont pas opté pour la loi française; il n'importe, à cet égard, que la constitution de 1848 ait, par son art. 109, déclaré français le territoire de l'Algérie, puisqu'il résulte des termes du même article que, jusqu'à la promulgation de la loi spéciale qui doit placer l'Algérie sous le régime de la constitution métropolitaine, cette contrée conserve la législation qui lui est propre. - Cass., 29 mai 1865, Lévy, [S. 65.1.378, P. 65.977, D. 65.1.482] 2056. Le sénatusconsulte du 14 juill. 1865 donne expressément aux israélites comme aux musulmans la qualité de français. L'art. 2 de ce sénatusconsulte dispose, en effet : « L'indigène israélite est français; néanmoins, il continue à être régi par son statut personnel. Sur le statut personnel des israélites algériens, V. Le Marchant, Journ. de la jurispr. de la cour d'Alger, année 1869, p. 259] Il peut être admis à servir dans les armées de terre et de mer. Il peut être appelé à des fonctions et emplois civils en Algérie. Il peut, sur sa demande, être admis à jouir des droits de citoyen français; dans ce cas, il est régi par la loi française. >>

2057. Les israélites algériens sont donc restés sous l'empire exclusif de la loi mosaïque jusqu'au jour où le sénatusconsulte du 14 juill. 1865 ne leur a plus laissé que leur statut personnel; par suite, un israélite algérien n'a pu être recevable à attaquer, pour cause de donation déguisée et comme portant atteinte à ses droits héréditaires, l'acte de cession consenti par son père sous le régime antérieur au sénatusconsulte dont il s'agit, quel que fut le caractère de cet acte, et quelques avantages que le cessionnaire en eût pu retirer. Cass., 12 nov. 1878, Seror, [S. 79.1.107, P. 79.258] - V. aussi Alger, 19 juin 1876, Tabet, [Robe, 76.156]

2058. De même, ce fut, et cela d'après l'art. 37, Ord. 26 sept. 1842, la législation du pays qui régit les sociétés commerciales entre israélites indigènes; en conséquence, aucune loi locale n'astreignant les israélites à les constater par écrit, et ce mode de constatation n'étant d'ailleurs pas en usage, l'inobservation des dispositions de l'art. 39, C. comm., ne put faire obstacle à l'existence d'une société de cette nature. Alger, 20 déc. 1855, Rachel Guez, [Robe, 63.169] V. aussi Trib. Alger, 18 juin 1863, Fitoussi, [Robe, 64.56]

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2059. Le § 2, art. 27, Ord. 26 sept. 1842, s'appliquant, d'ailleurs, aux israélites comme aux musulmans, il en résulta que,

Alger, 27 mai 1862, Djian, [Robe, 62.181; Ménerville, Dict., 3.119, note 1-5°]

2062. Toutefois, on dérogeait parfois aux dispositions des lois mosaïques lorsque leur application aurait pu froisser des intérêts légitimes. Ainsi, on a pu juger qu'un acte d'engagement d'immeuble, passé entre israélites, sans authenticité ni publicité, conformément à la coutume dite de Soria, et qui aurait pour effet de faire considérer l'immeuble comme engagé pour une période de plus de mille ans, constitue l'équivalent d'une stipulation d'inaliénabilité absolue, contraire au droit français, et n'est pas applicable à des créanciers européens, lesquels conservent le droit de provoquer la vente de l'immeuble, spécialement par voie de licitation. Alger, 24 janv. 1860, Karsenti, [Robe, 60.65] 2063. De même, comme les lois pénales françaises ont été rendues applicables à tous les habitants de l'Algérie, une condamnation aux travaux forcés à perpétuité encourue, antérieurement à la loi du 31 mai 1854, par une femme israélite indigène, a eu pour effet, conformément à l'art. 25, C. civ., de dissoudre son mariage et d'ouvrir sa succession, sur laquelle son mari a pu prétendre droit. Alger, 24 mars 1884, Consorts Attal, Robe, 84.152; Bull. jud. alg., 84.117]

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2064. Mais celui-ci s'est trouvé sans droit sur la succession nouvelle que cette femme a pu laisser ensuite, après avoir obtenu sa grâce, à son décès, et qui s'est ouverte sous le régime de la loi française. Même arrêt.

2065. — Le sénatusconsulte de 1865 donnait aux israélites comme aux musulmans d'extrêmes facilités pour acquérir la qualité de citoyen français. Cependant, de 1865 à 1870, les israélites seuls en profitèrent. A la fin de l'Empire, la question de l'assimilation des israélites indigènes fut mise à l'étude par le gouvernement à la suite d'un pétitionnement organisé en Algérie. Une enquête eut lieu; mais il semble que le résultat en ait été peu favorable et que, après avis des autorités locales, le gouvernement ait alors décidé l'ajournement de la question. V. sur

ce point, Frégier, Juifs algériens; Exposé des motifs du projet d'abrogation du décret de 1870: Journ. off., 1871, p. 2671; rapport de M. de Fourtou sur ce projet d'abrogation : Journ. off., 1871, annexe n. 530; de la Sicotière, Rapport au nom de la commission d'enquête sur les actes du gouvernement de la Défense nationale en Algérie, Versailles, 1875; Albert Tissier, Rev. alg., année 1891, t. 1, p. 65.

2066.

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Cependant, sans enquête nouvelle, le gouvernement de la Défense nationale (délégation de Tours) signa, le 24 oct. 1870, sur l'initiative de M. Crémieux, l'un de ses membres, le décret assimilant les israélites algériens aux citoyens français : « Les israélites indigènes des départements de l'Algérie sont déclarés citoyens français; en conséquence, leur statut réel et leur statut personnel seront, à compter de la promulgation du présent décret, réglés par la loi française, tous droits acquis jusqu'à ce jour restant inviolables. Toutes dispositions législatives, tous sénatusconsultes, décrets, règlements ou ordonnances contraires, sont abolis. >>

2067. — Ce décret d'assimilation fit l'objet de critiques nombreuses dont nous n'avons pas à nous occuper ici. Contentonsnous de rappeler que la commission nommée par l'Assemblée nationale fit un rapport concluant que « c'est au gouvernement de la Défense nationale que revient la responsabilité directe du

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